Unions entre ouvriers chinois et femmes françaises
Pau,le 10 octobre 1919
Le Préfet des
Basses-Pyrénées,à Messieurs les Maires du département.
J'ai l'honneur
d'appeler d'une manière spéciale,votre attention sur la circulaire de M.le
Ministre de l'Intérieur,en date du 2 octobre courant,relative aux unions entre
ouvriers chinois et femmes françaises,et sur les conséquences regrettables
réservées à nos compatriotes du fait de tels mariages.
Je vous prie
d'assurer ,en ce qui vous concerne,la stricte exécution des instructions de
M.le Ministre.
Le Préfet,
M.Maupoil.
Paris,le 2 octobre
1919
Le Ministre de
l'Intérieur,à Messieurs les Préfets.
M.le Ministre de
France en Chine a signalé à M.le Ministre des Affaires étrangères,qui m'en fait
part,que les unions entre ouvriers chinois et femmes françaises étant de plus
en plus fréquentes,il devient nécessaire d'appeler l'attention de nos
compatriotes sur les conséquences de tels mariages.
La situation des
Françaises épouses d'ouvriers chinois serait acceptable tant que leurs
maris,résidant en France,y travailleraient moyennant un salaire égal à celui
des ouvriers français.Mais les travailleurs chinois,seront pour la presque
totalité,rapatriés en fin de contrat.
Dès lors,la
position de leurs femmes étrangères deviendrait très précaire.Au point de vue
matériel d'abord,à l'exception des ouvriers spécialistes qui s'assureront une
existence relativement aisée,les simples manœuvres retomberont,à leur retour
dans le pays natal,à des salaires de quelques dollars par mois.C'est avec ce
maigre revenu qu'ils devront assurer la subsistance de leurs femmes,qui seront
condamnées,par la force des choses,à végéter dans une misère et au milieu de
privations inimaginables,dans un pays dont elles ne connaitront ni la langue,ni
les mœurs.
La situation des
femmes françaises dans leur nouvelle famille sera des plus délicates.Les
Chinois se marient très jeunes et il n'est pas téméraire d'affirmer que bon
nombre des ouvriers envoyés en France se trouvaient déjà mariées légitimement
avant leur départ de Chine.Pour ceux qui sont dans ce cas,la nouvelle union
contractée à l'étranger ne saurait porter atteinte aux droits de la femme légitime
chinoise;elle ne sera ,aux yeux de la loi et de la société,qu'une sorte de
concubinat.L'épouse française,rentrant en Chine dans la famille de son mari,s'y
trouverait séquestrée,ravalée à la position subalterne de deuxième femme,en
butte à l'autorité despotique de la femme légitime,sans parler de la tyrannie
séculaire dans la famille chinoise,la livrerait sans défense.
Dans ces
conditions,j'estime que,non seulement les autorités françaises doivent
déconseiller les mariages entre Françaises et Chinois,mais qu'il faut en rendre
la célébration à peu près impossible,en exigeant l'accomplissement strict des
formalités précisées par le Code civil.En outre,le Ministre de l'Intérieur
chinois ayant décidé que tout Chinois désireux de contracter mariage avec une
femme européenne devrait demander au préalable à ses père et mère ou au chef de
famille un certificat attestant qu'il n'a pas de femme légitime,il convient que
ce certificat soit réclamé comme une des justifications nécessaires de la
capacité matrimoniale du Chinois.
Vous voudrez bien
appeler tout particulièrement l'attention des officiers de l'état civil de
votre département sur les observations qui précèdent et les inviter à se
conformer très strictement aux prescriptions indiquées dans le dernier paragraphe
de la présente circulaire.
Le Ministre de
l'Intérieur,
J.PAMS
Source:
Archives départementales des Pyrénées-Atlantiques
Pole de Bayonne
39 Avenue Duvergier de Hauranne, 64100 Bayonne
Bibliothèque,(pas de prêt )
Cote :BIB BAB 1 art.1920
Cote :BIB BAB 1 art.1920
Actes administratifs de la préfecture des Pyrénées-Atlantiques
Pages 161 et 162