28 avril 2017

Unions entre ouvriers chinois et femmes françaises

Unions entre ouvriers chinois et femmes françaises

 Pau,le 10 octobre 1919


Le Préfet des Basses-Pyrénées,à Messieurs les Maires du département.

J'ai l'honneur d'appeler d'une manière spéciale,votre attention sur la circulaire de M.le Ministre de l'Intérieur,en date du 2 octobre courant,relative aux unions entre ouvriers chinois et femmes françaises,et sur les conséquences regrettables réservées à nos compatriotes du fait de tels mariages.
Je vous prie d'assurer ,en ce qui vous concerne,la stricte exécution des instructions de M.le Ministre.
Le Préfet,
M.Maupoil.

Paris,le 2 octobre 1919

Le Ministre de l'Intérieur,à Messieurs les Préfets.

M.le Ministre de France en Chine a signalé à M.le Ministre des Affaires étrangères,qui m'en fait part,que les unions entre ouvriers chinois et femmes françaises étant de plus en plus fréquentes,il devient nécessaire d'appeler l'attention de nos compatriotes sur les conséquences de tels mariages.
La situation des Françaises épouses d'ouvriers chinois serait acceptable tant que leurs maris,résidant en France,y travailleraient moyennant un salaire égal à celui des ouvriers français.Mais les travailleurs chinois,seront pour la presque totalité,rapatriés en fin de contrat.
Dès lors,la position de leurs femmes étrangères deviendrait très précaire.Au point de vue matériel d'abord,à l'exception des ouvriers spécialistes qui s'assureront une existence relativement aisée,les simples manœuvres retomberont,à leur retour dans le pays natal,à des salaires de quelques dollars par mois.C'est avec ce maigre revenu qu'ils devront assurer la subsistance de leurs femmes,qui seront condamnées,par la force des choses,à végéter dans une misère et au milieu de privations inimaginables,dans un pays dont elles ne connaitront ni la langue,ni les mœurs.
La situation des femmes françaises dans leur nouvelle famille sera des plus délicates.Les Chinois se marient très jeunes et il n'est pas téméraire d'affirmer que bon nombre des ouvriers envoyés en France se trouvaient déjà mariées légitimement avant leur départ de Chine.Pour ceux qui sont dans ce cas,la nouvelle union contractée à l'étranger ne saurait porter atteinte aux droits de la femme légitime chinoise;elle ne sera ,aux yeux de la loi et de la société,qu'une sorte de concubinat.L'épouse française,rentrant en Chine dans la famille de son mari,s'y trouverait séquestrée,ravalée à la position subalterne de deuxième femme,en butte à l'autorité despotique de la femme légitime,sans parler de la tyrannie séculaire dans la famille chinoise,la livrerait sans défense.
Dans ces conditions,j'estime que,non seulement les autorités françaises doivent déconseiller les mariages entre Françaises et Chinois,mais qu'il faut en rendre la célébration à peu près impossible,en exigeant l'accomplissement strict des formalités précisées par le Code civil.En outre,le Ministre de l'Intérieur chinois ayant décidé que tout Chinois désireux de contracter mariage avec une femme européenne devrait demander au préalable à ses père et mère ou au chef de famille un certificat attestant qu'il n'a pas de femme légitime,il convient que ce certificat soit réclamé comme une des justifications nécessaires de la capacité matrimoniale du Chinois.
Vous voudrez bien appeler tout particulièrement l'attention des officiers de l'état civil de votre département sur les observations qui précèdent et les inviter à se conformer très strictement aux prescriptions indiquées dans le dernier paragraphe de la présente circulaire.
Le Ministre de l'Intérieur,
J.PAMS

Source:
Archives départementales des Pyrénées-Atlantiques
Pole de Bayonne
39 Avenue Duvergier de Hauranne, 64100 Bayonne

Bibliothèque,(pas de prêt )
Cote :BIB BAB 1 art.1920
Actes administratifs de la préfecture des Pyrénées-Atlantiques
Pages 161 et 162