21 avril 2020

Épuration à Bayonne:la plainte du comité local France-U.R.S.S.contre le Vice-président du tribunal

Épuration à Bayonne:la plainte du comité local

France-U.R.S.S.contre le Vice-président du tribunal



Dans un long texte dactylographié portant la date du 11 décembre 1944,adressé aux membres du Comité Départemental de Libération,la section France-U.R.S.S de Bayonne,met en cause M.Darmaillacq Vice-président du Tribunal.Fernand Elosu et Etienne Cazaux,ont été condamnés en application du décret-loi du 26 septembre 1939"portant dissolution des organisations communistes". Ce décret fait suite à l'approbation par le parti communiste du pacte germano-soviétique signé le 23 aout 1939.
Elosu est anarchiste,Cazaux communiste.



Comité FRANCE-U.R.S.S. Bayonne 

Bayonne,le 11 décembre 1944,

A Messieurs les Membres du Comité Départemental de la Libération

Messieurs,

     Le Comité FRANCE-U.R.S.S.de Bayonne qui a succédé à l'Association des AMIS de l' UNION SOVIÉTIQUE vient déposer entre vos mains une plainte contre M.DARMAILLACQ,Vice-Président du Tribunal Correctionnel de BAYONNE,que nous accusons publiquement  de forfaiture,pour avoir le 8 février 1940,injustement condamné à une peine d'emprisonnement : ELOSU Fernand,Docteur en Médecine et CAZAUX  Étienne,Artisan,tous deux poursuivis en qualité de Président et Secrétaire  de notre Association A.U.S.
     En une copie que nous joignons à la présente requête,nous soumettons à votre impartialité les attendus de ce jugement.
     Depuis cette date,quatre sombres et longues années se sont écoulées.Le Docteur ELOSU et CAZAUX sont morts des suites d'une incarcération  que l'on savait devoir leur être sinon fatale,du moins ,très dangereuses,en raison même de leur état de santé.
     Nos cœurs ont conservé pieusement le souvenir de ces deux victimes du mensonge et de la haine.Pour eux,nous étions résolus à demander tôt ou tard,réparation.
     Maintenant que nous sommes libérés de la contrainte,maintenant que nos baillons sont arrachés,nous venons vers ceux qui ont l'ingrate mais noble mission de redresser les fautes passées;vers vous,Messieurs,dont les décisions doivent être le reflet des grandes et légitimes aspirations populaires,nous venons vous demander JUSTICE au nom de nos chers disparus et de notre Comité FRANCE-U.R.S.S. de BAYONNE.
     Avant d'aborder le fond même de cette affaire,nous croyons nécessaire de rappeler quelle était l'activité et la raison d’être de notre Association.
     L'Association des AMIS de l' UNION SOVIÉTIQUE de BAYONNE constitué en 1935,avait son siège dans un local situé 30,rue Bourgneuf.Son but était:
1° de créer un courant d'amitié Franco-Soviétique en vue d'une alliance favorable à la PAIX.
2°de faire connaitre la structure politique ainsi que les réalisations de l' U.R.S.S  dans tous les domaines :économique,scientifique,culturel.En bref,étudier l'évolution d'un pays immense aux possibilités inouïes.
     Pour ce faire,les A.U.S. mettaient à la disposition de leurs adhérents,des livres de littérature et de documentation sur l' U.R.S.S.Ils organisaient des conférences éducatives ainsi que des séances cinématographiques avec projections de films de réalisation soviétique.
     D'autre part,le Centre des A.U.S. à Paris,avait ouvert pour toute la FRANCE un service touristique à prix réduits,(...)permettait aux membres A.U.S. d'effectuer un voyage de plusieurs semaines en U.R.S.S.
     Cette très intéressante initiative remportait un grand succès et nombreux étaient nos groupements régionaux qui(...) l'appui de collectes,pouvaient faire participer à ces voyages l'un des leurs,toujours le plus méritant.


     A son retour, celui-ci était tenu de faire en réunion plénière ou public, un exposé de la documentation et des impressions personnelles qu'il rapportait. Ceci permettait à chacun de discuter très objectivement, de certains problèmes.
     En 1938, le groupe des AMIS de l' UNION SOVIÉTIQUE de BAYONNE, envoya ainsi son premier délégué.CAZAUX, son secrétaire, fut désigné et participa à un voyage à MOSCOU..
     Voilà quel était le modeste travail culturel auquel se livrait sans publicité tapageuse, mais avec sérieux et opiniâtreté,notre association Bayonnaise.
     Nous sommes bien loin des agissements ténébreux et de la propagande pernicieuse qui nous sont reprochés comme crimes par M. DARMAILLACQ. Nous en reparlerons d'ailleurs lorsque nous discuterons les attendus de son jugement.
     Cependant, il est juste d'ajouter que notre activité ne se bornait pas exclusivement au travail précité. Nous cultivons également le plaisant en d'agréables et raisonnables loisirs.
     Notre permanence n'avait rien d'un antre  propice aux conspirations. Ouverte à tous, elle accueillait le soir venu, ceux qui désiraient se délasser un instant d'une journée de labeur. Un bar et des jeux étaient à leur disposition. Des soirées récréatives,musicales et artistiques,y furent organisées par nos jeunes. Elles se terminaient généralement par une sauterie toujours très animée.
     Les soirées familiales du Samedi étaient réservées aux paisibles amateurs du loto.Comme l'on pouvait y décrocher la traditionnelle bourriche de victuailles, l'affluence était grande et l'atmosphère remplie de la plus franche gaieté.
     Nombreuses furent nos sorties champêtres qui amenaient en cars vers les sites environnants, une foule joyeuse.Une petite chorale mixte s'appliquait à traduire la beauté puissante des champs soviétiques et lors des répétitions, alors que notre permanence s'emplissait des malades accents du Chant des Partisans, nombreux étaient les passants qui, de la rue, nous prêtaient une oreille attentive sinon sympathique.
     N'en déplaise à M.DARMAILLACQ, aucune de ces manifestations, pourtant faites au grand jour, ne suscitèrent jamais la moindre réprobation, ni le moindre incident de la part de la population Bayonnaise.
     Nous voudrions, Messieurs, que ce préambule empreint surtout de la plus grande sincérité, soit suffisamment expressif pour vous imprégner de l'ambiance qui régnait dans notre Association des AMIS de l' UNION SOVIÉTIQUE.
     Avant de clore cette mise au point, permettez que nous profitions de l'occasion  qui s'offre à nous pour protester avec force, une fois de plus, contre cette propagande calomnieuse qui  prétend que les A.U.S. n'étaient et ne sont encore sans doute, que des agents plus ou moins camouflés de cette 3e Internationale Communiste dont on a tenté  de faire un épouvantail.
     Cet argument n'est pas nouveau pour nous. Il rappelle un pénible et proche passé durant lequel les officines nazies  et autres collaborateurs stipendiés par Vichy insultaient l' U.R.S.S.tous les jours. Cette misérable croisade antibolchevique n'avait qu'un but: dresser les Français contre la Russie soviétique pour mieux leur faire accepter ensuite l'idéologie du National-Socialisme Allemand.
     Nous affirmons que jamais les A.U.S n'ont subi de tutelle d'un parti politique ou secte quelconque.
     Jamais les A.U.S  n'ont appliqué de directives autres que celles décidées par les délégués de tous les groupements et Fédérations réunis en Congrès National.



     Toutes les bonnes volontés sans distinction d'opinions politiques, philosophiques ou religieuses, désireuses de participer à la réalisation d'un plan de travail nettement déterminé, avaient place au sein de nos groupements
     La stricte observance de cet extrait de nos Statuts nous avait valu l'adhésion de très nombreuses personnalités venues de tous les horizons politiques. Mais le plus remarquable et que nos détracteurs feignaient d'ignorer, résidait dans la variété des nuances qui composaient nos Associations.
     Selon des statistiques sérieusement établies par chacune d'elles et centralisées à PARIS, 60 % environ des adhérents A.U.S. n'appartenaient à aucun parti. Ils se qualifiaient eux-mêmes, tout comme en Russie ,de sans- parti.
     Les A.U.S.de BAYONNE  n'échappaient pas à cette constatation. En 1938, pour le Congrès National de LYON, nous comptions 500 membres cotisants, ce qui nous avait valu d'ailleurs un classement plus qu'honorable sur le Plan National A.U.S.S. Or, près de 400 de nos adhérents étaient des sans- parti et nous devons reconnaître qu'ils n'étaient pas les moins actifs.
     Comme il se devait, la Commission Administrative de notre Groupement, seule responsable de sa gestion devant une Assemblée Générale, était composée de : 2 socialistes, 4 communistes et 8 sans-parti. Le Docteur ELOSU, notre Président, était également un sans-parti.
     Voilà, Messieurs, très franchement exprimé, l'essentiel de notre activité qui, après la déclaration de guerre de 1939, devint pratiquement nulle.
     Du fait de la mobilisation, les départs de nos adhérents furent nombreux. La répression qui commençait fit le reste et autour de nous, le vide s'agrandit tous les jours un peu plus.
     Nos ressources déjà bien modestes s’amenuisèrent . Ceci amena les quelques membres qui gardaient encore le contact à s'inquiéter d'une situation qui paraissait devoir se compliquer dans les jours à venir.
     Différentes propositions ayant été faites, il fut décidé de discuter en réunion de bureau et de convoquer exceptionnellement le Docteur ELOSU qui, en raison de son état de santé, s'abstenait depuis 1937, d'y assister.
     À cette réunion qui se tint dans la soirée du 3 novembre 1939, à la permanence, la fermeture de celle-ci ainsi qu'une demande en réduction de loyer y furent envisagées. Notre Président qui était seul responsable de la location, fut chargé d'effectuer cette démarche auprès du propriétaire.
     C'est ce même soir que se situe un incident, banal en apparence, qui, de toute évidence, fut le point de départ des poursuites qui nous furent intentées.
     Alors que les membres du bureau discutaient autour d'une table, des questions précitées, l'on frappa à la porte et, sur notre invitation, entra M.MOURET, Clerc d'huissier, qui comme il le faisait tous les mois se présenta au nom du propriétaire pour encaisser le montant du loyer. Dès son apparition et en raison de son attitude toujours froide et compassée, augmentée cette fois d'une certaine gêne, les conversations cessèrent durant le court laps de temps que mit à le payer note secrétaire CAZAUX.
     Peu après son départ, qui ne souleva  sur le moment aucun commentaire, notre réunion prit fin et nous nous donnâmes rendez-vous pour le 12 NOVEMBRE afin de connaître la réponse du propriétaire.


     À cette date, le Docteur ELOSU vint nous aviser que nous avions satisfaction. Ce fut sa dernière visite à la permanence.
     Vers cette même période, nous avions eu écho que le Gouvernement français avait décidé de dissoudre les organisations affiliées à la 3e Internationale Communiste.
     Ceci ne nous avait pas autrement ému du fait que notre Association Française des AMIS de l' UNION SOVIÉTIQUE, totalement indépendante, n'émanait ni ne relevait de cet organisme politique. Nous pensions, de très bonne foi, ne pas être touchés par cette décision d'autant plus qu'à notre connaissance, les A.US. n'avaient pas été cités parmi les groupements qui devaient être dissous. Nous eûmes d'ailleurs confirmation de cette assertion par M. DUPLANTIER , Substitut du Procureur de la République qui, répondant à la question posée par un membre de notre Bureau, venu le voir pour  affaire personnelle, affirma qu'il n'avait reçu aucune ordre concernant notre association. Toutefois, ajouta-t-il sous forme de conseil, continuer à ne pas faire d'action tapageuse ou répréhensible. Cette conversation peut se situer vers les premiers jours d' OCTOBRE 1939.
     Il n'était nullement dans nos intentions de reprendre une action strictement à A.U.S. Notre association était entrée en sommeil et nous ne pouvions l'en sortir utilement, qu'en l'adaptant aux circonstances et plus particulièrement en l'orientant vers une participation plus grande à l'effort commun d'aide à nos soldats.
     Nous avions déjà eu des équipes de tricoteuses à A.U.S qui, dans notre local, venait à la veillée confectionner : cache-nez, chaussettes et chandails. Nous savions pouvoir compter sur leur dévouement et nous pensions faire appel à nouveau plan à leur patriotisme. C'est ainsi que nous décidâmes de continuer à ouvrir notre permanence tous les soirs, de 18 à 20 heures pour maintenir le contact avec nos adhérents.
     Mais, le 3 DÉCEMBRE 1939, dans la soirée, M. le Commissaire de Police, vint effectuer une perquisition à laquelle nous ne attendions pas car aucun écart de notre part ne la légitimait. Comme nous n'avions rien à cacher, nous ne fumes pas trop inquiets. La Police cependant, emportant quelques revues et brochures A.U.S. de parution antérieure à la guerre. Aucune publication clandestine de nature à établir une liaison de fait avec la 3e Internationale Communiste ne fut saisie ; et pour cause.
     Dans ses attendus, M.DARMAILLACQ, énumère cette littérature et brandit comme un  épouvantail des titres qu'il veut convaincants pour trouver notre antipatriotisme. C'était une malhonnêteté et une sottise. Ces titres "l' U.R.S.S. ne trahit pas"," Rompre avec l' U.R.S.S. serait trahir la France"," l' U.R.S.S. est forte, son aide peut sauver la PAIX", sont actuellement autant de soufflets appliqués sur la face de ce magistrat. Il n'avait pas compris que le crime qu'il  nous reprochait hier, était simplement la vérité comme elle l'est dans toute sa grandeur aujourd'hui.
     Nous ne voudrions pas accabler M.DARMAILLACQ en lui rappelant son indignation saisie des portraits des maréchaux STALINE  et VOROCHILOV qui ornaient notre local. Notre grand animateur National, le général DE GAULLE, s'est chargé de répondre pour nous. Nous savons que l'accolade qu'il donna à ces deux admirables personnalités Soviétiques, lors de son voyage à MOSCOU, exprime toute la reconnaissance émue et toute l'amitié profonde du Peuple Français pour la vaillante Armée rouge et le Peuple Russe.
     La perquisition faite en notre local,rue Bourgneuf,fut un fiasco lamentable.En toutes autres circonstances, elle eut clôturer cette affaire. Mais cela eût été trop simple.


      Le 9 DÉCEMBRE 1939, M.le Commissaire Spécial présenta à la signature du Docteur ELOSU, la notification d'un ordre préfectoral de dissolution de l'association A.U.S. de Bayonne. Cet ordre fut rigoureusement exécuté et notre local définitivement fermé.
     Quelques jours plus tard, le Docteur ELOSU, en tant que Président, et CAZAUX comme Secrétaire des A.U.S. furent inculpés  par le procureur M. Dejean de la Batie, pour, diront les attendus, "s’être cette livrés depuis la promulgation du décret du 26 SEPTEMBRE 1939 et particulièrement le 3 DÉCEMBRE 1939, à une activité ayant directement ou indirectement pour objet, de propager des mots d'ordre émanant ou relevant de la 3e Internationale Communiste"
     Devant le néant de cette accusation, nous comprimes aussitôt qu'au travers de notre Association l'on voulait frapper deux hommes, moralement inattaquables, mais dont les opinions cataloguées de subversives, étaient empreintes de la plus pure philosophie humanitaire.
     Le procès qui se déroulera en Correctionnelle le 1er FÉVRIER 1940, fut strictement un procès de tendance.
     Des deux inculpés, un seul retint plus particulièrement l'attention du Tribunal. Confiant dans sa loyauté, il crut devoir se défendre seul.
     L'acharnement dont M.DARMAILLACQ,fit étalage contre le Docteur ELOSU, fut un scandale qui souleva l'indignation des auditeurs et, dans les couloirs, la réprobation unanime des membres du barreau présente à cette parodie de justice.
     Les arguments invoqués par l'accusation pour démontrer le délit de 'menées communistes" parurent au Tribunal sans doute bien fragiles. L'on fouilla alors un passé irréprochable avec l'espoir d'y glaner  quelque chose de plus sérieux. Ce travail s’avérait difficile. Cependant des cartons poussiéreux, l'on extirpa quelques ragots de police du plus de 25 années, odieusement mensongers et ridicules
     Alors qu'ils n'avaient aucun rapport avec le délit reproché, M.DARMAILLACQ s'en servit à l'audience avec l'intention évidente de créer un incident défavorable à l'accusé. Mais la manœuvre ne réussit pas à modifier le calme de ce dernier.
     M.DARMAILLACQ se vengea en dirigeant les débats comme une chasse à courre, le sarcasme aux lèvres. Il ne fut pas un juge à la recherche de la vérité, mais un accusateur impitoyable. Le Ministère public n'eut rien à ajouter. Tout réquisitoire était superflu.
     Le 8 FÉVRIER 1940, Monsieur le Vice-Président DARMAILLACQ, prononça les condamnations suivantes :
  • ELOSU, six mois d'emprisonnement et 200 Fr. d'amende
  • CAZAUX, trois mois d'emprisonnement et 200 Fr. d'amende .
En outre, tous deux furent frappés durant cinq ans de la privation des droits civiques et civils.
M.DARMAILLACQ croyait , peut-être avoir gagné ce jour-là, le titre envié de M.le PRÉSIDENT.


Messieurs

     Au cours de long exposé il nous est déjà arrivé de répondre à quelques contre-vérités contenues dans certains attendus du jugement. Dans une analyse critique que nous vous adressons séparément, nous reprenons, attendu par attendu, leur examen.
     Il est toutefois une chose que ces attendus ne peuvent dépeindre, c'est l'atmosphère de passion malveillante qui régnait dans cette audience du Tribunal Correctionnel le 1er FÉVRIER 1940.
     L'un des prévenus supportera seul tout le poids de l'accusation. Son interrogatoire et sa défense furent continuellement hachés par les interruptions acerbes de M.DARMAILLACQ.
     Un tel acharnement ne pouvait s'expliquer par le seul fait que le Docteur ELOSU était Président de notre Association. Sa responsabilité délictuelle, si responsabilité il y a, était nulle du fait que depuis 1937 jusqu'au 3 NOVEMBRE 1939, il ne s'occupa en rien de la gestion de notre Section A.U.S. Cette tâche, avons nous déjà dit, incombait uniquement au Conseil d'Administration, lequel assumait ainsi toutes les responsabilités de son travail.
     Nous pensons que pour des fins personnelles faciles à déterminer, l'on voulait donner à ce procès une ampleur exceptionnelle. L'inculpation du Docteur ELOSU, en raison même de la popularité et de l'estime dont il jouissait, devait avoir le retentissement souhaité.
     Tous ces calculs firent de ce procès une odieuse comédie. Comédie dramatique, puisque la vie de deux hommes y fut  sacrifiée.
     Examinons l'attendu suivant «... tout en admettant que la responsabilité délictuelle de CAZAUX,est MOINS FORTEMENT engagée que celle du Docteur ELOSU,ANIMATEUR de l'association des A.U.S."
     Ainsi présenté par l'accusation, CAZAUX, deuxième inculpé ne pouvait faire figure que de comparse.
     Au nom de la mémoire de notre cher ami et par simple souci de la vérité, nous protestons contre cette substitution des responsabilités. En effet, si notre groupement avait eu à  décerner à l'un d'entre nous, le qualificatifs que nous considérons élogieux, d' ANIMATEUR, il aurait choisi aucune réserve, le plus actif, le plus dévoué, le plus éclairé , c'est-à-dire : CAZAUX, notre secrétaire.
     Certes, de son vivant, il n'eut jamais accepté de telles louanges. Mais c'est bien parce qu'il était tout cela que nous tenons à lui rendre un hommage mérité.
     Tout comme le Docteur ELOSU, CAZAUX était l'un de ces hommes probes qui par leurs qualités forcent la sympathie, l'admiration.
     Cordonnier de profession, son activité militante remontait à la période Dreyfusarde. ZOLA, ROCHEFORT, et le journal L'AURORE furent à l'origine de sa formation intellectuelle et il participa tout jeune, aux après luttes républicaines.
     Il adhère au Parti Socialiste Français, puis la pondération de son caractère et ses qualités naturelles d'administrateur, l'orientent vers le mouvement coopératif. C'est lui qui, il y a près de 40 ans créa les premières Coopératives de Production et de Consommation de la Région;la Cordonnerie Ouvrière et la Boulangerie "l'Espérance" à Biarritz,l'Imprimerie "La Rénovatrice" à BAYONNE, lui encore qui   constitua l'Union des Syndicats de  BIARRITZ et la Bourse du Travail à BAYONNE.
     Entre-temps CAZAUX, est au Parti Socialiste S.F.I.O, puis à la scission,adhère au parti Communiste qu'il  ne devait plus quitter.
     Depuis la Révolution Russe d' OCTOBRE 1917, il fut l'animateur compréhensif des réalisations Soviétiques. Ce fut encore à lui que revint l'honneur de constituer l'Association à A.U.S de BAYONNE. En 1938, il trouva la  juste récompense de son inlassable activité, dans un voyage d'études qu'il finit en U.R.S.S. et d'où il revint plus confiant que jamais dans les destinées de ce pays.
     De cet admirable passé, de cet apostolat rempli de luttes continuelles, rien ne fut retenu par l'accusation. Le Tribunal n'y fit pas la moindre allusion.Pourtant, CAZAUX, qui prenait toujours ses responsabilités, ne cache pas à l'instruction le processus de son évolution politique.


     Nous savons bien que ceci ne fut pas laissée dans l'ombre pour alléger les charges de l'accusé. CAZAUX n'avait pas à compter sur la bienveillance du Tribunal et de M.DARMAILLACQ en particulier. Mais pour les fins publicitaires de ce dernier, seule devait compter la personnalité autrement représentative du Docteur ELOSU.
     C'est pourquoi l'accusation ne reprocha pas à CAZAUX d'avoir été l'ANIMATEUR véritable des à A.U.S. Ceci aurait atténué par trop  les charges que seul le Docteur ELOSU devait supporter en totalité. C'est avec ce souci malveillant que M.DARMAILLACQ, le qualifie d'animateur des A.U.S. sans citer d'ailleurs le moindre fait, la moindre preuve qui vienne légitimer cette assertion.
     À la réflexion, nous comprenons maintenant, qu'il importait peu de savoir si oui ou non la dissolution de nos organisations A.U.S. était indiquée dans ce fameux décret du 26 SEPTEMBRE 1939.
     Pourquoi ? Parce que, dans l'un comme dans l'autre, le résultat eut été pour nous, identique. Nous étions condamnés à l'avance. Le complot était bien ourdi. Le traquenard prêt.L'on n'attendait plus, quitte à passer  outre s'il tardait trop, que le prétexte, l'incident le plus futile pour nous frapper.
     Tout l'appareil de justice se déclencha 3 DÉCEMBRE 1939 pour une perquisition. La réunion de quelques membres du Conseil d'Administration le 3 NOVEMBRE 1939, en fut certainement le prétexte. La preuve, nous croyons la trouver dans la tenue de l'attendu suivant « Attendu qu'à la suite d'agissements contraires aux prescriptions du décret du 26 SEPTEMBRE 1939 qui lui avait été personnellement signalés, le Procureur de la République fit procéder au début du mois de NOVEMBRE 1939 à une enquête de police, etc. »
     En quoi  cette réunion de caractère purement administrative, comme nous l'avons déjà dit, était-elle contraire aux prescriptions du dit décret ? Nous l'ignorons encore, puisque ne connaissant pas celui-ci, tout comme nous ignorions également l'enquête de police du début de NOVEMBRE.
     Cette enquête fut-elle faite ? Auprès de qui ? Pourquoi ne nous a-t-on pas alors interrogé ? C'eut  été semble-t-il le moyen le plus simple et le plus honnête à la fois. Nous aurions fourni loyalement toutes explications pour éclairer les enquêteurs.
     Autant de questions qui demeurent sans réponse.
     Cependant, qu'il nous soit permis de tirer quelques déductions du passage de ce même attendu qui signale que nos agissements avaient été personnellement signalés au Procureur de la République.
     L'incident que nous relations précédemment par le détail c'est-à-dire la visite inopinée de M.MOURET lors de notre réunion du 3 NOVEMBRE 1939, devait logiquement nous revenir en mémoire. Par voie de conséquence, nous pensons trouver là l'origine des renseignements remis au Procureur, renseignements forcément erronés, que nous qualifions d'acte de délation.
     Il nous est même permis de supposer, sans trop nous écarter de la vérité, que l'enquête de police dont il est fait mention, s'identifie en réalité dans cette dénonciation malhonnête.
     Nous en concluons que ces attendus verbeux, ne peuvent résister à un examen attentif, sérieux. L'on n'y descellera tout au long que la plus évidente partialité et l'ardeur opiniâtre que M.DARMAILLACQ à justifier, par de fausses allégations une accusation invraisemblable.


     Il semblerait , Messieurs, que nous ayons tout dit sur cette affaire.
     Malheureusement, il n'en est pas ainsi et nous nous excusons d'avoir à solliciter de vous  encore plus d'attention.
     Nous avons bien dit, malheureusement, car en effet, c'est le plus pénible, le plus douloureux et également le plus révoltant qu'il nous reste à porter à votre connaissance.
     Lorsque le 8 FÉVRIER 1940, le Tribunal Correctionnel de BAYONNE, prononça son verdict, le Docteur ELOSU et CAZAUX l'accueillir avec sérénité. Ils étaient de ces hommes que les rigueurs de l'injustice grandissent au lieu de les accabler.
     Mais, si moralement ils étaient forts, physiquement du moins leur santé était des précaires.
     Les deux condamnés âgés tous deux de 65 ans, étaient de grands malades et il ne  pouvait échapper à M.DARMAILLACQ, qu'une peine d'emprisonnement équivalait pour eux à un arrêt de mort. Une mort qui s'avérait d'autant plus cruelle qu'elle devait être, surtout pour l'un d'entre eux, lente et atroce.
     Le Docteur ELOSU qui avait cessé depuis 1937, toute activité non professionnelle, s'interdisait rigoureusement tout effort et ne participait même plus à nos réunions A.U.S.
     Grâce a des soins constants il s'adonnait encore, quoique avec beaucoup de difficultés, à l'exercice de sa profession. Le seul souci d'apporter aux chevet de ses malades le poids de son expérience  et le réconfort de sa bonté naturelle, faisait accomplir au Docteur ELOSU, un travail au-dessus de ses forces. La population Bayonnaise qui le connaissait bien, n'ignorait rien de son dévouement inlassable.Il en était d'autant plus admiré et aimé.
     CAZAUX lui, été pensionné de guerre à 95 %. Son corps était miné par une maladie contractée quelque part en France au cours de la guerre 1914 1918.En raison de son âge et de ses capacités professionnelles, il aurait pu, à l'instar de maints autres, se planquer à l'arrière. Mais nous avons dit qu'il était la droiture et l'intégrité même. Il fit parti de cette pléiade de vieux pépères, obscurs mais valeureux et  accomplit dans les tranchées, en pur Socialiste, son devoir de soldat et de français.
     De grands soins, une vie d'une sobriété exemplaire alliés à une grande énergie, lui permettait de vaquer à ses occupations à la condition expresse d'éviter toute fatigue.
     C'est aux AMIS de l' UNION SOVIÉTIQUE dont il était l’âme,que CAZAUX consacra toute sa vive intelligence et le peu de ses forces.
     Après la sentence du Tribunal, il fallu toute l'affectueuse insistance de leurs proches pour convaincre ELOSU et CAZAUX que le régime de la prison, durant plusieurs mois pourrait leur être néfaste.
     Le 17  FÉVRIER 1940, le docteur ELOSU adressa au Garde des Sceaux, un recours en grâce pour  raison de santé. De son côté CAZAUX fit de même.
     Après la condamnation des inculpés l’émotion parmi la population avait été vive. Plusieurs groupements s'en firent l'écho et par des ordres du jour appuyèrent le recours  en grâce du Docteur ELOSU. Citons parmi elles : l'Union des Syndicats Confédérés de l'Adour,la Fédération des Officiers de Réserve Républicaine,la Ligue des Droits de l'Homme (Section de BAYONNE), la section de BAYONNE du Parti Socialiste S.F.I.O, la loge maçonnique "LA ZÉLÉE" etc.
     L'affaire paraît sommeiller. Les familles et amis des condamnés reprennent espoir. Mais M.DARMAILLACQ veillait. Il n'accepta pas de se laisser déposséder du fruit de son travail machiavélique .Cette affaire est sienne et tous ses espoirs sont en elle. Sa réaction fut rapide.Sa proie ne lui échappera pas.




     Le Docteur ELOSU et CAZAUX sont invités à accomplir leur peine immédiatement.
     Tout le monde s'affole. Pour obtenir un sursis l'on tente d'émouvoir  M. DARMAILLACQ  sur l'état de santé des condamnés. Mais il demeure intraitable et affirme que dans tous les cas, ELOSU et CAZAUX auront l'hôpital pour faire leur temps.
     Cependant un ordre supérieur vient calmer l’irascible personnage et l'on sursoit à leur internement.
À nouveau l'affaire sommeille jusqu'en Décembre 1940,
     Une expertise médicale est ordonnée. Indiscutablement elle doit être favorable aux condamnée. L'espoir renaît à nouveau. Pas pour longtemps, car les deux experts décident que la peine pourra être exécutée"à la belle saison". Le 27 mars 1941 le Docteur ELOSU et CAZAUX entrent en prison.
     CAZAUX dont la santé s'est aggravée termine sa peine à l’hôpital. Il ne quitte celui-ci que pour s'aliter à nouveau et mourir chez lui après des mois d'atroces souffrances.
     Comme prévu, l'internement est néfaste au Docteur ELOSU. Sa maladie fait de rapide progrès. En juin 1941 il fait une en remise du quart de la peine. Elle lui est refusée.
Le Docteur ELOSU sort de prison le 7 août 1941 pour mourir  auprès des siens, 12 jours  après sa libération, le 19 août 1941. C'est la fin du Drame.
     Lorsque la nouvelle se répand dans BAYONNE, la population ne peut croire à l'irréparable. Autour de son lit de mort nombreux sont ceux qui viennent adresser un dernier adieu à celui qui fut, toute une vie, l'Ami des Humbles. Tout le monde s'indigne contre les responsables d'un crime qui appelle un juste châtiment. Mais la conscience comme la personne de ces responsables était abritées derrière les fusils des occupants. Ils escomptaient bien que leur impunité serait éternelle..
     Que dire de cette expertise médicale et des Experts eux-mêmes dont nous n'avons pas à discuter ici la valeur professionnelle ?
     Fussent-ils Professeurs, nous les considérons comme des fonctionnaires, auxiliaires plus ou moins zélés de la Magistrature. C'est à ce titre que nous avons une confiance limitée en leur indépendance,en leur intégrité.
     Dans le cas qui nous occupe, les deux Experts qui ont examiné le Docteur ELOSU et CAZAUX s'étaient prononcés commencé pour un internement "à la belle saison". En d'autres termes, pour un internement effectué dans une période où les conditions atmosphériques paraissent les moins défavorables à des malades. Car il ne peut être question que l'on affiche pareille mansuétude pour des condamnés bien portants..
     Cette décision reconnaissait donc implicitement que le Docteur ELOSU et CAZAUX étaient des malades.
     Ceci convenu, est-il vrai que cet état maladif eut pu supporter, sans aggravation: "la belle saison", recommandée par MM.les Experts ?
     La mort de nos Amis, victimes de leur incarcération, en est la réponse.
     À moins que le fait de ne pas mourir en  prison soit un satisfecit pour ces Messieurs, nous leur répondrons que leur décision d'internement "à la belle saison "était dans le cas qui nous intéresse plus qu'une plaisanterie macabre ; c'était un crime.
     Nous avons également à nous indigner de ce procédé foncièrement illégal qui consiste à faire parvenir en lecture aux experts médicaux, le dossiers des inculpés ou condamnés dont ils doivent examiner l'état de santé.
     Nous possédons la preuve formelle que le dossier du docteur ELOSU avait été envoyé à Bordeaux à l'Expert chargés de son examen médical.


     Pourquoi a-t-il été envoyé et dans quel but?
     Seul, M.DARMAILLACQ pourrait nous répondre. Nous voyons dans cette manœuvre la volonté d'influencer la décision d'un homme qui ne devrait relever que de sa conscience professionnelle. C'est pourquoi nous sommes en droit d'affirmer que l'expertise médicale à laquelle ont été soumis ELOSU et CAZAUX n'est qu'une sinistre comédie.
     Nous retrouvons là les mêmes responsabilités initiales ,les mêmes influences ténébreuses et encore, cet acharnement féroce qui ne s'est apaisé que devant les tombes de ses deux victimes.

Messieurs,

     Nous en avons terminé avec ses douloureux événements.Quoique  impartialement relatés,leur  sur le papier, n'est pas aussi parfaite que nous l'aurions désiré. Cela tient essentiellement à ce que nous ne sommes pas qualifiés pour un tel travail.Il faut nous en excuser.
     En remuant tout ce proche passé, nous avons senti combien été irréparable la perte de nos amis. Il s'ajoute à cela l'amertume de les avoir vu disparaître avant qu'ils ne vivent ces heures magnifiques  où la France libérée sera ce qu'ils voulaient ardemment qu'elle soit : Une Grande République, vraiment Démocratique, par et pour le Peuple.
     Ils n'assisteront  pas davantage à l'écrasement du fascisme international ni la Victoire des Alliés. Ils ont cependant emporté dans leur tombe, la certitude de cette Victoire, tout comme ils savaient que l' U.R.S.S.vaincrait.
     Ils ne connaîtront pas FRANCE-U.R.S.S qui apparaît au milieu des ruines, les bras chargés de fruits, de fleurs, de feuilles et de branches, à un tournant merveilleux de l'Histoire des peuples.
     C'est en pensant à eux que notre Comité FRANCE-U.R.S.S. va reprendre la suite de l'activité des A.U.S. Il la prendra avec encore plus d'enthousiasme car les événements ont prouvé que nous avions raison, aussi bien en 1939 comme 1944. Ceci est tellement vrai qu'actuellement, aux yeux des patriotes Français, c'est un crime que de n’être pas un ami de l'Union Soviétique.
     Monsieur le Vice-Président DARMAILLACQ, ne pensait pas comme nous. Il joua sa chance sur un présent qui tout en lui laissant entrevoir un avenir prometteur, convenait parfaitement à ses aspirations personnelles.
     Il devint ainsi l'auxiliaire compréhensif et dévoué de la répression antibolchévique.
     Par tout ce qui précède, vous avez lu combien M.DARMAILLACQ, nous frappa durement dans notre œuvre, dans nos biens et pire encore, dans nos amitiés les plus précieuses.
     Avec de très nouveaux autres ne pouvons pas l'oublier.
     Nous convenons parfaitement que M. le Vice-Président a bien servi le régime des usurpateurs Vichyssois. Il s'est employé avec ardeur à soutenir le Maréchal , collaborant ainsi avec les envahisseurs.
     Certes, de cette fidélité, M.DARMAILLACQ n'a pas été payé.
     La Présidence qu'il escomptait comme prix  de ses bons et loyaux services, lui a échappé et il se peut qu'il en ait conservé quelque amertume. Nous n'y pouvons rien. Il avait misé en toute conscience sur mauvaise cause. Il a perdu, il doit payer.


     Aucune autre considération, d'ailleurs difficile à expliquer honnêtement, ne peut atténuer ses responsabilités.
     Puisque M.DARMAILLACQ n'a pas eu en AOUT dernier, la pudeur de quitter sa robe, qu'on le chasse ou qu'on l'emprisonne.
     En aucune façon, Messieurs,vous ne pouvez tolérer que l'on mange l'avoine de la France à plusieurs râteliers.
     En conclusion nous attirons votre attention sur l'urgence qu'il y a, pour le bon renom  de la Justice de la 4 e République ,à ce que le Temple de Thémis soit assaini par le départ de cet homme.
     Cet acte de salubrité publique s'impose.
     Ce faisant, votre décision sera pleinement approuvée par tous ceux qui veulent que notre Patrie, libérée et rénovée ait des serviteurs dignes d'elle.

                                                                                                                Comité FRANCE-U.R.S.S.
                                                                                                                3, rue Port de Castex
                                                                                                                BAYONNE

BAYONNE ,le 11 DECEMBRE1944

Source:
AD64 Pau 1031 W article 172 Cabinet du Préfet

Pour aller plus loin 

Jean Germain Aristide André Darmaillacq
Magistrat
Né le 03/08/1890 à Pouillon (40)
Archives départementales des Landes_http://www.archives.landes.fr/ 
Pouillon naissances 1880-1894_4 E 233/2_Acte N°46 Vue 233/320 

  Vers sa fiche matricule militaire _AD 40 1052 W _1910 matricule 232

Annuaire rétrospectif de la magistrature xixe-xxe siècles Centre Georges Chevrier - (Université de Bourgogne/CNRS) Jean-Claude Farcy, Rosine Fry, _Fiche magistrat


Journal officiel de la République Française 27 septembre 1939
Gallica-bnf
Décret portant dissolution des organisations communistes


Livret de Xipri Arbelbide _fichier pdf illustré
http://www.eusko-ikaskuntza.eus/PDFAnlt/vasconia/vas42/42051100.pdf
     Fernando Elosu mediku anarkista (Bordale 1875- Baiona 1941)
     Fernando Elosu, médico anarquista (Burdeos 1875- Bayona 1941
     Ferdinand Elosu, médecin des idées anarchistes (Bordeaux 1875- Bayonne 1941 


Billets du blog consacrés au docteur Elosu

Fernand Elosu au lycée de Bayonne  

1 er mai 1914:meeting au cinéma Saint-Esprit (Bayonne) 

Jeudi 30 juillet 1914 à Bayonne 

Jugement du 8 février 1940 à l'encontre de Fernand Elosu et Etienne Cazaux  

Fernand Elosu,un politique interné en 1940 


 

06 avril 2020

Définitions de quelques-unes des formes spéciales du vol et de l'escroquerie

Définitions de quelques-unes des formes spéciales du vol et de l'escroquerie

 

Vol à la tire.

Le voleur à la tire ou pickpocket attire coquette enlève les objets placés dans les poches de sa victime avec deux doigts de la main, l'index et le médius ; les autres doigts restant pliés. Une pèlerine ou un pardessus jeté sur l'épaule ou l'avant-bras aide le malfaiteur à dissimuler les mouvements de sa main . L'objet est immédiatement transmis à un complice.
Une certaine catégorie de spécialistes coupent les poches sous les vêtements à l'aide d'un canif affilé qu’ils  dénomment saccagne et recueillent le contenu. Ce genre de vol à la tire a été importé en France par des pickpockets italiens.
Les professionnels du vol à la tire constituent de véritables associations et se déplacent sans cesse. Ils suivent assidûment les foires de province et opèrent principalement dans les gares et surtout où il y a de grands rassemblements.

Vol à l'esbroufe.

Le vol à l'esbroufe n'est autre qu'un vol à la tire accompagné de légères violences. Le malfaiteur profite d'une bousculade qu’il provoque ou fait provoquer par ses acolytes pour s'emparer du porte-monnaie ou du portefeuille convoité par. Ce vol se pratique habituellement à la montée ou à la descente des wagons de chemin de fer, à l'arrivée ou au départ des trains.

Vol à l'étalage.

Ainsi que son nom l'indique, ce vol consiste à prendre des objets dans les étalages qui bordent les trottoirs, c'est une des formes les plus simples du vol.

Vol à la détourne

Au contraire du vol à l'étalage, ce vol consiste à dérober des objets qui se trouvent à l'intérieur des grands magasins.

Vol au poivrier.

Le vol au poivrier est le vol qui consiste à dépouiller les ivrognes endormis sur les bancs des promenades.

Vol au radin.

Vol d'argent dans le tiroir-caisse d'un comptoir. Le voleur au radin profite d'une courte absence du commerçant ; souvent même il provoque cette absence par l'intervention d’un complice de façon éloigner le débitant de sa caisse.

Vol au rendez-moi.

Le voleur donne en payement au marchand un billet ou un louis. Il se fait remettre la monnaie et profite d'un moment d'inattention du caissier pour reprendre le billet ou la pièce.
Ce vol est quelquefois rendu compliqué par l'intervention d'un complice. Dans ce cas, le remier malfaiteur, après avoir marqué un louis de 20 francs , paye avec cette pièce  une marchandise de bas prix patrie et se retire.Le second arrive peu après. Il offre e payement traînement une pièce de 20 francs ayant la même effigie que la première et se faire remettre la monnaie en escamotant sa pièce. Si le marchand s'en aperçoit et prétend ne pas l’avoir reçu, il déclare avec conviction qu'elle sera bien facile de la reconnaître, car elle est marquée.Le marchand trouvant dans sa caisse un louis portant la marque indiquée par son client, remet la monnaie en s'excusant.

Vol au change où à la pièce rare.

N'est qu'une forme du vol au radin,commis en présence de la victime elle-même.
L'auteur et ses complices font un achat dans une petite épicerie de campagne, ensuite e quoi ils annoncent à la débitante qu'ils achèteraient volontiers des pièces à telle ou telle effigie,à un prix supérieur à leur valeur.Alléchée par la perspective de cette spéculation, la marchande étale tout l'argent qu'elle possède devant ses clients, et ce n'est que le soir en faisant sa caisse qu'elle constate le vol commis à son préjudice.
Ces deux derniers genres de vol sont ordinairement pratiqués dans les campagnes au préjudice des petits commerçants par des femmes nomades.

Vol dans les troncs d'église.

Spécialement pratiqué par les romanichels allemands, ce vol s'opère sans effraction. Le voleur introduit des baguettes de buis enduite de glu par l'orifice dans l'intérieur des troncs et en extrait ainsi le contenu. Les chapelles éloignées des agglomérations , lieux de pèlerinage, sont particulièrement exposés.

Vol à la roulotte.

Se pratique ordinairement dans les grandes villes à la faveur des embarras de circulation ; le professionnel de ce genre de vol subtilise adroitement les paquets ou petits colis transportés à découvert sur les camions, voitures, etc.

Vol aux narcotiques.

Les professionnels du vol dit « au narcotique » sont des malfaiteurs internationaux qui travaillent habituellement dans les rapides de luxe ou les grands express. Toujours très bien mis, très liants, ils réussissent à faire accepter à la victime sur laquelle ils ont jeté leur dévolu, un cigare préparé à l'opium.
Le narcotique ne tarde pas à faire son effet et le voleur profite de l'assouplissement de sa victime, qu'il complète parfois en lui faisant respirer une petite éponge imbibée de  de chloroforme, pour la dépouiller.

Cambriolage

Généralement, un cambrioleur ne travaille que dans une maison inhabitée momentanément. Pour s'en assurer, il a soin de faire sonner plusieurs fois à la porte par un complice, ou place devant la porte un témoin, c'est-à-dire un objet quelconque, un fétu de paille, une feuille morte qui sera nécessairement dérangée si la porte vient à être ouverte. Le cambrioleur ou monte-en-l'air pénètre dans une maison, soit en faisant usage de fausses clés (rossignols), soit en utilisant une pince-monseigneur (jack ou presson).
Certaines bandes de cambrioleurs utilisent les outils perfectionnés, tels que : vilebrequins d’angle,forets, pied-de-biche, scies à manivelles, perforeuses, chalumeaux oxhydriques,etc…
Ces deux derniers instruments sont surtout employés par les perceurs de coffres-forts.

Vol au rat.

Malfaiteurs internationaux, constituant de dangereuses associations ; les professionnels, appelés « rats d’hôtel »,descendent dans les meilleurs établissements des stations balnéaires, thermales ou climatériques, et profitent de ce que les voyageurs s'absentent momentanément de leur chambre pour y voler. Ils s'y introduisent même pendant la nuit en ouvrant la porte, fermée à clef, à l'aide d'une pince spéciale appelée « ouistiti ». Cette pince est composée de deux lamelles d'acier creuses, entre lesquelles on saisit le canon de la clef  pour le faire tourner à l'extérieur.(Voir études parues au Bulletin de police criminelle, n° 73 du 1er février 1909.)

Escroquerie à l'achat de chevaux,aussi appelée vente forcée.

Habituellement pratiquée par des maquignons nomades désignés sous le nom de combinards, cette escroquerie se commet de la façon suivante : un des combinards, le « teneur », ayant l'aspect d’un paysan ,conduit sur le marché une bête d'assez bonne apparence, mais atteinte d'une tare cachée. Son complice, qui a l'allure d'un maquignon, déclare à la victime choisie par lui que le teneur ne veut pas vendre sa bête à un maquignon, de peur qu'elle ne soit maltraitée. Il prie son interlocuteur de l'acheter pour son compte et lui propose une commission de 50 francs, par exemple. Si le campagnard naïf accepte cette proposition, les combinards s'enfuient dès que la vente est conclue et la victime reste en possession d'un cheval qui vaut quelques fois une centaine de francs et qu'elle a payé 500 francs.Voir étude parue dans le Bulletin de police n°106.)

Escroquerie à l'achat de fonds de commerce.

L'individu se présente chez un débitant ; il lui offre 3.000 francs  de son fonds de commerce qui en vaut 2.000.
L'acte d'achat est signé séance tenante ; avant de se retirer, l'acheteur réclame  au vendeur 50 francs pour sa commission ou se fait prêter une certaine somme sous un prétexte quelconque et disparaît.

Escroquerie à l'achat de marchandises.

Un marchand ambulant vend à une femme de la campagne 5 mètres de drap, qui sont immédiatement payés. Après avoir causé longuement avec elle et s’être fait indiquer l’endroit où travaille  son mari, il part, après avoir laissé en dépôt chez elle un volumineux coupon de 50 mètres de drap qu'il reviendra, dit-il, chercher dans quelques jours. Il va alors trouver le mari,lui déclare que sa femme a acheté 50 mètres de drap et lui fait signer une pièce établissant cet achat. Lorsque la victime de cette escroquerie s’en rend compte, la vente est devenue parfaite par la signature du mari et par la livraison, et, en cas de refus de payement, le procès du marchand indélicat est gagné d'avance, à moins que la police prévenue ne parvienne à établir l'escroquerie.

Escroquerie à l'annonce.

Exemple : « Travail facile à faire chez soi, sans connaissances spéciales. » Si une  personne prend au sérieux cette annonce qu'elle trouve à la 4e page d'un journal et si elle demande des renseignements, on lui réclame une certaine somme sous un prétexte quelconque, pour la mettre au courant, pour lui fournir le matériel nécessaire.

Autre exemple : « Escroquerie au cautionnement. »
« Place de caissier, 200 francs par mois, références sérieuses exigées ». Le but de l'auteur de cette annonce ,qui n'a nullement besoin d'un caissier, est de se faire verser r le cautionnement qui ne sera jamais remboursé.

Escroquerie à la trouvaille.

Le malfaiteur simule une trouvaille en présence de la personne qu'il désire duper, et lui propose de lui vendre, à un prix qu’il dit très avantageux, un bijou sans valeur, montre, bague ou bracelet.
Quelquefois, un complice vient affirmer que le bijou trouvé a un grand prix et en offre lui-même une somme importante.

Vol à l’américaine.

Les voleurs à l’américaine de profession se tiennent à l'affût aux abords des grandes, rues,où arrivent les étrangers qui se disposent à rentrer dans leur pays natal, pour s'y établir avec leurs économies gagnées à force de travail et de privations.Les victimes sont en général, des gens ignorants, des manœuvres, des paysans, satisfaits de revenir après bien des années d'absence.
Quand la victime débarque du bateau ou descend de chemin de fer, elle voit s’avancer , selon sa nationalité, un Italien, un Anglais, un Allemand ou un Français, qui se charge de gagner sa confiance. Il se présente comme un compatriote.
Le principe de vol est la confiance ; tout repose sur elle. Il faut que le guide qui s'offre au voyageur ne néglige rien pour l'obtenir. Il se fait ordinairement passer pour un homme riche, bienfaisant, désireux de le protéger ; il lui parle dans sa langue nationale du pays du village, de la famille, et l’émeut en faisant vibrer les cordes sensibles que lui ont fait connaître ses complices d’outre-mer.
La future victime, contente de rencontrer une providence inespérée est convaincue par le langage, par la tenue, qu'elle a trouvé un compatriote, presque un frère, ou tout au moins un homme doué des meilleures qualités.
Pour justifier leur présence à Paris, dans les ports de mer, les voleurs qui ont, soi-disant, fait leur fortune dans le commerce, l'industrie, déclarent y être venus pour recueillir un héritage. Les inventaires sont longs et les formalités à remplir n’en finissent pas. C'est ainsi qu'ils endorment petit à petit leur homme..
A l'hôtel où il a été chaudement recommandé, ses dépenses sont payées, comme le sera le prix du dernier transport qui doit le ramener au milieu de ses parents.
La future victime, ensorcelée par tant de bons offices , commence à se laisser entraîner.
Le faux bienfaiteur en profite et pousse la sa sollicitude jusqu'à lui dire : « Prenez garde aux voleurs ; Paris en foisonne , on vous surveille, des malfaiteurs peuvent se jeter sur vous et prendre votre argent, vous n'en avez pas besoin, puisque je solde vos  dépenses et que je ne vous quitte pas. »
Ému, troublé par une variété de sentiments différents, les valeurs sortent enfin des mains de leurs légitimes propriétaires et passent doucement sans secousses,dans  celles de l’habile voleur. Celui-ci n'a plus qu’un mobile : terminer par la fuite ; c'est alors qu'il remet 20 francs à sa dupe, en la priant, pour gagner du temps, de choisir des cigares, de bons londrès noirs,secs,tachetés de blanc puis il monte dans la première voiture et disparaît.

Escroquerie à la guérison._ A la bonne « ferte ».

Habituellement pratiqué par des femmes nomades au  préjudice de paysans naïfs. Les procédés sont connus et varient à l’infini. La gitane réussit toujours à se faire remettre de l'argent, des bijoux etc. qu'elle enterre avec un autre objet quelconque et s’en va en recommandant de ne découvrir la cachette que deux ou trois jours après, promettant que le sort sera conjuré ou la guérison obtenue à l'expiration de ce délai. Lors de l’enfouissement qui se fait en présence de la victime, la gitane a réussi très adroitement substituer les valeurs.

Escroquer au jeu de hasard._ Bonneteau.

Le bonneteau se joue avec trois cartes, dont deux noires et une rouge,que le teneur change de place rapidement, en les passant de main en main.Il s'agit, pour le joueur, d’indiquer où se trouve la carte rouge. Le teneur amorce le joueur lui laissant voir la carte rouge,ou en faisant gagner des complices qu'il avertit pas un signe ou un cri convenu de la place occupée par la carte.


Calot ou biribi.

Ce jeu se compose d’une petite boule de liège et de trois quilles creusées. Le joueur doit deviner dans quelle quille le tenancier a mis la boule; or celui-ci l’escamote presque toujours de façon à empêcher le joueur de gagner ; et lorsque ce dernier retourne la quille choisie par lui, le tenancier retourne une des deux autres quilles en y faisant tomber la boule qu'il avait conservée dans la main.

La parfaite ou Martin Claude.

Ce jeu comprend une toile rectangulaire sur laquelle six figures sont dessinées et des dés. Le joueur gagne lorsqu’un dé tombe de façon à laisser paraitre celle des figures sur laquelle il a misé. Le tenancier s'assure le succès en pinçant le cornet flexible où se trouve le dé, de façon à le faire tomber sur la face qu'il désire.


La consolation.

La consolation est le même jeu que le précédent, mais les six figures sont remplacées par des numéros.

La ratière.

La ratière est une boîte où on  introduit trois boules creuses contenant chacune un papier colorié. Les trois papiers ne sont pas coloriés de la même façon et les trois couleurs des papiers se retrouvent sur trois carrés de couleurs différentes où le joueur dépose son enjeu..
Celui-ci gagne, lorsque la boule sortant contient la couleur qu'il a choisie. Le jeu est truqué , soit en mettant un double fond à la ratière, soit en construisant la trappe de la ratière de façon que, seule, une des boules , un peu plus petite que les deux autres, puisse passer.


"Les définitions qui précèdent sont génériques. Pour rester dans la note vraie , il est juste de dire que les procédés exposés dans leurs grandes lignes comportent de multiples variantes. D'ailleurs, il ne faut pas oublier que les procédés des voleurs ou escrocs évoluent sans cesse et vont se perfectionnant chaque jour. Néanmoins, et malgré tout, peut les ramener aux type définis plus haut."
 
Source:
Décret annoté
Décret du 20 mai 1903 sur l'Organisation et le Service de la gendarmerie
(mis à jour au 1 er avril 1922)
Paris
Charles-Lavauzelle et Cie
Editeurs militaires
124,Boulevard Saint-Germain
(Même maison à Limoges)
Art.203 ,extrait,pages 320 à 325
Collection personnelle