Un texte manuscrit de cinq feuillets,sans date .
Un peu de lumière
s’il vous plaît !
il y a quelques jours,
appelé pour une affaire à Bidache , je retardais mon départ de 24heures pour
faire le voyage par le bateau l’Hirondelle, qui, deux fois par semaine fait le service
entre cette localité et Bayonne.
Je m’embarquais à 5 heures du soir, avec une bonne marée,
une brise légère mais avec un ciel chargé de nuages. J’étais dans les
meilleures conditions pour arriver à l’entrée de la nuit ; d’autant plus que le
bateau glissait sur l’eau à une vive allure ; voulant sans doute,
rivaliser avec l’oiseau dont il porte le nom. J’admirais le paysage, qui est charmant ,les coteaux de
la rive droite sont couverts à leurs
sommets d’une végétation luxuriante , mot illisible_ de belles habitations ,et plus bas de nombreuses
villas et quelques riches propriétés se reflètent gracieusement dans l’eau .La
rive gauche, au-delà de Saint-Pierre ,a un aspect un peu sauvage ; les ajoncs
et les bruyères couvrent ;en
majeure partie les coteaux, et plus près de la rive ,on aperçoit quelques carrières et des salines ,situées
à l’entrée des vallées .
Un peu avant la tombée du jour, le bateau quitta l’Adour
pour s’engager dans la Midouze ,petite rivière sinueuse ,et dont la rive droite seule
est couvert de coteaux boisés, et un peu
de distance de son confluent ,je contemplais les l ruines du château
de Guiche, lorsque la pluie, qui menaçait
depuis le départ, tomba avec abondance ;,heureusement que j’étais
abrité par la tente et la voile tendue à l’arrière du bateau mais à mon grand
regret, il me fut impossible de jouir plus longtemps de la vue de la
nature ;la nuit avançait d’autant plus vite que les nuages étaient plus sombres.
Je le regrettais, car à mon arrivée, je ne pourrais bien voir l’ensemble du
jour du port.
Pendant que je
faisais cette réflexion, un coup de sifflet de la machine m’annonçait que
j’étais près du but, et je me consolais en voyant les nuages se dissiper et la
lumière électrique de la ville brillait au-dessus du bateau, mais encore à une
certaine distance. Aussitôt le bateau ralentit son allure et stoppa à mon grand
étonnement. Je m’informais, croyant qu’un léger accident était survenu, mais on
me répondit ; nous sommes au port Comment au port ? mais je ne vois rien,
pas de lumière, pas de quai !Je finis par distinguer une passerelle, large
de quelques décimètres, mais trop éloignée pour en faire usage. Persuadé que le
pilote faisait, dans l’obscurité, une fausse manœuvre je crus bien faire en le
prévenant que la passerelle était en arrière du bateau ; cela ne fait rien
me dit-il, elle est inutile ce soir, à cause de la marée. Je me demandais par
quel moyen nous allions débarquer, lorsque je vis glisser du bord une planche allant
reposer dans la vase.
Voilà un pont vite improvisé, Il est vrai qu’il est simple,
mais pas sans danger, surtout pour les dames. Un marinier, complaisant vous
tient la main, pendant que vous faite des efforts d’équilibre, et qu’un parent
ou un ami venu à votre rencontre vous tient également la main à l’autre
extrémité de la planche. On entend des voix crier, pas là vous allez enfoncer
dans la vase ; attention à droite ! il y a des blocs de pierre ;
attention devant ! levez le pied, un talus. Je descendis de mon mieux,
aidé par les uns, renseigné par les autres. Sur la berge, je poussais un soupir
de satisfaction en m’engageant bravement sur ce que je croyais un bon chemin ;
mais hélas ! je m’embourbais jusqu’aux chevilles, et il en fut ainsi,
jusqu’à ce que je fus arrivé en face de la première lampe électrique placée à
150 ou 200 mètres du débarcadère.
Pourquoi faut-il que ce beau parcours de Bayonne à Bidache
soit couronné par une pareille déception ? Parce que le Conseil municipal et Mr
le Maire en tête qui aux dires de la Petite Gironde ont doté la ville de tant
de belles choses, dont le nombre est trop grand à énumérer, en ont oublié deux
insignifiantes cependant, ce elles seules, aussi utile pour les habitants que
pour les autres réunies Pourtant il aurait été si facile de remédier à cet état
déplorable du port. Il suffisait d’installer une ampoule de plus en face du
débarcadère, n’aurait-elle été que comme un ver luisant, et un tout petit quai ,20
mètres seulement. Les pierres ne manquent pas et pendant la dernière grève, au
lieu de laisser chanter les grévistes dans la rue, Mr le Maire aurait pu les
engager, en attendant une solution à leurs revendications, à exécuter ce travail,
ce qui leur aurait procuré un pécule suffisant pour se nourrir avec leur
famille.
J’espère, à mon prochain voyage, voir l’ampoule briller et
le quai bien fait. MM. les conseillers, suivez l’exemple de nos gouvernants qui
veulent répandre la lumière partout, et que Mr le Maire s’attire la
bienveillance de ses futurs électeurs, en les dotant avant de les quitter, d’un
tout petit quai éclairé. Après le 22 octobre il pourra s’en servir Cela fera
bien de revenir avec ses amis, de la gauche, du centre ou de la droite , je
ne sais trop avec lesquels, en bateau affrété et pavoisé ; vous serez reçu
sur les quais illuminés, on vous tendra des mains,(…) ni d’amis pour vous aider à descendre, mais d’électeurs,
auxquels vous promettez beaucoup et ne leur donnerez que quelques miettes
éparses de banquets d’inauguration, mais surtout pas de beurre ; ce
produit est exclusif, je ne dis pas cette fois pour la gauche ,pour le centre ou pour la droite ,mais pour la
majorité absolue de vos futurs confrères ,MM. les députés.
Allons un bon mouvement et la Petite Gironde pourra, sous
peu, ajouter deux œuvres de plus à votre actif et à celui du Conseil municipal.
Descamps,vétérinaire de l'armée en retraite
Villa St Léon
Source:
Archive privée proposée par
Bouquiniste Gilbert Arragon
10 Rue Sainte-Catherine 64100 BAYONNE
TÉL : 06 22 05 10 02
Courriel:gilbert.arragon[@]hotmail.fr