Le repos hebdomadaire et les P.T.T. en 1919
Repos hebdomadaire,c’est parfait.Il est juste que tous aient
droit à un jour de repos,commandé par les principes les plus incontestables
d’humanité et d’hygiène.Donc les employés des P.T.T.ont raison de demander ce
repos,les autorités publiques ont le devoir de leur accorder.Mais une loi plus
souveraine encore régit l’humanité,la nécessité de vivre et de vivre dans les
conditions complexes que nous font la civilisation et le progrès dont nous
voulons tous profiter non seulement aux jours de travail,mais aux jours de
repos.Nous voulons pouvoir,pour ne parler que de nous,citadins,manger chez nous
ou au restaurant ,faire notre marché,mettre sur la table le dimanche la pâtisserie ou le petit plat de gourmandise,faire une promenade ou une
excursion,même si nous ne sommes pas des champions de footing,nous rafraichir à
la guinguette ou au café,profiter du loisir pour lire un journal,aller au
concert,au théâtre,au cinéma,à quelque spectacle sportif ou autre,rester en
rapport avec ceux qui nous sont chers,donner ou recevoir des nouvelles,demander
ou porter des secours,etc,etc.Peut-on décréter dans notre société moderne le
repos complet,la mort absolue le dimanche de tout commerce,même
d’alimentation,de tout trafic même de trains,tramways ou cars d’excursion,de
toute occupation dans les lieux de spectacle,de tout service
postal,télégraphique ou téléphonique ,etc… ?Alors il faut concilier les
besoins du repos hebdomadaire avec les besoins de l’existence,les besoins de
ceux qui ne peuvent chômer le dimanche,comme les hôteliers,les
restaurateurs,les organisateurs de distractions,les patrons et chefs
d’industrie (qui préparent le dimanche le travail de la semaine de leur
personnel)avec les droits des employés et des fonctionnaires.
Et c'est ici et c'est ici que nous nous insurgeons contre
une théorie saugrenue et ruineuse pour la nation : « Que tout chôme,
pourvu que les intéressés aient le repos absolu du dimanche ! ». Et nous
disons : « Primo vivere ». D'abord assurer la vie publique. Et puis
donner à chacun son repos, le dimanche si possible ou un autre jour à défaut du
dimanche.
C'est pourquoi,
dussions nous attirer sur nous les foudres de certains fonctionnaires, nous
répétons : « Non, il n'est pas possible de supprimer le télégraphe,le
téléphone ,la totalité des courriers du dimanche ».
Je sais ce qu'on va m’ objecter ; cela se fait ailleurs.C'est
vrai ! J'ai vu faire cette expérience en Belgique. Quand nous sommes allés, une
centaine de journalistes, il y a deux mois, visiter la Belgique, nous sommes
arrivés à Ostende un samedi soir à 7heures. La poste était fermée.Le lendemain
dimanche, fermée aussi toute la journée.Le lundi matin (lundi de Pentecôte),
nous étions partis de bonne heure pour Zeebrugge. L'après-midi, poste fermé
encore ; jusqu'au mardi matin pas de courrier .Et je vous fais grâce des
plaintes et récriminations trop justifiées que cette situation soulevait : je
ne vous compterai pas quels graves intérêts s’en trouvaient lésés. Imitons les
étrangers, à l'occasion, mais pas
dans dans leurs erreurs momentanées.
…C’est pas leurs bons côtés qu'on doit leur ressembler.
Et c'est pourquoi nous disons que seul le repos hebdomadaire
par roulement en remplacement est possible et qu'il est contraire à toute saine
logique de chercher à imposer, dans la vie devenir intenable, le repos
dominical absolu
On a vu la solution adoptée par M.le Ministre des P.T.T. et
applicable le 21 septembre ; elle comporte une ironie et une leçon sévère à la
Clemenceau pour les Conseils municipaux qui ont plié sous le vent de la
démagogie et ont voté quelque peu inconsidérément ,un avis favorable à la
suppression de toute opération postale le dimanche.Ceux de Biarritz et de
Bayonne sont dans ce cas ; nous y comptons beaucoup d'amis mais magis amica veritas
,nous avons le devoir de protester contre leur vote et de leur dire franchement
qu'ils ont eu tort.
A Biarritz,le Conseil municipal était saisi d'une
protestation des Hôteliers et d'un avis du Syndicat d'Initiative.Le compte
rendu officiel relatent ainsi cette opinion :
« Relativement à la distribution du Dimanche, le Syndicat
des Hôteliers insiste fermement pour le maintien, en raison du trouble qui
serait apportée aux affaires par sa suppression et le Syndicat d'Initiative
demande qu'elle soit maintenue tout au moins pendant la saison d'été . »
Cependant le conseil a voté le jeu suivant :
« 1° Que l'état assure d'une manière complète et dans
le plus court délai, en augmentant le nombre des facteurs et en procédant par
voie de roulement, toutes les distributions postales, dont la suppression est
préjudiciable à la vie économique ;
2 » Qu’en attendant et afin de faire bénéficier les
facteurs des mêmes avantages généralement accordés aux autres agents soient
supprimé les distributions postale du dimanche et du 14 juillet et réduit de 4
à 3 le nombre des distributions quotidiennes. »
F- le Ministre répond par la fermeture complète,le Dimanche
des bureaux des localités dont la municipalité s'est prononcée en faveur du
repos dominical .
La municipalité va-t-elle maintenant,se féliciter du
résultat qui prive notre clientèle et notre population d'un service
indispensable à la vie de la station ? Reviendra t-elle sur son erreur aujourd’hui
hui qu'elle est en présence des conséquences désastreuses de ce vote , qui a
soulevé, nous le savons, des protestations énergiques ? Et ne sera-t-il pas
trop tard pour sauvegarder les intérêts de tous ?
E.SEITZ
Source :
Retronews - Archives de presse issues des collections de la Bibliothèque nationale de Franc
La Gazette de Biarritz et de Bayonne
Vendredi 12 septembre 1919
Billet publié page 1,colonne gauche
E.Seitz
Bureaux,17 rue Duler Biarritz
Louis-Ernest Seitz Directeur