N°34._PROCES-VERBAL constatant un crime d’avortement
Cejourd'hui (
ici la date des jour,mois et an)s
Nous, Jean M.... maréchal des logis de gendarmerie ,et Pierre
D....gendarme à la résidence de S.... revêtus de nos uniformes, et
ayant été informés que le bruit se répandait que la fille V.....
journalière, demeurant en cette commune ,était accouchée ,avant terme,
d’un enfant mort par suite de substances, drogues ou médicaments
administrés à cette fille pendant sa grossesse, avons pris et
recueilli les renseignements suivants :
Louise V....., âgée de .... ans, avait, depuis longtemps, avec le sieur
Paul L...... propriétaire à S....... des liaisons particulières et
intimes, par suite desquelles elle se trouva intense. Son état ne
pouvant demeurer caché, elle pressait vainement L....de s'unir à elle
par le mariage. Sa grossesse était arrivée déjà au cinquième mois,
quand survint une indisposition soit réelle, soit feinte, qui la mit
en position de garder le lit. Alors, suivant qu'il nous a été rapporté
par le sieur J..., voisin de la fille V......, L...... s’adressa à la
nommée M...... demeurant aux C......, qui passe dans le public pour
procurer des avortements à l’aide de drogues de sa composition. Il prit
ensuite chez le sieur A ..... pharmacien à L...., diverses substances
et notamment de l'émétique,sous prétexte de soins à donner à ses
bestiaux. Enfin, il vint chez Louise V.... le 15 du mois dernier, et
lui apporta, en présence de Marie T....et Jeanne R....., ses voisines,
une bouteille contenant une liqueur qu'il dit lui avoir été donnée
pour guérir l’indisposition et la fièvre dont elle était atteinte, par
le sieur L ..... médecin à C...., à qui il avait parlé de cette
maladie.
La fille V..... ayant fait usage de ce remède pendant une semaine ou
deux, éprouva de vives douleurs qui durèrent un jour et une nuit ; elle
finit par accoucher, le 30 janvier dernier, d’un enfant mort, au terme
de cinq mois environ de grossesse. Ce fut la dame V...., sage-femme à
....qui procéda à sa délivrance.
Des informations par nous prises dans la journée d’hier près dudit
sieur A.....pharmacien il résulte : qu’il n’est point vrai qu’il ait
fourni audit L.....aucuns médicaments réduits à l’état de liquide,et
qu'il lui a donné seulement vingt grains d'émétique ,dont il a signé
le récépissé sur le registre constatant la délivrance des substances
vénéneuses. Qu’il est également faux que L......ait jamais parlé à
M.L.... médecin, de la maladie de la fille V...... et qu’il en ait reçu
un médicament quelconque.
La nommée Anne H...... femme de L ......cultivateur nous a déclaré que,
huit ou dix jours avant l’accouchement de la fille V .... elle lui a vu
boire, dans une cuiller, un liquide qu’elle dit lui avoir été remis par
le sieur L... pour la guérir de son indisposition.
Le sieur Guillaume A......marguillier à ..... qui a déposé l’enfant
dans la bière, nous a déclaré qu’il était dans un état de putréfaction
tellement avancée qu'il est évident que la mort remontait à sept ou
huit jours avant l’accouchement.
Les faits ci-dessus rapportés constituant présomption suffisante que la
mort de l’enfant né de la fille V.....est le résultat de substances
administrées et prises pour procurer un avortement ,soit du
consentement de la mère,soit à son insu,crime prévu par l'art.317 du
Code pénal,nous avons rédigé le présent procès-verbal, dont l’original
sera ’envoyé à M. le procureur de la République près le tribunal civil
de cet arrondissement,, et copie adressée au commandant de la
gendarmerie de l’arrondissement, conformément à l’article 495 du décret
du 1er mars 1854.
Fait et clos à,...... les jours mois et an que dessus.
(Signatures des gendarmes)
Ce procès-verbal n'est soumis au visa pour timbre ni à l’enregistrement.
Quiconque, par aliments, breuvages, médicaments, violences, ou par tout
autre moyen, aura procuré l’avortement d’une femme enceinte, soit
qu’elle y ait consenti ou non, sera puni de la réclusion.
La même peine sera prononcée contre la femme qui se sera procuré
l’avortement à elle-même, ou qui aura consenti à faire usage des
moyens à elle indiqués ou administrés à cet effet, si l’avortement s’en
est suivi.
Les médecins, chirurgiens et autres officiers de santé, ainsi que les
pharmaciens qui auront indiqué ou administré ces moyens, seront
condamnés à la peine des travaux forcés à temps, dans le cas où
l’avortement aurait eu lieu .(Art.317 du Code pénal.).
L’aggravation de peines encourues à raison de sa qualité de médecin de
sage-femme par la personne qui a procuré l’avortement d’une femme
enceinte est aussi applicable à l’individu qui, même n'exerçant pas
l'art de guérir, s’est rendu coupable de ce crime.(Cass,23 nov.1872.)
.
L’art. 317 ne puni pas la femme elle-même pour la simple tentative
d’avortement, mais il punit les tiers , surtout les médecins. En
matière de tentative d’avortement, le complice de la femme peut être
puni, bien que la femme ne le soit pas.(Arrêt de cass.du 16 octobre 1817).
La tentative du crime d’avortement doit être punie comme le crime même,
excepté à l’égard de la femme enceinte, qui n’est punissable qu’en cas
d’avortement consommé (Arrêt de cass.du 17 mars 1827).
L’acquittement sur l’accusation du crime d’avortement n’empêche
pas une nouvelle poursuite pour blessures volontaires ayant occasionné
la mort (Cass,4 fév.1864).
Les sages-femmes sont comprises dans la généralité des termes du § de
l'art.317 du Code pénal,qui punit des travaux forcés les
médecins,chirurgiens et autres officiers de santé qui ont procuré
l'avortement d'une femme enceinte.(Arrêt de cass.du 22 avril 1852).
La surveillance de haute police est supprimée.Elle est remplacée par la
défense faite au condamné de paraître dans les lieux dont
l'interdiction lui sera signifiée par le gouvernement avant sa
libération.(Loi du 27 mai 1885,art.19._)
Source:
Formulaire général des PROCÈS-VERBAUX de la gendarmerie
Contenant sur chaque matière
Les modèles d'actes d'instruction et procès-verbaux à rédiger,
Les circulaires ministérielles,
Le texte des lois,
L'extrait des décrets,règlements,arrêts de la cour de cassation,
Avis du Conseil d’État;
Les lois sur le roulage et les messageries,la chasse,etc.
et indiquant les formalités nécessaires à la validité de chaque-procès-verbal ainsi que les fonctionnaires a qui remise doit en être faite.
Par M.Perrève ancien Procureur,Juge au Tribunal de Neufchâtel
et M.Cochet de Savigny Officier de Gendarmerie,Officier de la Légion d'Honneur
13 e édition
PARIS
LEAUTEY,Imprimeur-Éditeur de la Gendarmerie
Rue Saint-Guillaume,24
Ne comporte pas de date d'édition.
Pages 64 et 65
Exemplaire ayant appartenu à l'Adjudant-Chef VILLEFER Gendarmerie (Algérie) BOUIRA.
On trouvera également sur Gallica plusieurs éditions numériques de ces auteurs.
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