COMMISSARIAT SPÉCIAL
des Chemins de Fer du Midi et du Port
BAYONNE,le 25 mars 1919
Le Commissaire Spécial de Bayonne
A Monsieur le Préfet des Basses-Pyrénées
J'ai l'honneur de vous rendre compte qu’ayant été avisé
qu’un sieur ORLIAGUET, adressait à des
commerçants de la région une circulaire,ayant pour objet un appel de fonds afin
de créer un périodique destiné à
combattre le journal « L’Action Syndicaliste » dont il soupçonne les
dirigeants de mener bolchévistes. Je me suis aussitôt livré à une entente.
Vous trouverez annexées , la déclaration du sieur ORLIAGUET et
la circulaire en question.
J’ai élargi mon
enquête qui a donné les résultats suivants :
De mon collègue de
Bordeaux.
« J’ai l'honneur
de vous faire connaître que le sieur ORLIAGUET Ernest a en effet travaillé dans
notre ville comme typographe d'abord à l'imprimerie PECHADE du 26 juin 1917 au
5 janvier 1918 et ensuite chez DELMAS jusqu'au 15 février suivant. Dans ces deux
maisons ,où rien défavorable n'a pu être
relevé contre lui ,en ce qui concerne sa probité, il a laissé le souvenir d'un
ouvrier médiocre,tant au point de vue
professionnel, quand qu'en ce qui concerne son ardeur au travail.
Dans le quartier où il demeurait, rue Servandoni, avec une
concubine, aucun enseignement fâcheux n'a été recueilli sur le ménage ,venant
de Paris,lorsqu’il est arrivé à Bordeaux ; il aurait été précédemment
établi comme imprimeur à Hasparren (Basses-Pyrénées) et en quittant notre
ville, il aurait déclaré se rendre à Saintes où un de ses frères serait également établi comme
imprimeur. »
De mon collègue de Mauléon :
« M.CLED a
employé le nommé ORLIAGUET comme ouvrier typographe à Mauléon en 1913.C’était
un bon ouvrier.
Parlons de l’honorabilité et de la probité de son ancien ouvrier, M CLED a
dit : que ce qui était passé était le passé et qu'il n'était plus utile
d'en reparler, » ce qui semble indiquer que le nommé ORLIAGUET n'a pas donné toutes les satisfactions ; En
quittant M. CLED,ORLIAGUET est allé s'installer à Hasparren, mais dernièrement
M. CLED a eu en mains une circulaire lui faisant connaître que ORLIAGUET était établi pour son compte à Bayonne ».
A Hasparren,les renseignements suivants ont été recueillis,
« Le nommé ORLIAGUET est venu s'établir à Hasparren vers la fin de l'année 1911,où il monta une
imprimerie dans le vieux moulin isolé de Saliondos.Il vivait avec ses trois enfants et la nommée
CEDRON Marguerite Marie,Dactylographe,alors agée de 24 ans,née à Cenon
(Gironde).
Sauf une plainte déposée le 6 octobre 1912 par ses enfants
qui se plaignaient de sévices de la part de leurs parents, ORLIAGUET n’a suscité aucune plainte ou réclamation de
la part des habitants. Il paraissait à tous actifs et vaillant et a fait son
possible pour se créer une clientèle.N’ayant pas suffisamment de travail chez lui,il allait s'occuper à Bayonne dans une imprimerie
et rentrait à Hasparren deux fois par semaine. Rien d'anormal n'a été constaté
dans sa façon de vivre ; Il ne s'est livré à aucun acte pouvant le faire
suspecter au point de vue national.Il a quitté Hasparren dans les premiers jours de janvier 1915 ;sa
maîtresse était partie quelque temps auparavant. »
De mon collègue de Saintes :
Le nommé ORLIAGUET Ernest
a été établi imprimeur à Saintes puis à
Pons.Il y a une vingtaine d'années,Il a
fait de mauvaises affaires et a quitté la France. Sa famille est restée
plusieurs années sans recevoir de ses
nouvelles .Depuis ORLIAGUET n’est jamais
revenu à Saintes où son frère est
toujours imprimeur. »
De tout ce qui
précède, il est à retenir que l'imprimerie « LA RÉNOVATRICE » est un
foyer d'action de propagande socialiste, mais pas cependant un centre de menées
bolchévistes , comme semble l’indiquer le nommé ORLIAGUET .
LE COMMISSAIRE SPÉCIAL.
Circulaire n°1
Bayonne,le
Maison Balangué
St Léon
CHERS CONCITOYENS,
Gros et Petits industriels ou Commerçants
Si, comme nous, vous reconnaissez qu'il faut arrêter les
exigences sans fin de vos employés à la veille de vos en imposer encore de plus
fortes.
Si vous croyez qu'il y a un danger imminent à laisser
certains groupements devenir plus importants ;qu'il faut de ce fait
ramener vers nous les isolés ; les petits, les hésitants, les timides qui
se rangeront de notre côté avec d'autant plus d'entrain qu’ils se sentiront
soutenus épars,ils ne sont rien, réunis sous de bons conseils, ils seront
puissants.
Si vous estimez aussi
que de cette façon,en divisant l'ennemi,nous y sèmerons vite vite la zizanie et diminueront
ainsi ses forces par trop inquiétantes, surtout à Bayonne qui va devenir une
ville très industrielle.
S’il est clair à vos yeux ,qu'il est intéressant de défendre
les noms syndiqués, ces sans appui,ces prolétaires à l'esprit libre,
indépendant, en dehors des coteries.Qu’il importe de démasquer la triste mentalité des meneurs de toutes ces
sectes.
Si enfin vous pensez qu'il y a lieu de combattre à outrance
certains journaux d'action, des militants, feuilles accréditées des coopératives.
Si tout cela vous paraît vrai, chers compatriotes ,fondez avec nous un périodique de défense affilié à
la bourgeoisie, tout en étant un centre de placement mettant les ouvriers à
l'abri du chômage.
Et vous le pouvez :
1° En souscrivant à la demande de la circulaire ci-contre,. vous
aurez favorisé la réinstallation de la nouvelle imprimerie du Solidaire dans votre cité. Cette petite avance d'un ou
de plusieurs reçus de 25 frcs,vous serait remboursable en imprimés ; encaissés
par le notaire, ces fonds ne nous serons
remis qu'après l'acte de nantissement sur notre matériel d'imprimerie transféré
au nom du plus fort souscripteur.
Vous aurez donc fait œuvre utile sans risquer un
centime.Vous ne pouvez guère vous
refuser à une autre sincère proposition,à une aussi louable cause ;
2° Par une simple cotisation mensuelle de 5 francs
pendant 12 mois seulement, qui donnera droit à une insertion. Avec un petit
noyau d'adhérents, nous nous faisons fort de lancer Le Solidaire qui vivra de lui-même avant une année.
Vous contribuerez de
la sorte à donner de la vitalité à un bien petit mensuel, certes, mais qui
grandira ;à tremper une arme intangible contre les bolchéviks en
préservant vos intérêts, votre tranquillité, votre dignité.
Le Solidaire , périodique de placement organisé ,deviendra
le précieux recours des employés et employeurs, surtout que ceux-ci y puiseront
des renseignements intéressants les corporations.
Chers concitoyens, nous vous offrons loyalement, sans
arrière-pensées, notre expérience, notre bonne volonté, notre travail, notre
énergie. N'hésitez pas à répondre à notre appel,
Aidez-nous,nous vous défendrons.
ORLIAGUET,
Ex Directeur-Gérant du Progrès de
la Charente-Inférieure,
du Patriote Saintongeais,du
Laboureur,
Fondateur de l’Éclaireur,
Soyez indulgent pour les fautes et les imperfections de ces
circulaires composées et tirées à la hâte clandestinement,avec un matériel
défectueux.
Circulaire n°2
IMPRIMERIE DU LITTORAL
ORLIAGUET
HASPARREN
BAYONNE,
Maison Balangué
MONSIEUR ET CHER CLIENT,
Je ne crois pas qu'il soit prématuré de parler affaires aussitôt
la victoire, à l'heure où ceux qui le peuvent se feront un religieux devoir
d'aider les petits à se remonter.
De retour à Bayonne depuis deux mois,désireux de me faire au plus vite une situation, brisée
comme tant d'autres débuts de la grande guerre et hachés par de gros ennuis ;tout
à fait retrempé, je reprendrai les affaires dans les meilleures conditions. Je
me suis fait une nouvelle famille en épousant une béarnaise.Mme Orliaguet me
sera donc une précieuse collaboratrice, d'autant plus qu'elle est bonne
compositrice.
Mais , pour y aboutir ,surtout en raison de la cherté
des papiers,il me manque 2500
francs.J'ai pensé les réaliser en faisant souscrire 100 reçus de 25 frcs à valoir sur des travaux
d'imprimerie et remboursables par moitié chaque année.
J'en ferai le recouvrement au fur et à mesure des besoins de
mon commerce,et successivement, afin
d'en garantir la totalité sur la valeur intrinsèque de mon matériel, estimé à
25.000 francs.
Ce fonds de roulement m'aiderait alors à mettre sur pied mon
matériel en faisant venir celui remisé à Caussade, dont j'ai fait
l'acquisition, complétant de la sorte mes collections par des types modernes ;le
tout est suffisant pour entreprendre les
divers travaux d'imprimerie de tous formats.
Vous connaissez mon
activité, vous m'avez vu à l'œuvre :travailleur infatigable, j'étais
arrivé ,sans avance, avec mes propres forces. Un résultat indéniable ,après
trois années ,il est vrai ,de rudes
labeurs et cependant bien mal entouré dans mon intérieur.
Vous savez que mes livraisons sont irréprochables, même en ce qui concerne les
travaux de reproductions en couleurs,que je traite d'une façon toute particulière m'y
étant spécialisé puisque je suis également dessinateur et retoucheur. Profitant
encore de mon séjour à Paris,durant ces
dernières années, je me suis perfectionné davantage dans cet art. ;aussi,
d'importantes commandes me sont-elles
assurées.
Or, voulez vous me tenez un coup d'épaule en acceptant ma
proposition ?, je suis persuadé que vous n'aurez qu'à vous louer de
m'avoir aidé à faire revivre ma petite industrie. De mon côté, je m'efforcerai
plus que jamais , à vous donner une entière satisfaction,en mettant à votre service, ma grande expérience du
métier ,pour les imprimés que vous voudrez bien me confier.
En cet espoir, je vous prie d'agréer, Monsieur et Cher Client,
l'expression de ma plus vive gratitude.
E.ORLIAGUET
BAYONNE le 29 Novembre 1918
Monsieur ORLIAGUET
Ouvrier à la « Rénovatrice »
E.V.
Monsieur,
Une délégation du syndicat des ouvriers du livre de Bayonne
et venu me trouver ,ces jours derniers, pour m'informer que vous n'êtes pas
membre de la Fédération Française des travailleurs du Livre et que,pour ce motif, vous ne pourrez
travailler à la « Rénovatrice » . Les statuts de notre société nous
interdisant d'embaucher des ouvriers non syndiqués.
Je dois vous avouer, que lorsque vous m'avez adressé de
Pamiers une demande de travail,j'ai cru
bien sincèrement,en répondant par une acceptation,que vous étiez syndiqué.Il ne m'est pas venu à l'esprit de vous poser la
question,vous ayant connu. ouvrier à la « Rénovatrice » et la clause
de nos statuts qui exigent l'emploi d’ouvriers
syndiqués existant aussi bien à l'époque
qu’à présent.
Personnellement, je n'ai rien à reprocher ni à votre conduite,
ni à votre travail ,et si je m'en rapporte à ce que j'ai entendu dire,vous vous
êtes conduit partout ou vous avez travaillé en bon camarade et ouvriers
consciencieux.
Afin d'éviter un conflit avec le syndicat du Livre et pour
nous conformer à nos statuts, je vous invite à demander votre adhésion à la
118e Section du Livre .
Si, pour des raisons
personnelles, vous ne croyez pas devoir vous soumettre à cette obligation, vous
voudrez bien considérer, je vous prie, que vous cessez de faire partie de notre
personnel à partir de fin décembre.
Ne croyez là, je vous
prie, aucune manifestation de mauvaise humeur de ma part,ni d'un mécontentement
quelconque.
Recevez Monsieur ORLIAGUET, mes meilleurs cordialités.
Signé :MIREMONT.
des Chemins de Fer
du Midi et du Port
BAYONNE
N°57
Objet :Déclaration du sieur ORLIAGUET Ernest
L’an mil neuf cent dix huit
Le vingt huit décembre dix sept heures
Nous,Monicault,Georges,Commissaire Spécial des Devant
Chemins de Fer du Midi et du Port de Bayonne,Officier de Police Judiciaire
auxiliaire de Monsieur le Procureur de la République
Se présente M.Orliaguet Ernest,né à Saintes le 16 juillet
1871,sujet français demeurant à Bayonne maison Balangué qui nous fait la
déclaration suivante :
Je réside dans la région depuis 10 ans. Mauléon,Hasarren et
Bayonne .
À Mauléon. J'étais employé comme typographe à l'imprimerie CLED,puis
j'ai installé une imprimerie à Hasparren.
J'ai travaillé ensuite à Versailles, imprimerie
LECERF ;
A Paris,imprimerie PÉPIN et BROUARD , rue de la perle et imprimerie de la Bourse du Commerce rue Jean-Jacques Rousseau.
À Bordeaux, imprimerie PECHADE ,rue
Margeaux ,DELMAS place St Christoly.
Je suis venu me fixer à Bayonne où j'ai trouvé un emploi à « La
Rénovatrice » quai Chaho.
Dans cette imprimerie dirigée par M.MIREMONT on m’a tenu en suspicion parce que je n'étais
pas syndiqué ; une campagne a été menée contre moi,parmi le personnel ,ar
le sieur BRAU,,prote gérant de journal « l'action
syndicaliste « et le 29 novembre 1918, j'ai reçu de mon patron une lettre,par
laquelle j'étais visé que si je ne m'affiliais pas au » syndicat du livre » je
n'appartiendrais plus au personnel de l'imprimerie à la date du 31 décembre
1918.
Cherchons alors à me créer une situation, j'ai adressé à des
industriels une circulaire, dont je vous remets un exemplaire, par laquelle
j'informais ceux-ci, que j'avais l'intention de créer un Bayonne, une
imprimerie, et je leur faisais mes offres de service.
M.MIREMONT, ayant eu connaissance de cette circulaire, me
congédiait le 18 décembre courant.
Vous remarquerez que dans ma circulaire, je fais allusion
aux menées Bolchévistes de la r »Rénovatrice »
et je m'appuie, pour faire semblable
remarque, sur les conversations qui se tenaient journellement dans cette
maison.
Plusieurs ouvriers reçoivent des journaux anarchistes, tels
que le « Populaire » et "La Vague ».
BRAU est celui qui fait le plus de propagande socialiste ;.
C’est un défaitiste qui,en sa double qualité de « secrétaire du
syndicat du livre » et de « Président du Conseil des Prud'hommes, »
reçoit journellement des ouvriers avec lesquels il a des conciliabules.
Il reçoit des circulaires de la CGT, il distribue les plus
violentes et conserve celles qui ont un
caractère plus modéré.
Lecture faite persiste et signe.
Complément du blog
BRAU-MENJUCA Louis
https://maitron.fr/spip.php?article102249, notice BRAU-MENJUCA Louis
par J.-Cl. Paul Dejean,
version mise en ligne le 3 novembre 2010, dernière modification le 3 novembre 2010.
https://earchives.le64.fr/archives-en-ligne/etat-civil-
Acte de naissance de BRAU-MENJUCA Pierre Jean Louis
Bayonne état civil naissances 1863-1873_Acte N°526 Vue 564/889
Source :
Archives départementales des Pyrénées-Atlantiques
Site de Pau
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