04 décembre 2021

20 décembre 1944:l'assassinat bien réel de Marcel Bidegaray dans un camp d’internement imaginaire à Bidache (64)

 Marcel Bidegaray ,ancien secrétaire général de la Fédération des Cheminots, membre du comité central de la Ligue des Droits de l’Homme entre les deux guerres , socialiste, et enfin, secrétaire du Comité Ouvrier de Secours Immédiat de Bayonne pendant l’occupation, a été assassiné quatre mois après La Libération. Plusieurs sites internet affirment faussement qu’il serait mort dans un camp d’internement à Bidache (64) ;

·         Mort interné par les Alliés, fin 1944 (Wikipedia-COSI)

·         Mort mystérieuse au camp d’internement de Bidache (Kervreizh.eu)

·         Exécuté par la résistance communiste au camp d’internement de Bidache (blog Roger C)

Les éléments cités ci-dessous découlent essentiellement de documents librement communicables à tout lecteur qui en fait la demande, en salle des  Archives départementales des Pyrénées-Atlantiques à Pau et Bayonne.

AD 64 Pau 72 W art 123

AD 64 Pau 72 W art 139

AD 64 Pau 87 W art 10

AD 64 Bayonne 1027 W art 293

AD 64 Bayonne 1001 W art 306

AD 64 Bayonne 1378 W Art 160

Enveloppe du 16-12-1944 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Repères chronologiques

Avril 1944, Après le bombardement de Biarritz du 27 mars, premiers secours en argent distribués  par le Comité Ouvrier de Secours Immédiat de Bayonne dont Bidegaray est le secrétaire.

22 aout, les Allemands se retirent de Bayonne

8-9 septembre ,arrestation de Bidegaray en application d’un arrêté d’internement administratif

10 septembre , écroué à Château-Neuf de Bayonne sous le numéro 405

19 septembre , Transfert de Château-Neuf au camp du Polo Beyris de Bayonne (Convoi N°5- baraque N°44)

21 septembre  interrogatoire de Bidegaray

22 septembre , rejet à l’unanimité  par le Comité Local et Comité Départemental de Libération de sa demande de mise en liberté provisoire

24 octobre , La Commission de Vérification des Internement décide une peine de 2 ans d’internement. Date théorique de libération 9 9 1946.

11 novembre , transfert du camp du Polo Beyris vers celui de Gurs

10 décembre , certificat de libération du camp de Gurs pour une assignation à résidence à Bidache

13 décembre Bidegaray pensionnaire à l’hôtel restaurant Basque à Bidache,

20 décembre 1944, assassinat de Bidegaray,

Jeudi 21 décembre 1944, faute de places libres à l’intérieur de l’autocar reliant Bidache à Bayonne ,deux passagers se sont installés sur le toit du véhicule. A un peu plus de 3 kilomètres de Bidache en direction de Bardos, un voyageur perché, aperçoit le cadavre d’un homme dans un fossé longeant la Route Nationale 636. Alertés, les gendarmes de Bidache reconnaissent aisément le corps de Marcel Bidegaray. En effet, l’homme abattu, était sous le coup d’une assignation à résidence à Bidache , et avait l’obligation de signer deux fois par jour à la gendarmerie.

Les auteurs présumés du meurtre sont deux hommes, âgés de 30 à 40 ans circulant dans une voiture 402 Peugeot, à gazogène. Sur les lieux du crime, a été trouvée une poignée de portière de voiture Peugeot

État civil de Bayonne-Registre des décès 1945-N°57 Marcel Bidegaray Transcription

 

Extrait de la déposition de la patronne de l’hôtel restaurant

21 décembre 1944

"M.Bidegaray était pensionnaire dans mon hôtel restaurant Basque depuis huit jours. C'était un homme très calme et rien dans son comportement ne laissait supposer le drame qui s'est passé hier soir 20 décembre. Comme d'habitude à 6h il a été à la gendarmerie signer, car il était astreint à donner sa signature 2 fois par jour, puis il est entré à l’hôtel et m'a aidé à égrener du maïs jusqu'à 6h30.Ensuite il a lavé et essuyé les verres dans la grande salle. Pendant ce temps j'étais dans la cuisine et je ne me suis plus occupé de lui (…)"

 

Extrait du rapport de l’inspecteur de police Judiciaire Fxxx J

15 janvier 1945

Astreint à résidence surveillée dans la commune de Bidache ,M.Bidegaray devait venir émarger deux fois par jour à la gendarmerie locale. L’examen de sa dernière signature, c’est-à-dire de celle faite dans l’après-midi ayant précédé le soir de sa disparition parait indiquer que le signataire se trouvait sinon sous le coup d’une émotion, du moins dans un état de très grande nervosité. Cette signature, d’une écriture tremblée, est nettement différente des trois précédentes…

Ce fait qui n'a d'ailleurs pas pu être exploité pour la marche de l’enquête, paraît néanmoins ouvrir la porte à des hypothèses assez plausibles : par exemple que monsieur Bidegaray  « attendait quelque chose »…

Le surnommé semble être parti de l'hôtel (…) d'abord de Bidache ensuite, sans qu'il lui soit fait violence : il attendait donc sans doute les personnes avec lesquelles il est parti…

Il est néanmoins vraisemblable que la victime ne s'attendait pas à aller bien loin : elle était sortie de l'auberge en pantoufles et sans pardessus ; les personnes avec lesquelles il est parti l’emmenaient donc, probablement pour avoir un entretien discret, en un lieu soi-disant proche …

Quelques vraisemblable que soient de telles hypothèses, parce que basées sur des faits, elles n'ont pas permis à l’enquête entreprise de faire davantage de progrès. »

 

Le pourquoi de ce crime, non élucidé à ce jour , est à rechercher 

dans le passé militant de Bidegaray.

Première hypothèse : Aspect financier

L’argent du Comité Ouvrier de Secours Immédiat de Bayonne ou l’idée que pouvait s’en faire des militants amis ou adversaires.Ainsi,des militants du Parti Populaire Français de Bayonne, réfugiés en Espagne, avaient des besoins en argent…Sur ce sujet,voir le billet du blog du 10 novembre 2020:Précisions sur Bayonne sous Vichy et l’occupation : le détour par Agen _Contenu N°5

En fuite , l’ancien chef du P.P.F de Bayonne, demande une aide financière au consul d’Allemagne à San-Sébastien


Deuxième hypothèse : châtiment d’un traitre

En cette fin 1944,le châtiment des traitres revient à plusieurs reprises dans la presse communiste. Ce thème a été probablement abordé par Jacques Duclos dans un meeting qu’il a tenu à Bayonne le 8 décembre 1944.

En l’état des recherches, nulle trace d’une désignation publique de Bidegaray à la vindicte des militants. Par contre, le souvenir de Pierre Sémard ancien secrétaire général de la Fédération des cheminots (CGT) fusillé le 7 mars 1942 à la prison d’Evreux est évoqué. Sous le titre « On épure chez les cheminots » un article de la Vie Ouvrière (CGT) du 14 12 1944 est révélateur d’un état d’esprit

« Mais une autre question se pose pour Badinot et ses dignes amis. Quelle part ont-ils pris, par leur attitude à l’arrestation de Pierre Sémard, c’est-à-dire à sa condamnation, à son emprisonnement, donc à son assassinat ?

En attendant une réponse à cette question c'est un fait qu'ils prirent possession des postes précédemment occupés par nos militants dès que ceux-ci furent soit arrêtés, soit contraints de passer dans l'illégalité pour y continuer leur travail.

De combien d'arrestations, de combien de déportations ,de combien de tortures et de combien d'assassinats outre celle de notre cher Semard, Badinot  et ses amis se sont-ils rendus coupables en raison de leur attitude depuis septembre 1939.

La parole est à la justice. »

 

Articles du blog consacrés à Marcel Bidegaray  

11 avril 2015 Marcel Bidegaray exécuté de trois balles de révolver à Bidache 

28 février 2021 À propos de Marcel Bidegaray 1943-1944

4 novembre 2021 Marcel Bidegaray (1875-1944) membre du Comité Central de la Ligue des Droits de l'Homme 

19 novembre 2021 L'utilisation du nom de Bidegaray au meeting du 11 avril 1943 au Vel' d'Hiv de Paris

 27 novembre 2021 Éclairages sur une organisation collaborationniste bayonnaise méconnue : le Comité Ouvrier de Secours Immédiat 1942-1944