Au printemps 1940, les autorités civiles et militaires de la IIIe République,décident d'éloigner de Bayonne,Fernand Elosu (1875-1941), accusé d’être un "extrémiste militant". L’internement initialement prévu au Centre de Séjour Surveillé de Saint-Martin-de-Ré (Charente-Maritime) se fera au camp de Gurs via la prison de Dax.
Le dossier coté 77 W Art 48 conservé par les Archives départementales des Pyrénées-Atlantiques à Pau dévoilent les ressorts d'un internement pour délit d'opinion,avant le gouvernement de Vichy.
La numérotation des pièces est le fait de l'auteur du blog
Pièce N°1_Bordeaux,le 18 mars 1940
Extrait d'une écoute téléphonique du 11/3/40 Bayonne
Destinataire Appelé Commissariat de Police Bayonne.
Bonjour M.NADEAU.Je vous appelle au sujet de l'affaire ELOSU.Il a
demandé un recours en grâce au Procureur de la République.Le
Sous-Préfet me demande ce que penserait l'opinion si le recours en grâce était signé.
Venez me voir,nous en reparlerons.
Maintenant il y a trois Espagnols (de la Roseraie) qui n'ont pas de
laisser-passer,qui n'ont rien et qui travaillent à la Poudrerie de
Blancpignon,et qui arboraient hier une fleur rouge.
Si je les fous entre les mains du Parquet,l'usine va crier,puisqu'ils travaillent pour la Défense.
Venez,nous parlerons de cela.
Le Dr ELOSU est un communiste notoire et militant.
Pièce N°2_Ministère de l'Intérieur
Direction Générale de la Sûreté Nationale
Commissariat spécial de Bayonne
N°945
Bayonne le 24 mars 1940
Le Commissaire spécial TOURRET
à Monsieur le Commissaire Divisionnaire
HENDAYE
Comme suite à la demande de renseignements N°3222 BCR en date du 16
mars 1940 de M.le Général Commandant la 18 e Région,relative à un
compte rendu d'écoute de Bayonne du 11 mars 1940 à 14h30,j'ai l'honneur
de vous faire connaitre qu'il s'agit d'un entretien téléphonique entre
M.NADAUD ,Commissaire Central de Bayonne et moi-même,Commissaire
Spécial,détaché à Bayonne.
L'affaire ELOSU,dont il est question,est une affaire de reconstitution
de groupement dissous (Les Amis de l'U.R.S.S.) sanctionné le 8 février
dernier par le Tribunal Correctionnel de Bayonne qui a prononcé une
peine de 6 mois de prison contre le Docteur ELOSU de Bayonne,militant
extrémiste.Celui-ci a demandé un recours en grâce.
M.le Sous-Préfet de Bayonne ayant demandé des renseignements à ce sujet
à M.NADAUD,Commissaire Central et à moi-même,il était normal de nous
consulter.
Je vous ai adressé mon rapport à ce sujet sous le N°826 le 22 mars courant.
Les 3 Espagnols dont il est question dans le compte rendu d'écoute sont les nommés:
CANGA Manuel né à BILBAO le 22 octobre 1915
NOCEDALValentia ,né le 3 novembre 1913 à San-Salvador,
SANCHEZ Gerardo,né le 27 juillet 1917 à Sestas.
Ces 3 réfugiés espagnols travaillent actuellement à la Poudrerie de BLANCPIGNON.
Le 11 mars courant,ils ont fait l'objet d'un examen de situation dans
les services de la Police municipale de Bayonne,cars ils avaient été
remarqués ,se promenant en ville avec une fleur rouge à la boutonnière.
Ils n'ont pas été déférés au Parquet,parce qu'il n'a pu être recueilli aucun élément d'inculpation contre eux.
Ces 3 étrangers provenant de camps de concentration sont dépourvus de
laissez-passer,car ainsi que tous les réfugiés espagnols travaillant à
la Poudrerie nationale de BLANCPIGNON et les usines BREGUET à
Anglet,ils vont etre formés en compagnies de travailleurs étrangers,à
bref délai.
Le Commissaire Spécial.
N°5.016
5.303
VU et TRANSMIS à Monsieur le Général Commandant
la 18e Région-Etat-major-B-C-R Bordeaux-
suite à sa demande ,en date du 16 mars 1940.N°3.222
Les espagnols sus-visés font l'objet d'une active surveillance de mon service.
Hendaye le 25 mars 1940
Le Commissaire Divisionnaire.
Pièce N°3_Pau,le 8 avril 1940
Le Préfet des Basses-Pyrénées
à Monsieur le Sous-Préfet à Bayonne
En vous accusant réception de votre communication du 27 mars 1940
portant envoi du rapport N°5.016-5.303 de M.le Commissaire
Divisionnaire d'Hendaye,en date du 25 mars,j'ai l'honneur de vous prier
de vouloir bien,au fur et à mesure que des individus dangereux pour la
défense nationale ou l'ordre public et actuellement détenus seront
libérés,m'adresser les propositions que vous croiriez devoir formuler
en vue de l'application à ces individus de l'une des dispositions
prévues par le décret du 18 Novembre 1939.
Je vous serais obligé de me faire connaitre si vous envisagez qu'il y
aurait lieu de prendre une mesure semblable à l'encontre du Docteur
ELOSU dans le cas où son recours en grâce viendrait à être accepté.
Le Préfet
Pièce N°4_Ministère de l'Intérieur
Direction Générale de la Sûreté Nationale
Commissariat Spécial de BAYONNE
N°1198
Bayonne,le 20 avril 1940
Le Commissaire Spécial TOURRET
à Monsieur le Commissaire Divisionnaire
HENDAYE
Comme suite à vos instructions,j'ai l'honneur de vous faire connaitre
qu'à mon avis,il y aurait lieu de prendre une mesure d'éloignement,en
application du 18 Novembre 1939,à l'encontre du Docteur ELOSU de
Bayonne dans le cas où son recours en grâce viendrait a être accepté.
Ce militant extrémiste a fait l'objet de ma transmission N°826 du 22 mars 1940.
Le Commissaire Spécial.
N)6.205
7.091
D-Communistes Avril 1935
Dissolution Parti Communiste
--------------------------------------
VU et TRANSMIS à Monsieur le SOUS-PRÉFET de Bayonne,suite à sa demande,en date du 9 avril 1940.
Hendaye le 22 avril 1940.
Le Commissaire Divisionnaire
Pièce N°5_Direction Générale de la Sûreté Nationale
Commissariat spécial d'Hendaye
-------------------------
Communiste 1940
-------------------------
Hendaye le 27 avril 1940
Le Commissaire Divisionnaire à Monsieur le SOUS-PRÉFET BAYONNE
Référence à votre demande,en date du 23 avril 1940,j'ai l'honneur de
vous faire connaitre que je partage entièrement l'avis de M.TOURRET,qui
a proposé l'éloignement du docteur ELOSU,dans le cas où son recours en grâce viendrait à être accepté.
Le Commissaire Divisionnaire
Pièce N°6_Sous-Préfecture de Bayonne
Bayonne,le 29 avril 1940
SECRET
Le Sous-Préfet de Bayonne
à Monsieur le Préfet (Cabinet du Préfet)
En réponse à votre communication du 8 avril,j'ai l'honneur de vous
transmettre,sous ce pli,les rapports que m'adressent M.le Commissaire
Divisionnaire d'Hendaye et M,le Commissaire Spécial à Bayonne tendant à
l'éloignement du docteur ELOSU dans le cas où son recours en grâce
viendrait à être accepté.
Je ne puis que partager leur avis à son sujet.
Le Sous-Préfet
Pierre Daguerre
Pièce N°7_Pau,le 2 mai 1940
Le Préfet des Basses-Pyrénées
à Monsieur le Sous-Préfet à Bayonne.
Comme suite à mes précédentes communications relatives au même objet et
en réponse à votre rapport du 29 avril 1940 dont j'adopte entièrement
les conclusions,j'ai l'honneur de vous prier de me faire parvenir,le
plus tôt possible,la notice individuelle en triple exemplaire également
le concernant afin de me permettre d'adresser à M.le Ministre de
l'Intérieur une proposition tendant à l'assignation,le moment venu,au
Docteur ELOSU,d'une résidence obligatoire dans une commune du
département.
Le Préfet
Pièce N°8_Pau,le 20 mai 1940.
Le Préfet des Basses-Pyrénées
à Monsieur le Sous-Préfet de BAYONNE
J'ai l'honneur de vous transmettre,sous ce pli,pour renseignements et
avis,en communication et avec prière de retour,une lettre anonyme en
date du 5 mai 1940 adressée à M.le Ministre de l'Intérieur au sujet des
nommées ELOSU et Monxxxxxx et faisant allusion à une certaine activité
communiste aux usines Bréguet à Anglet.
Pièce N°9_MINISTÈRE DE L 'INTÉRIEUR
DIRECTION GÉNÉRALE
de la
SÛRETÉ NATIONALE
N°52
Objet:Perquisition opérée en vertu d'un mandat décerné par M.le Préfet des Basses-Pyrénées.
Affaire: ELOSU Fernand né le 25 mai 1875 à Bordeaux,Docteur en médecine
PROCÈS-VERBAL
L'an mil neuf cent quarante le vingt-et-un mai,
Nous,Exxx-Axxxx Pierre Éloi,Commissaire de Police Spéciale pour la
durée de la guerre,en résidence à Hendaye,Officier de Police judiciaire
,auxiliaire de Monsieur le Procureur de la République ,agissant en
vertu d'un mandat de perquisition décerné par Monsieur le Préfet des
Basses-Pyrénées,en date du vingt-et-un mai 1940,contre Monsieur
ELOSU,Fernand,docteur en médecine à Bayonne,né le 25 mai 1875 à
Bordeaux.
Nous nous sommes rendus au domicile de l’intéressé situé à Bayonne
Cours du Comte Cabarrus Villa Ego-Aldé,où en sa présence nous avons
effectué des recherches dans toutes les dépendances de son
habitation,composée de dix pièces (rez-de-chaussée et premier
étage). Mais nous n'avons trouvé aucune pièce,document,correspondance ou
tract se rattachant au parti communiste dissous.
Lecture faite et persiste et signe avec nous,
Le Commissaire de police spéciale*
Signé:Exxxxxx
Signé:ELOSU
Fait et clos à Bayonne le Vingt-et-un mai 1940
* Complément du blog Retours vers les Basses-Pyrénées Le Commissaire de Police Spéciale qui a procédé à la perquisition est né à Gurs en 1885
Pièce N°10_28 mai 1940
SECRET
Le Sous-Préfet de Bayonne à Monsieur le Préfet
(Cabinet) PAU
En vous transmettant les Procès-Verbaux des perquisitions effectuées aux domiciles des nommés:
ELOSU Fernand,né le 28 mai 1875 à Bordeaux,docteur en médecine,demeurant à Bayonne,
Pxxxx Gaston, né le 1 er avril 1904 à Bidache,ouvrier imprimeur,demeurant à Bayonne,
Mxxxx Georges,né le 28 juin 1884 à Bayonne,industriel,demeurant à Bayonne.
J'ai l'honneur de vous faire connaitre que j'ai déjà proposé,dans mon
rapport du 29 avril 1940,qu'une mesure d'éloignement soit prise,en
application du décret du 18 novembre 1939,à l'encontre du Docteur ELOSU
dans le cas où son recours en grâce viendrait à être accepté.
(...)
Je propose que l'éloignement des trois individus précités soit effectué sous la forme de l'internement dans un camp.
Le Sous-Préfet
Pierre Daguerre
Pièce N°11_CABINET DU PRÉFET DES BASSES-PYRÉNÉES.
Le Préfet des Basses-Pyrénées,Officier de la Légion d'Honneur,
Vu le décret du 18 novembre 1939 relatif aux mesures à prendre à
l'égard des individus dangereux pour la défense nationale et la
sécurité publique,et notamment les articles 1 et 4 dudit décret.
Vu le décret du 29 novembre 1939 et notamment l'article 3 dudit décret.
ARRÊTE
ARTICLE 1er.-M.ELOSU,Fernand,docteur en médecine,demeurant à Bayonne,est
astreint à résider dans le centre de séjour surveillé de St
Martin-de-Ré,où il sera immédiatement conduit.
ARTICLE 2.-Sous peine des sanctions prévues à l'article 4 du décret du
18 novembre 1939 (emprisonnement de un à cinq ans),M.ELOSU,Fernand,ne
pourra en aucun cas quitter,sans autorisation,les lieux fixés pour sa
résidence et il devra se conformer à toutes les prescriptions qui lui
seront adressées pour l’exécution de cette décision par l'autorité
compétente.
ARTICLE 3.-M.ELOSU,Fernand peut,à compter de la notification du présent arrêté,produire par écrit devant la Commission de Vérification toutes
observations qu'il jugera utiles sur la mesure dont il est l'objet.
ARTICLE 4.-Le présent arrêté sera adressé au Général Commandant la 18
eme Région,en vue de sa notification et de son exécution immédiate et
sera communiqué au Ministre de l'Intérieur.
Pau,le 8 juin 1940.
Le Préfet
A.Chiappe
Pièce N°12_Pau,le 8 juin 1940
Le Préfet des Basses-Pyrénées
à Monsieur le Général Commandant la 18 eme Région à Bordeaux.
SECRET
J'ai l'honneur de vous transmettre,sous ce pli,deux ampliations de mon arrêté en date de ce jour par lequel,conformément aux dispositions du
décret du 18 novembre 1939,j'ai astreint le nommé ELOSU,Fernand,docteur
en médecine,demeurant à Bayonne,à résider dans le centre de
St-Martin-de-Ré.
Je vous serais reconnaissant de vouloir bien assurer la notification et l’exécution de cet arrêté ou,tout au moins,me déléguer à cet effet.
Le Préfet
Signé:Angelo CHIAPPE
P.S.
Mention dactylographiée rayée.
Cette mesure ne sera exécutée qu'à
l'expiration de la peine de trois mois de prison que l’intéressé
accomplit actuellement
Copie transmise,à titre d'information,à Monsieur le Sous-Préfet de Bayonne.
Pièce N°13_Pau,le 8 juin 1940
Le Préfet des Basses-Pyrénées
à Monsieur le Ministre de l'INTÉRIEUR
(Direction Générale de la Sureté Nationale_4 eme Bureau)
SECRET
J'ai l'honneur de vous transmettre,sous ce pli,un exemplaire de mon arrêté en date de ce jour par lequel,conformément aux dispositions du
décret du 18 novembre 1939,j'ai astreint le nommé ELOSU,Fernand,docteur
en médecine à Bayonne à résider au centre de séjour surveillé de
St-Martin-de-Ré.
Je vous serais reconnaissant de vouloir bien soumettre cet arrêté à la Commission de Vérification.
Le Préfet.
Pièce N°14_GENDARMERIE NATIONALE
18e Légion
Compagnie des Basses-Pyrénées
Section de Bayonne
Brigade de Bayonne
N° de la Brigade :783 du 21/6/1940
Procès-Verbal
constant (sic) la notification d'un arrêté d'internement et la conduite
au centre de séjour surveillé de Dax,du nommé ELOSU, Fernand de Bayonne.
CEJOURD'HUI,vingt juin ,mil neuf cent quarante à dix-neuf heures.
Nous soussignés,PxxxxxJean,M.D.L.C. et gendarme Mxxxx,Auguste,gendarme
à pied à la résidence de Bayonne,département des (Basses-Pyrénées) revêtues de notre uniforme et conformément aux ordres de nos
chefs,agissant en vertu de la note N°D.1430.3374.S/2,de M.le Général
Cdt la 18e Région,en date du 14 juin 1940,transmission
N°5152/3,compagnie du 16 juin 1940 et N°4155/3 section du 18
courant,concernant la notification au nommé ELOSU,Fernand,né le 28 mai
1875 à Bordeaux,fils naturel de Elosu,Rosa,docteur en
médecine,demeurant Hégoaldo,quartier Saint-Léon à Bayonne,d'un arrêté
de M.le Préfet des (B.P) à Pau en date du 18 juin 1940,l'astreignant à
résider au centre de séjour surveillé de Dax (Landes) nous sommes mis à
la recherche et interpellé,il nous a déclaré:
"Je me nomme ELOSU,Fernand,né le 28 mai 1875,à Bordeaux (Gironde) fils
de père inconnu et de Rose Elosu,docteur en médecine,Villa Hégoaldo
quartier St-Léon à Bayonne.
Il a ajouté:
L’arrêté Préfectoral en date du 8 juin 1940 s'applique bien à moi.Je
reconnais avoir reçu notification.Je reconnais également avoir pris
connaissance de l'article 3 qui m'autorise à produire par écrit devant
la commission de vérification toutes observations que je jugerais
utiles.
En conséquence,M Elosu a été conduit au centre de séjour surveillé de Dax,où il a été déposé ce jour à 22 heures.
Quatre expéditions:
1° au Général Cdt la 18e Région à Bordeaux
2° à M.le Préfet des (B.P) à Pau
3° à suivre l’intéressé;
4° aux archives.
Pièce N°15_23 juin 1940 lettre manuscrite
Docteur F.ELOSU
"Hégoaldé"
Cours du CTE de CABARRUS
ST-LEON BAYONNE
DE MIDI A 2 HEURES
Maison d’arrêt de Dax
Monsieur le Préfet des Basses-Pyrénées
Monsieur le Préfet
Conformément aux termes du mandat d’arrêt m'envoyant à la prison de Dax
comme dangereux pour la défense nationale et la sécurité publique,j'ai
l'honneur de faire appel auprès de vous contre une décision émanant
sans doute de services mal informés.
Je ne puis présenter aucun danger pour la défense nationale pour la
simple raison qu’âgé de 65 ans,je ne puis avoir ni de près ni de loin
aucun contact avec aucun organisme intéressant la défense nationale.
La sécurité publique n'a rien non plus à craindre d'un homme dont toute
la vie est faite d'abnégation,de probité,et de travail.Durant toute mon
existence je n'ai fait que prêcher et pratiquer la plus pure humanité
sans exercer ni préconiser aucune violence contre les personnes ni
contre les choses.Toute mon activité a toujours été inspiré par la
doctrine de Tolstoï,ennemi de toute violence,et génératrice au
contraire de la fraternité la plus entière,sans limite.
J'ose donc espérer,Monsieur le Préfet,que vous ne voudrez répondre à un
partisan de la doctrine de la non violence par une violence qui,en
dehors de tout principe doctrinaire,ne peut se défendre par une utilité
quelconque,puisque je suis un être complètement inoffensif.D'abord par
principe et ensuite par impossibilité physique.
ELOSU
23 juin 1940
Pièce N°16_Pau,le 3 juillet 1940
Le Préfet des Basses-Pyrénées
à Monsieur le Sous-Préfet à BAYONNE
J'ai l'honneur de vous transmettre,sous ce pli,en communication et avec
prière de retour,une lettre en date du 23 juin 1940,par laquelle le
Docteur ELOSU,actuellement interné à Dax demande sa libération et fait
valoir à cet effet un certain nombre d'arguments.
Je vous serais obligé de vouloir bien me faire connaitre la suite que cette requête vous paraitra susceptible de comporter.
Pièce N°17_Sous-Préfecture de Bayonne
Bayonne,le 5 juillet 1940
Le Sous-Préfet de Bayonne
à Monsieur le Préfet (Cabinet) Pau
En vous retournant la lettre ci-jointe que vous avez bien voulu me
communiquer,j'ai l'honneur de vous faire connaitre que je ne vois aucun
inconvénient à ce que M.le Docteur ELOSU reçoive satisfaction en raison
de son age et de son état de santé.Mais je m'oppose à ce que le docteur
ELOSU revienne dans la zone d'occupation.
Le Sous-Préfet
Pierre Daguerre
Pièce N°18_ lettre manuscrite
Docteur F.ELOSU
"Hégoaldé"
Cours du CTE de CABARRUS
ST-LEON BAYONNE
DE MIDI A 2 HEURES
Camp de Gurs, le 16 juillet 1940
à Monsieur le Préfet des Basses-Pyrénées
Monsieur le Préfet,
En résidence surveillé depuis le 20 juin 1940,en vertu des décrets lois
des 16 et 29 novembre 1939 et par arrêté préfectoral du 16 juin
1940,j'ai l'honneur de solliciter de votre haute bienveillance et de
votre esprit d'équité ma libération et mon retour à mon foyer familial
de Bayonne.
Âgé de 65 ans,atteint de rhumatisme chronique déformant,opéré de
cataracte en 1935,frappé de cécité monoculaire par décollement de la
rétine droite,menacé de cécité totale par choriorétinite
progressive,prostatique,trainant une vieille sciatique gauche,je me
sens dans l'impossibilité de supporter plus longtemps ma détention
actuelle,sans danger pour ma santé défaillante et même pour m vie.Car
ici,le régime alimentaire et le traitement indispensables ne peuvent m’être assurés.
Ces infirmités,de contrôle facile,montrent aussi l'erreur d'information
qui m'a conduit ici.Comment un homme d'une telle incapacité physique
peut-il constituer un danger pour qui que ce soit pour quoi ce soit?A
peine me reste-t-l les forces nécessaires à l'exercice de ma profession
,dont la continuation m'est rendue indispensable par l'insuffisance de
mes ressources personnelles.
Et enfin,dangereux,comment pourrais-je l’être,pauvre de mon intégrité
physique puisque depuis de très longues années ,j'ai cessé toute
activité politique pour me consacrer à une éducation basée surtout sur
l'exemple ,et que depuis plus de deux ans,je n'ai plus manifesté
d'autre action que professionnelle.
J'en appelle donc de l'autorité préfectorale mal informée à l'autorité
préfectorale mieux informée,et je suis prêt à me soumettre à une enquête contradictoire que vous pourriez provoquer.
J'ose donc espérer que vous aurez la bonté d'accéder à une demande que
je crois bien fondée,et que vous voudrez bien rendre à sa famille un
vieillard innocent prêt à consacrer ses dernières forces au service de
la société et de la France.
Veuillez agréer,Monsieur le Préfet,avec mes remerciements émus,l'expression de mes sentiments dévoués.
Docteur Fernand Elosu actuellement au camp de Gurs,Basses-Pyrénées.
Pièce N°19_PAU,le 20 juillet 1940
Le Préfet des Basses-Pyrénées
à Général de Corps d'Armée ALTMAYER,Commandant
la 18 e Région à Pau.
J'ai l'honneur de vous transmettre,sous ce pli,une ampliation de mon arrêté en date de ce jour aux termes duquel est rapportée la mesure
d'internement qui avait été prise en conformité des dispositions du
décret du 18 novembre 1939 à l'encontre du docteur Fernand
Elosu,médecin à Bayonne,en vertu de mon arrêté du 8 juin dernier.
Cette décision a été prise après avis du Sous-Préfet de Bayonne en raison de l'age et de l'état de santé de l’intéressé.
J'ai ,néanmoins,décidé d'interdire au docteur ELOSU tout séjour dans la zone d'occupation et dans l'arrondissement de Pau.
Je vous serais reconnaissant de vouloir bien faire assurer la
notification et l’exécution de l’arrêté ci-joint ou,tout au moins,me
déléguer à cet effet.
Le Préfet
Mention manuscrite
P.S
L’intéressé devra m'indiquer la résidence qu'il a choisie pour me permettre d'en aviser les autorités locales
Pièce N°20_18 eme RÉGION
ÉTAT-MAJOR
B.C.R
N°35/BCR
PAU le 29 juillet 1940
Le GÉNÉRAL de C.A René ALTMAYER
Commandant la 18e Région
à Monsieur le PRÉFET
des Basses-Pyrénées
PAU
En réponse à votre lettre du 20 juillet ,j'ai l'honneur de vous
informer que je ne vois aucun inconvénient ,après consultation du
dossier de l’intéressé à ce que soient prise à l'égard du Docteur ELOSU
Fernand la mesure de bienveillance que vous avez envisagée.
Sans méconnaitre l'opportunité de rapporter dans certain cas en faveur
d'indésirables l’arrêté d'expulsion les concernant,il peut se faire que
le B.C.R. régional ait depuis la date où il leur a été signifié des
éléments d'appréciation nouveaux qui auraient pu vous échapper.
J'estime donc indispensable la consultation au préalable de cet organe.
Je vous serais reconnaissant de bien vouloir me faire connaitre si vous
partagez cette manière de voir:rien par ailleurs ne devant s'opposer à
ce que l’exécution de votre décision vous revienne de plein droit.
Pièce N°21_Cabinet du Préfet des Basses-Pyrénées
Le Préfet des Basses-Pyrénées,Officier de la Légion d'Honneur,
Vu le décret du 18 novembre 1939 relatif aux mesures à prendre à
l'égard des individus dangereux pour la défense nationale et la
sécurité publique et,notamment,l'art.1 du dit décret;
Vu l’arrêté du 8 juin 1940 par lequel M.le docteur
ELOSU,Fernand,médecin,demeurant à Bayonne,a été astreint à résider dans
le centre de séjour surveillé de ST-MARTIN-DE-RÉ
Vu l'avis de M.le Sous-Préfet de Bayonne;
Considérant l'age avancé et l'état de santé du docteur ELOSU,
ARRÊTE:
ARTICLE UNIQUE._Est rapporté la mesure prise à l'encontre de M.le
docteur ELOSU domicilié à Bayonne par l’arrêté sus-visé du 8 juin 1940
en application de l'article 1 er du décret du 18 novembre 1939.
Toutefois,le docteur ELOSU devra,jusqu'à nouvel ordre,fixer sa
résidence en dehors de la zone d'occupation et de l'arrondissement de
Pau.
PAU,le 20 juillet 1940
Le Préfet,
Signé:Angelo CHIAPPE
Pièce N°22_PAU,le 31 juillet 1940
Le Préfet des Basses-Pyrénées
à Monsieur le Général de Corps d'Armée ALTMAYER,
Commandant le 18 e Région,
11,avenue Dufau, PAU.
En réponse à votre dépêche 35 BCR du 29 juillet 1940,j'ai l'honneur de
vous faire connaitre que j'en adopte entièrement les conclusions.
La solution que vous envisager concilie,en effet,d'une façon parfaite:
-d'une part,le principe selon lequel,dans l'application des
dispositions du décret du 18 novembre 1939,le pouvoir de décision
appartient au Préfet,ainsi que le précise le texte même de ce décret et
les circulaires secrètes n°12 du 14 décembre 1939 et n°22 du 22 février
1940.
Toutes les décisions qui ont été prises à cet égard l'ont été sur mon
initiative et sous mon entière responsabilité.Il est donc nécessaire
que les arrêtés rapportant ces décisions soient,le cas échéant,pris sur
mon initiative et sous ma responsabilité.
-d'autre part,le souci de ne négliger aucune information de nature à
éclairer l'autorité chargée de la décision ,le B.C.R. régional
pouvant
posséder des éléments d'appréciation me faisant défaut.
En ce qui concerne le cas du Docteur ELOSU,je me permets seulement de
vous demander de vouloir bien hâter le plus possible la consultation du
B.C.R.,étant donné que mon arrêté du 20 juillet 1940 a été motivé par
l'age et l'état de santé de l’intéressé et qu'il s'est déjà écoulé 11
jours depuis cette décision.
Le Préfet,
Pièce N°23_Pau,le 3 Aout 1940
Le Préfet des Basses-Pyrénées
à Monsieur le Commandant du Camp de GURS.
en communication à:
Monsieur le Commissaire Spécial de PAU
Monsieur le Commandant de Gendarmerie à Pau
Monsieur le Sous-Préfet à OLORON.
J'ai l'honneur de vous prier de vouloir bien libérer le Docteur
ELOSU,actuellement interné au camp de Gurs,en application des
dispositions du décret du 18 novembre 1939.
Cette décision a été prise par mes soins en vertu d'un arrêté que j'ai
signé,d'accord avec le Général Commandant la 18 ème Région Militaire à
Pau.
Le Docteur ELOSU devra fixer sa résidence en dehors de la zone occupée et de l'arrondissement de Pau.
Vous voudrez bien m'indiquer la résidence qu'aura choisie le Docteur
ELOSU afin que je puisse le faire soumettre à une surveillance spéciale.
Le Préfet
Pièce N°24_18° RÉGION
CAMP DE GURS
N° 2029/2G
Gurs, le 9 Aout 1940
Le Chef d'Escadron DAVERGNE,Commandant le Centre_mot illisible_des réfugiés espagnols,
à Monsieur le Préfet des Basses-Pyrénées à PAU.
RÉFÉRENCE:Votre lettre en date du 3 aout 1940.
J'ai l'honneur de vous rendre compte que le nommé ELOZU Fernand,né le
28 mai 1875 à BORDEAUX,résidant antérieurement à BAYONNE,Cours du Comte
de Cabannus,provenant du Centre de séjour surveillé de DAX où il avait
été interné par arrêté Préfectoral de Monsieur le Préfet des
Basses-Pyrénées en date du 16 juin 1940,a été libéré le 7 aout 1940.
L’intéressé a fixé sa résidence provisoire à AREN (Basses-Pyrénées)._Ajout manuscrit_Pension Bon Accueil
Pour Ordre le Capitaine-Adjoint
Pièce N°25_Pau,le 13 aout 1940
Le Préfet des Basses-Pyrénées
à Monsieur le Sous-Préfet d'OLORON
le Commissaire spécial à PAU
le Commandant de Gendarmerie à PAU
J'ai l'honneur de vous faire connaitre que le nommé
ELOZU,Fernand,Docteur en médecine,né le 28 mai 1875 à Bordeaux,qui
résidait antérieurement à BAYONNE et avait été interné conformément aux
dispositions du décret du 18 novembre 1939,vient d’être libéré.Il a
fixé sa résidence provisoire à AREN,Pension Bon Accueil.L’intéressé
devra faire l'objet d'une surveillance discrète mais efficace;dans le
cas où il changerait de résidence,il y aurait lieu de m'en informer.
J'ajoute que le susnommé ne peut séjourner ni dans la zone occupée ni dans l'arrondissement de PAU.
Pièce N°26_Mont-de-Marsan,le 17 septembre 1940
Le Préfet des Landes
à Monsieur le Préfet des Basses-Pyrénées
J'ai l'honneur de vous faire connaitre que j'ai autorisé le Docteur
Fernand ELOZU,résidant actuellement à Aren (arrondissement d'Oloron),à
rejoindre,en raison de son age et de son état de santé,son domicile ,à
Bayonne.
Je vous en informe à toutes fins utiles,M.ELOZU devant présenter
prochainement une demande de laissez-passer pour revenir chez lui.
Le Préfet
Pierre Daguerre
Pièce N°27_Pau,le 20 septembre 1940
Le Préfet des Basses-Pyrénées
à Monsieur le Commissaire Spécial, à Pau.
J'ai l'honneur de vous faire connaitre que M.le Préfet des Landes
autorise M.ELOSU,Fernand,demeurant actuellement à Aren,à rejoindre son
domicile à Bayonne,en raison de son age et de son état de santé.
Il demeure cependant bien entendu que M.ELOSU ne pourra quitter Aren
qu'au moment où il sera en mesure de franchir la ligne de
démarcation,c'est à dire lorsqu'il aura reçu le laissez-passer
nécessaire.
Pièce N°28_Pau le 25 octobre 1940
Le Procureur Général près la Cour d'Appel de Pau
à Monsieur le PRÉFET
des Basses-Pyrénées à Pau
Le Docteur ELOSU,de Bayonne,condamné le 8 février 1940 par le Tribunal
de cette ville à 6 mois de prison et 200 frs d'amende pour activité
communiste a formé un recours en grâce motivé sur une raison de santé.A
la date du 20 avril 1940 la Chancellerie m'invita à faire examiner
ELOSU afin de savoir si son état de santé était compatible avec la
détention.
Depuis cette date,malgré toutes mes diligences ,je n'ai pu encore faire
procéder à cet examen.Ayant appris qu'ELOSU se trouvait en résidence
forcée à AREN après avoir été interné au camp de Gurs,je me dispose à commettre trois médecins de Pau lorsque j'ai été informé que cet
individu avait quitté AREN pour Mauléon ou Bayonne.
J'ai,en conséquence,l'honneur de vous prier de bien vouloir me faire
connaitre si vous avez assigné une nouvelle résidence à ELOSU et
laquelle.
Le Procureur Général
Pièce N°29_Pau,le 30 octobre 1940
Le Préfet des Basses-Pyrénées
à Monsieur le Procureur Général près la Cour d'Appel de Pau
En réponse à votre dépêche du 25 octobre 1940,j'ai l'honneur de vous
faire connaitre que je ne connais pas l'adresse actuelle du nommé
ELOSU, de Bayonne,qui avait été astreint à résider dans un centre de
séjour surveillé en vertu d'un arrêté préfectoral du 8 juin 1940
rapporté le 20 juillet 1940.
Il est vraisemblable que l’intéressé a rejoint son domicile à Bayonne.
Je crois devoir vous préciser que la mesure de bienveillance prise à
l'égard du Docteur Elosu était motivée par son grand age et par son
état de santé.
Le Préfet
Source:
Archives départementales des Pyrénées-Atlantiques
Site de Pau
77 W Article 48/ ELOSU Fernand
Préfectures:Camps d'internements
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