Outrages à agents et tapage nocturne
Audience publique de police Correctionnelle du Tribunal de
Bayonne séant au Palais de Justice,le 10 juillet mil neuf cent quarante deux
Entre Monsieur le Procureur de la République d’une
part :
Et de l’autre :
ESTEBETEGUY Louis,29
ans,courtier à Bayonne,39 rue Pannecau,né au dit lieu le 9 octobre 1912 de
Pierre et de Marie Dourisboure
Détenu,présent,
La cause ayant été appelée.Le Ministère Public a exposé que
suivant procès-verbal de police.
En date du 9 juillet 1942,il appert que le sus-nommé avait
été arrêté en flagrant délit d’outrages à agents et tapage
nocturne ;conduit au Parquet,interrogé et placé sous mandat de Au parquet,
interroger, placé sous mandat de dépôt.
Le tribunal après en avoir délibéré a prononcé le jugement
suivant :
Attendu que Louis Estebeteguy,est prévenu d’avoir,à
Bayonne,le 8 juillet 1942,vers 23 heures :
1° Outragé par paroles les agents de police Nogaro,Lapègue
et Carvailho,qui le conduisait au poste de police,en disant à un camarade
« s’ils te disent « merde » réponds leur
« mange », »s’ils te donnent une gifle tu leur en donne deux,et
puis « ils ont reçu l’ordre de ne pas nous arrêter ;
2° Commis la contravention de bruits et tapages nocturnes en
troublant la tranquillité des habitants ;
Attendu qu’amené à l’audience de ce jour pour voir statuer
sur le mandat de dépôt décerné contre
lui ;Estebeteguy a demandé a être jugé immédiatement,n’entendant pas se
prévaloir du délai de trois jours qui lui était accordé pour préparer sa
défense ;
Attendu que le Ministère Public ne s’opposant pas à la
demande du prévenu,il convient d’y faire droit ;
Attendu en fait qu’à la date précitée du 8 juillet 1942,vers 23 heures,Louis Estebetéguy,en
compagnie de plusieurs individus,causant du scandale sur la voie publique, était
invité par les agents de police Nogaro,Lapègue et Carvailho à les suivre au
poste de police ;qu’en cours de route le prévenu injuria les représentants
de l’autorité en prononçant les paroles suivantes,en s’adressant à un de ses camarades ; »S’ils
te disent « merde »,réponds »mange »,s’ils te donnent une gifle
tu leur en donne deux, »et puis ils ont reçu l’ordre de ne pas nous arrêter,ils auront des
explications à donner d’ici 8 à 10 jours ».
Attendu que tout en
reconnaissant les faits le prévenu prétend
ne point se souvenir des paroles par lui prononcées ;
Attendu qu’il y a lieu de ne faire aucun crédit aux
explications d’Estébétéguy,plusieurs fois condamné pour
outrages,ivresse,violences à agents et port d’arme prohibée ;qu’il
convient d’entrer en condamnation
Source :
Pôle d’archives de Bayonne et du Pays basque,
Annexe des Archives départementales des Pyrénées-Atlantiques
39 Avenue Duvergier de Hauranne,
64100 Bayonne,
1027W Article 250 Tribunal de Grande Instance de Bayonne
CERBÈRE DISCRET de Bony-Lafont
Louis Estebeteguy est
condamné à cinq ans de travaux forcés
« La rue Lauriston !Rien que ce nom fait frémir d’horreur
« s’exclame le président Viviers en commençant l’interrogatoire du basque
Louis Estebeteguy,dont l’œil droit fermé et le visage ravagé de cicatrices
évoquent les supplices raffinés de la Gestapo Française.
Né à Bayonne,Estebeteguy « monta « à Paris en
1943pour retrouver son frère Adrien.A son arrivée,il apprit qu’Adrien avait
quitté la France pour les Etats-Unis,grâce aux bons offices d’un docteur
habitant 21 rue Lesueur.Adrien Estebeteguy avait été ,en vérité l’une des
victimes du célèbre docteur Petiot.
Un portier borgne et un peu sourd
A Paris,Louis voulu être gérant de bar.Mais il dut se
contenter d’un emploi de portier au 93 de la rue Lauriston.Il était borgne et
un peu sourd,ce qui facilita singulièrement
son role dans cette demeure des suppliciés.On lui remit un revolver et
une carte de la police allemande.Il percevait 10.000 francs par mois.Ses
fonctions consistaient principalement à introduire les visiteurs chez « Monsieur
Henri » ou à les éconduire s’ils étaient jugés indésirables.C’était la
belle vie !
Bien entendu devant la Cour de Justice ,Louis Estebeteguy
assure qu’il n’a rien vu ni rien su des opérations et arrestations de la bande
Bony-Lafont.C’est un portier discret.Il faut dire que son intelligence ne
semble pas exagérément développé.
La déformation de sa lèvre supérieure accuse encore son
léger accent basque quand il explique : »J’étais veilleur de nuit et
je tirais le cordon (sic). C’est tout.Je croyais être employé dans un bureau d’achat ».
_Alors ,pourquoi étiez-vous armé ?
_Oh !Je n’ai jamais eu mon revolver sur moi.J’avais
bien trop peur de m’en servir.
Trois témoins cités par la défense s’efforcent de convaincre
la Cour que l’accusé est un brave garçon,très serviable.Mais
M.Sudaka,commissaire du Gouvernement,spécialiste des affaires de la
Gestapo,malmène passablement l’ancien portier contre qui il requiert les
travaux forcés à temps.
Plus heureux que ses maitres Bony et Lafont,condamnés à la
peine de mort et exécutés,Louis Estebeteguy se voit frappé ,après plaidoirie de
Me François,de cinq ans de travaux forcés,dix ans d’interdiction de séjour et
quinze ans de dégradation nationale.
Source :RetroNews
COMBAT 04 octobre 1946
Complément du blog:
Louis Estebeteguy est décédé le 27 février 1988 à
Cambo-les-Bains Acte n°55.
Source.Décès INSEE.