01 avril 2024

Dénonciation calomnieuse

N°395

Dénonciation calomnieuse

Audience publique de police Correctionnelle du Tribunal de Bayonne séant au Palais de Justice ,le neuf juin mil neuf cent quarante trois

Entre Monsieur le Procureur de la République d’une part et de l’autre :

Xxxx ,56 ans Secrétaire de Mairie à Macaye,né au dit lieu (…)

A l’audience publique du 19 mai 1943

La cause ayant été appelée.

Le Ministère Public a exposé que suivant ordonnance du juge d’instruction du siège,en date 17 avril 1943,le sus-nommé avait été renvoyé devant le tribunal correctionnel de céans,sous la prévention de dénonciation calomnieuse.

Qu’en conséquence,suivant exploit de Fagalde,huissier à Bayonne,en date du 14 mai 1943,enregistré,le prévenu avait été invité à comparaître à l’audience du dit jour,pour répondre du délit qui lui était reproché.

(…)

Et le prévenu a été interrogé

Le Greffier a tenu note des réponses du prévenu

Le Ministère Public a requis l’application de la loi

Me Harriague ,avocat a présenté la défense du prévenu

Et le tribunal a mis l’affaire en délibéré pour le jugement être rendu à l’audience publique du 9 juin 1943

Advenu le dit jour,9 juin  1943

Le Tribunal,après en avoir délibéré a prononcé le jugement suivant :

Attendu qu’Xxxx secrétaire de Mairie à Macaye, prévenu d'avoir. le 29 août 1941, méchamment et de mauvaise foi,dénoncé par écrit,à l'Inspecteur d'académie de Mont de Marsan,des fautes professionnelles dont se serait rendu coupable le sieur Txxxassant. la fausseté de cette dénonciation résultant d’une décision ou même Inspecteur d’Académie ;

Attendu en fait que sous la date,à zzz,du 29 août 1941 une lettre missive était adressée à ce dernier,énonçant une série de griefs graves,au nombre de cinq,formulés à l’encontre du sieur Txxxxx instituteur intérimaire dans la commune.

Attendus que les huit signataires ou prétendus tels de la lettre dont il s’agit demandaient,en leur qualité de parents d’élèves,le déplacement de l’instituteur et ce,motif pris :

1° qu’il n'avait pas lu et commenté, comme il était tenu de le faire, au début de l'année scolaire, les déclarations du Maréchal Pétain, Chef de l'État Français.

2° qu'il n'avait pas hésité à user de sévices  vis-à-vis de certains jeunes garçons fréquentant l'école publique ;

3°que son enseignement laissait nettement à désirer et,fait encore plus grave ,il n’interdisait pas l'emploi de la langue basque durant les récréations ;

4° que son prestige auprès de ses élèves était sérieusement atteint parce qu'il s'adonnait à la boisson ;

5°que l’antipathie générale dont il était l'objet n'était pas la nature.à rehausser le prestige de l'école laïque ;

Attendu incontestablement que, si ces cinq griefs, ou même certains d'entr’ eux seulement ,avaient été reconnus fondés,ils auraient exposé le sieur Txxx, sinon à une  révocation, du moins à un changement de résidence,et en tout cas à  une répression administrative.

Or attendu que par lettre du 2 février  1943, l'Inspecteur d'Académie du département des Landes a fait  connaître au Procureur  de l'État Français à Bayonne,qu’au résultat d’une enquête administrative,dont il communiquait d’ailleurs  la copie des pièces,la plainte portée contre l’instituteur de Macaye  avait été classé sans suite, purement et simplement.

Attendu,il importe de le rappeler, que huit  signatures étaient apposées  au bas de cette plainte datée du 29 août 1941 ;

Attendu cependant que les 7 et 8 novembre de la même année,le sieur Txxxavait obtenu de sept des prétendus signataires,des déclarations écrites attestant qu’il s’agissait d’un faux ;

Attendu qu’interrogé,le secrétaire de mairie Xxxx,huitième signataire,reconnaît avoir rédigé spontanément la lettre missive incriminée,dans l’intention d’obtenir la destitution de l’instituteur ;qu’il ajoute,que non seulement il avait apposé sa propre signature,mais qu’il avait encore imité celles de sept autres habitants de la commune,ainsi que celle du Maire pour visa ;qu’afin il avait également apposé,sur la même lettre,le sceau de la Mairie ;

Attendu qu’il dut convenir,d’autre part qu’il ne possédait aucun papier émanant,soit du Maire,soit des personnes dont il avait imité la signature,l’autorisant à signer en leur lieu et place ;

Mais attendu que,le 27 février 1943,il remettait au Juge d’instruction,datée du 12 juillet 1941,une attestation des sept autres prétendus plaignants,aux termes de laquelle il recevait pleins pouvoirs pour formuler une pétition contre le sieur Txxx ;

Attendu qu’en cet état,le magistrat instructeur procéda à  l'audition des auteurs de l'attestation sus- visée.,lesquels déclarèrent l'avoir signé postérieurement au 29 août 1941,sans en lire son contenu,à la demande d’Xxxx.

(…)

Attendu en vérité que la seule question qui se pose est celle de savoir si les griefs signalés par le prévenu sont ou non fondés ;

Attendu qu’au résultat de l’enquête effectué par l’inspecteur primaire sus-nommé,l’Inspecteur d’Académie,Chef hiérarchique  de l’instituteur intérimaire Txxx,a estimé  devoir classer sans suite  la plainte dont il était saisi,encore que l’Inspecteur Primaire eut,pour sa part,admis

que,parmi les cinq griefs formulés,l’un d’entre eux fut recevable, celui relatif aux corrections que l’instituteur croyait devoir infliger aux enfants ;

Attendu qu'il n'appartient pas au tribunal d'apprécier le mérite du classement sans suite ,mais,qu’n toute hypothèse,il lui est permis de rappeler que l’inspecteur d’académie a témoigné ,en la circonstance ,d’une impartialité  et d’un esprit de bienveillance  auxquels Xxxx devrait être le premier à rendre hommage .

Attendu,par ailleurs ,qu’un doute ne peut subsister quant à la mauvaise foi du dénonciateur qui,vraisemblablement pour donner plus de poids à sa plainte,a apposé au bas de cette plainte plusieurs fausses signatures ;

Attendu ,en définitive,que les faits de la prévention sont nettement établis,mais qu’il convient de les sanctionner avec une indulgence relative,aussi bien dans un but d’apaisement que parce qu’ils constituent la manifestation ,évidement déplacée et quelque peu inconsciente,d’une mentalité de paysan rural,vivant dans la commune du pays basque qui passe,à tort ou à raison,pour la plus particulariste,sinon la plus arriérée de la région ;

Attendu en d’autres termes qu’Xxxx,au surplus père de huit enfants,doit être admis au bénéfice des circonstances atténuantes.Ne peut subsister quant à la mauvaise foi de l'initiateur qui vraisemblablement pour donner plus de poids à sa date.

(...)


Source :
Pôle d’archives de Bayonne et du Pays basque,
Annexe des Archives départementales des Pyrénées-Atlantiques
39 Avenue Duvergier de Hauranne,
64100 Bayonne,

1027 W Article 253 Tribunal de Grande Instance de Bayonne

 

Complément  à propos de l'usage de la langue basque en 1943

"3°que son enseignement laissait nettement à désirer et,fait encore plus grave ,il n’interdisait pas l'emploi de la langue basque durant les récréations "

Jean-Pierre Ibarboure m'a fait part de l'existence dans les archives de la mairie d'Ascain,d'un brouillon d'avis qui était destiné à être lu en français et en basque aux habitants de la commune.(5 septembre 1943).