Le gendarme Pierre Cazamajor , qui appartenait à une unité des
Forces Françaises de l’Intérieur , a
été arrêté le 12 aout 1944 par les allemands. Il succombera sous la torture.
Son cadavre sera abandonné, sur la route reliant Mauléon-Lichare à Oloron-Sainte-Marie, au
lieu-dit Hoquy, sur la commune de Chéraute .
Les troupes d’occupation évacuent le département des
Basses-Pyrénées le 22 aout.La dissolution du groupement F.F.I auquel appartenait Pierre
Cazamajor est prévue le 15 septembre 1944.Ses camarades
souhaitent lui rendre un hommage .Sollicité, le curé de Garindein , accepte
de faire une messe mais refuse de
prononcer une allocution en souvenir du résistant supplicié. Motif invoqué :
« je ne connais pas votre DE GAULLE et je continuerai à obéir au Maréchal PÉTAIN, qui est seul notre seul Chef, même interné en ALLEMAGNE ».
Ce refus, combiné à des soupçons de « propos
anti-nationaux et de propagande pour le Service du Travail Obligatoire » allait
conduire la Commission d’Épuration à proposer l’internement du curé de
Garindein. Cela se fera, en janvier 1945, sous la forme d’une astreinte à
résider au petit séminaire de Nay. Les éléments recueillis dans le cadre de
l’enquête qui en découle, en dit beaucoup sur l’obéissance absolue que
s’imposait ce prêtre.
Extraits du dossier
de la Cour de justice des Basses-Pyrénées
« Étant cantonné à GARINDEIN
(près MAULEON), du 11 au 15 septembre, je me suis présenté en compagnie de mon
camarade MARREAU, lieutenant à la D.G.S.S. chez Monsieur le curé de GARINDEIN
pour lui demander de vouloir bien dire une messe et prononcer une petite
allocution pour un de nos camarades du Maquis de la D.G.S.S. martyrisé le 13 août au cours du combat de MAULEON
et que nous venions de reconnaître et d'exhumer.
Ce prêtre nous a
déclaré qu'il voulait bien célébrer une messe mais qu'il refusait de prononcer
la moindre allocution, prétextant ne pas reconnaître l » Les Maquis » et
différents Groupes de résistance (…)
Il déclara,
également, que les jeunes gens de sa Paroisse partis en ALLEMAGNE s'y
trouvaient très bien traités et que, particulièrement, son neveu ne se
plaignait pas, au contraire, il approuvait tout ce qui était fait par les
Allemands, ainsi que leur propagande.
Malgré notre insistance,
il s'est obstiné à ne pas vouloir prêter son Église à un prêtre aumônier du
« Maquis » pour célébrer un office dans le genre de celui que nous
lui demandions.
Après avoir essayé,
en vain, de le convaincre pour obtenir satisfaction ceci afin de réunir tous
nos maquisards avant la dissolution de
nos Groupes, nous sommes repartis sans obtenir le résultat escompté. »
Pau, le 10 novembre
1944
Extrait d’une lettre
du lieutenant Bernard Pouey au Président du Comité d’Épuration des Basses-Pyrénées
Extraits d’une
lettre du Lieutenant Mareau ex.Pierre au Président du Comité d’Épuration des Basses-Pyrénées
« Après lui
en avoir demandé très poliment les raisons et nous déclara textuellement, ne
pas reconnaître « notre de Gaulle « ni tous ces groupes de
résistance, qui ne faisaient que de trahir les ordres du Maréchal .
Lui ayant fait
remarquer cette fois qu'il ne s'agissait pas de politique mais d'un acte
religieux, il déclara qu'il ne pouvait pas se compromettre, en appuyant notre
action de libération du pays.
Il continua en
déclarant : que tous les jeunes gens de nos groupes avaient désobéi au Maréchal,
il reconnut en outre avoir dit , que s'il avait su que les jeunes gens de sa
commune, désignés pour le S.T.O. ,et venus remplir leur devoir religieux avant
de quitter la commune, devaient rejoindre les
armées du général de Gaulle ou le Maquis au lieu d'obéir au Maréchal ,il
leur aurait refusé l'absolution. Qu’une fausse propagande avait été faite sur
les travailleurs en Allemagne car son neveu lui écrivait qu'ils étaient heureux
et très bien considérés, etc.etc.
En un mot ce
prêtre au cours de cet entretien, confirma les bruits qui avaient courus sur
lui lors de la présence de notre maquis sur le territoire de la commune de
Garindein « Bois de Lambarre » en juin juillet 1944.A cette époque ce
prêtre aurait averti les habitants de notre présence et les aurais mis en garde
des risques qu'ils pouvaient courir s'ils facilitaient notre existence.
(…) Quoique ce
prêtre soit âgé, et passe dans la région pour un déséquilibré j'ai pu constater
ainsi que mon camarade qu'il était en pleine possession de ses facultés et
qu’au contraire on pouvait le considérer comme un intellectuel, donc dangereux
actuellement de par sa propagande occulte.
(…)
Mauléon le 4
novembre 1944,
Extraits d’une
lettre du Lieutenant Mareau ex.Pierre au Président du Comité d’Épuration des Basses-Pyrénées
Extraits du
Procès-Verbal d’audition du curé de Garindein
14 février 1945
Nous transportons Petit
Séminaire de Nay, ou étant entendons M.le curé (…) qui déclare :
Je suis dégagé
des obligations militaires. Je possède une instruction supérieure. je n'ai
jamais été condamné.
J’'ai fait la
guerre 1914-18 et ai été démobilisé le 12mars 1919.J’'ai été blessé. Je suis
titulaire de la croix de guerre, une citation à la division.
Je suis curé de Garindein
depuis le 14 aout 1927.
Je n'ai aucune
idée politique que celle de mon ministère, et mon idéal religieux. Je n'ai
jamais appartenu à aucun parti politique quel qu'il soit. Ma doctrine
catholique demande que lorsqu'un gouvernement n'a pas de nonce accrédité, je
suis peu de envers lui, toute activité. Alors lorsque le lieutenant Mareau,
Pierre, me demanda outre le service religieux un discours en faveur d'un de ses
camarades morts, je lui répondis textuellement « D'après la teneur du
communiqué de l'archevêché de Bordeaux, les prêtres doivent suspendre leur
jugement et leur activité en faveur d'un gouvernement qui n'est pas encore
reconnu par le Pape, par l'envoi d'un Nonce. L’archevêque de Bordeaux ne
faisait que rappeler la doctrine du pape Grégoire 16 en 1831 dans un cas
analogue. Pétain était parti, De Gaulle le remplaçait et n'avait pas encore le
Nonce Roncali quand le lieutenant Mareau me demandait un discours. En
conséquence, mon devoir alors était bien de faire l’enterrement ce que
je lui promettais deux fois, mais non un discours. Et ce d’autant plus, qu’à la
même heure je me trouvais en face à Garandein, de trois organismes qui se disaient
légitimes : les F TP,Section Pommiès et le MUR.
Je ne me souviens
plus des termes exacts que j'ai employés vers le 13 septembre 1944, mais ce
dont je suis sûr, c'est que j'ai _dit_ au lieutenant Pierre « D'après les
directives que j'ai, je ne puis pas reconnaître de Gaulle aussi longtemps qu'il
n'y aura pas un nonce accrédité auprès de lui (…)
De Gaulle ayant
depuis cette entrevue, un nonce accrédité mon devoir est de le soutenir, ce que
je ferai aussi longtemps que le Pape le
reconnaîtra, par le Nonce, n’ayant d'autre pensée que celle de suivre tout gouvernement
reconnu légitime par le Pape, mon chef à qui j'ai promis obéissance absolue.
(…) il est faux
que j’ai tenu les propos suivants dans cette conversation « que les jeunes
gens de la paroisse partis en Allemagne s'y trouvaient très bien traités, et
que particulièrement, mon neveu ne se plaignait pas, au contraire ».
Contre cette assertion, mon neveu n'est pas S.T.O. mais prisonnier depuis juin 1940.
Je n'ai jamais
dit que j'approuvais tout ce qui était fait par les Allemands ainsi que leur
propagande.
Le lieutenant
Pierre ne m'a jamais proposé que je prête mon Église (autant que je m'en souvienne)
à un prêtre ou aumônier du Maquis pour célébrer un office dans le genre de
celui qu'il me demandait. L’eut-il fait, je n'aurais pas pu accéder à son désir,
parce qu'il voulait par-dessus tout un discours, et que ce discours je ne
pouvais pas le faire et moins le laisser dire, parce que responsable de ma
paroisse de toute activité politique et religieuse.
Par deux fois
devant le lieutenant Pierre, j'avais insisté en lui disant » Il est bien
entendu que je vous ferai l’enterrement, parce que c'est mon devoir d'arracher
du purgatoire une âme ,et que vous croyez à l'existence de ce lieu, car vous
vous êtes dit en entrant catholique.
Mon refus de
discours a été inspiré exclusivement de la doctrine catholique exposée par
Grégoire 16, en 1831.Je n'ai jamais dit que je ne reconnaissais pas tous ces
groupes de Résistance qui ne faisaient que trahir les ordres du
Maréchal », mais j'ai prétendu et je prétends encore qu'aussi longtemps
qu'on se trouve en face de trois partis qui se disent chacun légitimes et en
face d'un gouvernement qui n'a pas de nonce accrédité, mon devoir est de garder
la neutralité la plus stricte. Or par un discours, je prenais position en
faveur des maquisards contre les deux autres groupements, par conséquent je
fomentais la division, et le devoir strict d'un prêtre en charge, donc
personnage officiel, est de prêcher l'Union par-dessus et avant tout, ce que
j'ai toujours fait et que je ferai.
(…) ma conviction
devenait d'autant plus profonde que c'était un acte politique que de faire un
discours qu'il préférait se passer plutôt du service religieux s'il ne pouvait
pas avoir un discours. La meilleure preuve est qu'il me dit « si pas de
discours pas de service religieux » Donc sa pensée dominante était non une
aide a l’âme de ce martyr de la Patrie ,mais une occasion d’accréditer son parti, par le gain à sa cause d'un
personnage officiel religieux.
Au début du
S.T.O., des jeunes gens d’Ordiap vinrent un mardi me prier de les confesser (…).
Le lendemain j'apprends (…) que les six étaient partis en Espagne. D’un côté,
j'avais sous les yeux un communiqué préfectoral, d'après lequel tous ceux qui
n'obéissaient pas au S.T.O. étaient passibles de 2 ans de prison, de l'autre
côté la déclaration fin juillet 1941 des cardinaux archevêques français
« nous voulons sans inféodation que soit pratiqué un loyalisme sincère et
complet envers le pouvoir civil » et la déclaration du cardinal SUHARD « nous
professons à l'égard de ce pouvoir un loyalisme franc et total. Nous reconnaissons le gouvernement
établi comme légitime gouvernement.
En face de cette
doctrine et de ces directives de mes chefs auxquels je dois obéir, mon attitude
devait confirmer les directives du gouvernement Pétain. Ces jeunes gens, lui
désobéissant alors que les F.F.I n'étaient pas connues chez nous, mon devoir
était de leur conseiller l'obéissance à l'ordre Préfectoral parvenu aux mairies
,et j'ai pu dire que devant cette désobéissance, il m eût été impossible de
donner satisfaction à leurs désirs
religieux. Le premier acte nécessaire pour cela étant pour nous l'obéissance.
Sources :
AD 64 Pau 30W Article 10 Cour de justice des Basses-Pyrénées.
https://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr
Archives collectives des Forces françaises de l'intérieur_Basses-Pyrénées
AS : Secteur IV :
Compagnie Hegoburu, Compagnie Bonnet, Groupe Jeansenne GR 19 P 64/17
Vue 23/32_ CAZEMAJOR Pierre 14/12/1907
durée des services homologués :01/01/1944-15/08/1944
Mémoire des Hommes
Conflits et opérations_Seconde Guerre mondiale_Militaires décédés au cours de la Seconde Guerre mondiale
Pierre CAZEMAJOR Mort pour la France le 14-08-1944 (Chéraute, France)
Né(e) le/en 14-02-1907 à Abitain (64 - Pyrénées-Atlantiques (ex Basses-Pyrénées), France)
Service historique de la Défense, Caen_ cote AC 21 P 40275
Association BPSGM _Les Basses Pyrénées dans la
seconde guerre mondiale
https://www.bpsgm.fr/cazemajor-pierre/
CAZEMAJOR Pierre Notice publiée le 19 octobre 2015 par Valérie
Trémaudant ,comprenant notamment en références bibliographiques deux fichiers
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