Je suis informé que des jeunes gens, auxquels l'administration refuse des passe-ports pour se rendre dans les colonies parce qu’ils n’ont pas encore satisfait à la loi de recrutement, ont souvent recours à des manœuvres que rendraient nulle une plus grande sévérité de l’autorité municipale. Ainsi, lorsqu’un jeune homme de 18 à 20 ans veut se soustraire par l’émigration aux chances du tirage au sort, il s’adresse au maire ou à l'adjoint de de sa commune et lui demande un certificat de bonne vie et mœurs, contenant les nom, prénoms, âge et quelquefois le signalement de l’individu. On stipule encore dans certains certificats que celui qui en fait usage est né de parents espagnols non naturalisés français , et qu’à ce titre, il ne pas être assujetti à la loi sur le recrutement de l’armée. Pour les jeunes gens compris dans le contingent départemental non encore appelés à l'activité, on modifie la formule du certificat en observant qu'en leur qualité de fils d'étrangers non naturalisés, quoique domiciliés dans la commune, ils n’ont pas été portés sur les tableaux de recensement ou ont été dispensés de concourir au tirage .
Au moyen de ces certificats , ces jeunes gens pénètrent facilement en Espagne et se rendent au Passage, port Espagnol. Ils se présentent même parfois au consulat d’Espagne à Bayonne, où, sur la production de ces certificats, un passe-port pour l’Espagne leur est délivré.
Vous comprendrez, Monsieur le Maire, combien il importe de porter remède à ces abus qui ont pour résultat de soustraire ces jeunes gens à la loi du recrutement de l’armée et à la surveillance de l’autorité supérieure.
Je vous invite , en conséquence,à ne délivrer ,à l'avenir,ces certificats de moralité que dans la forme régulière où ils doivent l’être, et après vous être assuré d’une manière certaine de la position des jeunes gens qui les réclament.
Vous ne devez point perdre de vue, d’ailleurs, que ce n’est pas à l'autorité municipale qu'il appartient de statuer sur les questions de nationalité, et par conséquent de décider si tel ou tel individu doit être compris sur la liste du contingent.
J’appelle toute votre attention sur la gravité des observations qui précèdent, et je compte sur votre zèle pour surveiller la stricte exécution.
Agréer, Monsieur le Maire, l’assurance de ma considération très distinguée.
Nous, Commandant supérieur des Francs-tireurs et des Gardes
nationales de St-Quentin,
PRÉFET DES BASSES- PYRÉNÉES,
Attendu qu’il résulte de renseignement très précis qui vient
de nous être transmis, que Labayande, instituteur de la commune de Bellocq, s’est
félicité publiquement des revers de l’armée
française de l’Est ;
Attendu qu’un instituteur qui insulte ainsi publiquement aux
malheurs de la patrie est un mauvais citoyen, capable de pervertir le sens
moral de la jeunesse, et que par là il déshonore le corps enseignant,
ARRÊTONS/
Art.1er .Labayande, instituteur public à Bellocq
, est révoqué de ses fonctions.
Art.2.Il lui est enjoint de cesser immédiatement ses
fonctions dès la notification du présent arrêté.
Art 3.Des expéditions du présent arrêté seront adressées à MM.
l’Inspecteur d’Académie et le Maire de Bellocq, qui sont chargés d’en assurer l’exécution.
Pau, le 4 février 18171
ANATOLE DE LA FORGE
Source:
Préfecture des Basses-Pyrénées
Recueil des Actes Administratifs
Année 1871
Page 77
Collection particulière
Pour aller plus loin
Anatole de La Forge
Sur le site internet de l'Assemblée Nationale ,la biographie d'Anatole de la Forge,extraite du dictionnaire des parlementaires français de 1789 à 1889 (Adolphe Robert et Gaston Cougny )
Né le 1er avril 1821 à Paris (Seine - France)
Décédé le
6 juin 1892 à Paris (Paris - France)
Député de 1881 à 1889, né à Paris le 1er avril 1821, il se destina
d'abord à la diplomatie. Attaché à la légation de Florence, puis
secrétaire d'ambassade à Turin et à Madrid, il fut chargé, en 1846,
d'une mission en Espagne qui lui valut, au retour, la croix de chevalier
de la Légion d'honneur.
La révolution de 1848 modifia ses idées : il se tourna vers le
journalisme, collabora à l'Estafette, puis entra au Siècle, dont il
devint un des principaux rédacteurs, et où il se fit pendant plusieurs
années une spécialité des questions de politique extérieure.
Ayant soutenu, sous l'Empire, l'opposition démocratique, il fut nommé,
après le 4 septembre 1871, préfet du département de l'Aisne. Les
circonstances faisaient alors de cette fonction un véritable poste de
combat : M. Anatole de La Forge parvint à grande peine jusqu'à
Saint-Quentin, que la prise et l'occupation de Laon avaient substitué au
chef-lieu, y organisa la résistance, et eut personnellement, à la
vaillante défense de cette ville contre les troupes allemandes, pendant
la journée du 8 octobre 1870, une part des plus honorables : le préfet
avait combattu à la tête des gardes nationaux, des pompiers et des
ouvriers de Saint-Quentin, et, quoique blessé grièvement à la jambe,
était resté au feu jusqu'au moment où l'ennemi s'était décidé à battre
en retraite sur Laon. Le gouvernement de la Défense nationale nomma M.
Anatole de La Forge officier de la Légion d'honneur (28 octobre) ; lui
adressa de chaleureuses félicitations, et l'appela à la préfecture des
Basses-Pyrénées (février 1871). Partisan de la guerre à outrance, M. de
La Forge s'efforça de rendre cette politique populaire, présida aux
élections du 8 février 1871, et donna sa démission après le vote des
préliminaires de paix.
Redevenu collaborateur du Siècle, il fut porté par les républicains, aux
élections du 14 octobre 1877, candidat dans le 8e arrondissement de
Paris, où il obtint 5 241 voix contre 6 335 au vice-amiral Touchard,
monarchiste, élu.
Puis, lors de la formation du cabinet Dufaure, le 14 décembre suivant,
M. Anatole de La Forge fut appelé aux fonctions de directeur de la
presse au ministère de l'Intérieur. En les acceptant, le nouveau
titulaire s'était flatté de l'espoir que la gouvernement et les Chambres
établiraient en matière de presse le régime de la liberté absolue ; il
adressa même dans ce sens à M. de Marcère un remarquable rapport, dont
les conclusions ne furent pas adoptées par les pouvoirs publics. Il se
démit alors (25 mai 1879) de ses fonctions.
Candidat républicain à l'élection partielle du 29 mai 1881, motivée dans
le 9e arrondissement de Paris par le décès d'Emile de Girardin, il fut
élu par 9 198 voix (15 698 votants, 23 261 inscrits), contre 4 250 à M.
Ed. Hervé, monarchiste, et 2 079 à M. Paul Dubois, républicain radical.
Aux élections générales suivantes (21 août de la même année), le 9e
arrondissement ayant été divisé en deux circonscriptions, il se
représenta dans la première, et fut élu par 4 927 voix (5 866 votants),
sans concurrent. D'opinions et de caractère indépendants, M. Anatole de
La Forge ne se fit inscrire à aucun groupe parlementaire ; en fait, il
vota le plus souvent avec les radicaux de la Chambre, notamment pour la
liberté de la presse, de réunion, etc. Il demanda la publicité des
séances du conseil municipal de Paris, et se montra partisan (novembre
1883) de la création d'un maire de Paris, dont les attributions auraient
été réduites, comme celles du maire de Lyon ; cette proposition,
soutenue par M. Floquet et par M. Spuller, et combattue par M.
Waldeck-Rousseau, ministre de l'Intérieur, fut rejetée à 277 voix contre
201. M. de La Forge opina à la même époque en faveur de la révision
intégrale de la Constitution, tout en refusant de s'embrigader dans la
Ligue révisionniste dont le chet était M. Clemenceau. En août 1884, il
fut du petit nombre des députés qui refusèrent d'aller à Versailles pour
prendre part aux séances du Congrès, ne lui reconnaissant pas le droit
de procéder à une révision limitée de la Constitution. Après la mort de
Victor Hugo, il prit l'initiative de la motion tendant à déposer le
corps du poète au Panthéon. Enfin il vota contre la politique coloniale
et rejeta les crédits du Tonkin.
En dehors de la politique pure, M. Anatole de La Forge, que sa bravoure
personnelle et son patriotisme éprouvé rendaient sympathique à tous les
partis, avait été en mainte occasion investi par ses collègues d'une
sorte de magistrature d'honneur, et s'était fait, dans les différends et
dans les duels survenus entre des membres du parlement ou de la presse,
une situation spéciale d'arbitre. En 1885, son nom ayant été mis en
avant pour la présidence de la République, il déclina toute candidature.
Inscrit, le 4 octobre 1885, sur plusieurs listes républicaines et
radicales dans le département de la Seine, il fut un des quatre élus du
premier tour de scrutin, le 3e sur 38 députés à nommer, par 222 334 voix
(434 011 votants, 564 338 inscrits). La majorité de la Chambre nouvelle
le désigna comme l'un des vice-présidents. M. Anatole de La Forge
continua d'opiner le plus souvent avec l'extrême gauche, fut
l'adversaire des ministères Rouvier et Tirard, vota contre l'expulsion
des princes (juin 1886), soutint octobre 1888) les réclamations du
Syndicat de la presse contre les questeurs de la Chambre, et donna à
cette occasion sa démission de vice-président, qu'il refusa de retirer.
Il se prononça énergiquement contre l'attitude du général Boulanger,
quitta la Ligue des patriotes, lorsque celle-ci eut adhéré au «
boulangisme », soutint le cabinet Floquet, et, en dernier lieu,
s'abstint sur le rétablissement du scrutin d'arrondissement (11 février
1889), et se prononça contre l'ajournement indéfini de la révision de la
Constitution, contre les poursuites contre trois députés membres de la
Ligue des patriotes, contre le projet de loi Lisbonne restrictif de la
liberté de la presse, pour les poursuites contre le général Boulanger.
M. Anatole de La Forge est décoré de la médaille militaire.
On a de lui, outre de nombreux articles insérés dans le Siècle :
- l'Instruction publique en Espagne (1847) ;
- des Vicissitudes politiques de l'Italie dans ses rapports avec la France (1850) ;
- Histoire de la République de Venise sous Manin (1853) ;
- la Peinture contemporaine en France (1856) ;
- l'Autriche devant l'opinion (1859) ;
- la Liberté (1862) ;
- la Pologne devant les Chambres (1863) ;
- Lettres à Mgr Dupanloup à propos de la Pologne (1865), etc.
Du quotidien Côte Basque soir du lundi 6 juillet 1964."Près de six mille personnes ont assisté aux Arènes Bayonnaises à la
réunion donnée par Me Jean-Louis Tixier-Vignancour, candidat à la
présidence de la république. Cette réunion s’est déroulée sans incident. Elle
était présidée par le général de Monsabert,ancien député des Basses
Pyrénées, assisté de MM. Marçais, ancien doyen de la faculté des lettres
et député d’Alger, Jean Marie Le Pen ancien député de Paris, colonel
Thomazo, ancien député des Basses Pyrénées. Dans l’assistance on
remarquait MM Guy Petit, sénateur, maire de Biarritz,...."
Plan:
1_Compte rendu par le quotidien Cote Basque Soir du lundi 6 juillet 1964 d'un meeting électoral à Bayonne
2_Une sélection de biographies (Site internet de l'Assemblée Nationale)
3_Liens vers des articles du blog "Retours-vers-les-Basses-Pyrénées"
Côte Basque Soir
Numéro 5.316
Lundi 6 juillet 1964
Au cours d’une imposante réunion présidée par le général de Monsabert
Tixier-Vignancour expose le sens de sa candidature
Chasser les sorciers du passé,
refaire l’unité nationale,
restaurer la science,
rétablir nos alliances.
......dans l’assistance on remarquait MM Guy Petit, sénateur, maire de Biarritz, Dr Camino ancien député des Basses Pyrénées.
Dès son arrivée sur l’estrade Monsieur Tixier-Vignancour a été l’objet d’une ovation.
Le général de Monsabert a déclaré qu’il n’avait pas présenté à Bayonne son camarade de campagne Thomazo que l’on connaît bien, ni le valeureux Le Pen ,pas plus que Tixier-Vignancour.
Si celui-ci n’a pas toujours été son ami politique, il est heureux d’être aujourd’hui à ses côtés.
LE COLONEL THOMAZO
Le Colonel Thomazo a remercié l’assistance venue de divers points de Gascogne et surtout ceux qui ont participé à l’organisation de cette réunion, particulièrement les rapatriés d’Algérie. Il a convié l’assistance à répondre à la croisade de vérité que M. Tixier-Vignancour a entreprise dans le pays, au combat pour des principes bafoués, à la flamme patriotique qui semblait s’éteindre et rejaillit généreuse et vivante pour éclairer l’obscurité maléfique où depuis cinq ans des princes ténébreux ont englouti et maintienne les Français.
L’assemblée ,réunie en ces Arènes, fait mentir le proverbe : « Nul n’est prophète en son pays ». Le succès de cette réunion prouve que dans notre région existe une splendide équipe de cadres et de nationaux prêtes au combat : « Vous en avez assez des mensonges. Vous avez soif de vérité. C’est d’elle que vont vous parler les orateurs ».
Le colonel Thomazo a fait un vif éloge de Le Pen qui réunit le cœur d’un marin et l’âme d’un soldat. Depuis son jeune âge, il s’est battu comme parachutiste et à la Légion pour l’Algérie française, puis sur les bancs du Parlement lorsque la minorité nationale était encore vivante, pour défendre les valeurs que nous croyons les plus vraies. Il continue à se battre sur le terrain de l’élection à la présidence de la République et de la conquête du pouvoir.
Le plus illustre des hommes de la région, J.-L. Tixier-Vignancour va apporter des paroles de vérité.
« Écoutez-le », recommande Colonel Thomazo qui souhaite que cette journée soit le début d’une croisade. « Unissez-vous pour préparer des lendemains plus heureux et la réconciliation française ».
M.LE PEN
M J.-M Le Pen a remercié l’assistance qui a préféré aux joies de la plage le difficile devoir de se pencher sur l’avenir du pays de ses enfants il faut s’intéresser à la vie publique dont dépend la vie professionnelle.
Notre peuple a ses qualités et aussi ses défauts. C’est l’honneur des hommes du passé d’avoir cherché à l'élever.. Or, depuis cinq ans, on spécule sur la faiblesse humaine, sur la lâcheté.
M. Le Pen a déploré que pour faire admettre l’abandon de l’Algérie on ait fait appel aux sentiments les plus lâches des citoyens.
Nous voudrions transmettre à nos enfants un pays libre. On va remettre à la jeunesse, qui monte, un pays moins grand, moins libre que celui qui nous a été légué.
L’unité nationale a été détruite. La France engagée dans le grand combat contre le communisme a été appelée à céder.
En 1958,un élan a porté le pays a rejeter le régime. Le peuple trompé à donnér sa confiance à un homme qui représenté la défense de l’Algérie française, symbole de la défense de la France et de l’Occident.
L'abandon
De Gaulle devait sauver l’Algérie française. A Mostaganem il criait « Vive l’Algérie française ». Or il l'a abandonnée. Récemment il déclarait que le départ des Français s’était effectué « sans heurts et sans drame… »
Il n’est pas possible qu’il incarne la pensée du peuple français. On en fera la démonstration le jour du scrutin.
Nos compatriotes d’Algérie, venus dans la métropole offerte à celle-ci un apport positif. En Algérie, se sont installés le désordre et la misère.
M.Le Pen a appelé les vains sacrifices consentis par les un million 500 000 Français des contingents qui ont servi en Algérie.
Le pouvoir est incapable de faire respecter la valeur des diplômes. C’est à lui que devraient s’en prendre les organisations syndicales d’enseignants qui à l’occasion de cette réunion s’en prennent à Tixier-Vignancour.
Le grand combat
L’orateur a poursuivi : « Nous sommes de ceux qui ne cesserons pas le combat. Nous avons confiance dans le peuple qu’on ne peut tromper éternellement. On peut remonter le sens de l’Histoire. On se rend compte dans le monde de l’immense Duperie du communisme. On n’accepte pas qu’il devienne la religion universelle.
"Le général De Gaulle fait sa politique. Nous le combattons parce qu’il est son allié ; quand il aura disparu ,le grand combat sera le même contre le communisme, pour la liberté ».
J.-L. TIXIER -VIGNANCOUR
M Jean-Louis Tixier-Vignancour a tout d’abord évoqué un anniversaire teinté de tristesse. Le 5 juillet 1962 la chasse aux Français d’Algérie était ouverte.
Il a observé que le 7 mai dernier, à l’occasion d’une conversation radiotélévisée on a dit que Goldwater était un extrémiste un activiste tenant des propos déraisonnables, que c’était le Tixier-Vignancour américain et qui n’avait aucune chance.
Depuis lors Goldwater a triomphé aux élections primaires. C’est pour tixier un excellent augure.
Il a rappelé qu’en décembre 1848, lorsque les Français votèrent pour élire au suffrage universel le président de la République, la presse d’alors prévoyait le succès du général Cavaignac. Celui-ci ne fut pas l'élu.L’orateur espère qu’il en sera ainsi pour l’élection prochaine.
Il a, ensuite présentér un bilan de l’action du général De Gaulle et proposé un certain nombre de solutions à apporter aux problèmes actuels. On a dit de lui qu’il n’était pas constructif. Or les hommes au pouvoir ont tout détruit.
« La France souffre avant tout des atteintes anciennes et récentes portées à son unité nationale
Pour l'amnistie totale
Des Français qui n’ont commis d’autres fautes que défendre leur pays souffre dans des prisons. Une amnistie générale et inconditionnelle est nécessaire et non des grâces selon le bon vouloir des princes. Généraux et soldats doivent sortir de prison avec leurs médailles pendantes ».
L’homme qui peut prescrire à un normalien comme Pompidou d’ignorer le nom de celui qui commandait en chef à Verdun nous renseigne sur ses hauteurs de vue et ses rancunes.
Refaire l'alliance Atlantique
L’orateur considère que "le chef de l’État à vidé de leur sens les engagements de la nation envers ses alliés par le retrait de la marine de l’O.T.A.N., l’interdiction aux Américains d’accès nécessaire aux installations de défense, la doctrine du neutralisme pratiquée à l’égard du Sud-Est asiatique, alors que l’Algérie est ouverte à l’influence communiste… »
De Gaulle éprouve de l’amertume à ne pas être le chef de l’alliance occidentale.
Le fer de lance était l’armée française, Foch commandait en chef. Le fer de lance et maintenant l’arme atomique. Une mutation de la défense s’est opérée.Nous ne vivrions pas une heure de liberté si nous n’étions protégés par le bouclier américain.
Il faut rétablir nos relations avec les U.S.A. comme à l’époque où Monsabert débarquait à Marseille et remontait jusqu’à Paris par la vallée du Rhône.
« Le général De Gaulle voulait l’Europe à condition d’être Charlemagne. Les voyages de Paris à Bonn et de Bonn à Paris n’aboutissent qu’à des échanges de boys-scouts ou d’informations. On ne peut concevoir une Europe étroitement associée sans l’Espagne et le Portugal auquel l’orateur adresse un salut amical.
Rétablir la confiance
Examinant la situation économique de la France, l’orateur juge que « la dégringolade de la bourse, la hausse constante du coût de la vie provienne du fait que la confiance s’est progressivement retirée. Le plan dit de stabilisation aboutit à la compression des revenus des prix agricoles, au blocage des salaires, maintenus à un niveau bas par l’importation de main-d’œuvre étrangère et algérienne, du blocage des prix de vente alors que les prix de revient augmentent.
Seuls sont en hausse les revenus de l’État qui refuse de modifier les barèmes des impôts malgré la hausse du coût de la vie.
La méthode identique pratiquée en 1934 et 1935 a abouti à la diminution de l’activité, à des charges fiscales insupportables, puis aux élections de 1936, à la révolte des salariés, suivi de l’inflation et de dévaluations.
Depuis 1958 le coût de la vie a augmentée de 50 pour cent et le montant du budget de l’État de 60 pour cent.
M. Tixier-Vignancour a formulé de sévères critiques à l’égard de la politique de prestige, de la fabrication de la bombe de chez nous sans moyen de défense, à des largesses consenties pour payer les applaudissements recueillis en Iran et au Mexique ou pour procurer des Mercedes aux gouvernements de peuples sous-développés auxquels devrait être fournie plutôt une aide économique. Il fallait absolument partir de ces pays, maintenant il faut payer.
Les protestations formulées par les cadres,les agriculteurs, restent lettre morte comme les grèves d’avertissement pratiquées par les salariés. Ceux-ci effectuent parfois des marches dans lesquels ils usent pour rien leurs souliers.
Rien ne sera réglé par un coup de baguette magique.Le successeur devra rétablir la confiance par le rétablissement de la liberté d’entreprise et de travailler.
Réduire les impôts
Citant l’exemple donné par le président Johnson et le chancelier Erhartd M. Tixier-Vignancour a préconisé une réduction des impôts. Avec la réduction des dépenses c'est l’article 1 de la confiance.
Les technocrates disent à ceux qui souffrent : « Vous n’êtes pas adaptés ». Le petit commerçant va disparaître ; le petit agriculteur devrait aller travailler dans la banlieue sans espoir, de nombreux ouvriers seraient contraints d’abandonner leur logis pour devenir des travailleurs itinérants.
Contre le Marsisme (sic)
La société française serait une termitière. Les conditions seraient réalisées pour sa conquête par le marxisme. Si le marxisme était le paradis ,on ne verrait pas le mur de Berlin s’opposer au courant qui s’exerce dans le même sens vers l’enfer capitaliste.
On ne voit pas M. Lanusse quitter l’enfer du Boucau pour le paradis de Vladivostok.
M.Tixier-Vignancour préconise un grand rassemblement qui emportera les prophètes du passé.
Pas de sorciers du passé
Il a rappelé l’attitude des sorciers du passé qui étaient avec de Gaulle pour abandonner l’Algérie française et le lâchent quand et est écarté pour eux le péril que représentaient des « paras » pouvant venir leur demander des comptes.
En présence de ces brochettes de revenants avides et pressés, le peuple voudrait savoir qui viendra après.
Dans la campagne électorale dont on ne connaît pas l’échéance, Tixier-Vignancour est parti à l’avance.Il n'est pas un sorcier du passé. Il n’a été ministre ni de la 3e ni de la 4e, ni de Vichy ; s’il avait été on ne l’aurait pas « raté ».
" Voulez-vous que nous réalisions le grand balayage nécessaire ?",demande-t-il à la poule qui répond par des milliers de "oui".
"Si vous me trouvez trop marqué , présentez quelqu’un d’autre.
"Ceux qui disent que l’élection n’aura pas lieu recherchent un alibi pour ne rien faire.
"On a parlé de Pinay. Mais il n’est pas candidat. S’il l'est il le sera sera trop tard.
"Dans son immense majorité le peuple français refuse la solution du marxisme.
"Defferre est marxiste,mais aussi milliardaire.L’argument est insuffisant »
Sauver la jeunesse
Au cours de sa campagne électorale, tandis qu’il propose des solutions de bon sens, Tixier-Vignancour constate qu’une importante proportion de jeunes viennent lui poser des questions.
La jeunesse a été la grande victime des événements de ces dernières années. Après lui avoir demandé des sacrifices on lui a offert Sedan. On a été incapable de lui offrir un idéal et un avenir. Elle veut savoir quel sera son destin.
Retour à la Liberté
L’orateur a poursuivi : « Dans la lutte qui s’ouvre je fais serment de mener le combat avec la dernière des énergies. Dans les deux heures de télévision qui me seront imparties par la loi, j’inviterai le général de Gaulle à cesser le monologue pour accepter avec moi le dialogue. »
Les bases sur lesquelles reposent la politique des partis sont devenues celles d’un homme seul.
Après avoir observé que l’on ne pouvait accorder de créance aux sondages et aux pronostics sur les résultats de l’élection présidentielle, l’orateur se flatte d’avoir « toujours combattu avec obstination une politique qui ne mérite qu’à être jetée aux poubelles de nos déshonneurs nationaux »
Il appelle le peuple français à la raison.Il le convie à l' union à décider si demain sera le printemps ou l'automne de la patrie, à choisir entre ceux qui font appel à la jeunesse et ceux qui se bercent de la grandeur du passé.
" Cheminons ensemble, conclut-il , jusqu’à ce que nous ayions chassé le vieillard au cœur sec et libéré le pays. Rendons à notre Patrie bien aimée son vrai visage, sa grandeur, sa liberté »
Une nouvelle ovation était faite l’orateur.
M. Le Pen a pris à nouveau la parole pour inviter l’assistance à participer aux activités qui vont s’ouvrir pour la campagne électorale , à créer des comités de soutien la candidature de Jean-Louis Tixier-Vignancour.
Pour aller plus loin
Site internet de l'Assemblée Nationale (Info site)
Né le 14 janvier 1904 à Dax (Landes)
Décédé le 10 avril 1973 à Paris (Seine)
Député des Basses-Pyrénées de 1958 à 1962
Le nom du « colonel Thomazo » et le surnom « Nez de cuir » sont plus
fréquemment associés à l’histoire de la guerre d’Algérie et à celle du
combat pour l’Algérie française qu’à l’histoire parlementaire. Et
pourtant, durant quatre ans, Jean-Robert Thomazo fut député des
Basses-Pyrénées, élu sous l’étiquette UNR en 1958. Né le 14 janvier
1904 à Dax, fils de François Thomazo, rentier et de Jeanne Dive, sans
profession, Jean-Robert Thomazo est issu d’une famille de propriétaires
terriens landais, originaire de Tartas et de ses environs. « Gascon
mâtiné de Basque, il a été élevé, selon Jean-Raymond Tournoux, dans le
culte de la Grande Armée, dans le souvenir de l’arrière grand-père, chef
de bataillon des volontaires landais en 1793, puis colonel de l’armée
impériale ». Et pendant longtemps – en 1958 encore – Jean-Robert Thomazo
se dit bonapartiste. Après avoir été élève de l’école Notre-Dame du
Sacré-Cœur à Dax pour ses études secondaires, Jean-Robert Thomazo
prépare Saint-Cyr au lycée Montaigne à Bordeaux. Admis à l’Ecole
spéciale militaire de Saint-Cyr en 1923, il commence une carrière
militaire qui ne cesse qu’en 1958 quand il entre au Parlement. Andrée
dite Gabrielle Cazamayou, épousée à Dax en 1928 lui a donné six enfants
en six ans, quatre garçons – dont un meurt en bas âge - puis deux
filles mais Jean-Robert Thomazo est aussi le père de cinq autres enfants
reconnus, d’un autre lit, trois garçons et deux filles.
Au cours de ces trente cinq ans dans l’armée, Jean-Robert Thomazo
participe à la guerre du Rif (1926), à la campagne de France (1940),
puis à la campagne d’Italie (1944) puis de France et d’Allemagne
(1944-1945) avant de servir en Indochine (1951-1953) et en Algérie
(1955-1958). Evadé de France par l’Espagne (novembre 1942), Jean-Robert
Thomazo s’engage dans la Résistance. C’est en Italie, lors de la
bataille de Cassino qu’un obus lui arrache une partie du nez. A partir
de cette blessure, il porte un pansement tenu par des lanières de cuir
ce qui lui vaut le surnom de « nez de cuir ». Comme l’écrit Christophe
Nick : « avec son crâne tondu et luisant, ses yeux vert d’eau, il arbore
un faciès saisissant ».
Mais le temps fort de cette carrière se situe en Algérie, à la fin des
années 1950. C’est l’Algérie qui propulse Jean-Robert Thomazo sur le
devant de la scène et lui met le pied à l’étrier en politique. En effet,
« Nez de cuir » est un des activistes les plus importants à Alger en
mai 1958 et participe à tous les complots contre la IVe République pour
maintenir l’Algérie française. Jean-Robert Thomazo est alors le patron
des Unités territoriales – forces supplétives composées de pieds noirs -
et l’adjoint du général Allard, commandant en chef de l’armée de terre
en Algérie. Ami de Biaggi, il fait partie de ceux qui accueillent Léon
Delbecque à Alger puis Lucien Neuwirth. Membre du Comité de Salut public
au soir du 13 mai, il en devient, avec d’autres colonels – Ducasse,
Trinquier -, un des vice-présidents qui entourent Massu. Il participe à
l’opération en Corse le 25 mai et le général Salan le nomme « gouverneur
civil et militaire de la Corse ». Surnommé « le petit Salan », il
occupe cette fonction jusqu’au 13 juin, date à laquelle il remet ses
pouvoirs au nouveau préfet de la Corse, Guy Lamassoure.
C’est sa participation active aux événements de mai 1958 qui ramènent au
pouvoir le général de Gaulle et le soutien de Biaggi, plus que son
appartenance ancienne au RPF, qui permettent à Jean-Robert Thomazo
d’obtenir l’investiture du nouveau parti gaulliste, l’UNR, pour les
premières élections législatives de la Ve République, dans la 4e
circonscription des Basses-Pyrénées, celle de la Côte basque. Dès 1958,
Jean-Robert Thomazo entre au comité central du parti gaulliste. Sa
profession de foi annonce avec fermeté les convictions avec sur le plan
national : « l’Algérie doit rester française » et « poursuivre l’œuvre
de rénovation en luttant contre les résidus du « Système » tant dans le
domaine des lois que dans celui des hommes ». A l’échelle locale, il
préconise l’organisation d’une « région économique de type provincial
qui doit comprendre le Pays basque, le Béarn, la Bigorre et la Basse
Vallée de l’Adour ». Le candidat se définit ainsi pour les électeurs : «
je ne suis pas ce que vous appelez, parfois dédaigneusement, un «
politicien ». Militaire, je sers mon pays ». Le seul titre qu’il indique
dans la signature de sa profession de foi est « commandeur de la Légion
d’honneur ».
Pour ces élections de 1958, Jean-Robert Thomazo affronte cinq candidats
dont pas moins de trois députés sortants : Guy Petit (CNI), maire de
Biarritz ; Joseph Garat (SFIO) et Albert Mora (PCF). Les autres sont le
radical Jacques Simonet et un conseiller général MRP, le commandant
Georges Poirier. Le 23 novembre, il devance largement ses concurrents,
recueillant 23606 voix sur 61751 suffrages exprimés tandis que Petit
n’en obtient que 16923 ; Garat 9286 et Mora 6650, loin devant Poirier
(3302) et Simonet (1984). Au 2e tour, avec 34163 voix, Thomazo gagne la
triangulaire qui l’oppose à Garat (16205) et Mora (6240).
A l’Assemblée nationale, Jean-Robert Thomazo entre au groupe UNR et le 8
juillet 1959, il est élu membre du Sénat de la Communauté. Mais il
quitte le groupe gaulliste un an plus tard, le 16 octobre 1959 en même
temps que Delbecque et Biaggi notamment pour manifester son opposition à
la politique algérienne du général de Gaulle après le discours sur
l’autodétermination du 16 septembre. Dès le 19 septembre 1959, il a fait
partie des 19 parlementaires dont 5 UNR – Battesti, Biaggi, Delbecque,
Vaschetti et lui - qui signent le manifeste du RAF (Rassemblement pour
l’Algérie française). A près sa rupture, il s’inscrit le 20 octobre au
groupe de l’Unité de la République qui réunissait les élus d’Afrique du
nord et accueille désormais aussi des élus métropolitains partisans de
l’Algérie française. Il y siège jusqu’au 4 juillet 1962.
Durant pratiquement toute la législature, Jean-Robert Thomazo appartient
à la Commission de la défense nationale et des forces armées. Le député
de la Côte basque se montre un parlementaire plutôt actif qui
intervient beaucoup, surtout en début de législature (10 fois en 1959, 7
en 1960, 2 en 1961 et 3 en 1962). Ses interventions portent le plus
souvent sur les affaires algériennes mais n’excluent pas la défense des
intérêts du département des Basses-Pyrénées. Dès juin 1959, il prend
part à la discussion du projet de loi portant dispositions financières
intéressant l’Algérie pour affirmer « l’importance du problème algérien
pour la défense de la civilisation occidentale », rappeler « le péril
soviétique ». Après le discours du général de Gaulle le 16 septembre
1959, Jean-Robert Thomazo intervient, le 15 octobre, dans la discussion
sur la politique générale du gouvernement : il expose « le danger d’une
solution fédéraliste en Algérie avec la menace de sécession à terme » et
évoque « le drame de conscience des patriotes déchirés entre leur
fidélité au général de Gaulle et leur attachement à l’Algérie ». Le 7
décembre 1960, après une déclaration du Premier ministre relative à
l’Algérie, il réaffirme « les dangers d’une République algérienne » et «
la nécessité de l’Algérie française », dénonçant le 29 juin 1961, «
l’abandon progressif et déshonorant de nos frères musulmans ». Le 20
mars 1962, il évoque « l’humiliation ressentie par le Parlement, la
nation et l’armée à la suite des accords d’Evian ».
Au service de sa terre d’élection, Jean-Robert Thomazo plaide, à
plusieurs reprises, la cause du port de Bayonne renforcé par
l’exploitation du gisement de gaz de Lacq, préconise des travaux
d’aménagement facilitant « l’évacuation des soufres de Lacq et plus
généralement l’expansion industrielle des régions des Basses-Pyrénées,
des Hautes-Pyrénées et de la vallée de l’Adour » (19 novembre 1959).
Dans la discussion budgétaire pour 1962, il observe les conséquences
sociales et économiques de la fermeture des Forges de l’Adour et
préconise une série de mesures : « un assouplissement du régime des prix
du charbon et des transports en leur faveur, la participation
financière de l’Etat (…) au plan de rénovation des usines du Boucau et
(…) la nécessité, en matière de décentralisation, de soutenir par
priorité des entreprises industrielles déjà décentralisées et déjà
implantées dans des régions industrielles sous-développées » (28 octobre
1961).
Les votes du député à l’Assemblée sont conformes à son évolution
politique et à sa rupture avec de Gaulle. S’il approuve la politique
générale du gouvernement lors du scrutin du 16 janvier 1959, il ne prend
pas part au vote le 15 octobre de la même année après la nouvelle
déclaration de politique générale du gouvernement Debré puis vote contre
les pouvoirs spéciaux pour le gouvernement (2 février 1960). S’il
approuve le projet de loi concernant l’enseignement privé (23 décembre
1959), il refuse la confiance au gouvernement Pompidou le 27 avril 1962,
s’oppose à la levée de l’immunité parlementaire de Georges Bidault le 5
juillet 1962 et vote la motion de censure qui fait chuter le
gouvernement Pompidou le 4 octobre 1962.
Ce gaulliste que l’historien Jérôme Pozzi classe dans la catégorie «
national-gaulliste », à l’image d’un Biaggi, n’est pas candidat aux
élections législatives de novembre 1962 et affirme, selon Le Monde, son
intention de « continuer la lutte dans le pays, mais non plus sur les
bancs d’un Parlement impuissant ». Jean-Robert Thomazo se rapproche du
Béarnais Jean-Louis Tixier-Vignancour dont il soutient la carrière
politique, des « comités T-V » de 1964, pour la présidentielle de 1965, à
l’adhésion à l’ARLP (Alliance républicaine pour les libertés et le
progrès), mouvement dans lequel il s’investit beaucoup. Son ultime
engagement politique fut sa candidature, aux élections législatives de
mars 1973, dans la première circonscription des Pyrénées-Orientales et
son élimination à l’issue du premier tour. La maladie le surprend alors
et il meurt au Val-de-Grâce le 10 avril 1973.
Dans la nécrologie du député, Le Monde rappelle « quelques épisodes
assez aventureux (les « barricades » en janvier 1960 ; une arrestation
sur les Champs-Elysées en novembre ; divers incidents et procès ; la
dissolution de son « Front national combattant ») et l’interdiction
d’aller en Algérie avec d’autres parlementaires en janvier 1962, puis en
Allemagne le mois suivant ». Le journal L’Aurore rend hommage à ce «
soldat militant » qui a toujours plaidé la « Cause » - de l’Algérie
française – avec la même droiture, la même émotion qui lui valent
l’amitié des pieds-noirs » et ajoute «Nez de Cuir est mort à 69 ans. Et
avec lui peut-être, une certaine idée de la patrie », précisant que «
les deux fils de ce baroudeur, morts pour la France, étaient tombés l’un
en Indochine, l’autre en Algérie ».
Biographie extraite du dictionnaire des parlementaires français de 1940 à 1958 (La documentation française)
Né le 20 juin 1928 à la Trinité-sur-Mer (Morbihan)
Député de la Seine de 1956 à 1958
Jean Le Pen est né le 20 juin 1928 à la Trinité-sur-Mer, dans le
Morbihan. A douze ans, il est reconnu pupille de la Nation à la suite du
décès de son père, dont le bateau de pêche explose sur une mine
allemande au sortir de la rade du port de la Trinité.
Son cursus scolaire et universitaire est heurté : esprit frondeur et
turbulent, il fréquente deux lycées, à Vannes et à Lorient, avant de
gagner les bancs de la faculté de droit de Paris. Bien plus qu'aux
études juridiques, toutefois, Jean Le Pen se consacre alors à sa vie
nocturne, faite de rencontres, de chahuts et de chansons, et à
l'agitation politique : vendeur à la criée d'Aspects de la France au
Quartier Latin, il crée en outre un journal, La Basoche, dont il assure
la direction éditoriale et qu'il administre avec plus de passion que de
rigueur. En quelques mois, Jean Le Pen devient une figure de la jeunesse
étudiante parisienne : le verbe haut, il se forge une réputation de
meneur, de chef de bande plutôt que de militant. Elu, en 1950, président
de la corporation des étudiants en droit de Paris, il est délégué
l'année suivante pour représenter la « Corpo » au congrès de l'UNEF, à
Aix-les-Bains où il se fait remarquer par une intervention violente
contre l'institution du « pré-salaire » étudiant.
La guerre d'Indochine marque un tournant dans l'engagement politique de
Jean Le Pen. Farouchement opposé à l'abandon par la France de son
Empire, il demande en novembre 1953 à s'engager dans les rangs de la
Légion. A la sortie de l'école d'infanterie de Saint-Maixent, il part
pour l'Indochine, où il sert comme sous-lieutenant au 1er bataillon
étranger de parachutistes. De cette expérience au sein du corps
expéditionnaire, il retire surtout, outre un sentiment d'humiliation lié
à la défaite, un goût prononcé pour la société militaire, ses rites et
ses valeurs.
De retour en France, Jean Le Pen fait en septembre 1955 la rencontre de
Pierre Poujade ; séduit par l'énergie et la faconde de son jeune
interlocuteur, celui-ci en fait aussitôt l'un de ses principaux
lieutenants. Le mouvement poujadiste, alors en pleine expansion, souffre
d'une organisation médiocre, et d'un recrutement trop polarisé sur les
milieux commerçants et artisanaux ; Jean Le Pen se voit donc confier la
mission d'oeuvrer à une réforme de ses structures, et de l'ouvrir à la
jeunesse étudiante.
Pierre Poujade le place en outre à la tête de la liste d'Union et de
Fraternité Française aux élections législatives du 2 janvier 1956 dans
le 1er secteur de la Seine. Dans cette circonscription, qui couvre les
Ve, VIe, VIIe, XIIIe et XIVe arrondissements de Paris, et qui compte des
candidats aussi aguerris que Roger Garaudy, Vincent de Moro-Giafferi,
Pierre Clostermann ou Edouard Frédéric-Dupont, Jean Le Pen, qui se
présente encore comme « étudiant », fait figure d'inconnu, dont la
réputation s'arrête aux marches du Quartier Latin. La vague poujadiste
le porte pourtant jusqu'à l'Assemblée nationale : avec 37 748 voix sur
470 266 suffrages exprimés, et grâce au système de la répartition des
restes à la plus forte moyenne, Jean Le Pen est à vingt-sept ans le plus
jeune élu de la législature.
Nommé membre de la Commission des affaires étrangères, Jean Le Pen
choisit à l'ouverture de la session parlementaire de modifier son
prénom, qui était aussi celui de son père, et d'y accoler l'un de ses
seconds prénoms : c'est donc sous le nom de Jean-Marie Le Pen qu'il
prend pour la première fois la parole, le 25 janvier, après le discours
d'ouverture du président Le Troquer. Son intervention est observée avec
beaucoup de curiosité par les autres députés : le nouveau député de la
Seine est non seulement le plus jeune parlementaire de la législature,
mais aussi le premier élu poujadiste à prendre la parole dans
l'hémicycle. Dans son discours, Jean-Marie Le Pen dénonce le refus des
autres partis d'admettre la présence d'un député de l'Union des
commerçants et des artisans (UDCA) au sein du Bureau de l'Assemblée ;
c'est là une violation de l'usage de la répartition à la
proportionnelle, plaide-t-il. L'examen de passage est réussi : le
socialiste Edouard Depreux, qui lui succède à la tribune, le félicite
non sans quelque ironie pour son « érudition étonnante sur la
jurisprudence parlementaire » ; Jean-Marie Le Pen est très vite
considéré comme l'une des révélations politiques de la législature, au
point d'être surnommé par Paris Match « le Minou Drouet de la politique
».
Jean-Marie Le Pen ne ressemble guère, pourtant, à la jeune poétesse ; à
qui pouvait encore en douter, il en administre la preuve dès le mois
suivant, au cours des débats qui précèdent l'invalidation par
l'Assemblée de l'élection de la dizaine de députés poujadistes pour
cause de violation de la loi sur les apparentements. Jean-Marie Le Pen
dénonce avec virulence ce qu'il considère comme une manipulation
politique. Aux députés communistes qui l'invectivent, il lance, martial :
« avec les députés poujadistes sont entrés à l'Assemblée les 80 000
cadavres de la guerre d'Indochine. Vos alliés ne m'ont pas fait taire
avec leurs mitraillettes ». Quelques jours plus tard, l'affrontement
tourne au pugilat : le vote d'invalidation du député des
Bouches-du-Rhône Marius Baryelon, par appel nominal, doit être
interrompu, les députés poujadistes Jean Damasio et Jean-Marie Le Pen
s'étant précipités à la tribune en vue de s'y emparer de l'urne ;
plusieurs parlementaires de gauche, parmi lesquels Charles Hemu,
interviennent aussitôt, et une bagarre générale éclate au sein même de
l'hémicycle.
La plupart du temps discret sur les questions économiques et sociales,
Jean-Marie Le Pen est en revanche en pointe sur la question algérienne,
au point de faire figure de porte-parole des « faucons ». Invité le 9
mars 1956 à exposer à la tribune de l'Assemblée la position de son
groupe sur le projet de loi déposé par le gouvernement de Guy Mollet sur
les pouvoirs spéciaux en Algérie, le député de la Seine écarte toute
perspective de réforme institutionnelle outre-mer, et dénonce le laxisme
des pouvoirs publics : « ce que nous attendions du gouvernement, c'est
qu'il fasse exécuter les assassins condamnés qui sont dans les prisons
algériennes et qui attendent encore le châtiment suprême. Il ne l'a pas
fait. Ce que nous attendions, c'est qu'il verrouille efficacement les
frontières maritimes et terrestres de l'Algérie. Il ne l'a pas fait ! Ce
que nous attendions, c'est qu'il fasse passer l'armée à l'offensive
autrement qu'en envoyant les soldats sur les routes sans armes ou avec
trois cartouches dans leur cartouchière. Il ne l'a pas fait ! Nous
attendions, en outre, de lui qu'il contrôle la presse, ses informations,
ses campagnes diffamatoires au moral de l'armée et de la nation. Il ne
l'a pas fait ! Nous attendions de plus qu'il mette le Parti communiste
hors d'état de nuire. Il ne l'a pas fait ! Et pour cause : le Parti
communiste fait partie de sa majorité ! ».
A la différence de la plupart de ses collègues poujadistes, Jean-Marie
Le Pen considère toutefois que l'hostilité à l'indépendance de l'Algérie
doit s'accompagner d'une prise en compte de certaines des
revendications des populations musulmanes, et notamment de celles
relatives aux droits politiques ; il se déclare ainsi, le 28 juillet,
partisan de l'intégration des musulmans au sein de la communauté
politique nationale.
La session parlementaire s'achève le 4 août. Jean-Marie Le Pen et son
jeune collègue du Finistère, Maurice Demarquet, décident alors de se
mettre en congé du Parlement, et contractent un engagement volontaire de
six mois pour servir en Algérie, ceci afin, disent-ils, de mettre leurs
actes en conformité avec leurs paroles. Affecté au 1er régiment
étranger de parachutistes, Le Pen prend part à la campagne de Suez,
puis, à la « bataille d'Alger ». Son départ pour l'autre rive de la
Méditerranée vient à point nommé pour relâcher la tension qui monte
entre le député de la Seine et le reste du groupe poujadiste, qui lui
reproche son ambition dévorante et son goût pour la provocation
gratuite. Les analyses de Le Pen et de Poujade divergent aussi sur un
plan plus politique, le premier se montrant soucieux de structurer le
mouvement poujadiste en un véritable parti, positionné à l'extrême
droite mais clairement intégré au jeu politique du régime, tandis que le
second est plutôt adepte d'une approche « anti-système » qui mise
d'abord sur sa décomposition. La question algérienne fournit l'occasion
d'un divorce définitif : alors que Pierre Poujade ordonne à ses députés
de voter contre l'intervention militaire française à Suez, Jean-Marie Le
Pen fait connaître la réprobation que lui inspire une telle orientation
; il sera définitivement exclu du mouvement en mai 1957.
Après neuf mois d'absence, Jean-Marie Le Pen fait à la fin du printemps
1957 sa rentrée à l'Assemblée nationale. Désormais non-inscrit, son
temps de parole est plus limité. Il continue pourtant à animer les
débats et, inlassablement, à vilipender le gouvernement pour le laxisme
de sa politique algérienne, comme en témoignent les deux textes qu'il
dépose alors : le premier, le 21 mai 1957, est une proposition de
résolution tendant à inviter le gouvernement à « célébrer avec une
solennité toute particulière la Fête nationale, en décrétant le 14
juillet 1957 Journée nationale de l'Algérie française » ; le second est
une proposition de loi, déposée le 20 juin 1957, tendant « à la
répression du terrorisme ».
Hors de l'Assemblée, Jean-Marie Le Pen s'affaire à la création de son
propre appareil politique, le Front National des Combattants, au sein
duquel il espère rassembler déçus du poujadisme et partisans de
l'Algérie française ; ceux-ci, toutefois, se montrent souvent déroutés
par les thèses « intégrationnistes » que développe le député de la Seine
au fil des étapes d'une tournée des plages estivale, d'autant que cette
ouverture ne se traduit pas par un gain de popularité tangible.
De retour à l'Assemblée après ce périple émaillé d'incidents, Jean-Marie
Le Pen radicalise encore son discours sur l'Algérie. Le 11 février
1958, il s'en prend de façon particulièrement virulente à Pierre Mendès
France, qu'il érige en symbole de la politique de renoncement à l'Empire
: « vous savez bien, monsieur Mendès France, quel est votre réel
pouvoir sur le pays. Vous n'ignorez pas que vous cristallisez sur votre
personnage un certain nombre de répulsions patriotiques et presque
physiques ». L'apostrophe est blessante, et son ton rappelle dans ses
insinuations celui de la presse de l'Occupation.
Pourfendeur des institutions de la IVe République, Jean-Marie Le Pen
observe avec beaucoup d'espoir, à la fin du printemps 1958, les
prémisses de leur crise finale. Il cherche par tous les moyens à peser
sur le cours des événements : le 13 mai, il est à la tête d'une
manifestation d'ultras, qui se disperse dans la confusion aux alentours
de la place de la Concorde ; il cherche ensuite à gagner l'Algérie, y
parvient enfin au terme d'un laborieux périple, mais ne peut y passer
que quelques heures car il est fermement invité à rejoindre Paris.
A l'instar d'un grand nombre de partisans de l'Algérie française,
Jean-Marie Le Pen ne désapprouve pas l'appel au général de Gaulle lancé à
la fin du mois de mai par le président René Coty : il croit alors que
le nouveau président du Conseil, porté au pouvoir à l'issue d'une crise
initiée depuis Alger par les adversaires de l'indépendance algérienne,
n'aura d'autre choix que de suivre la ligne dictée par ces derniers.
S'il ne prend part ni au vote d'investiture du général de Gaulle (1er
juin), ni à ceux des projets de loi relatifs aux pleins pouvoirs et à la
révision constitutionnelle (2 juin), il appelle à voter « oui » au
référendum constitutionnel de septembre 1958, et c'est sur une ligne de
soutien critique au général de Gaulle qu'il fait campagne, avec succès,
aux élections législatives du 30 novembre 1958 dans la 3e
circonscription de la Seine (5e arrondissement de Paris). Jean-Marie Le
Pen s'éloigne toutefois très vite du président de la République, au
point de devenir, à l'Assemblée, l'un des plus acharnés détracteurs de
sa politique algérienne ; cette radicalisation n'est pas étrangère à sa
défaite face à René Capitant lors des élections législatives de novembre
1962.
Jean-Marie Le Pen est l'une des chevilles ouvrières de la campagne
présidentielle de Jean-Louis Tixier-Vignancour en 1965 ; les deux hommes
se séparent toutefois dès janvier 1966, lorsque Jean-Marie Le Pen
réalise que Jean-Louis Tixier-Vignancour n'est pas plus que Pierre
Poujade en mesure de fonder le grand parti de la « droite nationale »
qu'il appelle de ses vœux. C'est la conviction qu'il est en fait le seul
à même de réaliser ce projet qui le conduit à fonder en 1972 le Front
National, puis à présenter deux ans plus tard sa candidature aux
élections présidentielles. Les premier succès électoraux du Front
National, en 1983, impriment un nouveau tournant à la carrière politique
de Jean-Marie Le Pen. Son idéal politique s'exprime alors dans
l'ouvrage qu'il fait paraître en 1984 et dont le titre Français d'abord
est tout un programme. De nouveau député à l'Assemblée nationale
(1986-1988), parlementaire européen (1984-2000), candidat à trois autres
reprises aux élections présidentielles (1988, 1995 et 2002 où il
devance Lionel Jospin), il devient l'un des principaux acteurs du débat
politique français.
Biographie extraite du dictionnaire des parlementaires français de 1889 à 1940 (Jean Jolly)
Biographie de la IVe République
Biographie extraite du dictionnaire des parlementaires français de 1889 à 1940 (Jean Jolly) Né le 12 octobre 1907 à Paris (7e).
Député des Basses-Pyrénées de 1936 à 1942.
Bachelier à seize ans après des études secondaires au lycée Louis le
grand, Jean-Louis Tixier n'a pas vingt ans quand il termine sa licence
en droit. Il se trouve alors dans une situation paradoxale- qui est
aussi celle, la même année, d'Edgar Faure - pouvant défendre les
intérêts des autres, mais non les siens. Le jeune avocat, tout en
préparant son doctorat, ne laisse pas de s'intéresser à la politique.
Militant de l'Action française, il a été arrêté en 1926 pour avoir
perturbé une réunion tenue par les mutins de la mer Noire. Admis en 1931
comme secrétaire à la Conférence, il plaide de nombreux procès, tout en
préparant pendant ses vacances à Orthez, berceau de sa famille, une
éventuelle candidature.
Léon Bérard ayant abandonné la Chambre pour le Sénat, le siège est
revenu à la gauche en 1932 : Georges Moutet, maire socialiste d'Orthez, a
été élu au premier tour. Mais un événement favorise le jeune Tixier,
qui bénéficie de l'appui de Léon Bérard et qui rappelle que son
grand-père maternel était le républicain Vignancour, député (1876-1891)
puis sénateur (1891-1900) des Basses-Pyrénées : en mars 1936,
l'interdiction d'un meeting de Dorgères à Orthez a entraîné des
incidents.
Ainsi, contre les pronostics arithmétiques, Tixier-Vignancour, déjà en
tête au premier tour, le 26 avril 1936, l'emporte le 3 mai suivant avec
8.264 voix contre 7.990 à Georges Moutet.
Il s'était présenté « sous le signe de l'Alliance démocratique », sur «
un programme d'union républicaine et de défense agricole ». Il place en
premier la défense de la paix, menacée par une politique incohérente ;
nous aurions déjà eu la guerre, assure-t-il, sans la ligne Maginot.
D'autre part, il s'oppose résolument au Front populaire, qui n'a
d'autres objectifs, selon lui, que de partager les terres des paysans et
d'exiler ses adversaires. On relève encore dans ce programme la
suppression des fonds secrets gaspillés ou distribués à des escrocs
(Stavisky !), la lutte contre les intermédiaires, une loi contre la
pollution des eaux fluviales (déjà 1), l'extension de la culture du
tabac aux Basses-Pyrénées, la protection de l'épargne, l'établissement
d'un salaire minimum pour les ouvriers, la défense de la neutralité
politique de l'école laïque, le maintien absolu des droits des anciens
combattants.
Le 17 juillet, Tixier-Vignancour est invalidé à la demande de Georges
Moutet, faisant état de « manœuvres frauduleuses, de pressions et de
corruption ». Il monte donc pour la première fois à la tribune pour
réfuter ces accusations. Admettant sa défaite devant la Chambre, il
lance à ses adversaires : « Soyez tranquilles, nous nous retrouverons 1 »
De fait, le 27 septembre, les électeurs confirment leur vote : il est
réélu avec 8.197 voix contre 6.659 à Georges Moutet. Il déclarera plus
tard, à propos de l'invalidation de Jules Moch : « Ceux qui m'ont vu
revenir ont pu constater que tout n'était pas à vendre dans ce pays. »
Le député d'Orthez combat la majorité du Front populaire, non sans
recourir parfois à un art de la provocation dosée qui l'a rendu
redoutable dans les prétoires. Ainsi, lors du débat sur le projet de loi
relatif au placement des ouvriers en alimentation, il pose cette
question : le bureau exigera-t-il la carte de la C.G.T. ? Sur la
question sociale, il précise sa position en ces termes : nous ne sommes
pas pour les patrons contre les ouvriers, mais pour les bons patrons et
les bons ouvriers contre les mauvais.
Le 26 février 1937, il trace nettement une ligne de démarcation : « d'un
côté les partisans du drapeau international européen, de
l'internationale marxiste ; de l'autre les partisans du rassemblement
national, du rassemblement corporatif et du drapeau tricolore ».
Reprochant à Léon Blum d'avoir présenté l'exposition universelle de 1937
comme une manifestation du Front populaire contre le fascisme, au
risque de diviser la nation et d'intervenir indûment dans les affaires
intérieures d'un pays voisin, il ajoute : « Vous n'avez peut-être pas
l'intention d'attaquer la bourgeoisie, qui est votre classe comme la
mienne. »
Il ne laisse pas d'asséner à la majorité et au gouvernement des formules
percutantes, par exemple : « Le gouvernement exerce des poursuites pour
atteinte au crédit de l'Etat uniquement pour faire croire que le crédit
existe encore. » Et, face aux protestations qu'il déchaîne, il répond :
« Nous ne sommes pas ici au Vélodrome d'hiver.
Il interpelle le gouvernement sur la grève générale factieuse du 13
mars, donnant du mot « factieuse » la définition même de Jacques Duclos :
est factieux qui veut imposer par la force sa volonté au gouvernement.
Après avoir déclaré que, quand on est chargé de l'ordre, on ne fait pas
sa part au désordre, il conclut que le peuple de France ne confondra
jamais le progrès avec la révolution, et que mieux vaudrait ne pas
attendre qu'il fasse lui-même le 9 thermidor.
Il prendra également la défense des classes moyennes, dont on a
découvert l'existence, selon lui, « du jour où l'on s'est aperçu
qu'elles votaient», notamment les artisans mariniers, les artisans du
taxi, les transporteurs routiers et les commerçants des marchés : elles
sont à ses yeux menacées à la fois par les trusts et la C.G.T. Le 11
décembre 1937, il critique l'envoi en Espagne, « d'où ils ne reviendront
pas», d'avions dont notre pays a besoin et, le 26 février 1938, il
attaque vivement la politique extérieure du gouvernement.
Vient 1940. Le 16 janvier à la veille de sa mobilisation,
Tixier-Vignancour intervient dans la discussion du projet de loi
prononçant la déchéance de certains élus et précise que celle-ci ne peut
intervenir en raison des convictions personnelles, mais seulement pour
trahison.
Cette mesure, prise à l'encontre des communistes lui paraît d'ailleurs
insuffisante : il faut encore briser leur appareil secret. L'ambassade
soviétique, affirme-t-il, est un nœud de vipères qui doit être tranché
par la bêche du gouvernement. Selon lui, Hitler et Staline ne font qu'un
dans le crime. A Henri de Kérillis, qui l'accuse d'avoir été le seul
doriotiste de l'Assemblée, il répond qu'il n'a jamais appartenu au Parti
populaire français, quelle que soit sa sympathie pour son leader.
Sa dernière intervention, le 9 juillet 1940, est pour demander le
châtiment des responsables du désastre, que le désastre lui-même « ne
doit pas faire oublier ». Il déplore ainsi que certains reviennent «
portant beau » dans le « pays meurtri », s'en prenant nommément à Paul
Reynaud et à Louis Louis-Dreyfus. Le président Herriot lui ayant opposé
que ce rappel au règlement était irrecevable, il s'incline tout en
regrettant que le gouvernement ne change pas ses méthodes. Le lendemain
10 juillet au Congrès de Vichy, il accorde au maréchal Pétain les
pouvoirs constituants demandés par celui-ci.
Membre de la commission de l'aéronautique ainsi que de celle de
l'enseignement et des beaux-arts, il a déposé une proposition de loi
tendant à exonérer du paiement de l'impôt foncier et des centimes
départementaux et communaux les victimes de calamités publiques. Biographie de la IVe République
TIXIER-VIGNANCOUR (Jean-Louis, Gilbert)
Né le 12 octobre 1907 à Paris
Décédé le 29 septembre 1989 à Paris (VIIème)
Député des Basses-Pyrénées de 1936 à 1942 et de 1956 à 1958
(Voir première partie de la biographie dans le Dictionnaire des Parlementaires français (1889-1940), Tome VIII, pp 3102 et 3103)
Député des Basses-Pyrénées depuis 1936, Jean-Louis Tixier-Vignancour
fait partie des opposants les plus virulents aux gouvernements Daladier
et Reynaud. Le 9 juillet 1940, il demande le châtiment pour les
responsables politiques du désastre. Le 10 juillet, il vote les pleins
pouvoirs au maréchal Pétain. Ce dernier le nomme responsable des
services de la radiodiffusion et du cinéma puis, après le 13 décembre
1940, secrétaire général à l’information. Mais ses prises de position
germanophobes le conduisent à la démission, le 25 janvier 1941. Après
s’être occupé pendant quelques mois des comités de propagande du
Maréchal, il démissionne à nouveau en mai 1941, Radio Londres publiant
alors le texte de sa démission adressée à l’amiral Darlan. Fin 1941, il
gagne la Tunisie, afin de prendre un peu de champ par rapport à la
métropole. Mais son franc-parler lui vaut d’être arrêté par les
Allemands, qui occupent ce pays, en novembre 1942. Les Alliés ayant
repris la Tunisie et imposé aux troupes germano-italiennes la
capitulation du Cap-Bon (12 mai 1943), il est libéré et affecté au corps
expéditionnaire français en Italie, mais y est aussitôt arrêté sur
ordre du Comité français de libération nationale (CFLN) d’Alger. Après
onze mois de détention, il est libéré et remobilisé, puis arrêté encore
une fois en novembre 1944 et transféré en France. Compte-tenu de son
opposition à Vichy et aux Allemands, il bénéficie d’une ordonnance de
non-lieu du tribunal militaire de Paris, mais est frappé d’une peine
d’inéligibilité de dix ans, pour avoir voté les pleins pouvoirs à
Pétain, le 4 décembre 1945.
Il retrouve le Palais de Justice de Paris, d’où le procureur Boissarie
tente en vain de le faire expulser par le conseil de l’Ordre. Mais il
renoue peu à peu avec ses amis de l’extrême-droite, visitant ceux qui
sont en prison et soutenant ceux qui en sont sortis. Il accorde ainsi
son patronage à Défense de l’Occident et au Mouvement Social Européen,
fondé par Maurice Bardèche en 1952, et prend la parole aux réunions des
Intellectuels Indépendants.
Il ne revient cependant à la politique active qu’en 1954, année où il
fonde et préside le Rassemblement National en faveur de l’Algérie
française. Redevenu éligible, il se présente, le 3 avril 1955, dans son
fief des Basses-Pyrénées, à l’occasion d’une élection législative
partielle, consécutive au décès de Georges Loustanau-Lacau, élu en 1951
sous l’étiquette de l’Union des Français Indépendants. Au premier tour,
il recueille 22 978 voix , soit 15,1 % des suffrages exprimés (152 113),
en deuxième position derrière le MRP Jean Errecart (25,3 %), mais
devant le communiste Etienne Martin (12,6 %), le radical-socialiste
Robert Sarrade (12,4 %), le socialiste Joseph Garat (11,7 %) et
l’Indépendant de Droite Jean Ybarnegaray (11,7%). Il est battu au
deuxième tour, le 17 avril 1955, par Jean Errecart, qui recueille 59 838
voix sur 166 133 exprimés, soit 36 % des suffrages, contre 46 883 (soit
28,2 %) à Tixier-Vignancour. C’est néanmoins un score de haut niveau
pour un candidat d’extrême-droite, associé au régime de Vichy, car il
rallie sur son nom, entre les deux tours, les électeurs de Jean
Ybarnégaray. C’est la raison pour laquelle Jean-Louis Tixier-Vignancour
est placé en tête de la liste représentant l’extrême-droite dans les
Basses-Pyrénées, lors des élections du 2 Janvier 1956. Jean Ybarnégaray
n’occupe que la deuxième position et Samuel de Lestapis la troisième sur
cette liste républicaine d’Action Sociale et Paysanne, présentée par le
Groupement pour la Réforme de l’Etat et la Défense des Libertés
Electorales. Leur profession de foi proteste contre le « véritable
calvaire » imposé à la France depuis 1951, dénonce la corruption des
hommes au pouvoir, la situation financière dramatique et la perte des
colonies, réclamant le scrutin d’arrondissement, la réduction des
dépenses publiques, ainsi que la défense des commerçants, artisans et
paysans. Il s’agit de chasser sur les terres du mouvement poujadiste,
tout en ralliant l’électorat traditionnel de la droite nationaliste. La
liste ayant obtenu une moyenne de 32 806 voix sur 217 221 exprimés, soit
15,1 % des suffrages, seul Jean-Louis Tixier-Vignancour est élu. Il a
recueilli 36 853 voix, soit le deuxième meilleur score de l’élection,
derrière le MRP Pierre de Chevigné (45 723). Tout en continuant d’écrire
régulièrement dans L’Espoir des Basses-Pyrénées (de 1955 à 1960), le
tribun d’extrême-droite va faire entendre, à maintes reprises, sa « voix
de Tolède » au sein de l’hémicycle. Sa proposition de loi et sa
proposition de résolution ne traitent que d’un sujet marginal, mais il
se distingue dès son retour à l’Assemblée en menant campagne pour
l’invalidation de nombreux élus, qu’ils soient radicaux, comme en
Dordogne, ou poujadistes comme dans les Bouches-du-Rhône. Refusant de
voter les pouvoirs spéciaux au gouvernement Guy Mollet en Algérie (9
mars 1956), il multiplie les critiques à l’encontre de la politique
française en Afrique du Nord, dénonçant l’échec de la pacification en
Algérie (17 octobre 1956), réclamant une véritable répression (28 mars
1957) et l’instauration de l’état de siège (29 mai 957) et déclarant, à
l’occasion du débat d’investiture du gouvernement Bourgès-Maunoury: «
Je vous ferai confiance, car je crois que vous êtes l’une des dernières
chances du régime. Si vous ne répondiez pas à cette confiance, ce serait
le ministère Bigeard qui vous remplacerait. » (12 juin 1957) Durant son
mandat de deux années, il intervient à quarante-cinq reprises en séance
publique, défendant quinze amendements. Il use de la procédure
parlementaire abondamment : il dépose huit rappels au règlement, deux
demandes d’interpellation, quatre motions préjudicielles et une motion
de censure.
Son goût de la polémique se manifeste par ailleurs lors de la révolte de
Budapest, qui lui fournit l’occasion de réclamer la dissolution du
parti communiste « à temps pour l’empêcher de nuire davantage à la
défense nationale de notre pays. » Interrompu par les clameurs des
députés communistes criant « Pétain! Pétain! », « Collaborateur! », « A
Vichy », « Gestapo », « Dénonciateur », «Valet hitlérien », Jean-Louis
Tixier-Vignancour continue imperturbablement son plaidoyer « contre les
activités antifrançaises du parti communiste » (7 novembre 1956).
Incorrigible provocateur, il interrompt une tirade de Jacques Duclos sur
le 10 juillet 1940, reprochant au tribun communiste d’employer « trop
d’adverbes » (17 juillet 1957). Après avoir voté la confiance à
Bourgès-Maunoury, il s’abstient pour le gouvernement de Félix Gaillard
(5 novembre 1957), mais accepte de voter les pouvoirs spéciaux, au nom
d’une répression accrue (12 novembre 1957). Lors de la discussion du
projet de loi sur de nouvelles institutions en Algérie, il dépose deux
amendements, l’un exigeant le dépôt des armes par les rebelles (28
janvier 1958) et l’autre réclamant l’exclusion des anciens FLN du droit
de vote (28 janvier 1958). Lors de la discussion du volet algérien de la
loi de finances, il fait à l’Assemblée cet avertissement prophétique:
«Si vous persistiez dans cette attitude d’immobilisme décevant, vous
donneriez des arguments à certains qui se manifestent beaucoup, ces
jours-ci, dans les avenues du pouvoir et dans les journaux, pour
recommander votre remplacement par quelque « sauveur» » (4 mars 1958).
Estimant sans doute que l’immobilisme a assez duré, il s’oppose à
l’investiture du gouvernement Pflimlin: « Vous avez évoqué l’armistice
de 1918 en indiquant que vous n’en accepteriez aucun autre. Mes
félicitations, monsieur le président du Conseil: vous avez estimé que
vous étiez Clemenceau. Comme je ne le crois pas, je voterai contre vous.
» (13 mai 1958) Estimant que le régime de la Quatrième République est
définitivement discrédité, il soutient les activistes d’Alger et lance
au gouvernement: « Allez-vous en! » (26 mai 1958) Soucieux avant tout de
régler la question algérienne, il vote l’investiture du général de
Gaulle (1er juin 1958), ainsi que les pleins pouvoirs (2 juin 1958). En
revanche, il refuse de déléguer le pouvoir constituant au gouvernement,
en évoquant le souvenir tragique du 10 juillet 1940: «Jamais je n’aurais
pu envisager que, pour la deuxième fois, celui qui me le demanderait
serait celui-là même qui m’avait puni pour avoir accordé une première
fois cette délégation.» (2 juin 1958)
Il prône, néanmoins, le « oui » au referendum du 28 septembre 1958, tout
en se montrant hostile à la personne du général de Gaulle. Battu par
son adversaire radical au second tour des premières élections
législatives de la Cinquième République, le 30 novembre 1958, il
n’abandonne pas pour autant le combat politique. On se souvient de ses
plaidoiries retentissantes pour les « soldats perdus» de l’Algérie
française, dont le général Salan, pour lequel il obtient, en mai 1962,
les circonstances atténuantes devant la Haute Cour de justice. En
revanche, il ne sauve pas l’exécution de Bastien-Thiry, l’auteur de
l’attentat du Petit-Clamart. Elu en 1963 membre du conseil de l’ordre
des avocats à la Cour de Paris, il se présente à l’élection
présidentielle de décembre 1965 contre le général de Gaulle, et en tant
que représentant de l’extrême-droite. Soutenu par les anciens de
l’Algérie française, notamment Jean-Marie Le Pen et Jean-Baptiste
Biaggi, il obtient 1 269 095 voix soit 5,31 % des suffrages exprimés,
avant d’appeler à voter au second tour pour François Mitterrand,
candidat de la gauche. Ayant fondé, en 1966, l’Alliance républicaine
pour le progrès et les libertés, qu’il préside jusqu’en 1974, il se
présente aux élections législatives de 1967 dans le Var, mais sans
succès. Bien qu’ayant soutenu la candidature de Georges Pompidou lors de
la campagne présidentielle de 1969, il continue à militer à
l’extrême-droite, mais à sa façon, celle d’un « anarchiste de droite. »
Brouillé avec Jean-Marie Le Pen, il devient, en 1978, le porte-parole du
Parti des forces nouvelles, concurrent du Front national. Son échec à
la tête de la liste Eurodroite, qui ne recueille que 1,31 % des voix
lors des élections européennes de 1979, le conduit à rentrer dans le
rang et à rejoindre le Front national en 1984, non sans avoir appelé à
voter pour Valéry Giscard d’Estaing lors de l’élection présidentielle de
1981. Sa trajectoire en dents de scie lui confère une réputation de
franc-tireur de l’extrême-droite française. On retiendra surtout le
polémiste et l’orateur passionné, celui qui ne voulait pas « être avocat
», mais « médecin ». Jean-Louis Tixier-Vignancour disparaît le 29
septembre 1989 à Paris.