29 mars 2017

Usage abusif des certificats de bonne vie et moeurs



Émigration._Passeports à l’Étranger

Pau, le 26 octobre 1855.

A Messieurs les Maires du département.


Monsieur le maire,


Je suis informé que des jeunes gens, auxquels l'administration refuse des passe-ports  pour se rendre dans les colonies parce qu’ils n’ont pas encore satisfait à la loi de recrutement, ont souvent recours à des manœuvres que rendraient  nulle une plus grande sévérité  de l’autorité municipale. Ainsi, lorsqu’un jeune homme de 18 à 20 ans veut se soustraire par l’émigration aux chances du tirage au sort, il s’adresse au maire ou à l'adjoint de de sa commune et lui demande un certificat de bonne vie et mœurs, contenant les nom, prénoms, âge et quelquefois  le signalement de l’individu. On stipule encore  dans certains certificats que celui qui en fait usage  est né de parents espagnols non naturalisés français , et qu’à ce titre, il ne pas être assujetti à la loi sur le recrutement de l’armée. Pour les jeunes gens compris dans le contingent départemental non encore appelés à l'activité, on modifie la formule du certificat en observant qu'en leur qualité de fils d'étrangers non naturalisés, quoique domiciliés dans la commune, ils n’ont pas été portés sur les tableaux de recensement  ou ont été dispensés de concourir au tirage .

Au moyen de ces certificats , ces jeunes gens pénètrent facilement  en Espagne et se rendent au Passage, port Espagnol. Ils se présentent même parfois au consulat d’Espagne à Bayonne, où, sur la production de ces certificats, un passe-port pour l’Espagne leur est délivré.
Vous comprendrez, Monsieur le Maire, combien il importe  de porter remède à ces abus  qui ont pour résultat de soustraire ces jeunes gens à la loi du recrutement de l’armée et à la surveillance de l’autorité supérieure. 
Je vous invite , en conséquence,à ne délivrer ,à l'avenir,ces certificats de moralité que dans la forme régulière  où ils doivent l’être, et après vous être assuré d’une manière certaine de la position des jeunes  gens qui les réclament.

Vous ne devez point perdre de vue, d’ailleurs, que ce n’est pas à l'autorité municipale qu'il appartient de statuer sur les questions de nationalité, et par conséquent de décider  si tel ou tel individu doit être compris sur la liste du contingent.

J’appelle toute votre attention sur la gravité des observations qui précèdent, et je compte sur votre zèle pour surveiller la stricte exécution. 
Agréer, Monsieur le Maire, l’assurance de ma considération très distinguée.

Le Préfet des Basses-Pyrénées
A.LAITY
Source:
Empire Français
Département des Basses-Pyrénées
Recueil des actes administratifs
Année 1855
Collection particulière