Article premier._En temps de guerre,pour causes graves et sur autorisation du Ministre de la Justice et du Ministre de la guerre ou du Ministre de la marine,il peut être procédé à la célébration du mariage des militaires et des marins sans que le futur époux,s'il est présent sous les drapeaux,soit obligé de comparaitre en personne et à la condition qu'il soit représenté par un fondé de procuration spéciale.
Dans ce cas,le délai de trente jours francs prévu par les articles 151 et 154 du code civil sera réduit à quinze jours francs.
La procuration ,dont il sera fait mention dans l'acte de mariage,sera établie conformément à la loi du 8 juin 1893 et dispensée des droits de timbre et d'enregistrement.
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._Une loi du 4 de ce mois habilite, pendant la durée de la
guerre, les militaires et marins qui, à raison de leur présence sous les
drapeaux, ne peuvent comparaître devant l'officier de l'état civil à se marier
par procuration moyennant l'autorisation préalable du Ministre de la justice et
du Ministre de la guerre ou du Ministre de la marine.
Je n'ai pas besoin d'insister sur les raisons de cette
mesure qui était impérieusement commandée par les circonstances
Il est apparu au Gouvernement qui a pris l'initiative de la
loi et aux Chambres qui l'ont votée que le service de la patrie ne devait pas
empêcher les citoyens mobilisés de réaliser les projets d'union qu'ils auraient
formés avant la guerre et qu'il y avait là des intérêts légitimes à concilier
avec des exigences du devoir militaire.
La faculté de contracter mariage par procuration a été
subordonnée à la justification de « causes graves » dont
l'appréciation a été laissée au Ministre de la justice et aux Ministres de la
guerre ou de la marine, mais il résulte des travaux préparatoires de la loi que
cette expression, empruntée à l'article 164 du code civil qui permet au
procureur de la République de l'arrondissement dans lequel le mariage sera
célébré d'accorder pour « causes graves » la dispense de la
publication prévue par les articles 63, 64, 166, 167 et 168, du même code et de
tout ,délai doit être interprétée de la manière la plus large.
Il y aura « cause grave » au sens de la loi
nouvelle non seulement s'il existe des enfants à légitimer ou en cas de
grossesse de la future épouse ou encore dans l'hypothèse où, la mort de l'un
des futurs époux étant imminente, il s'agira de procéder à un mariage in extremis,
mais aussi toutes les fois que le futur époux, désireux de donner suite à une
promesse de mariage antérieure à la mobilisation ,servira comme militaire ou
marin à un poste où sa vie est en danger.
Si la loi du 4 avril a fait dépendre le mariage par
procuration d'une double autorisation qui elle-même suppose des « causes
graves », c'est pour éviter les abus et spécialement pour empêcher que
cette forme nouvelle du mariage ne favorise
des unions inspirées par des calculs intéressés, ce qui se produirait si des
mariages venaient à être conclus entre personnes qui n'avaient formé avant la
guerre aucun projet matrimonial, et qui ne s'uniraient par procuration que dans
le but d'assurer à la future épouse certains avantages pécuniaires.
La procuration sera établie conformément à la loi du 8 juin
1893 sur les actes dressés aux armées. En conséquence, elle sera reçue par les
officiers où fonctionnaires militaires désignés à l'article 1er de cette loi
ainsi conçu :
« En temps de guerre ou pendant une expédition, les
actes de procuration ,les actes de consentement à mariage ou à engagement
militaire et les déclarations d'autorisation maritale consentis ou passés par
les militaires, les marins de l’État ou les personnes employées à la suite des
armées où embarquées à bord des bâtiments de l’État, pourront être
dressés par les fonctionnaires de l'intendance ou les officiers du commissariat.
A défaut de fonctionnaires de l'intendance où d'officiers du commissariat, les
mêmes actes pourront être dressés :
1° dans les détachements isolés par l'officier commandant
pour toutes les personnes soumises à son commandement.
2° dans les formations ou établissements sanitaires
dépendant des armées, par les officiers d'administration gestionnaires pour des
personnes soignées où employées dans ces formations ou établissements ;
3° à bord des bâtiments qui ne comportent pas d’officier
d'administration, par le commandant ou celui qui en rempli les fonctions ;
4° dans les hôpitaux maritimes et coloniaux, sédentaires où
ambulants, par le médecin directeur ou son suppléant pour les personnes
soignées où employées dans ces hôpitaux »
Elle sera rédigée en brevet, c'est à dire que l’original
même en sera utilisé par l'intéressé et que l'officier où fonctionnaire
instrumentaire n'en conservera pas minute ;telle est la règle posée par le premier paragraphe de
l'article 4 de la loi du 3 juin 1893.Conformément au second paragraphe du même article, les actes de
procuration « seront légalisés par le commissaire aux armements, s’ils ont
ont été dressés à bord d'un bâtiment de l’État ; par l'officier du commissariat chargé de l'inscription maritime,
s’ils ont été dressés sur un bâtiment de
commerce ;par un fonctionnaire de l'intendance ou par un officier de commissariat,
s’ils ont été dressés dans un corps de troupe et par le médecin-chef s'ils ont
été dressés dans un hôpital ou une formation sanitaire militaire. »
Une dérogation expresse au dernier paragraphe dudit article
(1) la loi nouvelle dispose que ces actes seront dispensés des droits de timbre
et d'enregistrement ; ils seront donc dressés sur papier libre.
(1)Le dernier paragraphe de l'article 4 de la loi
du 8 juin 1893 porte que les actes reçus dans les conditions indiquées en cette
loi « ne pourront être valablement utilisées qu'à la condition d'être
timbrés et après avoir été enregistrés. "
Le fondé de procuration choisi par le militaire ou le marin
devra, à raison du caractère spécial du mandat dont il est investi et qui l’appelle
à participer à un acte de l'état civil, remplir la condition essentielle, qui
est exigée des témoins à un tel acte par l'article 37 du code civil, c'est à
dire qu'il devra être âgé de vingt et un ans au moins. Comme il est destiné à
représenter la personne du futur époux, ce ne pourra être qu’un homme ; de plus
le mandat prévu par la loi nouvelle ne pourra être confié à un parent où allié
de la future épouse à un degré comportant prohibition du mariage. Enfin il y
aura incompatibilité manifeste entre la qualité de fondé de procuration
spéciale et celle d'officier de l'état civil appelé à dresser l’acte de mariage
ou de témoin à cet acte.
Il n'est pas besoin d'ajouter que les individus frappés de
l'incapacité d'être témoins par suite de dégradation civique ou de déchéance
prononcée en vertu de l'article 42 du code pénal ne pourront davantage être
fondés de procuration spéciale pour un mariage.
L’autorisation de mariage par procuration serait refusée si
le mandataire désigné par le militaire ou le marin n'avait pas qualité, d'après
ce qui vient d'être dit, pour remplir le rôle dont il a été chargé.
II. Je me suis mis d'accord avec M. le Ministre de la Guerre
pour régler les conditions d'application de la loi du 4 avril de telle façon
que les militaires qui voudront se marier par procuration puissent obtenir
satisfaction dans le plus bref délai possible.
Nous nous sommes efforcés, dans le cadre fixé par la loi, de
réduire le formalisme administratif au strict indispensable ; la procédure
à suivre sera aussi simple qu’expéditive.
Le militaire, en même temps qu'il se présentera devant
l'officier ou le fonctionnaire compétent pour recevoir sa procuration, saisira ses
chefs de sa demande d'autorisation.
Cette demande ne sera astreinte à aucune forme particulière ;
elle pourra être écrite où verbale.
Si elle est faite par écrit, elle sera rédigée sur papier libre.
Si elle est formulée de vive voix, elle sera consignée dans un rapport de
l'officier ou du fonctionnaire qui l'aura reçue.
La demande ou le rapport précisera :
1° les motifs pour lesquels le militaire, au lieu d'attendre
son retour dans ses foyers, désire se marier par procuration ;
2° s'il sollicite la dispense de la publication et de tout
délai en vertu de l'article 169 du code civil.
En outre, pour tout militaire qui n'est pas âgé de plus de trente
ans la demande ou le rapport fera connaitre s’il s’est assuré du consentement
de ses parents à son mariage ou dans le cas où ce consentement lui aurait été
refusé et où il serait majeur, s'il leur a fait notifier son projet de mariage
conformément aux articles 154 et 154 _sic_ du même code, et à quelle date.
La procuration sera établie d'après le modèle joint à la
présente circulaire.
L'officier ou le fonctionnaire militaire qui dressera l'acte
aura soin d'appeler d'une façon toute particulière l'attention du militaire sur
la nécessité de donner dans la procuration avec la plus stricte exactitude les
renseignements relatifs tant à son propre état civil qu'à celui de la future
épouse afin d'éviter les retards qui ne manqueraient pas de se produire au cas
où les indications figurant dans la procuration ne concorderaient pas avec
celles qui sont portées sur les actes de naissance des futurs époux.
Si les renseignements fournis par le militaire présentent
des lacunes ou ne sont pas suffisamment sûrs, ils seront complétés ou vérifiés
d'urgence ; à cet effet l'officier ou le fonctionnaire instrumentaire
télégraphiera aux maires des communes où sont nés les futurs époux pour obtenir les
indications contenues dans les actes de naissance.
La demande accompagnée de la procuration sera transmise par
la voie hiérarchique au Ministre de la guerre (service intérieur, bureau des
archives administratives) avec l'avis des chefs du militaire sur la suite à y
donner.
Le Ministre de la guerre accordera ou refusera
l'autorisation en se plaçant uniquement au point de vue du militaire et en me
laissant, en cas d'autorisation de sa part, le soin d'apprécier la décision
définitive à prendre eu égard à la personnalité de la future épouse et aux
« causes graves » invoquées dans la demande.
Ce partage d'attributions permettra d'aboutir promptement à
une solution.
Si le Ministre de la guerre refuse l'autorisation, la
procédure se trouvera close par là-même et mon collègue fera viser le militaire
du rejet de sa demande. S’il accorde l'autorisation en ce qui le concerne, il
me transmettra le dossier auquel sera annexé sa décision favorable.
Selon les résultats de l'enquête à laquelle je ferai
procéder par les voies les plus rapides et, s’il y a lieu, télégraphiquement,
j'accorderai à mon tour l'autorisation ou la refuserai ; dans l'un et
l'autre cas j'informerai sans retard de ma décision le Ministre de la guerre
qui avisera le militaire de la délivrance ou de refus de l'autorisation par lui
sollicitée.
La demande, la procuration et les autorisations
ministérielles seront adressées par mes soins et ceux du parquet à l’officier
de l'état civil pour être annexé à l'acte de mariage.
La marche à suivre, en ce qui touche le personnel relevant
du département de la marine sera la même. La demande et la procuration,
accompagnées de l'avis des chefs de l'intéressé devront être transmises par la
voie hiérarchique au Ministre de la marine sous le timbre du bureau
administrateur du personnel auquel appartient le requérant.
III. Il a été expliqué dans l'exposé des motifs de la loi du
4 avril que la faculté ouverte pendant la guerre aux militaires et marins
présents sous les drapeaux de comparaître devant l'officier de l'état civil par
procuration est la seule dérogation apportée aux règles du code civil
concernant les formes du mariage ; ces prescriptions s'appliqueront
intégralement pour le surplus, il ne sera donc pas porté atteinte à la
publicité du mariage et de sa célébration.
Si le militaire ou le marin a sollicité la dispense de la
publication et de tout délai, le procureur de la République l'accordera au vu
de la double autorisation ministérielle de mariage par procuration.
L’intervention d'un fondé de pouvoir amènera dans la
rédaction des actes de mariage certaines modifications de la formule
actuellement en vigueur ; vous trouverez, joint à la présente circulaire,
un modèle rectifié en conséquence.
Dès que l'officier de l'état civil aura procédé à la
célébration du mariage il en avisera par lettre le Ministre de la guerre ou le Ministre
de la marine pour que celui-ci en informe militaire ou le marin.
IV. D’après le droit commun, tel qu'il est formulé dans les
articles 151 et 154 du code civil, le futur époux âgé de vingt et un ans, est,
jusqu'à trente ans 30 ans tenu, à défaut de consentement de ses parents, de
leur faire notifier par un notaire l'union projetée et ce n'est que trente jours
francs après justification de cette notification qu'il peut être passé outre à
la célébration du mariage.
La loi nouvelle réduit ce délai à quinze jours francs en cas
de mariage par procuration.
L’acte de notification, dit acte respectueux, sera
visé par timbre et enregistré gratis. De plus, en vertu de l'article 4,
paragraphe 4, de la loi du 10 décembre 1850, modifiée par celle du 20 juin 1896,
il sera exempt de tous droits frais et honoraires à l'égard du notaire qui y procédera,
si le futur époux est en mesure de se prévaloir de ces dispositions légales
dont le bénéfice lui sera assuré sur la production d'un certificat d'indigence
délivré par le commissaire de police ou, à défaut, par le maire, au vu d'un
extrait du rôle des contributions directes constatant que le militaire ou marin paye
moins de 10 francs ou d'un certificat de non-imposition décerné par le
percepteur, le certificat d'indigence doit être visé et approuvé par le juge de
paix.
Je suis d'ailleurs persuadé que dans tous les cas dignes de
leur sollicitude les notaires prêteront spontanément leur ministère gratuit aux
militaires et marins qui pourront en avoir besoin sans qu'il soit nécessaire à ceux-ci
d’invoquer la loi du 10 décembre 1850.
V. Il sera essentiel d'attirer l'attention des futurs époux
sur la nécessité de reconnaître, au plus tard dans l'acte de mariage, les
enfants naturels qui seraient issus d’eux s’ils ne veulent pas leur mariage
assurer à ces enfants le bénéfice de la légitimation par application de
l'article 331 du code civil.
Le militaire ou le marin pourra à cet effet, dans l'acte de
procuration dressée en vue de son mariage, donner à son mandataire un pouvoir
spécial pour reconnaître en son nom les enfants naturels nés de lui et de la
future épouse.
Le modèle de procuration joint à la présente circulaire
contient la formule dont il devra être fait usage à cette fin.
Le militaire ou le marin sera d'ailleurs libre, s'il le préfère,
au lieu de recourir à l'entremise d'un mandataire pour la reconnaissance de ses
enfants naturels, d’y procéder directement en vertu de l'article 98 du code
civil et devant les officiers aux fonctionnaires indiqués par l'article 93 du
même code. (NDLR la note de bas de page 81 n’a pas été retranscrite dans ce
billet ).
VI. L’exposé des motifs de la loi du 4 avril a envisagé
l'hypothèse où le militaire ou le marin viendrait à mourir entre le moment où
sera dressé l’acte de procuration et celui où le mariage sera célébré.
Il est bien certain que, si la nouvelle du décès du
militaire ou du marin est parvenue à l'officier de l'état civil, celui-ci ne
pourra plus procéder à la célébration du mariage.
Mais si la mort du futur époux n’était pas encore connue et
si cet ignorance a été partagée par la future épouse, le mariage, célébré sous
l'empire de cette erreur commune, tout en étant nul, produira, conformément aux
principes généraux du droit, tant à l’égard de la femme qu’à celui des enfants,
les effets de l'article 201 du code civil a attaché au mariage putatif.
C'est ce qui a été proclamé dans l'exposé des motifs et expressément
reconnus au cours des travaux préparatoires devant les deux Chambres (Voir
notamment les rapports de M. Catalogne au Sénat du 6 mars 1915, et de M. Adrien
Veber à la Chambre des députés du 25 du même mois).
Bien que le mariage soit frappé de nullité, la légitimation
des enfants reconnus s'ensuivra donc.
Je vous prie de m'accuser réception des présentes
instructions que vous communiquerez aux parquets de votre ressort.
Vous voudrez bien, en outre, vous entendre avec MM. les Préfets
pour qu'elles soient portées à la connaissance des maires et pour que, par tous les moyens convenables ,elles
reçoivent la plus large publicité.
ARISTIDE BRIAND
Source:
Préfecture des Basses-Pyrénées
Recueil des actes administratifs
N°5 Avril 1915
Collection personnelle
Annexe de la
circulaire du 8 avril 1915
1._Modèle de procuration pour mariage et reconnaissance
d'enfants naturels à légitimer
II._ Modèle d’acte de mariage en cas de participation d’un
fondé de procuration
(Les futurs époux ont plus de 21 ans et moins de 30 ans
révolus)
Voir les billets publiés les 29 avril 2022 et 7 octobre 2014
1915:mariage par procuration à Larressore