Le général Camille Lévi est mort à Bayonne le 25 aout 1933.Le Courrier de Bayonne ,Biarritz et du Pays Basque dans sa livraison du lundi 28 aout 1933 rapporte en première page « Les Funérailles émouvantes du Général de Division Camille Lévi ».
« Je regrette vivement que le stupide accident dont je suis la victime m’empêche d’aller à Bayonne rendre les derniers devoirs à ce bon serviteur du pays. »
Maréchal Franchet d’Esperey
La population de Bayonne a fait, hier matin, d’imposantes obsèques au valeureux soldat et au grand Français que fut le Général de division Camille Lévi.
Dès neuf heures quinze, la foule se pressait à la maison mortuaire ,6,rue Argenterie et exprimait ses sympathies attristées à Mme la Générale Lévi, à ses enfants :M. Albert Lévi et Mme Jacqueline Lévi ;à Mme Paul Reithler, sœur du défunt, à Paul Reithler, à M. le Colonel et Mme Ulmo, à M.et Mme Salmon, à M.et Mme Jacques Ulmo.
A dix heures précises, le cortège se formait et M. le Grand rabbin Ginsburger procédait à la levée du corps.
L’épée et le képi du Général Lévi avaient été déposés sur le cercueil, ainsi que des palmes offertes par l’Union Nationale des Combattants et la Société de la Légion d’Honneur.
Immédiatement derrière le char funèbre s’avançait un sous-officier porteur d’un coussin, sur lequel avaient été épinglées les décorations du glorieux défunt, puis le fanion des « Diables Bleus ».Une importante délégation était conduite par M. le lieutenant -colonel de Chomereau, chef d’Etat-major de la 36e division, MM. les Commandants de Marignan et Fusilier-Lasserre.
Le deuil était conduit par M.Albert Lévi, M.le Colonel Ulmo, M.Paul Reithler, M.Salmon et un groupe d’amis de la famille.
Parmi l’innombrable assistance nous avons noté :
MM.Simonet, Lacouture et Weiller, adjoints au Maire ;
Le Barillier, ancien Sénateur, Maire d’Anglet ;
Docteurs Iribarne et Goyenèche, conseillers généraux ;
Béhotéguy, président du Conseil d’arrondissement ;
Le Roy, vice-président de la Chambre de Commerce ;
Le peintre José G.de la Pena ;
Rincheval, directeur de la Banque de France ;
Parodi, ancien directeur ;
Lamarque , avocat, ancien bâtonnier ;
Rousset, Petit , Pinatel, J.Simonet, avocats au barreau de Bayonne ;
Alfred Camdessus, Rédacteur en chef du « Courrier « ;
Audibert, Pradal, Labourdique, conseillers municipaux ;
MM.Darmaillacq, président du Tribunal de Saint-Palais ;
Docteur Voulgre ;
Albert, directeur des Douanes ;
Salvador, Bonnecarrère ;
Henri Dordezon, président de la Fédération des Victimes de la Guerre ;
Roumier, président des Mutilés de Biarritz ;
G.de Vasserot, président des Croix de Feu ;
Ramond, président de l’Union des Combattants ;
Goalard, pilote-major de la Barre ;
De Croizeuil, président de l’Aéro-Club Basque ;
Colonel Campagne ;
Lieutenants-colonels Allard, Mesqui , Delaplane, Gouron, Duvot, Boitel, de Violé, Dousdebès ;
Commandants Duchen,Irigaray, Royère, Pereyre , Lavigne, Mégnou, Boissel, Feuillet, Molin, Bertier, Rageau, Vadot ;
MM. Maurice Labrouche, St-Vanne,A.Larrieu,Léon Marie,Cazaus ;
Gibert, commissaire central ;
Bloch, Jicot, Joé Naquet ;
Cossid,Tausières, Claverie,Laplace,Baumann,Lambert ;
H.P.Joinaud ;
Cazalis,Anatol ;
Capitaines Morachini,Izenic,Miremont ;
M.Seguin,H.Salzédo,Hargous,Posso,Dané,Soulard ;
Lascabes, président des Anciens de la Rhénanie ;
Seignouret, Léglise, Casedevant, Léon Dupuy, de Roxas, Jourda, Rigal, Artigou, Sens, Artéon, Gemain, Docteur Gorostidi , Ricaud, Urtasun , Burguette , Docteur Delbarre,Despons,Appeceix,Milliaud,Puchulu,Gommez-Vaez,Anabitarte,de Fontclair , Chadourne, Baron Portalis, Ninous, Abraham,Taburet Danjou de la Garenne,Mongrand,etc…
Au cimetière israélite de St Etienne,M.le Grand rabbin Ginsburger récite les prières mortuaires.
Puis le Général Détrie, M.Saillard, président de la section des « Diables Bleus »,M.Garat, député-maire et M.Ginsburger retracent avec éloquence la magnifique carrière du Général Lévi.
Discours de M.le Général Détrie
« Je viens d’apporter au Général de Division Camille Lévi, enlevé de façon si foudroyante à notre déférente affection, l’hommage profondément ému et douloureux de l’Armée, et renouveler à Madame Lévi, à ses enfants, à toute sa famille l’expression de nos plus vives condoléances.
L’Armée gardait fidèlement le souvenir de ce Chef, incarnation vivante des plus belles vertus militaires. Elle l’aimait pour tout ce qui émanait de lui, de haut patriotisme, de foi militaire et de droiture. Elle admirait, au même point, son noble caractère, ses services et l’exemple d’énergie et de travail qu’il continuait à donner aux jeunes générations.
Elle était fière de ce fils de l’Alsace, si complètement représentatif de sa petite patrie. Dans l’œil clair et si vif du Général, comme dans sa parole et sa plume, tout disait, en effet, la fierté d’une race habituée à se redresser dans l’infortune et l’épreuve, son indépendance et sa vivacité d’esprit, son élan de franchise nette et directe, sa volonté constante de réalisation.
Dans une nature d’une telle richesse et si pleine de sensibilité, l’arrachement total de nos Provinces qui termina le drame de 1870-1871, ne pouvait manquer d’éveiller une résonance profonde.
Son enfance, puis sa jeunesse en furent ainsi marquées, pour toujours. La douleur détermina chez l’adolescent, une réaction admirable d’amour pour la petite comme pour la Grande Patrie, qu’il ne sépara jamais l’une de l’autre, et, dans ce double sentiment de douleur et d’amour, il se donna à l’Armée. Un rêve, un grand rêve, le même que tous les soldats de ma génération avaient fait, l’animait et l’exaltait : « Ramener, un jour, ses frères alsaciens, reprendre leurs places vides au Foyer Français ».
Travailler inlassablement, studieusement pour que ce rêve devint une réalité, se préparer à la Grande Épreuve que son caractère réaliste voyait venir, voilà ce que l’examen de tous ses titres, de ses travaux et de ses études ne cessent de proclamer. C’est cette noble attitude qui donne à toute sa vie cette unité remarquable par quoi elle se caractérise.
Aussi, quand l’heure H, sonne, elle, allez le trouve prêt moralement et physiquement et, comme il arrive à ceux qui sont sûrs de leur bon droit, et connaissent les vertus de notre race, confiant dans les destinées de la Patrie. Il s'affirme dès le Baptême du feu, avec son magnifique 110e Régiment d'Infanterie. Bientôt, il est à la tête de la 4e Brigade d'Infanterie, qu'il quitte pour commander successivement la 25e Division d'Infanterie, puis la 46e Division de Chasseurs à pied.
Ses superbes citations soulignent remarquablement ses qualités militaires faites d'intelligence, de savoir, de vigueur, et _illisible_ l'ascendant qu'il exerçait sur ses Unités et qui lui permettait de leur demander de splendides efforts.
Il sert sur le front français, puis sur le front italien.
A la fin de la guerre, il est Gouverneur de Dunkerque, cette place qu'il connaissait si bien et à laquelle il a consacré tant de fructueuses et solides méditations.
Puis viennent l'armistice et, en 1921, le passage dans le cadre de réserve. C’'est l'heure de la détente pour beaucoup. Mais pas pour lui, car il était de ceux qui pensent que l'on n’a jamais fini de servir, ni de donner l'exemple.
L’exemple, il devait le donner jusqu'au bout, dans la plénitude de la vigueur intellectuelle et physique. C’est que demeurait en lui, à un haut degré, ce que nous appelons dans l'Armée 3Le Feu Sacré », vertu dans le sens romain, du mot vertu, du Chef qui, seule lui permet de réaliser avec tous les cœurs, toutes les volontés et toutes les intelligences à lui confiés, cette fusion de tous dans Un, si nettement traduite dans ce terme militaire « d’unité ».
Feu sacré, ardente passion de notre métier de serviteur du Pays, qui ne reconnait là la dominante de la haute personnalité du Général Camille Levi, et l’enseignement suprême qu’il nous lègue ?
Recueillions-le-pieusement !
Et vous, Mon Général, après une telle vie, tout entière consacrée au Devoir, et au Travail, dormez en paix ! Ici, dans ce Bayonne qui vous avait adopté comme un de ses meilleurs fils, notre respect et notre affection en deuil continueront la veillée autour de votre nom… »
Discours de M.Saillard
M.Saillard vient s'incliner avec respect devant le cercueil de celui qui fut le grand ami des « Diables Bleus » et leur premier président d’honneur.
Il évoque les mérites du Général Levi qui avait les qualités du véritable chef. Il commanda une division de chasseurs toujours à la peine. Il fut pour ses soldats non seulement un chef mais un véritable ami. Aussi sa disparition sera-t-elle durement ressentie.
M.Saillard souligne l’immense générosité du chef et de l'ami qui pleurent les « Diables Bleus ».
Que d'infortunes n’a -t- il pas secourues ? Que de services n'a-t-elle pas rendus ?
Avec le général Levi disparaît un de ceux qui, comme Pétain et Gouraud ont eu l’honneur de commander les chasseurs. Ceux-ci conserveront son souvenir. En ce jour de deuil, ils prennent part à l’affliction des siens.
Discours de M.Garat
Le Maire de Bayonne tient à saluer la dépouille mortelle du chef qui illustra notre armée et notre ville. Il rappelle les immenses services qu'il a rendus au pays et à l'activité, dont il n’a cessé de faire preuve même durant sa retraite. Sa vie est un symbole de la servitude et de la grandeur militaires, dans ce qu'elles ont de plus élevé.
Ses travaux ont fait autorité, surtout ceux qui concernent la défense du nord de la France .M.Garat tient à associer dans le même hommage la mémoire de trois grands soldats, qui ont honoré Bayonne : le Général Derrécagaix, l'Intendant Général Lacrambe et le général Camille Levi. Le Maire ne saurait oublier que le général Camille Lévi avait consenti à faire partie de la commission de la bibliothèque municipale et qu'il s'intéressait à la vie de la cité. Il adresse, enfin les condoléances de la municipalité bayonnaise à la veuve et aux enfants de celui dont la vie est un enseignement pour tous ceux qui remplissent des fonctions publiques.
Discours de M.Ginsburger
M.le Grand-Rabbin Ginsburger tient à s'associer aux légitimes éloges qu'on fait du général Levi, le chef de l'Armée, le Maire de Bayonne et le Président de l'Amicale des « Diables Bleus ».Il rend, à son tour, hommage aux mérites, aux vertus civiques et militaires, aux qualités de cœur ses soldats appelaient « papa ».
Il évoque cette vie entièrement consacrée au service de la France.Il parle surtout de la jeunesse de l'Alsacien qui rêva de ramener à la mère patrie les deux provinces qui lui avaient été arrachées.
Il rappelle les liens d'amitié qui unirent le général Bourbaki au Général Camille Lévi. Le glorieux chef de 1870-71 assista au mariage de son cadet, célébré à Bayonne, il y a une quarantaine d'années. Ils vont dormir leur sommeil de gloire tout près l'un de l'autre._1_
Il exalte les vertus de cette race alsacienne dans le Général Lévi était le fils exemplaire.
Après ces beaux discours a lieu l'inhumation.
La foule recueillie défile une dernière fois, devant le cercueil du valeureux soldats et exprime à sa famille ses condoléances émues.
« Le Courrier » renouvelle à Mme la générale Lévi et à tous les siens l'assurance de sa douloureuse sympathie.
P.L.
Sources:
Médiathèque de Bayonne,site patrimoine,catalogue,Le Courrier
de Bayonne ,Biarritz et du Pays Basque en ligne,lundi 28 aout 1933_Soyez très patient,l'accès à l'année puis au mois, nécessite plusieurs secondes en dépit d'une connexion rapide par fibre .
https://mediatheque.bayonne.fr/bayonne/DAM/Player.csp?damkey=B641026201_J20l_19330828&language=fre
Pour aller plus loin
_1_Les cimetières Saint-Étienne et juif de Bayonne sont situés de part et d'autre de l'avenue du 14 avril 1814.Le général Bourbaki repose cimetière Saint-Étienne (L.08-N.001)
Sur e-ArchivesAD64 ,l'acte de mariage du 7 juin 1892 à Bayonne entre le capitaine Camille Baruch Lévi et Eva Emma Léa Bernal.
- Registres paroissiaux et d'état civil
- Bayonne
- Bayonne : état civil
- Mariages 1892-1902 Acte N°76 vue 40/925
Dossier Légion d'Honneur de Lévi Camille Baruch_https://www.leonore.archives-nationales.culture.gouv.fr
Camille Lévi écrivain militaire_BnF data
Une intervention imaginaire auprès du Maréchal Pétain entre 1940-1944
Une histoire inventée circule, selon laquelle le général Camille Lévi serait intervenu auprès du Maréchal Pétain à Vichy à propos du sort des juifs de Bayonne pendant la Seconde Guerre mondiale.
Jean Crouzet relaie cette fiction:
"Notons à ce propos,que si de nombreuses communautés juives même hispano-portugaises comme celles de Bordeaux ont été raflées et déportées,celle de Bayonne a simplement été évacuée.Si des membres de cette communauté ayant gagné des régions du midi (Carpentras,Marseille etc) ont par la suite été déportés,ceux qui qui sont restés dans le département n'ont subi qu'un minimum de brimades et de contraintes.
On s'est beaucoup interrogé dans la communauté sur cette mansuétude relative dont on ignore l'origine.Sans doute,l'intervention du général Camille Lévi,ami personnel du Maréchal a-t-elle pesée dans la décision.(...)"
Les Francs-Maçons Bayonnais sous l'occupation et dans la résistance
2004,Éditions Gascogne,Orthez
ISBN 2-914444-17-6