05 juin 2021

Une curieuse indication au crayon papier dans le registre des naissances 1911 de Bayonne

Deux chercheurs,Alain Idiart et Jean-Pierre Ibarboure, ont relevé dans un registre des naissances consultable au Pôle d’archives de Bayonne et du Pays basque (AD 64), une curieuse indication. L’acte de naissance proprement dit est parfaitement banal. 

« L’an mil neuf cent dix et le onze avril ,à neuf heures du matin,

Par devant nous, Alfred Lacombe, adjoint délégué ,Officier de l’Etat Civil de la ville de Bayonne, département des Basses-Pyrénées, est comparu Victor Daguerre, âgé de quarante-huit ans, menuisier, domicilié dans cette ville, quartier Mousserole, maison Burguburu,

Lequel nous a présenté un enfant du sexe masculin, né le neuf de ce mois, à une heure du soir, dans son dit domicile, de lui déclarant et de Jeanne Carrica, âgée de de trente-huit ans, ménagère, son épouse,

Et auquel il a déclaré donner le prénom de Léon

Etc. »

En dessous du numéro de l’acte de naissance de Léon Daguerre _N°149_ , cette indication au crayon papier, non datée, non signée « Serait décédé à Paris le 14 janvier 1939  (suicide par revolver après avoir tué agent). ».

Il ne s'agit pas d'une mention marginale officielle ,mais plutôt d'une annotation .Pour quel usage?

 

Les actes de décès de Paris sont accessibles gratuitement en ligne jusqu’en 1986. L’acte de décès de Léon Daguerre a été établi par la mairie du 14 e arrondissement. 

« Le dix janvier mil neuf cent trente-neuf, deux heures , est décédé rue de Vanves,140,en son domicile, Léon DAGUERRE, né à Bayonne (Basses-Pyrénées),le neuf avril mil neuf cent dix, sans profession, fils de Victor DAGUERRE, décédé, et de Jeanne CAVICA, sa veuve, sans profession , sans renseignements connus du déclarant -Célibataire-dressé le 13 janvier courant, dix heures vingt , sur la déclaration de Martin Roger, trente-six ans, gardien de la Paix, 2 Place de Montrouge, qui lecture faite etc."

En principe, les causes du décès, n’ont pas à être précisées dans les actes d’état civil.Pour en savoir un peu plus sur les circonstances de la mort de Léon Daguerre nous nous sommes tournés vers RetroNews le site internet de presse de la Bibliothèque Nationale de France.

Excelsior 

mercredi 11 janvier 1939, page 3

Assiégé par la brigade des gaz, un forcené blesse grièvement un agent et se fait justice.

Un forcené _ ou peut être un fou _a nécessité, l'autre nuit l'intervention de la brigade des gaz du quai des Orfèvres dans l'hôtel ou il s'était barricadé, après avoir grièvement blessé à coups de revolver un des agents lancés à ses trousses. Et peu s'en fallut qu'un « Fort Chabrol » sanglant ne s’ensuivit….

Le héros des péripéties de cette tragique aventure, péripéties auxquelles il ne devait pas survivre, est un ancien peintre en bâtiment Léon Jacques Daguerre, né le 9 avril 1907 à Bayonne.

Daguerre fréquenta immédiatement les bars mal famés de l'endroit, jouant les mauvais garçons avec une jeune femme divorcée, Mauricia Hippeau , née Soudet,ex-ouvrière  typographe, originaire de Poitiers. Quand l'argent manquait, des querelles suivies de coups éclataient. La malheureuse lasse d'être maltraitée et redoutant le pire, disparu un beau soir.

Au cours de la nuit de lundi à mardi il se présenta à l'hôtel Maintenon ,3 rue Maison-Dieu vers 3h30. Il réveille le gérant du garni, M.Vigeas, en faisant irruption dans le bureau de l'hôtel.

_Je veux voir Mauricia, cria-t-il. Et tout de suite ! Je sais qu'elle est ici ou je suis déjà venu avec elle…

Tout en vitupérant, l’énergumène sortait un revolver de sa poche et tirait au petit bonheur. Une glace du bureau vola en éclats. Daguerre soudain calmé par le bruit, rempocha son arme et s'enfuit. C'est ce qu'attendait M.Vigeas pour alerter deux agents cyclistes de passage qui effectuèrent aussitôt une ronde dans le quartier, mais en vain.

Or, à peine les deux agents venaient-ils de rentrer au poste de police de la rue Boyer-Barret pour consigner l'incident sur le registre du poste, qu'un coup de téléphone émanant de la gérante de l'hôtel de Nantes, 140, rue de Vanves, leur signalait la présence dévastatrice, dans son garni, du même énergumène.

Sous la menace d'un revolver, expliqua-t-elle d'une voix haletante, un individu qui semble être fou, est venu réclamer ici une de nos clientes habituelles, Mauricia Hippeau et il a obligé mon mari à le conduire dans la chambre où cette jeune fille loge habituellement. Venez vite !

« Je ne sortirai pas vivant »

Plusieurs agents bondirent dans le car de Police-Secours et, quelques minutes plus tard, ils arrivaient devant la chambre de ce dernier hôtel où le forcené s'était fait conduire et dont il avait défoncé les panneaux de la porte d'un coup d'épaule.

_Rends toi ! ordonna l’un deux.

_Vous ne m'aurez pas ! répliqua Daguerre, tapi dans l'ombre de la pièce. Et, coup sur coup, il tira plusieurs fois en direction des agents. Le gardien Henry Leroy du 14e arrondissement s’écroula, touché en plein ventre. Deux de ses collègues l'emportèrent tandis que les autres agents ripostaient en tirant à leur tour du couloir. Mais le forcené avait pu refermer la porte au panneau brisé.

_Je ne sortirai pas d'ici vivant ! cria-t-il

La fusillade

Et il tira une nouvelle fois. La fusillade menaçait de faire de nouvelles victimes du côté des agents et M.Farinet, commissaire de police par intérim du 14e arrondissement, décida de réquisitionner la brigade des gaz. Celle-ci fut bientôt sur les lieux, représentée par les inspecteurs Brigaudet et Gignoux, bardés de cuirasses ; par un spécialiste de ces opérations, l’inspecteur principal Maillebuau ,et enfin par le commissaire Badin.

Quand on se fut assuré que Daguerre s'était barricadé dans la chambre, derrière les meubles entassés, et refusait de répondre aux sommations des policiers ,deux cartouches de gaz lacrymogène furent lancées.

Au bout d'un moment, et comme nul bruit ne se faisait entendre, les inspecteurs déblayèrent l’entrée de la pièce.

On découvrit, recroquevillé près de la fenêtre, le corps sans vie du forcené, la tempe droite trouée d'une balle qu'il s'était tirée à bout portant. L’arme_un revolver automatique de 6 mm35 _gisait à portée de sa main. Le suicide ne pouvait faire de doute.

Léon Daguerre, le forcené  devenu fou, s'étant tué volontairement, l’enquête était close avant la lettre. Reste malheureusement sa victime, l’agent Leroy, qui, l’intestin grêle perforé en trois endroits a dû subir l'opération de la laparatomie. Son état,quoi très grave, n'est pas jugé comme désespéré.

Hier, à midi, M.Langeron, préfet de police, s'est rendu à la maison des gardiens de la paix où il a été transporté, pour lui remettre la médaille d'or des actes de courage de dévouement.

 

 Compléments du blog Retours vers les Basses-Pyrénées

Le portrait de Léon Daguerre,en une de PARIS-SOIR du mercredi 11 janvier 1939

L'agent de police Henry Leroy décèdera rapidement des suites de ses blessures.

 

Sur le internet http://archives.paris.fr,

L'acte de mariage en ligne ,de Raymond André Hippeau et de Jeanne Mauricia Yvonne Soudé,

23 février 1929,Paris 6e_1929 , Mariages , 06 6M 268_Acte N°155.

L'acte de mariage ne comporte pas de mention d'un jugement de divorce.

Sources

Pôle d’archives de Bayonne et du Pays basque (AD 64),Registre des naissances de Bayonne Année 1911_4e 102/164 

Filae -Accès payant-
RetroNews,Accès payant
http://archives.paris.fr

Remerciements 

A Alain Idiart et Jean-Pierre Ibarboure qui ont  partagé leur trouvaille.