29 décembre 2024

Contrebandes ,violences,et menaces de mort

 

Contrebandes,violences,menaces de mort

Bayonne-Biarritz-Urrugne été 1942

Les Archives départementales de la Gironde conservent un dossier du SRPJ  Bordeaux étiqueté « Association de malfaiteurs, Bayonne et Biarritz » particulièrement éclairant .Le dossier renferme des pièces relatives aux agissements pendant l’été 1942 d’un petit groupe de malfaiteurs bayonnais et parisiens .Plusieurs de ces individus sont liés à la Gestapo française du 93 rue de Lauriston Paris 16e, organisation criminelle  que dirige Henri Chamberlin dit Henri Lafont. L’équipe présente sur la Cote basque , trafique, vole, frappe, menace impunément.

Parmi les noms cités dans le dossier du SRPJ Bordeaux::

Lionel Alphonse Augustin Marie Joseph WIET, faux marquis, vrai escroc, né le 8 juin 1899 à Constantinople de Ferdinand Léonel Marie Joseph WIET, consul, et Elvira Augusta Sophie CATONI.
La marquise De Wiet ,prénommée Renée sans autres renseignements,

Hubert Charles CAZAUBA ,né le 3 novembre 1906 à Dax,de Jean Baptiste et Marie Ducasse,décédé le 16 août 1944 à Germigny-sur-Loire (58124)

Marie GARASSU Marie,dite GARAT,épouse de Émile Henri Camille  Garassu  dit Henri GARAT ,acteur de cinéma. Elle est également connue  sous  le nom de comtesse TCHERNYCHEFF.

Lucien André PREVOST né le 24 avril 1906 à Paris 6e ,de Gaston et  Macé Marie-Louise.
Fusillé le 18 mars 1949 au fort de Montrouge situé à Arcueil (94110)

Louis PAGNON ,dit « Eddy "né le 30 juillet 1904 à Paris 10e,de Elysé Benoit Louis et Juliette Marie Perdon
Fusillé le 27 décembre 1944 au fort de Montrouge (94110 Arcueil)

Adrien ESTEBETEGUY né le 4 janvier 1897 à Bayonne ,13 rue de l'abattoir,quartier Saint-
Esprit,fils de Pierre et Dourisboure Marie .Son frère Émile né le 25 juillet 1915 à Bayonne.
Assassiné par le docteur Marcel Petiot,probablement le 26 mars 1943 (Source:David Alliot LA CARLINGUE la Gestapo française du 93,rue Lauriston.Pages 293-301)

Gisèle Charlotte ROSSMY née le 26 mars 1909 à Maisons-Alfort (94) de Charles et Alice Chantrieux.
Maîtresse d'Adrien Estebetéguy.
Assassinée par le docteur Marcel Petiot,probablement le 28 mars 1943.(Source:David Alliot LA CARLINGUE la Gestapo française du 93,rue Lauriston.Pages 293-301)



Biarritz,le 20 août 1942

Le Chef de la Sûreté DUCASSE Joseph

A Monsieur le Commissaire de Police

Vu et transmis à Monsieur le Sous-Préfet de Bayonne le 20 8 1945

J'ai l'honneur de porter à votre connaissance les faits suivants :

Il y a un mois environ est arrivé, à BIARRITZ une bande de gros souteneurs de PARIS dont certains sont des repris de justice dangereux qui se livrent au trafic du marché noir au vu et au su de tout le monde sont le couvert des Autorités occupantes.

Ces individus ayant paru suspects, j'ai délégué deux inspecteurs de la Sûreté pour les identifier à la villa « Macarena », Avenue maréchal Foch, où ils habitent en partie et à l'avenue de Frais, où habitent l'autre partie.

Les Inspecteurs ont été reçus sur le pas de la porte par le chef de bande, le dénommé « Lucien », dit marquis de WIET, lequel leur a fait connaître qu’il n'avait rien à dire à la Police Française, car il travaillait pour les troupes d'occupation .

Ne voulant pas forcer la consigne, les inspecteurs n'ont pas insisté et m'ont rendu compte de leur mission qui avait échoué.

Conformément aux instructions relatives à la déclaration obligatoire pour les voyageurs, j'ai fait aviser la Feldgendarmerie de BIARRITZ, des difficultés que venaient de rencontrer mes inspecteurs pour identifier ces personnes étrangères à la ville.
Le service de la Feldgendarmerie de Biarritz m'a fait connaître le lendemain de cette intervention que les dites personnes travaillaient pour les troupes d'occupation et que nous devions les laisser tranquilles.

De nouveaux faits viennent se greffer à cette affaire.

Il  y a une dizaine de jours, une jeune fille de mœurs légères a été victime d'une agression de la part du prénommé Charles, faisant partie de la bande.

Cette femme qui était venue se plaindre à la Police Française a été menacée d'être tuée par eux ainsi que moi-même, M.DUCASSE, Chef de la Sûreté, qui avait reçu les doléances de cette personne.

Quelques jours après, un autre français ,qui aurait traité une affaire de marché noir avec eux aurait été menacée d'être écrasé par  une de leurs voitures ,un de ces jours, dans la rue ou abattu à coups de revolver.

Un sujet espagnol dont la femme alsacienne exploite une maison de tolérance à Arcachon a été mis en demeure de verser la somme de 10.000 francs, toujours par la menace .

Ces individus auraient dit à cet étranger qu'ils avaient des revolvers pour abattre celui qui ne céderait pas leurs démarches et que si des membres de la Police Française intervenaient, ils sera abattus également.

Bien que l'identité de ces individus soit ignorée, il m'a été permis de savoir qu'il s'agissait d'une bande de sept ou huit des plus grands repris de justice français, dont deux seraient condamnés à mort et évadés.

L'un d'eux se serait évadé de la prison d'Alger avant la guerre, l'autre serait le précédent tenancier de la maison close « Le Royal » à DAX.

Cette bande à a sa disposition plusieurs voitures automobiles qui circulent tant  la nuit que le jour à BIARRITZ et dans la région.

Il n'est pas douteux que sous le couvert des autorités occupantes, cette bande se permettre d'agir de la sorte en faisant verser de l'argent sous la menace de l'arme et en essayant d'intimider les services de la Police Française.

Signé :DUCASSE.

 

Bordeaux, le 10 septembre 1942

L’INTENDANT RÉGIONAL DE POLICE
A Monsieur le SOUS-PRÉFET de Bayonne


OBJET : Activité d’individus louches à Biarritz

J'ai l'honneur de vous faire connaître que j'ai fait part à M. le Commandant LUTHER, Chef du Service allemand de sûreté à Bordeaux, des inconvénients que peut présenter pour le maintien du bon ordre ,le séjour à Biarritz des repris de justice que vous avez signalés à M. le Préfet Régional.

Je vous indique par une note M. le Commandeur LUTHER me fait savoir que Charles CAZAUBA ne doit pas être arrêté, et quittera Biarritz vraisemblablement en septembre

P/L’Intendant Régional

   

Bordeaux,le 2 octobre 1942

L’inspecteur de Police Mobile QUEFFELEC à

Monsieur le COMMISSAIRE DIVISIONNAIRE

Chef de la 7 eme Brigade Régionale à BORDEAUX.

 
J'ai l'honneur de vous rendre compte les résultats de l'enquête quelle nous sommes livrés, en vertu de la commission rogatoire de M. le Juge d'Instruction de Bayonne, relative à une association de malfaiteurs
Avec l'appui de certains membres de l'autorité allemande, un nommé Henri LAFON a organisé, à Paris, un service qui semblerait être chargé de récupérer toutes sortes de marchandises et principalement de l'or et des devises. Des équipes formées de repris de justice tel que : Abel DANOS condamné à mort pour crime de droit commun, CAZAUBA Charles évadé de Clairvaux, VIET Lionel huit fois condamné etc… parcourant la région occupée à la recherche de marchandises. Tous sont armés et certains seraient porteurs de cartes officielles de la police allemande. N’importe quel procédé sont employés par eux. Un de ceux-ci est le suivant : la recherche d'une personne ayant de l'or .L’'un se présente comme acheteur, s'il fait affaire, au moment du paiement deux autres de ses acolytes interviennent, se disant de la police ,saisissent la marchandise et disparaissent. Le volé ne peut pas porter plainte, car il sait qu'il pourrait être poursuivi pour trafic de devises. Un autre procédé consiste à effectuer des perquisitions, principalement chez d'anciens bijoutiers ; après s'être présentés comme des Inspecteurs de la Sûreté Nationale, ils raflent la marchandise qu'ils découvrent la Police Française s'est trouvée face à face avec ces individus, tant à Paris qu'à Bordeaux. En 1941, dans cette dernière ville, alors qu'une équipe de faux policiers venait de pénétrer dans un appartement, ils se trouvèrent avec des Inspecteurs de la Police Municipale.

D'un côté comme de l'autre on sortit les armes et après discussion la police française dut abandonner son enquête.

Un fait à peu près semblable vous êtes arrivé à PARIS où, accompagné de l'Inspecteur Principal CASTEX de la Police Judiciaire et de l'Inspecteur GIRARD de notre Service nous étions présentés chez un receleur nommé CASTAGNA Guiseppe dit « Pépine » 67 bis avenue de Wagram, qui avait acheté une quantité importante de bijoux provenant de la région bordelaise .CATAGNE refusa de répondre à nos questions , de nous suivre à la Police Judiciaire et le droit de perquisitionner dans le logement sans l'assistance d'un Officier Supérieur. Il téléphona ; nous passa à la communication d'un soi-disant service allemand qui nous enjoigna de quitter les lieux sur le champ sans quoi on viendrait nous sortir à coups de pied dans le derrière.

Effectivement, à peine le récepteur accroché ,deux individus firent irruption dans le logement ,l'un d'une carrure athlétique nous fit comprendre qu'il était temps de partir ;nous quittâmes les lieux et la police judiciaire faisait arrêter quelques jours après le nommé CASTAGNA qui ne reste que 48 heures en prison ,quoique nous avions apporté la preuve formelle du recel.

Nous trouvant à Paris le lundi 28 septembre et recherchant CAZAUBA pout l’interroger sur l'affaire qui nous concerne, nous l'avons rencontré dans une boîte de nuit de la place Pigalle « Le Chapiteau » et avons reconnu en lui l'homme qui nous avait donné l'ordre de quitter le logement de CASTAGNA.

Nous avons pu approcher certains individus du « milieu » sortis de prison qui ont été les hommes de LAFON, mais qui m'ont dit s’en être séparés parce qu'ils ne voulaient pas être mêlés aux procédés employés par certains d'entre eux pour se débarrasser des personnes gênantes : tracts ou arme trouvés au cours de perquisitions, faux rapports aux troupes d'occupation dénonçant les personnes comme gaullistes ou communistes.

Lafont et certains de ses hommes sont connus de la Préfecture de Police mais leur activité échappe à ses services parce qu'ils travaillent surtout en province. Certains inspecteurs n'ont-ils pas été arrêtés parce qu'ils avaient suivi LAFON. L’Inspecteur Principal MAIZO de la P.J. n'a t-il pas eu, lui aussi, le revolver braqué sur la tempe. CAZAUBA a dit vrai quand il a outragé les gendarmes de Bayonne le 12 août 1942 en leur disant, que comme leurs collègues, il les ferait arrêter. Effectivement, on sait dans le « milieu » que des gendarmes ont été arrêtés, mais ce que CAZAUBA a omis de dire, ce sont les raisons et les moyens employés pour motiver l'arrestation.

Il serait des plus utile de centraliser toutes les affaires effectuées par cette bande et principalement celle des « faux policiers » .Il y aurait certainement des surprises car il ne faut pas croire que ces gens sont dévoué à l'armée occupante ;ils travaillent surtout pour leur compte personnel ,c'est ce qui leur permet de pouvoir ,comme ils s'en vont dépenser 10 à 20.000 francs par jour dans une vie de luxure invraisemblable.

Ce sont des hommes d'une de ces équipes qui sont venus au mois de juillet 1942 louées la villa « Macarena » à Biarritz, semant la terreur parmi la population, menaçant la police, outrageant les Gendarmes ,frappant les filles soumises, faisant des scènes d'orgie dans les cafés fréquentés par eux, volant la marchandise des contrebandiers, sortant leurs revolvers à tout bout de champ et menaçant ouvertement de brûler la cervelle à quiconque viendrait les déranger.

(...).

Tous circulent en voiture et ont à leur disposition de camionnette pour transporter la marchandise qu’ils vont chercher dans la montagne.

Tous ces individus ont de nombreuses années de prison à purger mais aucun ne se voit dans l'obligation de faire sa peine.

ESTEBETEGUY Adrien a été condamné l'an dernier à quatre ans de prison pour escroquerie et à un an de la même peine pour violences à agents ne croit pas devoir faire ses peines. Nous l'avons fait arrêter par la gendarmerie de Belin le 17 septembre 1942 alors qu'il nous avait échappé à Biarritz et contre lui, M. le Juge d'Instruction de Bayonne avait lancé un mandat d’arrêt. Écroué au Fort du Hâ,il était le lendemain demandé par les autorités occupantes, amené à Paris et remis en liberté Lors de son arrestation il était accompagné d'un nommé Charles LOMBARD. Ce dernier figure au B.P.C. et quoique n’ayant pas purgé sa peine, il bénéficie, tout comme CAZAUBA, d'une cessation de recherche.

Au cours de cette enquête, nous avons eu à mettre à exécution trois mandats d'arrêt de Mr. le Procureur de la République de Bayonne contre les nommés Lxxx,Cxxx,et Emile ESTEBETEGUY qui ont été condamnés par la Cour d'Appel de Bordeaux à six mois de prison pour trafic de fausses cartes d'identité .Nous savons que ces individus seront remis en liberté avant 15 jours. Ils retourneront à leur trafic, il nous restera à nous le soin de découvrir à nouveau les personnes qui viendront sur la côte avec de fausses cartes. La police et la Justice continueront à être bafouées par tous ces Messieurs.

(...)

Nous devons à la vérité de dire qu'Adrien ESTEBETEGUY, au cours de son arrestation, a été d'une correction parfaite. Il est le seul homme, avec LOMBARD qui ne veut pas travailler avec LAFONT et a toujours refusé de porter sur lui une arme quelconque.

Le temps matériel nous a manqué pour identifier toute la bande et en connaître l’activité.


 

Biarritz,le  15 septembre 1942

Audition de Yxxx Henri,36 ans, commerçant, demeurant à Biarritz (B.P.) , avenue de Verdun.

Dans le courant du mois d'août ;à une date que je ne puis vous préciser, j’ai fait la connaissance, au Café Terminus à Biarritz, d’un individu qui m'a dit être venu à Biarritz pour se reposer.

Vers sept heures le soir, nous sommes venus prendre l'apéritif à mon café, et là au cours d'une conversation, mon compagnon m'a dit que personne ne pouvait le gêner. Il m’a donné comme exemple, qu’un certain, Monsieur DUCASSE, Chef de la Sûreté s'était permis de le convoquer, il n'a pas daigné répondre à sa convocation et que si ce monsieur insistait « je  le descendrai comme tous ceux qui peuvent me gêner, car je ne reçois des ordres que de Berlin ».En me disant cela, il avait sorti son revolver, qu’il il avait dans la poche de son pantalon.

J'ai senti que cet individu m'attirait sur un terrain dangereux j'ai détourné la conversation.

Lorsque je suis sorti du Café Terminus toujours accompagné de ce monsieur, nous avons rencontré un autre individu avec qui il s'est arrêté pour causer. Sans bien prêter attention à la conversation, j'ai compris qu'il s'agissait du chargement ou du déchargement d'un bateau en provenance sur la destination de l'Espagne.

Je connais ;Mr Ducasse, Chef de la Sûreté ,depuis de nombreuses années, je le considère comme un brave homme, j'ai cru que c'était de mon devoir de l'avertir.

 S.I.La photographie que vous me présentez et que vous me dites être celle d'un nommé PREVOST Lucien ,est bien celle de l'individu que j'ai rencontré au Café Terminus et qui m'a tenu ces propos .

Cet individu voyageait avec une Citroën, traction avant décapotable, dont je n'ai pas relevé le numéro. Je sais qu'il habitait une villa à Biarritz, avenue Foch.

Lecture faite persiste et signe.

 

Sxxx Marguerite,35 ans, fille soumise, demeurant à Biarritz (B.P.) ;

Au début du mois de juillet, quatre ou cinq individus sont venus louer la villa Macarena à Biarritz pour la saison.

Un jour, au Palermo, un de ces individus m'a invité à table et le même soir, au Lido, je « montais » avec lui, il m’avait remis gentiment cinq cents francs.

Par la suite, je rencontrais  souvent cet individu que je connaissais sous le prénom de LUCIEN, soit au Palermo, soit au Lido ,lorsque le 28 juillet ou plutôt le 29 vers deux heures du matin, Lucien et un de ses amis qui venait d'arriver, m'invitèrent à leur table. Lucien me présenta à un camarade pour être un prénommé Charles. Par  la suite, une de mes compagnes, nommée Arlette Lxxx ,est venue à notre table et à engagé la conversation avec Lucien .Un moment après ,Charles crut devoir me faire savoir qu'il avait quitté  le milieu et qu'il  travaillait pour les Allemands. Il a ajouté que s'il appartenait encore à ce milieu, il aurait des comptes à me demander, car il n'était pas régulier que je travaille pour moi et non pour un « barbeau ».Je lui ai répondu que j'avais encore le droit de vivre comme je l'entendais.

Nous avons quitté le Palermo pour boire le champagne au Carlton. A cet établissement, Charles dormait ou tout au moins fit semblant. Je demandais alors à Lucien et à mon amie Arlette ce que Charles avait voulu dire quand nous nous trouvions au Palermo. Lucien m'a répondu que ce n'était rien et que je n'avais pas à y prêter attention.

Vers deux heures le matin, nous quatre avons quitté le Carlton ; Arlette monta dans la voiture de Lucien et moi dans la voiture de Charles.Je pensais que Charles voulait me reconduire à mon domicile, mais je suis surprise de lui voir conduire la voiture dans une direction contraire.

Arrivés à proximité du terrain de golf de Biarritz, Charles a arrêté sa voiture et me dit qu'au Carlton il n'avait pas dormi et qu'il avait tout entendu. Il me frappa violemment au visage avec les deux poings, il a ouvert la portière et m'a jetée en bas, puis il est parti.

Je me suis aperçue, lorsque je me suis relevée que la glace de mon poudrier était cassée et que par les coups mes boucles d'oreilles étaient tombées.

Je suis rentrée chez moi et le lendemain je me suis rendue chez le docteur Jaulerry de   Biarritz qui m'a donné les soins que nécessitait mon état et m'a remis un certificat.

 Porteur de ce certificat, je suis venue le même jour au Commissariat de Police de Biarritz, où  le Chef de la Sûreté m'a dit qu'il ne pouvait rien faire contre ces individus et me conseilla de me rendre auprès des troupes d'occupation pour porter plainte.

 J'ai eu la figure tuméfiée pendant plusieurs semaines et ai été obligée de rester chez moi.

A ma première sortie et quoiqu'ayant encore la figure pourtant les traces des coups que m'avait portés Charles, je me suis rendue un soir au Palermo. A la porte de cet établissement, j'ai été accostée par un individu que j'ai su par la suite se nommé « EDDIE »i et qui m'a tenu ces propos : « Madame, si j'ai un conseil à vous donner ,c'est de ne plus revenir ici ,car il y a un certain monsieur qui, à chaque fois qu'il vous verra , « vous cassera la figure »,et si toutefois il n'était pas là ,c'est moi qui prendrais « ses crosses » et vous « casserais la gueule ».Je n’ai pas insisté et je suis partis.

À quelques temps de là, et sachant que Charles , Lucien  et son équipe allaient quitter Biarritz, je suis retourné au Palermo et j'ai été surprise d’y  rencontrer  Lucien et un de ses amis prénommé Georges .Lucien m'a invitée à fumer une cigarette ,car il avait quelque chose à me dire. Il m'a semblé légèrement pris de boisson, m'a dit que j'avais eu tort de porter plainte contre Charles, car il n'y avait rien à voir avec la Police Française, qu’il « emmerdait » la Felgendarmerie et que si les Messieurs de la Feldkommandantur  n'étaient pas contents, ils les enverrai se faire casser la gueule en Russie. J’ai répondu à Lucien que Charles n'avait eu aucune raison de me frapper. Il  m'a répondu qu'ils avaient tous les droits, même celui de me tuer au d'abattre n'importe quel policier français. En disant cela il a sorti son revolver et m’'a dit que puisque c'était lui qui était chargé de faire la Police à Biarritz, on me mettrait à  la Maison Blanche d'ici trois ou quatre jours.

Il y a une dizaine de jours environ, Arlette Lxxx, à qui je causais très peu depuis cette histoire, est venue me voir chez moi. Elle m’a proposé de venir déjeuner avec elle et qu'après elle me présenterait à un marquis. Elle m’a expliqué que nous devions passer l'après-midi dans une villa et qu'ensuite « Eddie » me remettrait cinq cents francs de la part du marquis. J’'ai tout de suite compris qu'il s'agissait d'un ami à Lucien et Charles se faisant passer pour marquis et comme j'avais déjà eu affaire à Eddie, j'ai refusé la proposition d’Arlette, car j'ai eu l'impression qu'on voulait m'attirer dans une mauvaise affaire.

S.I. »J'ai l'impression que l'équipe au « marquis » invite les officiers allemands  à dîner avec eux pour se donner du prestige .Beaucoup de ces derniers ,qui y ont dîné une fois ,ne veulent pas y retourner.

S.I.Le certificat que m'avait délivré le docteur Jaulerry ,a  été remis par moi à la Feldgendarmerie allemande, à l'appui de ma plainte .Je demanderai au docteur de m'en fournir un duplicata que je laisserai à votre disposition au Commissariat de Police de Biarritz.

S.I. Tout le monde sait dans la région que l'équipe de WIET  veut se réserver le monopole de la contrebande qui se fait avec l'Espagne et pour ce, ils dénonceraient  tous leurs concurrents et les feraient  arrêter par les autorités occupantes.

Tout le monde sait également qu’ils pratiquent le chantage sous différentes formes pour se faire remettre de l’argent, mais comme tout le monde les craint-,il vous sera difficile d'obtenir des renseignements.

S.I. Je sais qu'une femme qui avait couché avec Roger Cxxx  a été menacée par ce dernier parce qu'elle refusait de « travailler « pour lui et que par crainte elle a quitté Biarritz,il  y a trois jours .(…).

Lecture faite persiste et signe.

L’Inspecteur de Police Judiciaire.

 

Sxxx,Suzanne,53 ans, masseuse, demeurant à Biarritz

(…).Elle me répète une conversation que l’un d’eux lui avait tenue. Cet individu qui je crois se nomme PREVOST, lui aurait dit un jour, qu’il avait suffisamment d’ennuis avec les « flics » de Paris pour que ça ne recommence pas ici, et que le premier qui viendrait l’embêter, il le « descendrait ».

Comme tout le monde, j'ai su que l'équipe d'un »Marquis de Wiet » qui habitait à la villa Macarena ,et où Madame GARAT avait ses grandes et ses  petites entrées faisait un commerce incroyable. Madame GARAT  s’est elle-même vantée d’avoir gagné un million en une semaine.

Tout le monde sait également que trois  contrebandiers s'étaient fait arrêter à Urrugne et que Mme GARAT est allée les chercher avec sa voiture et les a ramenés.

Si personne n'a averti la Police, c'est parce qu'on savait que cette bande était composée de souteneurs et de repris de justice, qu'ils étaient tous porteurs de revolver et que tout le monde en avait peur.

Lecture faite persiste et signe

 

17 septembre 1942

Uxxx Pierre,33 ans charpentier, demeurant à Uurrugne

Il y a quelques temps déjà, j'ai procuré à un nommé Charles, habitant villa Macarena à Biarritz une certaine quantité de bas et de chaussettes de laine. Sur ce marché, il me doit une somme de 40.000 francs environ.

Mardi 15 septembre ,j'ai eu la visite d'un camarade à Charles ,un nommé ESTEBETEGUY Adrien, qui m'a fait savoir que je devais lui remettre une somme de cent mille francs  sur le marché que j'avais fait faire à  Charles .J’ai répondu à Estebeteguy  que ce n'était pas moi le vendeur de la marchandise et que je n'avais pas d'argent .Estebeteguy a ajouté  qu'il fallait que je lui verse quand même cette  commission de cent mille francs, qu'il avait le droit de faire de moi ce qu'il voulait et que si je ne payais pas, il me « descendrait ».

Lorsqu’Adrien ESTEBETEGUY m'a tenu ces propos, il était en compagnie de son frère Émile. Estebeteguy doit revenir me voir aujourd'hui pour que je lui remette de l’argent, je me vois donc dans l'obligation de me sauver et de me cacher, car je crains qu'il m'abatte.

Je sais comme tout le monde dans la région, qu’Estebeteguy appartient à la bande à Charles , que ce sont des individus dangereux.

Il y a quelques temps, ils se sont emparés d'une certaine quantité de marchandises, à la Maison Sxxx à Urrugne et sous la menace du revolver, ils l'ont emportée sans la payer.

Sxxx n'a pas été le seul à être victime de la bande à Charles. Dans la montagne, ils ont souvent renouvelé cette opération.

Je n'ai pas peur d'être abattu par Estebeteguy, mais ce que je crains qu'il me fasse arrêter, pour une raison quelconque, par les autorités allemandes, pour se venger et m'obliger de payer.

Lecture faite persiste et signe

  

Rapport journalier de mission

Queffelec_Girard_de Lestable

Affaire N°470

Association de malfaiteurs

Audition du contrebandier Uxxx à Urrugne,qui nous a déclaré avoir fourni une très importante quantité de bas et de chaussettes à l’équipe de la villa Macarena. Hier il a reçu la visite d’Estébétéguy Adrien qui l’a mis à l’amende de 100.000 francs, représentant sa commission. Faute de paiement aujourd’hui, il a menacé de le tuer.

(…)

19 septembre 1942

Estebeteguy Adrien,45 ans, hôtelier, sans domicile fixe

Je me nomme ESTEBETEGUY Adrien né le 4 janvier 1897 à Bayonne (Basses-Pyrénées),de Pierre et de Dourisboure Marie.

Je suis célibataire.

J’ai eu quatre ou cinq condamnations, qui sont tous amnistiés. Le 16 juillet 1941, par la 16 e Chambre correctionnelle de la Seine, j’ai été à nouveau à quatre ans de prison, mille francs d’amende et cinq ans d’interdiction de séjour, pour tentative d’escroquerie. Cette condamnation m’a été notifiée par les Services de la Police Judiciaire à Paris. J’ai été arrêté, puis relâché peu de temps après, sur l’intervention des Autorités occupantes. J’avais donc le droit de penser que je bénéficiais d’une remise de peine, c’est la raison pour laquelle je n’ai pas fait opposition à ce jugement qui m’avait condamné par défaut.

D. Quels sont vos moyens d’existence ?

R. Je suis millionnaire depuis quinze ans, mais je ne peux cependant en faire la preuve. Je ne possède aucune valeur, aucun compte en banque.

C’est moi qui subviens à l’existence de toute ma famille à qui j’envoie dix mille francs par mois environ. J’ai remis il y a trois jours environ, une somme de dix mille francs à ma mère et je lui ai fait envoyer, il y a cinq jours de Paris, une somme de vingt mille francs. C’est Madame ROSSMY, ma maîtresse, ou peut être mon frère Joseph, qui a du envoyer cette somme.

Ma maîtresse, ainsi que mon frère Joseph, sont comme moi, sans domicile fixe.

Je reçois mon courrier un peu partout : Poste Restante Bureau 93,à Neuilly, rue Lauriston, etc…

Mon frère Joseph est malade, c’est pourquoi je le garde avec moi à Paris. Je ne le mêle jamais à mes affaires. Toutefois mon frère Emile, quand il descend à Paris, me seconde dans mes affaires de famille. Je suis actuellement en train de lui monter une « maison » à Rouen. L’affaire que je lui avais trouvé à Hourtin n’a pas tenu.

S.I._Il y a une semaine environ que j’ai quitté Paris et je suis arrivé sur la Cote Basque, samedi dernier, je crois. Accompagné de mon frère Émile, j’ai fait mes affaires personnelles sur la Cote, tant à Bayonne, que Biarritz et Saint-Jean-de-Luz.

J’ai vu du monde à Saint-Jean-de-Luz, mais je n’ai pas rencontré Uxxxx, seul avec mon frère, et j’ignore tout des transactions de cet individu que je ne connais même pas.  Pour ce qui est de mes affaires personnelles, je n’ai rien à vous dire.

Lecture faite persiste et signe (…)

 

 

21 septembre 1942

Rapport journalier de mission

Queffelec_Girard_de Lestable

Affaire N°470

Association de malfaiteurs

Audition du jeune Louis Estébétéguy qui a reconnu avoir servi d’intermédiaire entre Cazauba et le contrebandier Uxxx (…)

 

22 septembre 1942

Estebeteguy Émile,27 ans, sans profession, demeurant à Bayonne,39 rue Pannecau

Je me nomme ESTEBETEGUY Émile né le 25 juillet 1915 à Bayonne (Basses-Pyrénées),de Pierre et de Dourisboure Marie.

Je suis célibataire.

J’appartiens à la classe 1935-recrutement de Pau-service auxiliaire.

J’ai été condamné le 20 juillet 1942 par la Cour d’Appel de Bordeaux à six mois de prison pour fabrication de fausses cartes d’identité,(…)

D. Quels sont vos moyens d’existence ?

R. Je vis chez mes parents dès que nous fait parvenir mon frère il et Adrien malade réformé 2 fois pour ganglion tuberculeux et ennemi général je suis dans l'impossibilité de travailler

D.Quels sont les objets de vos fréquents voyages à Paris ?

Je vais rendre visite à mes frères Adrien et Joseph.

(…)

Il est faux que mon frère Adrien et moi, ayons menacé de mort l'un des frères Uxxx. Je ne crains pas de vous dire la vérité et je vais vous expliquer comment je suis entré en affaires avec ces contrebandiers.

Fin juillet dernier je crois, un nommé CAZAUBA  Charles m'a demandé de lui faire connaître des personnes susceptibles de lui vendre de la marchandise, principalement en lainages, chaussettes et bas.

Je me suis mis en quête de lui trouver vendeur et suis allé voir Uxxx Pierre et Martin ,avec qui il a été convenu que pour toute la marchandise livrée à CAZAUBA ,je toucherais une commission d'un franc par paire de chaussettes.

Pour la première affaire ,une certaine quantité de marchandises a été saisie, soit par la douane français, soit par la douane allemande, il y en avait pour quatre cent mille francs  environ.Je me suis arrangé pour la faire débloquer et remettre à CAZAUBA et le reste de la marchandise qui n'avait pas été saisi a été livrée normalement à CAZAUBA.

Uxxx devait me remettre pour cette affaire, une somme de trois mille francs environ.

D'autres transactions ont été effectuées par la suite sur de plus grosses quantités de marchandises entre Uxxx et CAZAUBA.J'ai senti que Uxxx ne voulait pas me payer les commissions qu'il me devait. Je n'ai pas insisté, pensant bien qu'un jour, je le rencontrerais.

la semaine dernière mon frère Adrien, est venu en mission avec un officier des troupes d'occupation.Je les ai accompagnés sur la Côte et en ai profité  pour passer voir U xxxque j'ai rencontré chez lui à Urrugne.

J’ai demandé à Uxxx  Pierre s'il avait l'intention de me verser ma commission et que j'étais prêt à un arrangement sur la somme de cent mille francs.Il m'a répondu qu'il consulterait son frère Martin.Je l'ai quitté en lui disant que je lui donnais quarante huit  pour s'exécuter.Depuis je ne l'ai plus revu .

Je vous affirme qu'à aucun moment je n'ai menacé Uxxx de mort .Si ce dernier a pris ma conversation pour une menace , il s'est trompé ,car j'ai un autre moyen de faire du mal à Uxxx, sans avoir besoin de l'abattre.

Mon frère Adrien ne connaissait pas Uxxx et à aucun moment ne  lui a adressé  la parole.Je crois même qu'il n'est pas descendu de voiture .Charles Lombard qui nous accompagnait, pourra peut-être pourra vous le confirmer.

Je ne m'explique pas pourquoi Uxxx a  porté cette affaire devant la Justice ,puisque je vous le répète, il ne s'agit que d'une affaire de contrebande.

Je ne sais pas si CAZAUBA doit de l'argent a Uxxx.

Je me doute que CAZAUBA a fait d'autres affaires avec les frères Uxxx, mais depuis un moment déjà, je m'étais retiré et n'apparaissait plus dans leurs marchés.

Je  n'ai jamais entendu dire que l'équipe à CAZAUBA  avait enlevé à des contrebandiers de la marchandise sans la payer.

Lecture faite et persiste.

 

23 septembre 1942

Rapport  journalier de mission

Queffelec_Girard_de Lestable

Affaire N°470

Association de malfaiteurs

Arrestation et audition du sieur Estebétéguy Émile qui a reconnu avoir réclamé une commission de 100.000 francs au contrebandier Uxxx mais à nié l’avoir menacé de mort.

Audition du contrebandier Zxxx à Urrugne. (…)

 

Sources

Salle de lecture

AD 33 74 W Article 79 Dossier N°1299_Service Régional de Police Judiciaire Bordeaux 

En ligne

  • AD 75 État civil de Paris à partir de 1860
  • AD 75  Recrutement militaire de la Seine /Registres matricules du recrutement (1887-1921) Wiet Lionel Alphonse Augustin Marie Joseph Matricule 1003 D4R1 2144_(8 vues)
  • AD 75 _Mariage GARASSU (GARAT) -TCHERNICHEFF-BESOBRASOFF_19 juillet 1939 Paris 16_1939 , Mariages , 16 16M 282_B Acte N°1131 Vue 27/31

  • AD 75 Sources généalogiques complémentaires/Cimetières et pompes funèbres/Cimetières/Registres journaliers d'inhumation .Les fusillés au fort de Montrouge à Arcueil,ont été inhumés au cimetière parisien de Thiais (94320) La recherche s'effectue par date d'inhumation.

 

  • AD 40_Acte de naissance de Cazauba Hubert Charles Dax-Naissances-1905 - 1908-4 E 88/179 Acte N°173 Vue 111/233
  • AD 40_Acte de mariage de Cazauba_Dax-Mariages-1933 - 1934-4 E 88/224 Vue 131/155

 

  • AD 64 Registres paroissiaux et d'état civil/Bayonne/Bayonne/état civil/Naissances 1892-1902 Acte de naissance d'Adrien Etebeteguy  N°6 Vue 351/86
  • AD 64 Fiche matricule militaire Adrien Estebeteguy classe 1917 matricule 1353 

 

  • AD 94 _ Acte de naissance de Rossmy Gisèle Charlotte _Maisons-Alfort-Naissances-1909 - 1910 Acte N°57 Vue 16/113

Base de données LEONORE:
Dossier Légion d'Honneur de Ferdinand Lionel Marie Joseph Wiet père de Lionel _
Cote(s) : 19800035/1281/47844

RETRONEWS Le site de presse de la Bibliothèque nationale de France ;
Recherches sur Adrien Estebeteguy,Cazauba,Wiet,
La Gazette de Biarritz-Bayonne et Saint-Jean-de-Luz, 11 août 1942,
page 4/4,NOS PETITES ANNONCES
ON DEMANDE excellente cuisinière,1re f.de chambre pour villa Macarena,avenue Foch,chez la Marquise de Wiet.Place stable assurée à personne sérieuse. 

Livres

Un ouvrage de référence:
La carlingue
La Gestapo française du 93,rue Lauriston

David Alliot
Éditions Tallandier,2024
ISBN 979-10-210-3643-7

Les belles années du « milieu » 1940-1944.Le grand banditisme dans la machine répressive allemande en France
Grégory Auda
2013 ,Michalon Editeur
ISBN 978 2 84186 678 6

Les Comtesses de la Gestapo
Cyril Eder
Texto_Éditions Tallandier ,2016 et 2020
Chapitre : Mara,comtesse Tchernycheff
ISBN 979-10-210-4361-9