N°395
Dénonciation calomnieuse
Audience publique de police Correctionnelle du Tribunal de
Bayonne séant au Palais de Justice ,le neuf juin mil neuf cent quarante trois
Entre Monsieur le Procureur de la République d’une part et
de l’autre :
Xxxx ,56 ans Secrétaire de Mairie à Macaye,né au dit lieu (…)
A l’audience publique du 19 mai 1943
La cause ayant été appelée.
Le Ministère Public a exposé que suivant ordonnance du juge
d’instruction du siège,en date 17 avril 1943,le sus-nommé avait été renvoyé
devant le tribunal correctionnel de céans,sous la prévention de dénonciation
calomnieuse.
Qu’en conséquence,suivant exploit de Fagalde,huissier à
Bayonne,en date du 14 mai 1943,enregistré,le prévenu avait été invité à comparaître
à l’audience du dit jour,pour répondre du délit qui lui était reproché.
(…)
Et le prévenu a été interrogé
Le Greffier a tenu note des réponses du prévenu
Le Ministère Public a requis l’application de la loi
Me Harriague ,avocat a présenté la défense du prévenu
Et le tribunal a mis l’affaire en délibéré pour le jugement être
rendu à l’audience publique du 9 juin 1943
Advenu le dit jour,9 juin
1943
Le Tribunal,après en avoir délibéré a prononcé le
jugement suivant :
Attendu qu’Xxxx secrétaire de Mairie à Macaye, prévenu
d'avoir. le 29 août 1941, méchamment et de mauvaise foi,dénoncé par écrit,à l'Inspecteur
d'académie de Mont de Marsan,des fautes professionnelles dont se serait rendu
coupable le sieur Txxxassant. la fausseté de cette dénonciation résultant d’une
décision ou même Inspecteur d’Académie ;
Attendu en fait que sous la date,à zzz,du 29 août 1941 une
lettre missive était adressée à ce dernier,énonçant une série de griefs
graves,au nombre de cinq,formulés à l’encontre du sieur Txxxxx instituteur
intérimaire dans la commune.
Attendus que les huit signataires ou prétendus tels de la
lettre dont il s’agit demandaient,en leur qualité de parents d’élèves,le
déplacement de l’instituteur et ce,motif pris :
1° qu’il n'avait pas lu et commenté, comme il était tenu de
le faire, au début de l'année scolaire, les déclarations du Maréchal Pétain, Chef
de l'État Français.
2° qu'il n'avait pas hésité à user de sévices vis-à-vis de certains jeunes garçons
fréquentant l'école publique ;
3°que son enseignement laissait nettement à désirer et,fait
encore plus grave ,il n’interdisait pas l'emploi de la langue basque durant les
récréations ;
4° que son prestige auprès de ses élèves était sérieusement
atteint parce qu'il s'adonnait à la boisson ;
5°que l’antipathie générale dont il était l'objet n'était
pas la nature.à rehausser le prestige de l'école laïque ;
Attendu incontestablement que, si ces cinq griefs, ou même
certains d'entr’ eux seulement ,avaient été reconnus fondés,ils auraient exposé
le sieur Txxx, sinon à une révocation,
du moins à un changement de résidence,et en tout cas à une répression administrative.
Or attendu que par lettre du 2 février 1943, l'Inspecteur d'Académie du département
des Landes a fait connaître au Procureur
de l'État Français à Bayonne,qu’au
résultat d’une enquête administrative,dont il communiquait d’ailleurs la copie des pièces,la plainte portée contre
l’instituteur de Macaye avait été classé
sans suite, purement et simplement.
Attendu,il importe de le rappeler, que huit signatures étaient apposées au bas de cette plainte datée du 29 août 1941 ;
Attendu cependant que les 7 et 8 novembre de la même
année,le sieur Txxxavait obtenu de sept des prétendus signataires,des
déclarations écrites attestant qu’il s’agissait d’un faux ;
Attendu qu’interrogé,le secrétaire de mairie Xxxx,huitième
signataire,reconnaît avoir rédigé spontanément la lettre missive
incriminée,dans l’intention d’obtenir la destitution de l’instituteur ;qu’il
ajoute,que non seulement il avait apposé sa propre signature,mais qu’il avait
encore imité celles de sept autres habitants de la commune,ainsi que celle du
Maire pour visa ;qu’afin il avait également apposé,sur la même lettre,le
sceau de la Mairie ;
Attendu qu’il dut convenir,d’autre part qu’il ne possédait
aucun papier émanant,soit du Maire,soit des personnes dont il avait imité la
signature,l’autorisant à signer en leur lieu et place ;
Mais attendu que,le 27 février 1943,il remettait au Juge
d’instruction,datée du 12 juillet 1941,une attestation des sept autres
prétendus plaignants,aux termes de laquelle il recevait pleins pouvoirs pour
formuler une pétition contre le sieur Txxx ;
Attendu qu’en cet état,le magistrat instructeur procéda à l'audition des auteurs de l'attestation sus-
visée.,lesquels déclarèrent l'avoir signé postérieurement au 29 août 1941,sans
en lire son contenu,à la demande d’Xxxx.
(…)
Attendu en vérité que la seule question qui se pose est
celle de savoir si les griefs signalés par le prévenu sont ou non fondés ;
Attendu qu’au résultat de l’enquête effectué par
l’inspecteur primaire sus-nommé,l’Inspecteur d’Académie,Chef hiérarchique de l’instituteur intérimaire Txxx,a estimé devoir classer sans suite la plainte dont il était saisi,encore que
l’Inspecteur Primaire eut,pour sa part,admis
que,parmi les cinq griefs formulés,l’un d’entre eux fut
recevable, celui relatif aux corrections que l’instituteur croyait devoir
infliger aux enfants ;
Attendu qu'il n'appartient pas au tribunal d'apprécier le
mérite du classement sans suite ,mais,qu’n toute hypothèse,il lui est permis de
rappeler que l’inspecteur d’académie a témoigné ,en la circonstance ,d’une
impartialité et d’un esprit de
bienveillance auxquels Xxxx devrait être
le premier à rendre hommage .
Attendu,par ailleurs ,qu’un doute ne peut subsister quant à
la mauvaise foi du dénonciateur qui,vraisemblablement pour donner plus de poids
à sa plainte,a apposé au bas de cette plainte plusieurs fausses
signatures ;
Attendu ,en définitive,que les faits de la prévention sont
nettement établis,mais qu’il convient de les sanctionner avec une indulgence
relative,aussi bien dans un but d’apaisement que parce qu’ils constituent la
manifestation ,évidement déplacée et quelque peu inconsciente,d’une mentalité
de paysan rural,vivant dans la commune du pays basque qui passe,à tort ou à
raison,pour la plus particulariste,sinon la plus arriérée de la région ;
Attendu en d’autres termes qu’Xxxx,au surplus père de huit
enfants,doit être admis au bénéfice des circonstances atténuantes.Ne peut
subsister quant à la mauvaise foi de l'initiateur qui vraisemblablement pour
donner plus de poids à sa date.
(...)
Source :
Pôle d’archives de Bayonne et du Pays basque,
Annexe des Archives départementales des Pyrénées-Atlantiques
39 Avenue Duvergier de Hauranne,
64100 Bayonne,
1027 W Article 253 Tribunal de Grande Instance de Bayonne
Complément à propos de l'usage de la langue basque en 1943
"3°que son enseignement laissait nettement à désirer et,fait
encore plus grave ,il n’interdisait pas l'emploi de la langue basque durant les
récréations "
Jean-Pierre Ibarboure m'a fait part de l'existence dans les archives de la mairie d'Ascain,d'un brouillon d'avis qui était destiné à être lu en français et en basque aux habitants de la commune.(5 septembre 1943).