06 avril 2020

Définitions de quelques-unes des formes spéciales du vol et de l'escroquerie

Définitions de quelques-unes des formes spéciales du vol et de l'escroquerie

 

Vol à la tire.

Le voleur à la tire ou pickpocket attire coquette enlève les objets placés dans les poches de sa victime avec deux doigts de la main, l'index et le médius ; les autres doigts restant pliés. Une pèlerine ou un pardessus jeté sur l'épaule ou l'avant-bras aide le malfaiteur à dissimuler les mouvements de sa main . L'objet est immédiatement transmis à un complice.
Une certaine catégorie de spécialistes coupent les poches sous les vêtements à l'aide d'un canif affilé qu’ils  dénomment saccagne et recueillent le contenu. Ce genre de vol à la tire a été importé en France par des pickpockets italiens.
Les professionnels du vol à la tire constituent de véritables associations et se déplacent sans cesse. Ils suivent assidûment les foires de province et opèrent principalement dans les gares et surtout où il y a de grands rassemblements.

Vol à l'esbroufe.

Le vol à l'esbroufe n'est autre qu'un vol à la tire accompagné de légères violences. Le malfaiteur profite d'une bousculade qu’il provoque ou fait provoquer par ses acolytes pour s'emparer du porte-monnaie ou du portefeuille convoité par. Ce vol se pratique habituellement à la montée ou à la descente des wagons de chemin de fer, à l'arrivée ou au départ des trains.

Vol à l'étalage.

Ainsi que son nom l'indique, ce vol consiste à prendre des objets dans les étalages qui bordent les trottoirs, c'est une des formes les plus simples du vol.

Vol à la détourne

Au contraire du vol à l'étalage, ce vol consiste à dérober des objets qui se trouvent à l'intérieur des grands magasins.

Vol au poivrier.

Le vol au poivrier est le vol qui consiste à dépouiller les ivrognes endormis sur les bancs des promenades.

Vol au radin.

Vol d'argent dans le tiroir-caisse d'un comptoir. Le voleur au radin profite d'une courte absence du commerçant ; souvent même il provoque cette absence par l'intervention d’un complice de façon éloigner le débitant de sa caisse.

Vol au rendez-moi.

Le voleur donne en payement au marchand un billet ou un louis. Il se fait remettre la monnaie et profite d'un moment d'inattention du caissier pour reprendre le billet ou la pièce.
Ce vol est quelquefois rendu compliqué par l'intervention d'un complice. Dans ce cas, le remier malfaiteur, après avoir marqué un louis de 20 francs , paye avec cette pièce  une marchandise de bas prix patrie et se retire.Le second arrive peu après. Il offre e payement traînement une pièce de 20 francs ayant la même effigie que la première et se faire remettre la monnaie en escamotant sa pièce. Si le marchand s'en aperçoit et prétend ne pas l’avoir reçu, il déclare avec conviction qu'elle sera bien facile de la reconnaître, car elle est marquée.Le marchand trouvant dans sa caisse un louis portant la marque indiquée par son client, remet la monnaie en s'excusant.

Vol au change où à la pièce rare.

N'est qu'une forme du vol au radin,commis en présence de la victime elle-même.
L'auteur et ses complices font un achat dans une petite épicerie de campagne, ensuite e quoi ils annoncent à la débitante qu'ils achèteraient volontiers des pièces à telle ou telle effigie,à un prix supérieur à leur valeur.Alléchée par la perspective de cette spéculation, la marchande étale tout l'argent qu'elle possède devant ses clients, et ce n'est que le soir en faisant sa caisse qu'elle constate le vol commis à son préjudice.
Ces deux derniers genres de vol sont ordinairement pratiqués dans les campagnes au préjudice des petits commerçants par des femmes nomades.

Vol dans les troncs d'église.

Spécialement pratiqué par les romanichels allemands, ce vol s'opère sans effraction. Le voleur introduit des baguettes de buis enduite de glu par l'orifice dans l'intérieur des troncs et en extrait ainsi le contenu. Les chapelles éloignées des agglomérations , lieux de pèlerinage, sont particulièrement exposés.

Vol à la roulotte.

Se pratique ordinairement dans les grandes villes à la faveur des embarras de circulation ; le professionnel de ce genre de vol subtilise adroitement les paquets ou petits colis transportés à découvert sur les camions, voitures, etc.

Vol aux narcotiques.

Les professionnels du vol dit « au narcotique » sont des malfaiteurs internationaux qui travaillent habituellement dans les rapides de luxe ou les grands express. Toujours très bien mis, très liants, ils réussissent à faire accepter à la victime sur laquelle ils ont jeté leur dévolu, un cigare préparé à l'opium.
Le narcotique ne tarde pas à faire son effet et le voleur profite de l'assouplissement de sa victime, qu'il complète parfois en lui faisant respirer une petite éponge imbibée de  de chloroforme, pour la dépouiller.

Cambriolage

Généralement, un cambrioleur ne travaille que dans une maison inhabitée momentanément. Pour s'en assurer, il a soin de faire sonner plusieurs fois à la porte par un complice, ou place devant la porte un témoin, c'est-à-dire un objet quelconque, un fétu de paille, une feuille morte qui sera nécessairement dérangée si la porte vient à être ouverte. Le cambrioleur ou monte-en-l'air pénètre dans une maison, soit en faisant usage de fausses clés (rossignols), soit en utilisant une pince-monseigneur (jack ou presson).
Certaines bandes de cambrioleurs utilisent les outils perfectionnés, tels que : vilebrequins d’angle,forets, pied-de-biche, scies à manivelles, perforeuses, chalumeaux oxhydriques,etc…
Ces deux derniers instruments sont surtout employés par les perceurs de coffres-forts.

Vol au rat.

Malfaiteurs internationaux, constituant de dangereuses associations ; les professionnels, appelés « rats d’hôtel »,descendent dans les meilleurs établissements des stations balnéaires, thermales ou climatériques, et profitent de ce que les voyageurs s'absentent momentanément de leur chambre pour y voler. Ils s'y introduisent même pendant la nuit en ouvrant la porte, fermée à clef, à l'aide d'une pince spéciale appelée « ouistiti ». Cette pince est composée de deux lamelles d'acier creuses, entre lesquelles on saisit le canon de la clef  pour le faire tourner à l'extérieur.(Voir études parues au Bulletin de police criminelle, n° 73 du 1er février 1909.)

Escroquerie à l'achat de chevaux,aussi appelée vente forcée.

Habituellement pratiquée par des maquignons nomades désignés sous le nom de combinards, cette escroquerie se commet de la façon suivante : un des combinards, le « teneur », ayant l'aspect d’un paysan ,conduit sur le marché une bête d'assez bonne apparence, mais atteinte d'une tare cachée. Son complice, qui a l'allure d'un maquignon, déclare à la victime choisie par lui que le teneur ne veut pas vendre sa bête à un maquignon, de peur qu'elle ne soit maltraitée. Il prie son interlocuteur de l'acheter pour son compte et lui propose une commission de 50 francs, par exemple. Si le campagnard naïf accepte cette proposition, les combinards s'enfuient dès que la vente est conclue et la victime reste en possession d'un cheval qui vaut quelques fois une centaine de francs et qu'elle a payé 500 francs.Voir étude parue dans le Bulletin de police n°106.)

Escroquerie à l'achat de fonds de commerce.

L'individu se présente chez un débitant ; il lui offre 3.000 francs  de son fonds de commerce qui en vaut 2.000.
L'acte d'achat est signé séance tenante ; avant de se retirer, l'acheteur réclame  au vendeur 50 francs pour sa commission ou se fait prêter une certaine somme sous un prétexte quelconque et disparaît.

Escroquerie à l'achat de marchandises.

Un marchand ambulant vend à une femme de la campagne 5 mètres de drap, qui sont immédiatement payés. Après avoir causé longuement avec elle et s’être fait indiquer l’endroit où travaille  son mari, il part, après avoir laissé en dépôt chez elle un volumineux coupon de 50 mètres de drap qu'il reviendra, dit-il, chercher dans quelques jours. Il va alors trouver le mari,lui déclare que sa femme a acheté 50 mètres de drap et lui fait signer une pièce établissant cet achat. Lorsque la victime de cette escroquerie s’en rend compte, la vente est devenue parfaite par la signature du mari et par la livraison, et, en cas de refus de payement, le procès du marchand indélicat est gagné d'avance, à moins que la police prévenue ne parvienne à établir l'escroquerie.

Escroquerie à l'annonce.

Exemple : « Travail facile à faire chez soi, sans connaissances spéciales. » Si une  personne prend au sérieux cette annonce qu'elle trouve à la 4e page d'un journal et si elle demande des renseignements, on lui réclame une certaine somme sous un prétexte quelconque, pour la mettre au courant, pour lui fournir le matériel nécessaire.

Autre exemple : « Escroquerie au cautionnement. »
« Place de caissier, 200 francs par mois, références sérieuses exigées ». Le but de l'auteur de cette annonce ,qui n'a nullement besoin d'un caissier, est de se faire verser r le cautionnement qui ne sera jamais remboursé.

Escroquerie à la trouvaille.

Le malfaiteur simule une trouvaille en présence de la personne qu'il désire duper, et lui propose de lui vendre, à un prix qu’il dit très avantageux, un bijou sans valeur, montre, bague ou bracelet.
Quelquefois, un complice vient affirmer que le bijou trouvé a un grand prix et en offre lui-même une somme importante.

Vol à l’américaine.

Les voleurs à l’américaine de profession se tiennent à l'affût aux abords des grandes, rues,où arrivent les étrangers qui se disposent à rentrer dans leur pays natal, pour s'y établir avec leurs économies gagnées à force de travail et de privations.Les victimes sont en général, des gens ignorants, des manœuvres, des paysans, satisfaits de revenir après bien des années d'absence.
Quand la victime débarque du bateau ou descend de chemin de fer, elle voit s’avancer , selon sa nationalité, un Italien, un Anglais, un Allemand ou un Français, qui se charge de gagner sa confiance. Il se présente comme un compatriote.
Le principe de vol est la confiance ; tout repose sur elle. Il faut que le guide qui s'offre au voyageur ne néglige rien pour l'obtenir. Il se fait ordinairement passer pour un homme riche, bienfaisant, désireux de le protéger ; il lui parle dans sa langue nationale du pays du village, de la famille, et l’émeut en faisant vibrer les cordes sensibles que lui ont fait connaître ses complices d’outre-mer.
La future victime, contente de rencontrer une providence inespérée est convaincue par le langage, par la tenue, qu'elle a trouvé un compatriote, presque un frère, ou tout au moins un homme doué des meilleures qualités.
Pour justifier leur présence à Paris, dans les ports de mer, les voleurs qui ont, soi-disant, fait leur fortune dans le commerce, l'industrie, déclarent y être venus pour recueillir un héritage. Les inventaires sont longs et les formalités à remplir n’en finissent pas. C'est ainsi qu'ils endorment petit à petit leur homme..
A l'hôtel où il a été chaudement recommandé, ses dépenses sont payées, comme le sera le prix du dernier transport qui doit le ramener au milieu de ses parents.
La future victime, ensorcelée par tant de bons offices , commence à se laisser entraîner.
Le faux bienfaiteur en profite et pousse la sa sollicitude jusqu'à lui dire : « Prenez garde aux voleurs ; Paris en foisonne , on vous surveille, des malfaiteurs peuvent se jeter sur vous et prendre votre argent, vous n'en avez pas besoin, puisque je solde vos  dépenses et que je ne vous quitte pas. »
Ému, troublé par une variété de sentiments différents, les valeurs sortent enfin des mains de leurs légitimes propriétaires et passent doucement sans secousses,dans  celles de l’habile voleur. Celui-ci n'a plus qu’un mobile : terminer par la fuite ; c'est alors qu'il remet 20 francs à sa dupe, en la priant, pour gagner du temps, de choisir des cigares, de bons londrès noirs,secs,tachetés de blanc puis il monte dans la première voiture et disparaît.

Escroquerie à la guérison._ A la bonne « ferte ».

Habituellement pratiqué par des femmes nomades au  préjudice de paysans naïfs. Les procédés sont connus et varient à l’infini. La gitane réussit toujours à se faire remettre de l'argent, des bijoux etc. qu'elle enterre avec un autre objet quelconque et s’en va en recommandant de ne découvrir la cachette que deux ou trois jours après, promettant que le sort sera conjuré ou la guérison obtenue à l'expiration de ce délai. Lors de l’enfouissement qui se fait en présence de la victime, la gitane a réussi très adroitement substituer les valeurs.

Escroquer au jeu de hasard._ Bonneteau.

Le bonneteau se joue avec trois cartes, dont deux noires et une rouge,que le teneur change de place rapidement, en les passant de main en main.Il s'agit, pour le joueur, d’indiquer où se trouve la carte rouge. Le teneur amorce le joueur lui laissant voir la carte rouge,ou en faisant gagner des complices qu'il avertit pas un signe ou un cri convenu de la place occupée par la carte.


Calot ou biribi.

Ce jeu se compose d’une petite boule de liège et de trois quilles creusées. Le joueur doit deviner dans quelle quille le tenancier a mis la boule; or celui-ci l’escamote presque toujours de façon à empêcher le joueur de gagner ; et lorsque ce dernier retourne la quille choisie par lui, le tenancier retourne une des deux autres quilles en y faisant tomber la boule qu'il avait conservée dans la main.

La parfaite ou Martin Claude.

Ce jeu comprend une toile rectangulaire sur laquelle six figures sont dessinées et des dés. Le joueur gagne lorsqu’un dé tombe de façon à laisser paraitre celle des figures sur laquelle il a misé. Le tenancier s'assure le succès en pinçant le cornet flexible où se trouve le dé, de façon à le faire tomber sur la face qu'il désire.


La consolation.

La consolation est le même jeu que le précédent, mais les six figures sont remplacées par des numéros.

La ratière.

La ratière est une boîte où on  introduit trois boules creuses contenant chacune un papier colorié. Les trois papiers ne sont pas coloriés de la même façon et les trois couleurs des papiers se retrouvent sur trois carrés de couleurs différentes où le joueur dépose son enjeu..
Celui-ci gagne, lorsque la boule sortant contient la couleur qu'il a choisie. Le jeu est truqué , soit en mettant un double fond à la ratière, soit en construisant la trappe de la ratière de façon que, seule, une des boules , un peu plus petite que les deux autres, puisse passer.


"Les définitions qui précèdent sont génériques. Pour rester dans la note vraie , il est juste de dire que les procédés exposés dans leurs grandes lignes comportent de multiples variantes. D'ailleurs, il ne faut pas oublier que les procédés des voleurs ou escrocs évoluent sans cesse et vont se perfectionnant chaque jour. Néanmoins, et malgré tout, peut les ramener aux type définis plus haut."
 
Source:
Décret annoté
Décret du 20 mai 1903 sur l'Organisation et le Service de la gendarmerie
(mis à jour au 1 er avril 1922)
Paris
Charles-Lavauzelle et Cie
Editeurs militaires
124,Boulevard Saint-Germain
(Même maison à Limoges)
Art.203 ,extrait,pages 320 à 325
Collection personnelle


01 avril 2020

Délimitation de la frontière des Pyrénées

Délimitation de la frontière des Pyrénées_Enlèvement de bornes_

Mesures de surveillance


Pau,le 30 novembre 1863

Le Préfet à MM.les Sous-Préfets,Maires,Officiers de gendarmerie,Commissaires de police et Agents des services des forets,des Douanes,et des Ponts et Chaussées dans les Arrondissements de Bayonne,de Mauléon et d'Oloron

Messieurs,
Depuis l'année 1858,époque de la délimitation de la frontière de notre département,plusieurs bornes ont été enlevées ou détériorées,et j'ai du prendre les mesures nécessaires pour leur rétablissement  ou leur réparation.Ne pouvant attribuer qu'à la malveillance ces actes coupables,j'en ai fait rechercher les auteurs,afin qu'ils fussent punis selon la rigueur des lois,mais les investigations que j'ai prescrites n'ont pas amené de résultat.La non découverte des délinquants a tenu sans doute à ce que la surveillance n'était pas suffisamment exercée.J'ai résolu,d'après les instructions du Gouvernement,de la généraliser afin qu'elle soit à l'avenir plus efficace.
Aussitôt que l'enlèvement ou la détérioration d'une borne aura été constaté,le maire,l'officier ou l'agent qui aura fait cette constatation devra nous en donner avis et procéder immédiatement à des enquêtes à l'effet d'en découvrir les auteurs.Tous les fonctionnaires auxquels la présente circulaire est adressée voudront bien exercer dans leurs tournées une active surveillance sur la frontière et recueillir les renseignements de nature à faire connaitre les coupables.Ils m'adresseront ,soit directement ,soit par l'intermédiaire de leurs chefs de service,des rapports détaillés sur les faits qui se seront produits et sur les circonstances des enquêtes auxquelles ils auront procédé;je leur enverrai,selon qu'il y aura lieu,des instructions particulières.
MM.les maires n'omettront pas de rappeler à leurs administrés que l'article 456 du code pénal punit d'un emprisonnement d'un mois à un an,et d'une amende égale au quart des restitutions et des dommages-intérêts,quiconque a déplacé ou supprimé des bornes.Cette disposition serait rigoureusement appliquée.
En étendant leur vigilance sur la frontière et en se prêtant un mutuel appui,les fonctionnaires de tous ordres parviendront,je l'espère,à assurer la stabilité de l'abornement.Je vous serait reconnaissant des efforts que vous ferez pour obtenir ce résultat si désirable.
Recevez,Messieurs,l'assurance de ma considération très distinguée.

Le Préfet des Basses-Pyrénées,

G.D'AURIBEAU.
Source:
Recueil des actes administratifs des Basses-Pyrénées
Année 1863
Collection personnelle

29 mars 2020

Commerce de librairie populaire par voie de colportage

Colportage


Pau,le 12 octobre 1871

Le Préfet à MM.les Sous-Préfets,Maires et Commissaires de police du département


Messieurs,

Dans ces derniers temps,le commerce de la librairie populaire,répandue par voie de colportage,a donné lieu à des scandales qui ont été signalés à M.le Ministre de l'Intérieur par les agents de l'administration et par la presse honnête de tous les partis.L'ordre public et la morale pourraient être gravement atteints,si une liberté illimitée de circulation et de mise en vente était plus longtemps laissée à des écrits,brochures et dessins qui s'adressent particulièrement aux masses populaires,les trompent,les pervertissent et les égarent.
Afin d’arrêter ce mal et pour empêcher le retour d'abus si compromettants et si dangereux,M.le Ministre nous recommande de veiller avec le plus grand soin à l'application de la loi du 27-29 juillet 1849,en ce qui concerne les ouvrages destinés au colportage..
Aux termes de l'article 6 de cette loi,vous le savez,tous distributeurs ou colporteurs de livres,écrits,brochures,gravures et lithographies doivent être pourvus d'une autorisation délivrée,pour le département de la Seine,par le Préfet de police,et,pour les autres départements,par les Préfets.Ces autorisations peuvent toujours être retirées par les autorités qui les ont délivrées.
Je dois vous rappeler,Messieurs,que tous les écrits et dessins dont la distribution et le colportage ont été autorisés sont revêtus d'une estampille.
Les autorisations données par les Préfets ne sont valables que dans les départements pour lesquels elles ont été données.
Le timbre bleu,apposé à Paris par l'administration centrale,permet seul la circulation;par toute la France,de l'écrit,brochure ou dessin estampillé.
Ces prescriptions doivent être l'objet de notre attention la plus rigoureuse,à cette époque de l'année surtout,où le débit des Almanachs se fait dans des proportions considérables.L'Almanach est le livre populaire par excellence,dans les campagnes notamment;on le conserve ,on le consulte avec une foi crédule,et si ce livre est mauvais,il produit les effets les plus pernicieux.
Je ne doute point,Messieurs,que vous ne prêtiez le concours le plus actif pour atteindre le but que s'est proposé M.le Ministre;il s'agit ,non d'apporter des entraves au commerce de la librairie populaire,mais de ne pas tolérer le colportage d'opuscules et de dessins qui auraient un caractère nuisible.
Veuillez recevoir,Messieurs,l'assurance de ma considération très distinguée.

Le Préfet des Basses-Pyrénées.
NADAILLAC

20 mars 2020

Qu'est venu faire à Bayonne les 9 et 10 avril 1947 Jean-Marie Balestre détenu de la prison de Fresnes ?


Qu'est venu faire à Bayonne les 9 et 10 avril 1947 

Jean-Marie Balestre détenu de la prison de Fresnes ?


Au hasard d'une consultation en salle de lecture des Archives départementales du Val-de-Marne à Créteil,mon attention a été piquée par deux éléments d'une fiche nominative de la prison de Fresnes:
  • Jean-Marie Balestre,
  • Transfèrement provisoire à Bayonne entre le 8 et 11 avril 1947, 
Les vérifications en cascade effectuées aux Archives départementales à Bayonne et à Pau confirment  que le détenu Jean-Marie Balestre, est celui-là même qui deviendra plus tard le président de la Fédération International du Sport Automobile. 
L'affaire pour laquelle il a été brièvement transféré de Fresnes à Bayonne, concerne un ancien élève du lycée de Bayonne,domicilié à Biarritz,accusé d'atteinte à la sûreté extérieure de l’état.Le témoin Balestre et l'inculpé ont pour des motifs différents, pendant l'occupation allemande,porté l'uniforme de la Waffen SS.


Plan

Avertissement 
Archives du Val-de-Marne Établissement pénitentiaire de Fresnes 2742 W
AD 64 1338W Article 41 Maison d’arrêt de Bayonne


Jean-Marie Balestre
     Sécurité militaire de Bordeaux 22 aout 1945
     PV du 11 septembre 1945
     Déposition du 9 avril 1947

Dxxx
     Lettre de Rxxx Dxxx au juge
     Déclaration commune des anciens professeurs de Rxxx Dxxx, ex élève au lycée de Bayonne.
     Attestation
     Cour de justice des Basses-Pyrénées _Exposé des faits

Pour aller plus loin

Avertissement
Jean-Marie Balestre a fait l'objet d'un récent livre qui a pour titre "Son âme au diable – Jean-Marie Balestre 1940-1945”d'Olivier Pigoreau
Préface de Jean-Marc Berlière
Postface de Romain Slocombe

Editions Konfident,2020
68 rue de Bagnolet,75020 Paris
ISBN 978-2-956-98370-5


4 eme de couverture de l'ouvrage
La sulfureuse jeunesse du "pape" du sport automobile
"Jean-Marie Balestre fut sans doute le seul Français à porter l'uniforme des Waffen-SS et à se voir attribuer la carte de déporté interné de la Résistance. Déroutante jeunesse que celle de cet homme, engagé jusqu'au point le plus ultime de la collaboration, pour finir la guerre derrière les barbelés d'un camp de concentration.
Qui fut au juste, entre 1940 et 1945, celui qui, avec son ami Robert Hersant, allait bâtir le plus grand groupe de presse français et, seul, régner pendant près de 15 ans à la tête du sport automobile mondial ? Ce livre rouvre un dossier qui, des décennies après la guerre, défraya la chronique, donna lieu à un retentissant procès et causa quelque embarras à un très haut niveau de l'État.
Au-delà du cas Balestre, sont ici mises en lumière les ambiguïtés d'une époque propice à toutes les aventures et à tous les retournements, dans un Paris sous la botte allemande où, entre collabos patentés et résistants authentiques, évoluèrent d'insaisissables aventuriers.Si dans la longue nuit de l'Occupation,tous les chats évidemment,ne furent pas gris,le pelage de certains matous,assurément,prête à confusion."



L'identité de l'ancien élève du lycée de Bayonne ne sera pas publié par ce blog .Il est décédé le 22 octobre 2005, au Chili (Source:FILAE Fichier des décès INSEE). Dans ce billet,il sera désigné par les initiales Dxxx Rxxx.
Les pièces du dossier de la cour de justice des Basses-Pyrénées 30W Article 45 sont conservées à Pau.La communication est subordonnée est subordonnée au bon fonctionnement de l'ascenseur indispensable au magasinier des Archives départementales des Pyrénées-Atlantiques.


Archives du Val-de-Marne 

Établissement pénitentiaire de Fresnes

  2742 W


Note dactylographiée
COUR DE JUSTICE du département de la Seine
Paris,le 3 avril 1947
Le Commissaire du Gouvernement Monsieur le Directeur des prisons de FRESNES

J'ai l'honneur de vous faire connaître que je requiers ce jour, le transfèrement du nommé BALESTRE Jean-Marie, à BAYONNE..
Monsieur le Commissaire du gouvernement autorise le transfert provisoire de cet inculpé.
Après audition par Monsieur le juge d'instruction près la cour de justice de BAYONNE,ce détenu sera réintégré à vos prisons


Source:AD 94 _FRAD094_2742W_000161_01_0965jpg,consultation sur un poste informatique en salle de lecture des AD94 à Créteil.  

Fiche imprimée complétée à la main
Balestre Jean-Marie
N° d'écrou 6465
Date d'entrée:18/6/1945
Date et lieu de naissance:9/4/1921 Saint-Rémy-de-Provence (B du R)
Adresse:12 rue de Bretagne Paris 3e
Profession:Journaliste     Religion:(..)
Mandat de dépôt de M.Berry en date du 18/6/45
Pour:Atteinte à la Sûreté extérieure de l’État
Transfèrement provisoire à Bayonne autorisé par Commissaire du gouvernement
Ordonnance de mise en liberté de M.Perez en date du 6.547 (Main levée)
Libéré le 16.5.47

Transféré santé pour Bayonne le 8.4.47
Réintégré le 11.4.47
Source:AD 94 _FRAD094_2742W_000161_01_0964jpg,consultation sur un poste informatique en salle de lecture des AD94 à Créteil.

AD64 Pôle d'archives de Bayonne et du Pays basque

1338W Article 41 Maison d’arrêt de Bayonne

Balestre Jean-Marie
Numéro d'écrou 183
Ce jourd'hui 9 4 47
s'est présenté au greffe de la maison d’arrêt de Bayonne le sieur Bernard gendarme à la résidence de Paris-Minimes porteur d'un ordre délivré par témoin pour affaire Dxxxx
sous la date du
en vertu duquel il m'a été fait la remise de la personne du nommé Balestre Jean 

AD 64 _Pôle d'archives de Bayonne et du Pays basque _1338 W article 41 Maison d’Arrêt de Bayonne_Registre d'écrou


Arrivée à la maison d’Arrêt de Bayonne le 9 avril 1947 10h
Transféré à Fresnes par gendarmerie Bayonne  le 10 avril 1947 à 17h30


Jean-Marie Balestre


Sécurité Militaire à Bordeaux


Bordeaux le 22 aout 1945
SECRET COPIE 
RENSEIGNEMENT

(...)
II RENSEIGNEMENTS PROPREMENT DITS
Source:BALESTRE Jean-Marie
né le 9-4-1921 à ST-REMY-de-PROVENCE (B du R)
demeurant 12,rue de Bretagne à Paris
(...)
BALESTRE signale que Dxxx a dénoncé 5 français à la Gestapo.
D'autre part,Dxxx figure sur une liste de personnes titulaires d'une "carte provisoire d'adhérents"à la Légion Tricolore,les amis de la Légion.Ces cartes ne sont ni signées de l'adhérent  ni du délégué  de la Légion
(...)
Le Lt-Colonel OLLÉ-LAPRUNE
Chef de la S.S.M  


Procès-Verbal

L'an mil neuf cent quarante-cinq le onze septembre

Ministère de l'Intérieur
Direction Générale de la Sureté Nationale
N°22.639
2526/94/1
SECRET

Nous BOUTTIER
Inspecteur de police judiciaire 1 ere Brigade Régionale à Paris en résidence à Paris 42 rue de Bassano
(...)
Vu les instructions de Monsieur le Commissaire Divisionnaire  Chef du Service Régional  de Police Judiciaire à Paris
Vu la transmission n°8411 du 29 aout 1945 émanant de la 7 eme Brigade de Police Judiciaire à Bordeaux d'une notice de renseignements n°5432/SSM du 22 aout 1945 du Colonel Chef de la Sécurité Militaire à Bordeaux,concernant le nommé Dxxx Rxxx Pierre demeurant rue du Maréchal à Biarritz
Nous transportons à la prison de Fresnes et entendons Mr Balestre Jean-Marie lequel sur interpellations successives,nous déclare:

Je me nomme Balestre Jean-Marie né le 9 avril 1921 à Saint-Rémy-de-Provence (B.d.R) de Joseph et de Joséphine Bayol.Je suis célibataire.Je suis sans condamnation. J'habite à Paris, 12, Rue de Bretagne. Je suis actuellement détenu à la prison de Fresnes pour intelligence avec l’ennemi, à la disposition de Mr le juge Berry. 

J'ai connu Dxxx Rxxx Pxxx au bureau de recrutement de la Waffen SS à Paris rue du recteur Poincaré n° 24. J'appartenais à ce bureau ainsi que Dxxx.

J'étais en liaison avec quatre camarades :les nommés Jean-Pierre Chapuis, Charles Van Dyck, Philippe Merlin, et François Angers, avec le commandant Simon un des chefs du réseau de résistance Lille-Tourcoing, par l'intermédiaire du résistant « Roquetas » (nom de guerre). Je ne puis préciser l'adresse des quatre camarades précités.

En accord avec le commandant Simon, mes quatre camarades et moi-même avions projeté de faire sauter le bureau allemand auquel nous appartenions ainsi que le personnel allemand du dit bureau et de nous emparer de tous les documents qu'il renfermait.

Mon camarade Philippe Merlin a été assassiné à Cernay (Alsace) au camp d'instruction des SS français. D'autre part Charles Van Dyck tombant malade et fut hospitalisé, de sorte que nous étions en nombre insuffisant pour réaliser notre projet et que nous dûmes nous adjoindre un nouvel exécutant, r c'est alors que nous associâmes Dxxx.

C'est alors que quelque jour avant l'exécution, nous constatâmes, Chapuis et moi, que bureau était l’objet d’une surveillance active de la Gestapo.

Devant cet état de choses le jour de l'exécution fut remis à une date ultérieure sans que Dxxx, en qui nous n'avions qu’une confiance limitée parce que adjoint de fraiche date, en fut avisée.

Le matin du jour fixé pour l'exécution,24 mai 1944, Chapuis et moi fûmes arrêtés par la Gestapo.

Depuis un mois que Dxxx était initié à notre projet, nos faits et gestes, notre correspondance nos communications téléphoniques étaient contrôlées.

Trente arrestations furent opérées par la Gestapo dans la nuit qui suivit la nôtre, cinq furent maintenues et ceux qui en furent l'objet envoyés par la suite à Fresnes ainsi que dans divers camps de concentration. Exemple un nommé Moureau Jacques ,50 bd Murat à Paris.

Dxxx a participé en personne avec la Gestapo à quelques-unes de ces arrestations et perquisitions guidant les autres de ses renseignements et participant également, avec la police allemande à certains de nos interrogatoires, à Chapuis et à moi-même, nous avouant ouvertement qu'il appartenait au service de renseignements de la Milice qui l’avait placés auprès de nous pour nous surveiller, et qu'il travaillait couramment avec la Gestapo à laquelle il avait été présenté par une dame X… faisant partie de la Gestapo de Biarritz, dont il avait fait la connaissance au cours de son séjour dans cette ville.

D'autre part, Dxxx nous a déclaré textuellement au cours d’un de nos interrogatoires : « Vous êtes des salauds, je ne pouvais assister impassible à l'exécution de 40 personnes et c'était mon devoir de révéler cette affaire à la Gestapo. »

J'ajoute que Dxxx a pillé nos affaires personnelles à Chapuis et à moi-même.

Je mentionne que lors de notre séjour camp de concentration de Dantzig ,Dxxx a tenté, une fois de plus, de nous faire fusiller Chapuis et moi, en nous dénonçant comme juifs camouflés à l'officier justice du camp .

Il est indéniable que Dxxx est la cause indirecte de la mort de notre camarade Van Dyck et de sept déportations.

Je n’ai rien d’autre à ajouter.

Lecture faite, persiste et signe


Déposition de Jean-Marie Balestre

L'an mil neuf cent quarante-sept et le neuf avril .


Devant nous Roger Deleris Juge d’Instruction de l'arrondissement de Bayonne
assisté de Belluchon Commis Greffier.
Étant en notre cabinet
A comparu sur l’invitation qui lui a été faite, le témoin ci-après nommé, lequel après avoir prêté en nos mains le serment de dire la vérité, rien que la vérité, requis de ses noms, prénoms, âge, profession et demeure, s'il est domestique, parent ou allié de l'inculpé et à quel degré et instruit par nous des faits sur lesquels il est appelé à déposer, a fait la déclaration suivante :

Je me nomme Balestre Jean-Marie, 26 ans, journaliste, demeurant à Paris, 12, Rue de Bretagne, actuellement détenu en prévention à Fresnes, pour autre cause.

Demande :
dans votre déposition en date du 11 septembre 1945 dont je viens de vous donner lecture vous accusez Dxxx Rxxx

1° d'être à l'origine et d'avoir participé en personne avec la Gestapo à l'arrestation de plusieurs personnes par les Allemands notamment de Chapuis Jean-Pierre, Van Dyck Charles, Merlin Philippe, Angers François et de vous-même

2° d'avoir participé avec la police allemande à votre interrogatoire et à celui de Chapuis

3° avoir avoué au cours de ces interrogatoires appartenir au service de renseignement de la milice et de travailler couramment avec la Gestapo

4°avoir tenu les propos suivants vis-à-vis de vous et de Chapuis : « Vous êtes des salauds, je ne pouvais assister impassible à l'exécution de 40 personnes et c'était mon devoir de révéler l'affaire à la Gestapo »

5°d'avoir pillé vos affaires personnelles ainsi que celles de Chapuis

6°d'avoir tenté lors de votre séjour camp de concentration de Dantzig de faire fusiller Chapuis et vous en vous dénonçant comme juifs camouflés à l'officier de police du camp

7°être la cause indirecte de la mort de Van Dyck Dick et de sept déportations

Dans votre déposition en date du 7 mars vous êtes moins affirmatif et vous dîtes notamment en parlant de Dxxx « je suppose que Dxxx nous a dénoncés… » plus loin vous dites « je ne puis accuser formellement Dxxx d'être le responsable de la mort de Van Dyck »

Quel est exactement la vérité ?

Réponse :
A mon retour d'Allemagne du camp de concentration de Dachau, au début du mois de mai 1945 j'ai cherché à reprendre contact avec le commandant Simon. J'ai vu le commandant Simon qui estimant que l'on devait éclaircir l'issue de l'affaire de la rue du recteur Poincaré, me mit en liaison  avec le capitaine Bertrand et le commandant de l'O.R.C.G.(office de recherche de criminels de guerre).M. Manthou, 48 rue de Villejust Paris .J'ai dû fournir des explications sur les raisons de notre échec et des arrestations auxquelles procéda la police allemande. Le plus simple selon le désir du commandant Manthou était de procéder à l'arrestation de tous les suspects ayant participé de près ou de loin à cette affaire. J’ai fourni des renseignements nécessaires à l'arrestation de Dxxx et formulée contre lui plusieurs accusations uniquement en fonction des éléments d'information que je possédais à cette date. Mais depuis deux ans que nous sommes entrés en France, de nouveaux éléments sont intervenus dans ces affaires, ce sont les suivantes :

1° alors que nous croyions avoir été arrêtés et surveillés depuis un mois par la Gestapo à l'instigation de Dxxx et d’un autre français, l'éveil fut donné aux Allemands d’une autre manière. Au mois de janvier 1944 au cours d'un attentat contre la librairie allemande sise à côté du lycée Lafontaine Paris (16) Moureaux fut arrêté par la Feldgendarmerie. Il était porteur de laissers-passer allemands et de papiers de camouflage que je lui avais procuré grâce au poste que j'occupais au service de la rue du recteur Poincaré. Après bien des démarches c’est sur mon intervention auprès du commandant allemand de ce service que Moureaux fût relâché. Cette affaire n'ayant pas eu de suites et nous-mêmes n'ayant rien remarqué d'anormal nous la pensions étouffée, mais il n'en était rien. D'après les propres déclarations de Moureaux après qu'il fût revenu de déportation, j'ai appris que lors des violents interrogatoires qu'il avait subis par la Gestapo mai 1944, le sous-officier allemand qui l’interrogeait lui avait déclaré qu'il était au courant de notre activité depuis l'affaire du lycée
Lafontaine.

2°j'ai appris également par Melle Masmonteil qui était serveuse au service allemand précité et qui au moment de notre arrestation rendit un immense service à nos camarades de réseau en leur transmettant un message devant leur permettre d'échapper à la police allemande, que peu après notre arrestation Dxxx a déclaré aux officiers allemands « si Balestre et Chapuis doivent être fusillés je demande à être fusillé avec eux ».

3° Robert Stéphanus qui fût arrêté en même temps que nous et qui faisait partie de notre groupe m'a déclaré qu'il fût prévenu par Dxxx de notre arrestation et de prendre le large. N'ayant pas revu Stéphanus à Fresnes, lors de notre commune arrestation et celui-ci s'étant évadé du convoi allemand en cours de transfert au camp de concentration, je n'ai pas eu connaissance de ce fait que lorsque j'ai retrouvé Stéphanus en 1946, je ne puis plus accuser Dxxx des mêmes faits parce que l'enchaînement n'est plus le mêmes certains éléments nouveaux sont plus affirmatifs que les anciens, mais je dois tout de même considérer les sept points sur lesquels vous m'avez demandé de m'expliquer :

1° je dois préciser que Merlin a été assassiné par les Allemands le 5 février 1944 au camp de Cernay en Alsace. François Angers a été arrêté après l'arrestation de Dxxx par les Allemands. Puisqu'il n'a pas été à l'origine de l'échec de la tentative de la rue du Docteur Poincaré, Dxxx ne peut pas être même indirectement responsable de la mort de Van Dick.

2° étant donné certaines déclarations de Chapuis sur lesquelles je m'expliquerai dans les points suivants : je m'étais forgé une opinion sur Dxxx, refusant a priori à accepter toutes ses explications et lui vouant une haine farouche Dxxx a effectivement assisté ainsi que d'autres membres du personnel, tant allemand que français du service à nos interrogatoires

3° cette déclaration aurait été faite par Dxxx à Chapuis

4°Dxxx a également fait cette déclaration à Chapuis. Je dirigeais en accord avec le commandant Simon l’opération qui devait avoir lieu contre le service allemand dont nous avons parlé, mais afin de ne pas me démasquer, je n'ai pas pris contact directement avec Dxxx pour l'associer à notre entreprise. J’avais chargé Chapuis de cette mission. Dxxx n’ayant été arrêté que quelques jours après nous ; l’ayant vu en liberté pendant que l’on nous interrogeait ;me fiant aux déclarations de Chapuis dont j’ai parlé et d’autre part à des confidences de Chapuis et de Stéphanus à la faveur de nos confrontations et de nos interrogatoires rue des Saussaies et selon quoi deux français avaient assisté les allemands dans leur besogne j’ai été naturellement enclin à imputer une part de responsabilité à Dxxx. Sauf, comme il avait été convenu avec les officiers de la D.G.E.R. dont j’ai cité les noms au début de ma déposition, à éclaircir chaque point dans cette affaire par la suite.

Sur le 6 eme point : Reste le conflit qui nous oppose Chapuis et moi à Dxxx au camp de concentration de Dantzig : je rétracte purement et simplement mon accusation.

(…)
En résumé je n’avais de soupçons contre Dxxx que par ce que m’en avait dit Chapuis.
2°Parce que je l’avais vu dans le bureau où j’ai été interrogé
3°parce qu’enfin il a été arrêté quelques jours après moi

En conclusion ma conviction intime aujourd'hui est que Dxxx n’est pour rien dans les arrestations et les déportations des personnes que j'ai désignées dans mes dépositions antérieures.

Lecture faite persiste et signe

Jean Balestre

Archives départementales des Pyrénées-Atlantiques Site de Pau 30 W Article 45













Nous introduisons l’inculpé Dxxx Rxxxen en présence de son conseil Me Guillard et lui donnons connaissance de la déposition ci-dessus.

Réponse :

Je prends note de la conclusion du témoin qui exprime sa conviction que je suis étranger à toute arrestation et déportation.

Lecture faite persiste et signe.

Rxxx Dxxx

Lettre de Rxxx Dxxx au juge


Bayonne le 11 avril 1947
Monsieur le juge,
J’’ai l’honneur de solliciter de votre bienveillance ma mise en liberté provisoire.
J’ai été arrêté par les Allemands le 17 juin 1944 et incarcéré à Fresnes. J’ai quitté cette prison par le dernier train de déporté le 17 août 1944 est amené et emmené en Allemagne. Là, j’ai subi la vie effrayante des camps de concentration, d’abord à Dantzig , puis à Buchenwald (où je fus hospitalisé, à la suite de sous-alimentations et de maladie érésipèle) enfin à Hersbruch-Dachau . En avril 1945, je fus, grâce à l’avance de la 7e armée américaine, m’évader. Je fus arrêté un mois après par la gendarmerie française en raison de mon engagement à la Waffen-SS. Depuis je suis en prison.
Me voici donc détenu depuis trois ans. Deux ordres de faits me furent reprochés. Mon engagement à la Waffen SS et de prétendues dénonciations.
En ce qui concerne les dénonciations que le sieur Balestre avait un moment mis à ma charge, il n’en reste plus rien. Ce que je n’ai cessé d’affirmer de la façon la plus catégorique est maintenant bien établi : en aucune manière je n’ai provoqué l’arrestation de quiconque.
Pour ma part je renonce à l’audition de tous autres témoins considérant que la preuve de mon innocence sur ce point est nettement établie.
En ce qui concerne mon engagement à la Waffen-SS, je l’ai souscrit à l’âge de 21 ans pour des raisons dont je mesure aujourd’hui toute la naïveté. J’ai également subi l’influence de la propagande de l’époque, pour une part.
Dès que je me suis trouvé en contact direct avec les Allemands je me suis rendu compte de l’étendue de mon erreur. J’ai réagi avec une certaine violence. J’ai dit aux Allemands ce que je pensais de leurs méthodes et de leur façon de procéder vis-à-vis des jeunes de ma catégorie. Tant et si bien que je fus arrêté par eux et envoyé à Fresnes. Et dans les bagnes nazis je pus apprécier encore ma folie.
Aujourd’hui j’ai le sentiment d’avoir payé cette regrettable folie de jeunesse. Après trois ans de déportation et de prison.
Tout particulièrement si vous devez faire procéder à des vérifications complémentaires et attendre le retour de commissions rogatoires en cours, je vous demande de bien vouloir faire droit à la présente demande de mise en liberté.
Je prends l’engagement de résider à mon domicile chez mon père, avenue Reine Victoria à Biarritz et de répondre à toute convocation de justice.
Veuillez agréer Monsieur le juge mes respectueuses salutations.
signé Rxxx Dxxx
Ci-joint une déclaration de mes anciens professeurs du lycée de Bayonne.

Déclaration commune des anciens professeurs de Rxxx Dxxx, ex élève au lycée de Bayonne.


Les professeurs au lycée de Bayonne, soussigné, considérant qu’il est de leur devoir d’apporter leur témoignage sur la figure morale de Rxxx Dxxx, tel qu’ils l’ont connu au lycée, tiennent à déclarer, sur l’honneur, ce qui suit :

Rxxx Dxxx a été leur élève pendant plusieurs années avant la guerre. Il a toujours été pour ses camarades un modèle, à la fois de travail et de tenue. Travaillant assez pour passer le baccalauréat sans difficulté, il trouvait le temps de consacrer des loisirs aux sports * et à la peinture, où il se montrait également très doué. Nous pouvons dire, sans exagération, que pendant ses années scolaires il a fait honneur au lycée. À ces qualités s’ajoutait l’amour du risque et de l’aventure. Souvent il nous fit part de ses projets : il voulait voyager, aller aux colonies. Amour du risque, attrait de l’aventure, désintéressement, se joignant à des qualités intellectuelles peu communes, tels ont été selon nous les traits de sa personnalité.

Nous tenons à ajouter que cette déclaration est faite spontanément par nous ; que parmi les quelques anciens élèves du lycée inculpés de collaboration, il est le seul qui puisse produire un témoignage de ses anciens maîtres ; et que les signatures ci-dessous représentent les noms de tous ses professeurs actuellement fonction à Bayonne. Nous n’avons pas cru devoir écrire à ceux qui ont quitté le lycée, mais nous sommes certains que leur témoignage aurait été semblable au nôtre.


Monsieur Lombard, proviseur du lycée de Bayonne en 1939 a bien voulu s’associer de tout cœur à notre déclaration.


A Bayonne, le 7 novembre 1945.


Monsieur Lombard, proviseur du lycée

Monsieur Bourricaud, professeur agrégé au lycée

Monsieur Marquèze, professeur agrégé au lycée

Monsieur Massé, professeur de dessin, degré supérieur

Monsieur Parpaillon, professeur titulaire au lycée

Complément du blog:
*Dxxx aurait été adhérent au club les OURS BLANCS de Biarritz et titulaire d'un brevet de nageur -sauveteur _La Gazette de Biarritz octobre 1942

Attestation

Je soussigné ,SURJUS Jean,syndic des gens de mer ,Principal Hors Classe (Agent assermenté) en fonction à Bayonne (Basses-Pyrénées),certifie que:
M.Dxxx  Rxxx,né le 19 mai 1921 ,m'a demandé avec insistance ,quelques jours après l'armistice du 17 juin 1940,que j'intervienne auprès des capitaines de navires de guerre,repliés à Bayonne durant l'exode,afin de relier l'Afrique  du Nord ou l'Angleterre et éviter ainsi l'occupation allemande.
Pour des raisons graves,il ne fut pas possible de donner satisfaction à ce jeune homme qui appartenait à un groupe de trois étudiants ayant les mêmes intentions.
Bayonne le 4 juin 1946.
Signé SURJUS 

Cour de justice des Basses Pyrénées

Exposé des faits


Le Commissaire du Gouvernement près la Cour de justice des Basses-Pyrénées ;

Vu les pièces de la procédure suivie contre le nommé Dxxx Rxxx, 26 ans, représentant de commerce à Biarritz, accusé de trahison et d'atteintes à la sûreté extérieure de l'État

                                                                         détenu

Attendu qu'il résulte de l’infraction les faits suivants :

Le sept juin 1945 l’accusé Dxxx fut appréhendé par la gendarmerie à Ahum (Creuse) ;il reconnut s'être engagé en octobre 1943aux Waffen-S.S.à Paris et avoir été affecté comme dessinateur à l’Erzatz-Kommando de cette ville.

Au cours de l'information judiciaire, Dxxx renouvelle ses aveux et prétendit n'avoir, en réalité, jamais porté les armes contre la France ou ses alliés. La preuve contraire n'a pas pu être apportée, cependant au dossier figure une fiche allemande d'incorporation aux Waffen-S.S. en date du 21 août 1943 et le magistrat instructeur a constaté que l'accusé était tatoué sous le bras gauche avec la lettre « A ».

Dxxx a prétendu s'être engagé après avoir eu une déception sentimentale, cependant les renseignements fournis par la police de Biarritz et par le nommé Pxxx, accusé d'intelligences avec l’ennemi , dans une note écrite de sa main et dont l’original a été versé au dossier, représentent l'accusé comme un fanatique de la collaboration et comme ayant des rapports étroits avec la Gestapo et avec les milieux collaborationnistes. Pxxx s'est rétracté devant le magistrat instructeur.

Par ailleurs, le nommé Balestre a accusé Dxxx d'être à l'origine de la déportation et de la mort de plusieurs jeunes Français qui avaient pratiqué un attentat à la bombe contre un établissement occupé par l'armée allemande à Paris, rue Poincaré. Au cours de l’information judiciaire, Balestre détenu pour intelligences avec l’ennemi, est revenu sur ses déclarations et le nommé Bxxx, condamné à quinze années de travaux forcés pour atteintes à la sureté de l’État, à corroboré les dires de. Balestre. Dxxx a nié toute participation à cette affaire et toute relation avec la Gestapo dans à Paris qu’à Biarritz ; ce fait n'a pu être établi.

Dxxx n'a jamais été condamné, il aurait été arrêté par les Allemands en juin 1944.

Attendu, en conséquence, qu’il ne résulte pas de charges suffisantes, en l'état, contre le nommé Dxxx Rxxx d'avoir sur le territoire national en 1940, 1941,1942,1943 et 1944, étant français et en temps de guerre ;

1° entretenu des intelligences avec une puissance étrangère ou avec des agents en vue de favoriser les entreprises de cette puissance contre la France ;

2° porté les armes contre la France ;

3° par des actes non approuvés par le gouvernement exposé les Français à subir des représailles ;

Faits ayant révélé son intention de favoriser les entreprises de toute nature de l’ennemi
crimes prévus et punis par les articles 75 et 79 du code pénal ,I et suivants de l'ordonnance du 28 novembre 1944

Décide le classement de la procédure en l'état de ses chefs ;

Mais attendu qu'il résulte par contre, contre le susnommé charges suffisantes d'avoir dans les mêmes circonstances de temps et de lieu ;

1° étant français en temps de guerre, entretenu sans autorisation du Gouvernement une correspondance ou des relations avec des sujets ou les agents d’une puissance ennemie ;

2° en temps de guerre, sciemment accompli tout autres actes de nature à nuire à la défense nationale

Faits ayant révélé son intention de favoriser les entreprises de toute nature de l'ennemi

crime et délit connexe prévus et punis avec les articles 79 paragraphe 4 et 83 du Code pénal,I et suivants de l’ordonnance du 28 novembre 1944

Décide le renvoi du susnommé devant la Cour de justice des Basses-Pyrénées pour y être jugé conformément à la loi

Fait à Pau le 2 mai 1947

Le commissaire du gouvernement

Pour aller plus loin

Les soldats du Führer,un article signé Jean Balestre 
publié dans le numéro 2 de DEVENIR édition de mars 1944


Service historique de la Défense,Vincennes (Val-de-Marne)
Titres,homologations et services pour faits de résistance


Cote : SHD Château de Vincennes GR 16 P 29135_ sous réserve de communicabilité de l'ensemble des pièces du dossier