16 octobre 2021

Octobre 1916,détournements à la bibliothèque de Bayonne.

Des archives de la bibliothèque de Bayonne ont été indûment  proposées à la vente en 1916. L’issue de cette affaire n’est pas connue, du moins dans le fonds conservé au Pôle d’Archives de Bayonne et du Pays basque sous la cote E Dépôt Bayonne 2 R art3-1.L'analyse de ce fait divers,permet de mettre en évidence,un défaut de surveillance dans le débarras d'un sous-sol d'un établissement d'archives.

 

Copie de la  lettre que  Monsieur Hérelle vice-président de la Commission d’achat et d’Inspection de la Bibliothèque de Bayonne .

10 octobre 1916.

Mr le Maire

En ma qualité de vice-président du comité de la Bibliothèque municipale de Bayonne, j'ai l'honneur de vous signaler des faits graves qui ont été portés aujourd'hui à la connaissance du comité.

il a été démontré en séance, tant par la production de preuves matérielles que par les explications, d'ailleurs très insuffisantes de l'employé qui fait actuellement fonction de bibliothécaire :

1°Qu’un lot important de documents manuscrits, de papiers divers et de livres, _ quelqu'un a dit « une pleine charrette » _est sorti de la bibliothèque sans autorisation de personne ;

2° Que dans le nombre se trouvaient : un registre judiciaire intitulé Plumitif criminel, pour les années 1781-1785 ; un bel exemplaire huit fascicules in-folio de la Gazette nationale ou le Moniteur universel pour les années 1793-1794 ; une brochure m-8° , pièce de théâtre ornée de fines gravures qui portaient sur le titre et sur les gravures le timbre de la bibliothèque ;

3° Que les trois articles énumérés ci-dessus ont été mis en vente par Porché, relieur- bouquiniste, qui sans doute les avait acquis avec une entière bonne foi puisque c’est lui-même qui en a spontanément fait connaître la provenance à Mr. le docteur Croste membre du comité. Porché demandait 15 francs du premier article, 50 du second, et 3 du troisième. Mr le Docteur Croste a acheté le 3e pour servir au besoin de pièce à conviction

Le comité, chargé de la surveillance de la bibliothèque, estime qu’il est de son devoir de ne rien négliger pour tirer au clair une affaire donc il entend bien ne pas assumer la complicité par son inaction. C'est pourquoi il vous prie, Monsieur le Maire de vouloir bien demander d'avance à Mr. le Ministre l'envoi d’un inspecteur général des bibliothèques qui aurait pour mission de procéder à une enquête administrative sur les faits mentionnés plus haut. De l'avis du Comité, les points principaux sur lequel pourrait porter cette enquête, seraient les suivants :

1°A quelles dates ont été faites les ventes illicites dont l'une au moins paraît être toute récente ?

2° Par qui ces ventes ont-elles été faites ?

3° Quelles personnes ont transporté hors de la bibliothèque les livres et papiers

4° Chez qui ces livres et ces papiers ont-ils été transportés ?

5°Quels ont été les prix de vente ?

6° Entre les mains de qui sont restées les sommes payées ?

Je n'ai pas besoin de vous faire remarquer, M. le Maire que la sixième question a un intérêt majeur au point de vue des finances municipales, même dans l'hypothèse où les sommes payées auraient été minimes. Il est tout à fait inadmissible qu'un employé quelconque s'arroge le droit d'aliéner quoi que ce soit des propriétés de la ville_ et à plus forte raison des propriétés de l’état, comme je crois que c'est le cas pour le Plumitif criminel sans avoir été régulièrement autorisé à le faire ; et il est moins  s admissible encore qu'il garde par devers lui le prix de la chose aliénée. Or, pour la vente illicite sur laquelle j'appelle en ce moment votre attention.

(…)

Lorsque l’enquête administrative aura élucidé les obscurités dans cette fâcheuse affaire, il deviendra possible d’apprécier si l’auteur des ventes illicites a simplement agi par ignorance et par incurie, ou s’il y a lieu de faire peser sur lui des responsabilités plus lourdes.

 

Les explications du relieur-bouquiniste

Bayonne le 13 octobre 1916 

Frédéric Porché
Relieur-Doreur
21 rue Bourg-Neuf

à

Monsieur Herrelle ,Président du comité de la bibliothèque

Monsieur,

Comme suite à notre conversation de ce jour je tiens à vous manifester ce qui suit :

Je suis disposé à remettre à la Bibliothèque municipale, les 9 volumes de la Gazette Nationale et la plaquette traitant d'un sujet criminel, moyennant bien entendu une juste indemnité.

Ces volumes sont actuellement ma propriété de façon incontestable. Ils ont  été achetés par moi, sans que je me sois douté, il est vrai de leur intérêt ,avec une forte quantité de vieux papiers qui se trouvaient dans les sous-sols de la bibliothèque dont le débarras me fut confié.

J'ai employé trois jours à exécuter ce travail et n’ai naturellement emporté les ouvrages cités que pour les avoir trouvés mêlés avec d'autres brochures et publications de toutes sortes.

D'après ce qui précède il reste donc établi que :

1°Les 9 volumes et la plaquette sont entièrement ma propriété, ayant été achetés par moi dans les conditions énumérées, au concierge de la bibliothèque, qui me dit avoir reçu les ordres en conséquence. Ces ouvrages furent payés au comptant, comme d'ailleurs tout le reste du lot que je retirai des sous-sols

2° Je suis disposé à restituer les volumes comme il est dit plus haut, moyennant une indemnité qui me paraîtra satisfaisante.

En ce moment je n'ai que 8 volumes en mes mains. Le neuvième et la plaquette ont été présentés à la commission, et ne sont pas encore rentrés en ma possession.

Veuillez agréer, Monsieur mes salutations distinguées.....

Complément du blog

Georges Hérélle,ancien professeur de philosophie au lycée de Bayonne,traducteur de Gabriele d'Annunzio et de Blasco Ibanez.
Plaque commémorative 23, rue Vieille-Boucherie,Bayonne.

 

Remerciements à Nathalie Rebena,archiviste à l'annexe de Bayonne des Archives départementales des Pyrénées-Atlantiques.

A lire ou relire sur le blog,une publication du  26 janvier 2019
Un voleur d'archives publiques au tribunal de Bayonne