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20 octobre 2023

Marie Germaine DIRIBERRY épouse DE BLASÜS résistante bayonnaise

 

Résumé du dossier Titre, homologation et services pour faits de résistance

Service Historique de la Défense Vincennes GR 16 P 186414

Diriberry Marie Germaine


Ouvrière papetière à l’imprimerie « La Rénovatrice » 4,8 quai Chaho à Bayonne,de juin 1940 à octobre 1942

Date d’entrée dans un mouvement de résistance :juillet 1941

Pseudo :Jeannete Pioc

Adhésion au Front National donnée à Vasquez (pseudo Victor)

Francs-Tireurs et Partisans Français ,secteur de Bayonne du 01/10/1942 au 12/10/1942

Nommée le 01/10/1941 à Bayonne aux fonctions de chef du réseau féminin

Propagande et recrutement féminin,formation d’un réseau féminin,dépôts nécessaires à pansements,recherche de « planques » pour les blessés et recherchés par la Gestapo

 

Arrêtée à son domicile le 12 octobre 1942,3 Rempart Lachepaillet Bayonne

Bayonne poste de police 2 jours

Police spéciale de Bordeaux (Brigade Poinsot), Interrogée 1 fois à genoux sur une règle,au nerf de bœuf,

Enfermée au Fort du (33)quartier Allemand du 14 octobre 1942 au 5 avril 1943

Fort de Romainville (93) jusqu’à fin août 1943

Départ pour Ravensbruck, bloc 13 en quarantaine jusqu’au début octobre 1943,

Départ pour Neubrandenburg matricule 22340 bloc 3,travail forcé à l’usine de cette ville,tous les soirs retour au camp.

« Le 27 avril 1945 au soir nous quittons le camp en colonne d’évacuation,évadée la même nuit »

« Libérées par les Russes nous avons vécu (21 français) dans le petit village de Klein-Plasters 3 semaines »

« Repris la route jusqu’à rejoindre les américains à Wismar »

« Arrivée à Lille le 29 mai.C’est le centre d’accueil de cette ville qui m’a délivré une carte de rapatrié N° 1816961 »

Pour aller plus loin

Diriberry Marie Germaine  
née à Anglet le 18 avril 1905
Décédée à Bayonne le 11 juillet 1993
Mariée le 9 septembre 1930 à Saint-Brice-sous- Forêt (95)avec De Blasiis Émile Marcel
Jugement de divorce du Tribunal de la Seine du 26 janvier 1950
Remariée à Bayonne

De Blasiis Émile Marcel fils d'Ana Mahé laquelle était mariée à Miremont Pierre Georges, typographe,syndicaliste,directeur de l'Imprimerie La Rénovatrice

A lire sur le  Maitron en ligne, la notice biographique d'Anna Rose,Marie ,Mahé ,
https://maitron.fr/spip.php?article154632, notice MAHÉ Anna, Rose, Marie [Dictionnaire des anarchistes] par Guillaume Davranche, Dominique Petit, Anne Steiner, Michel Chevance, version mise en ligne le 25 mars 2014, dernière modification le 26 décembre 2019
 

 
 

 
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01 mai 2023

20 mai 1947,arrestation à Hendaye plage de Pierre Marchat, ancien magistrat compromis avec Joseph Joanovici

L’ancien magistrat ,Pierre Marchat, a été arrêté le 20 mai 1947 à l’hôtel Régina,situé près du casino à Hendaye plage.Pendant la drôle de guerre,il fut chargé d’instruire diverses affaires touchant des  pacifistes, syndicalistes, communistes dont Pierre Semard, saboteurs, poursuivis par le 3e tribunal militaire de la Seine. Après la guerre,il a entendu  dans son cabinet ou à la prison de Fresnes (94), plusieurs personnalités et hauts fonctionnaires du régime de Vichy.

L’affaire Marchat a soulevé  des questions sur la nature des liens financiers et amicaux de l’ancien conseiller à la cour d’appel de Paris avec Joseph Joanovici. Monsieur Joseph a été une figure de la collaboration et de la résistance.Ce trafiquant,analphabète,retors,a noué d’utiles relations avec les autorités allemandes,les truands de la « Gestapo française de la rue  Lauriston » , et enfin les policiers résistants  de la Préfecture de police de Paris.

Sommaire 

I_Sélection d’articles de presse

1_L’Humanité 27 mars 1947 Le juge d’instruction Marchat -ami de Joanovici- est celui qui fit arrêter Pierre Semard,Léon Frot, et René Le Gall

2_L’Humanité 21 mai 1947 Arrestation à Hendaye du conseiller Marchat

3_Le Courrier de Bayonne 21 mai 1947 L’ex-conseiller Marchat est arrété à Hendaye

4_L’Aurore 21 mai 1947 Et si Joinovici s’était réfugié chez Franco…L’ex-conseiller Marchat arrêté à la frontière espagnole.

5_L’Aube 21 mai 1947 Le conseiller Marchat accusé d’avoir reçu des fonds de Joinovici est arrêté à Hendaye

6_Ce Soir 22 mai 1947 Il a touché 800.000 francs de Joinovici…Arrêté à Hendaye Marchat a dormi au fort du Hâ

7_Ce Soir 10 février 1948 Joinovici avait délivré à Marchat un certificat de « bonne vie et mœurs »

8_L’Aube 10 février 1948 Dette de reconnaissance

9_Combat 10 février 1948 L’ex-conseiller Marchat acquitté à Lyon

10_Paris-Presse L’Intransigeant 26 juin 1948 Joanovici va être entendu sur ses prêts au conseiller Marchat

11_L’Humanité 7 avril 1949 Scandaleux acquittement du juge Marchat

II_Quelques repères chronologiques concernant Pierre Marchat

III_Sources

 

1_L’Humanité

Jeudi 27 mars 1947

Page 2

Le juge d’instruction Marchat -ami de Joanovici- est celui qui fit arrêter Pierre Semard  (1),Léon Frot, et René Le Gall

Le conseiller Marchat,doyen des juges d’instruction et ami intime de Joanovici,est l’ancien capitaine Marchat qui,en 1939 et 1940 se spécialisa au 3e tribunal militaire de Paris dans la répression anticommuniste.

Le 20 octobre 1939 il ordonnait _en application des directives de Monzie,et en se faisant l’exécuteur du décret du munichois Daladier_ l’arrestation de six militants syndicalistes parmi lesquels Pierre Semard et Raymond Tournemaine.

Le 16 novembre 1939 les mandats d’amener du capitaine Marchat conduisaient en prison quelques militants de notre Parti.Parmi eux se trouvaient Léon Frot et René Le Gall,conseiller municipal de Paris et conseiller général de la Seine.

Pierre Semard était condamné le 6 avril 1940 à trois ans de prison par le 3 e tribunal militaire  de Paris,le même qui condamna ignoblement  les députés communistes.Et le 7 mars 1942,dans la prison d’Évreux,le dirigeant de la Fédération nationale des Cheminots,membre du Bureau Politique de notre Parti,affrontait en héros le peloton d’exécution hitlérien….

Condamnés, le 15 mai 1940,Léon Frot et René Le Gall étaient en 1942 assassinés par les nazis.

En 1940 le juge d’instruction Marchat était promu commandant.Son zèle anticommuniste et antinational était récompensé !

Amateur du double jeu Marchat devint l'ami intime de Joanovici qui s'y connaissait pour acheter des consciences.

C’est lui  qui devait exercer des pressions sur le juge Le Gentil (2) ,à Melun,pour que l’ami de Joanovici, l'inspecteur Piednoir,ne soit pas inquiété.

C’est lui encore qui introduisit ce dernier à Fresnes,lui permettant de communiquer avec Launay, le chef de la Gestapo de l'avenue Foch ,et d’assurer la liaison entre les assassins maintenus en prison et ceux qui complotent dehors ….

(…)

Comme Joanovici,le banquier de la Cagoule,et ses différents protecteurs,le conseiller Marchat doit rendre compte de sa criminelle activité .

Notes du blog

(1) L'arrestation de Pierre Semard résulte d'un mandat du juge Andruéjol (1889-1943) .Le dossier a ensuite été transféré à l'autorité militaire.L'instruction fut confiée à Pierre Marchat magistrat mobilisé au grade de capitaine.

(2) Louis Désiré Legentil juge chargé d'instruire l'assassinat de Robert Scaffa,jeune résistant abattu le 27 juillet 1944 à Ozoir-la-Ferrière (77) .Georges Robert Beau (1923-2002) et Lucien Albert Piednoir (1913-1997) membres du réseau de résistance "Honneur de la Police" de la préfecture de police de Paris sont impliqués dans cet assassinat .Le motif de l’exécution est obscur.:trahison relative aux armes cachées par les oblats du scolasticat de La Brosse-Montceaux (77) _24 juillet 1944_ou témoin gênant d'affaire(s) crapuleuse (s).
Robert Scaffa né le 26 août 1924 Paris 13° est le fils de Annibal Ricardo Scaffa,pâtissier confiseur,et de Rachel Eugénie Poirson.Par une ordonnance du 2 mai 1945 les biens du père ,interné au camp de Charenton (94) ont été placés sous séquestre.Source:Journal officiel 13 juin 1945.Page 3470.La mère mènera un long combat pour réhabiliter la mémoire de son fils assassiné.


 

L'Humanité _Mercredi 21 mai 1947

2_L’Humanité

Mercredi 21 mai 1947

Arrestation à Hendaye du conseiller MARCHAT

Bordeaux,20 mai.L’ancien conseiller de la Cour d'appel de Paris,Marchat, que le Conseil supérieur de la magistrature a récemment révoqué de son poste, a été arrêté à la frontière franco-espagnole. Transféré à Bordeaux, il a été écroué au fort du .

Marchat, grand ami du collaborateur multimillionnaire Joanovici pendant l'occupation s'était spécialisé pendant la drôle de guerre _ comme juge d'instruction_ dans la poursuite des militants communistes.

Bien entendu l'Espagne franquiste était pour lui un abri tout indiqué !

 

 

3_Le Courrier de Bayonne

Mercredi 21 mai 1947

Page 1

Source :Médiathèque de Bayonne,Le Courrier de Bayonne en ligne

 

L’ex-Conseiller Marchat est arrêté à Hendaye

Hendaye _après sa destitution par le Conseil d'État de la magistrature, l'ex-conseiller Marchat  dont on connaît le rôle dans l'affaire Joanovici  s'était installé à l'hôtel Régina à Hendaye où il venait villégiaturer ces dernières années.

C'est là que M.Morel, commissaire divisionnaire chef du service des renseignements généraux à la frontière d'Hendaye est venu lui signifier le mandat d'arrêt lancé contre lui par le juge d'instruction de Lyon, mandat qui avait été porté à Hendaye par un fonctionnaire de la Sûreté nationale (…)

 

4_L’Aurore

Mercredi 21 mai 1947 (Paris)

Page 1

 

Et si Joinovici s’était réfugié chez Franco…

L’ex-conseiller Marchat arrêté à la frontière espagnole.

Le conseiller de la Cour d'appel de Paris Marchat vient d’être arrêté par le commissaire Morel de la Sûreté nationale à la frontière franco-espagnole, puis transféré à Bordeaux.

On l’a ensuite écroué au fort du .

Ainsi,une fois de plus, l'un de ceux chargés de faire respecter en ce pays la loi et l'ordre, l'un de ceux chargés de recherche le crime et les criminels est à son tour frappé.

Après avoir été le 12 mai dernier, déchu de ses fonctions de magistrat par le Conseil supérieur de la magistrature présidé par M.Vincent Auriol ,le conseiller Marchat était précipitamment parti pour Hendaye.

Mais  la justice dont il venait d'être chassé ne l'oubliait pas.

En vertu de l’article 483 du Code d’instruction criminelle,un magistrat ne peut être poursuivi et jugé dans le ressort de la Cour où il exerçait précédemment.

Aussi,M.André Marie,Garde des Sceaux,soumit-il le dossier Marchat,au lendemain de la déchéance de celui-ci à l’examen de la Chambre des requêtes de la Cour de cassation.Celle-ci,sans juger sur le fond,estima qu’il y avait à l’égard de l’ex-conseiller,une présomption suffisante de trafic d’influence,délit prévu et réprimé par l’article 178 du Code pénal.

La Chambre des requêtes désigna alors pour procéder à l’information,le doyen des juges d’instruction de Lyon,M.Liquier,lequel délivra un mandat d’amener contre Marchat.

Forfaiture…

On se souvient des griefs imputés à Marchat :ils constituent tous des preuves évidentes de la collusion entre celui-ci et le bandit Joinovici.

Marchat,en effet,était scandaleusement intervenu auprès de son collègue,M.Legentil,juge d’instruction à Melun pour que celui-ci classât le dossier de l’assassinat de Scaffa  par le fameux Piednoir.Il était allé,muni d’un faux mandat,interroger à Fresnes,on n’a jamais su exactement sur quoi,le chef de la Gestapo de l’avenue Foch,Launay.

Il s’était fait avancer 100.000 fr (1)  par son ami Joinovici,avec qui il passait des soirées très parisiennes,pour prendre un appartement.Il avait reçu 380.000  francs (2) du général Barré (3),bras droit de Joinovici,pour faire éditer les romans policiers de sa jeune femme.

Bref,sur toute la ligne,il avait failli à sa charge,à son devoir,à son honneur.Il va maintenant s’en expliquer devant ceux qui étaient hier ses pairs ,et qui sont aujourd’hui ses juges.

Seulement,la présence de Marchat à Hendaye ne laisse pas de nous intriguer.Hendaye,c’est la frontière,c’est l’Espagne proche,c’est l’oubli.

Ou les amis.

Mais veut-on faire la lumière ?

Lesquels ?Et pourquoi pas Joinovici ?

Déchu,ruiné,déshonoré,Marchat ne voulait-il pas entrer en contact et rechercher l’appui de son ancien et très cher ami ?

La présence de Marchat sur les bords de la Bidassoa doit inciter la police à faire,de ce côté-là,quelques sérieux coups de sonde.

Mais le veut-on ?

Mais tient-on tellement à se saisir de celui qui peut,si on le prend et s’il parle,mettre « dans le bain »bien des gens en place,et pas des moindres…

(…)

Notes du blog

(1) 100.000 francs (1945) = 1 411 224 Euros 


(2)380 000 francs (1945) = 5 362 652 Euros

Source :https://www.insee.fr/fr_ Convertisseur franc-euro.

(3) Général  Barré,erreur orthographique sur le nom de famille du général. Pierre Eugène Baré né à Brest le 23 août 1877 décédé le 27 novembre 1947 à Paris 8 ° .

 

5_L’Aube

Mercredi 21 mai 1947 (Paris)

Page 1

 

Le conseiller Marchat accusé d’avoir reçu des fonds de Joinovici est arrêté à Hendaye

Il sera transféré à Lyon

L'ancien conseiller Marchat révoqué par décision du Conseil supérieur de la magistrature vient d'être arrêté à Hendaye à l'hôtel hôtel Régina où il était en villégiature.

Un commissaire divisionnaire est venu lui notifier le mandat d'arrêt lancé contre lui par un juge d'instruction de Lyon saisi par la Cour de cassation.

(…)

En attendant son transfert à Lyon, Marchat a été écroué à Bordeaux au fort du Hâ.

Le Conseil supérieur de la magistrature ne pouvait statuer que sur les fautes disciplinaires.Et, comme l’enquête officieuse établissait que Marchat avait au cours de ses relations avec Joinovici,reçu de celui-ci des sommes importantes, M.André Marie, garde des Sceaux, décida de soumettre le dossier à l'examen de la Cour de cassation.La Chambre des requêtes a ainsi estimé sans juger au fond, qu'il y avait présomption suffisante de trafic d'influence, délit prévu et réprimé par l'article 178 du code pénal.

 

6_Ce soir

Jeudi 22 mai 1947

Page 3

 

Il a touché 800.000 francs de Joinovici…

Arrêté à Hendaye Marchat a dormi au fort du Hâ

Il a été transféré à Lyon

(…)

Mme Marchat nous dit :

A deux pas  de la place Péreire au 6e étage d'un confortable immeuble de la rue Paul-Adam la sémillante Mme Marchat nous a reçu ce matin dans l'appartement coquet et de bon goût qu'elle occupe avec son mari depuis la Libération.

_Mais oui, nous , dit-elle, j'étais à Hendaye avec mon mari lorsqu'il fut arrêté.Nous nous y étions rendus mercredi dernier afin de passer là-bas dans le calme et là tranquillité les fêtes de la Pentecôte, à deux  pas de la frontière espagnole.L’endroit était mal choisi évidemment, mais fort de son innocence, mon mari ne pensait nullement que le choix de ce pays charmant où nous avions déjà passé d'excellentes vacances à plusieurs reprises pourrait faire naître une équivoque.

 

Arrêté à l’hôtel

_Votre mari n'en fut pas moins arrêté, je crois, à proximité du poste-frontière ?

_ « Pas du tout.Il pouvait être trois heures de l'après-midi, dimanche dernier et nous étions mon mari et moi, dans la chambre que nous occupions à l'hôtel Regina.Tout à coup, on frappe à la porte :Police !

Mon mari suivit les policiers,deux inspecteurs de la Sûreté de Paris au commissariat spécial.

Vers 17 heures,  je m'y rendis à mon tour et, à 18h30, un mandat d'amener arriva de Paris.

Le lendemain matin, j'ai retrouvé mon mari, entre deux policiers, sur le quai de la gare d'Hendaye. Nous voyageons ensemble jusqu'à Bordeaux et je revins seule sur Paris. »

 

Marchat-Joinovici

Comme nous lui demandions de nous préciser quelles avaient été les relations de son mari avec Joinovici,Mme Marchat nous a répondu :

_Vous savez que mon mari a été sauvé par Joinovici  sous l'occupation.Nous lui fumes présentés après la Libération  par Piednoir.Nous n'avions alors aucune raison de nous méfier d'un homme qui était reçu par le tout Paris et connaissait intimement des fonctionnaires et des personnalités haut placées.En tout cas, jusqu'à preuve du contraire, je tiens Joinovici pour un grand résistant et un  parfait honnête homme.

Nous avons été reçus chez lui à plusieurs reprises et il est venu ici assez souvent.

Avec lui et des amis, nous avons passé plusieurs soirées dans des boîtes de nuit,et en particulier au « Casanova ».

 

 

7_Ce Soir

Mardi 10 février 1948

Page 3

Joinovici avait délivré à Marchat un certificat de « bonne vie et mœurs »

Le tribunal lyonnais qui juge aujourd’hui l’ex-conseiller en aura-t-il connaissance ?

(De notre envoyé spécial Geo London)

Lyon,9 février (par téléphone)._La 5e chambre du tribunal correctionnel est une bien modeste enceinte pour servir de cadre à cette cause hors-série qu’est le procès de l’ex-conseiller à la Cour d’appel de Paris,Marchat.

L'intérêt spécial qu'attache les Lyonnais  à l'affaire Marchat provient d'un fait local qui à l'époque où il se produisit,éberlua  quelque peu la population et le monde judiciaire.

Deux autres  magistrats de la ville qui n'étaient autres que le procureur général Sennebier (1) et le procureur de la République Ducasse (2), avaient pris pendant l'occupation,une attitude si notoirement germanophile qu’à la libération  des poursuites furent décidées contre eux.

De même que Marchat, magistrat,ne saurait être jugé à Paris, on ne pouvait évidemment songer à  faire juger ici des magistrats lyonnais par leurs collègues de la veille et, en fait le Parquet de la Cour de justice de Paris fut chargé de prendre en main les deux cas.

A  la surprise générale, les deux magistrats  bénéficièrent d'un non-lieu.

Or, le juge d'instruction d'alors, qui avait proposé cette mesure étonnante, n'était autre  que Marchat en personne.

L’ancien magistrat à la Cour de Paris,sur qui pèse l'inculpation de corruption de fonctionnaires visée par l'article 177 du Code pénal, est passible d'une peine de un an à trois ans de prison et d'une amende de 10.000 à 250.000 francs.

Il a quelque peu vieilli ,depuis neuf mois qu'il est incarcéré à la prison Saint-Paul. Sur ces cheveux naguère grisonnants, la neige s'est abondamment répandue.

 

« Cherchez la femme…. »

Mme Marchat, la très jeune femme de l'inculpé, est arrivée hier à Lyon. Descendue dans un discret hôtel proche du Palais de justice,elle s’apprête  à suivre le procès d'aujourd'hui.Son nom va être souvent prononcé.C’est pour lui offrir le confort d'un bel appartement dans le quartier du boulevard Malesherbes et pour lui permettre de mettre en valeur ses qualités d'auteur de romans policiers que son mari obtint de Joanovici  le million qui lui permit, d'une part la reprise d'un mobilier luxueux et d'autre part de se concilier les bonnes grâces d'un éditeur peu enclin à dénicher  de jeunes talents à titre purement gracieux et pour l'amour de l'art.

Sentiment et « affaires »…

Ces arguments d’ordre sentimental seront développés par Me Marcepoil,du barreau de Paris.De son coté,Me Cohendy,ancien adjoint au maire de Lyon,qui défend également l’ancien conseiller Marchat,est un professeur de droit commercial à l’Université de Lyon .Et c’est à lui qu’il appartiendra de plaider le côté « affaires » du procès.

On sait d’ores et déjà qu’il arguera que les sommes importantes versées par l’inculpé Joseph Joinovici au magistrat Marchat,l’ont été en qualité de prêt et ne constituent en aucune manière le prix du stupre.Fort de cet argument qui sera certainement contesté avec vigueur par le substitut Leboulanger,représentant le ministère public,Me Cohendy réclamera l’acquittement pur et simple du prévenu.

(…)

Notes du blog

(1) Procureur général Jean Elisée Alexandre Senebier (1881-1962) suspendu de ses fonctions le 01/10/1944,fin d'activité 07/04/1945,révoqué avec pension.Décret de révocation annulé par le Conseil d'Etat.

(2) Procureur de la République Louis Jean Vincent Ducasse (1885-1956) suspendu de ses fonctions le 10/11/1944,fin d'activité 7/5/1945,révoqué avec pension.


8_L’Aube

Mardi 10 février 1948

Page 4

« Dette de reconnaissance »

(…)

Au sujet de la somme d’un million versée par Joanovici,l’ex-conseiller précise « qu’il ne s’agissait pas de dons,mais de simples prêts ».Au président qui lui reproche ses relations compromettantes et son influence dans différentes affaires assez louches,Marchat  répond « qu'à son avis l'affaire politique de Joanovici  ne tient pas ».

On entend ensuite M. Boulanger qui, dans un réquisitoire extrêmement modéré, insiste certes sur les « imprudences insensées de l'accusé » et les «  incartades inadmissibles » de son épouse, mais se demande il s'agit vraiment de corruption ou si Marchat n'a pas plutôt été victime de sa bonne foi et de sa candeur :

Je ne suis pas encore parvenu à croire, dit-il qu'un magistrat se soit vendu ainsi à un bas métèque, même pour un million.

Après une courte plaidoirie de Me Marcepoil , le jury se retire pour délibérer et revient peu après avec un verdict de relaxation.

 

 

9_Combat

Mardi 10 février 1948

Page 6

L’ex-conseiller Marchat acquitté à Lyon

(…) le procès Marchat a été évoqué cet après-midi devant les Assises du Rhône.

L’ancien conseiller a reconnu avoir envers Joanovici et l'inspecteur principal Piednoir une dette de reconnaissance « ayant, grâce à eux ,au printemps 1944 échappé à la Gestapo. »

_On est véritablement surpris, déclare le président ,s'adressant à l'ancien conseiller, de vous voir constamment vous, un tel magistrat, en relations avec des individus si peu recommandables.

Joanovici,poursuit le président ,vous a pris entre les mailles d’un filet, sans trop résistance de votre part. »

Après avoir rappelé la déchéance de l'ex magistrat, l'avocat général a insisté sur les  « imprudences insensées de Marchat » et les « incartades de Mme Marchat », initiatives invraisemblables de la femme d'un magistrat.

Me Marcepoil, du barreau de Paris a demandé un acquittement que le jury a accordé..

 

 

10_Paris-Presse L’Intransigeant

Samedi 26 juin  1948

Page 5

Joanovici va être entendu sur ses prêts au conseiller Marchat

Le doyen des juges d’instruction de Paris,M.Berri,a a reçu de la cour d'appel de Lyon une commission rogatoire à l'effet d'entendre Joanovici  et divers témoins dans le supplément d'information prescrit au sujet du conseiller Marchat à la demande du défenseur Me Marcepoil.

Cette  audition portera notamment sur les prêts  de 750.000 et 350.000 francs qui furent accordés, le premier par le général Barré, employé de Joanovici , à Mme Marchat pour éditer son livre La mort frappe trois coups, le second par M.Joseph lui-même au conseiller, pour lui permettre une reprise d'appartement .Cette dernière avance de fonds  fut remboursée par le magistrat.

 

11_L’Humanité

Jeudi 7 avril 1949

Page 6

Scandaleux acquittement du juge Marchat

La Cour d'appel de Lyon vient de relaxer le conseiller Marchat,ex-doyen des juges d'instruction de la Seine,qui reçut d'importantes libéralités de Joanovici

Dans ses attendus, la Cour n'hésite pas à écrire que « les faveurs de Joanovici  furent souvent prodiguées à des personnages plus haut placés que Marchat et qu’une responsabilité  de quelque nature qu'elle soit ne pouvait être retenue contre lui  ».

Drôle de prétexte pour des magistrats dont le devoir était :

1°De faire poursuivre les « personnages plus haut placés » ;

2°De condamner Marchat, qui a reçu  au moins 500.000 francs pour que son épouse puisse éditer un roman policier.

 

II_Quelques repères chronologiques concernant Pierre Marchat

Données généalogiques

Acte de naissance

17 juin 1897 Saint-Jean-d’Angely (17), « né jumeau et sorti le premier »
Fils de Marchat Thomas Hippolite Fulbert Arthur,avoué et de Marat Marie Aimée Denise
AD 17_2E 360/72*Saint-Jean-d’Angély- Collection du greffe État civil naissances 1893-1897
Acte N°62 Vue 163/181


Matricule militaire

AD 17 La Rochelle
1_r_455-classe 1917-matricule 812
Détail des services et mutations diverses :« (…) Affecté au 3 °tribunal militaire permanent de Paris »

 

Acte de mariage  

AD 75_5 avril 1945 Paris 18°_1945 , Mariages , 18 18M 635 _Acte N°543 Vue 13/31
Simone Yvonne Andrée Ricou née à Paris 14° le 16 août 1917,
divorcée de Maurice Charles Duchêne,jugement du tribunal civil de la Seine du 11 juillet 1942
_AD 75 1943 , Mariages , 03 3M 286 acte N°250 vue 11/31

 

Acte de décès
AD 75_1 er février 1974 _Paris 10° 1974 , Décès , 10 10D 593 Acte N°301 Vue 31/31


1936

Pierre Marchat juge d’instruction au tribunal de première instance de Bordeaux,nommé juge d’instruction 
adjoint au tribunal de première instance de la Seine à dater du 1 er octobre 1936
Source :Journal officiel de la République française,27 septembre 1936 p756

 

1937

Chargé de l’instruction concernant le général russe blanc Miller enlevé à Paris le 22 septembre 1937 par des agents de l’U.R.S.S.

 

1939-1940

Pendant la drôle de guerre,magistrat instructeur au 3 e tribunal militaire de la Seine .

                                                                      Liste non exhaustive des affaires examinées

Octobre 1939 ouverture d’une information Tract intitulé « Paix immédiate » 31 personnes inculpées dont Marcel Déat,Louis Lecoin,Jean Giono

Interrogatoire de plusieurs députés communistes signataires d’une lettre ouverte adressée à Édouard Herriot

A la suite de la parution dans un journal belge d’un texte   « Pour l’unité syndicale en France  » Julien Racamond,Henri  Becker,Alexandre Marceau Delobelle , Edouard Finck,Charles Garcia,Henri Raynaud.Le septième signataire Benoît Frachon a plongé dans la clandestinité.

Pierre Semard  secrétaire général de la fédération CGT des cheminots et membre du bureau politique du P.C.F.

Raymond Tournemaine, trésorier de la fédération CGT des cheminots,militant communiste ( CGT des cheminots ,P.C.F.)

Maurier dit Moure,Léon Frot et René Le Gall conseillers municipaux  de Paris,Fernand Soupé maire communiste de Montreuil (93),Leduc,Camille Henri.

Albert Vassart maire communiste de Maisons-Alfort (94)

 

Extrait du Journal (1939-1945) de l’avocat Maurice Garçon,Les Belles Lettres/librairie Arthème Fayard,

16 janvier 1940 page 59

« Je quitte le capitaine Marchat qui est instructeur au 3e conseil de guerre.C’est dans le civil un bon juge d'instruction.Je le crois fort honnête et consciencieux.

Il est écœuré de la besogne qu’on lui fait faire.Comme je lui disais que j'allais acheter un code de justice militaire pour être en mesure de connaître les textes actuellement en application devant les tribunaux militaires, il m'a répondu :

-Ce n'est pas la peine, tout se réduit à un article unique ainsi conçu : «  Les magistrats militaires jouissent d'un arbitraire absolu pour disposer de la liberté et de la vie des citoyens… »

Il ajouta :

-On n’aurait pas dû,pour cette besogne-là,recruter les juges dans la magistrature.On les déshonore. »

 

10 avril 1940 Le capitaine Marchat ,juge d’instruction,officier de justice militaire de 3 e classe promu au grade de commandant

 

Mai 1940 Sabotage_ Roger Rambaud,Marcel Rambaud,Raymond Andrieux,Roger Leroux,Léon Lobeau et Maurice Lobeau (voir les articles de Jacky Tronel)

 

Occupation allemande

Joanovici ,qui ne connaissait pas la personne du juge  ,l’aurait fait prévenir,d’une menace d’arrestation par les services allemands.Pour quel motif ? On l’ignore.De même que le moment où le renseignement aurait été rapporté à Marchat.L’hypothèse d’un coup monté par le rusé trafiquant pour s’attirer les bonnes grâces d’un magistrat n’est pas à exclure.On peut aussi considérer une histoire arrangée ou inventée pour justifier l'existence d'une « dette de reconnaissance » de Marchat  vis-à-vis de son bienfaiteur.Selon le témoignage de madame Marchat ,les deux hommes auraient été présentés  après la Libération par le policier Lucien Piednoir.


 1945

 Mars_ Classement de l’affaire  Bernard Henri Lecornu qui avait été arrêté le 23 octobre 1944.Il avait été sous-préfet de Chateaubriant (44) au moment de l’exécution des 27 otages  dont Guy Môquet.

 

Aout_ Pierre Laval,Joseph Darnand,Max Knippig interrogés par Marchat à la prison de Fresnes à propos de l’assassinat de Georges Mandel.

 

1947

31 mars  Décret suspendant de ses fonctions Pierre Marchat ,conseiller à la cour d’appel de Paris.(J-O 5 avril 1947)

12 mai  ,le conseil supérieur de la magistrature prononce la déchéance  de Marchat (J-O 15 mai 1947)

20 mai Marchat arrêté à Hendaye plage où il était en villégiature à l’hôtel  Regina

 

1948

9 février Pierre Marchat relaxé par la 5 e chambre correctionnelle de Lyon

 

III_Sources


Retronews site de presse de la Bibliothèque nationale de France
Abonnement mensuel https://www.retronews.fr/abonnement

 

Jean-Claude Farcy, Rosine Fry, Annuaire rétrospectif de la magistrature xixe-xxe siècles,
Centre Georges Chevrier - (Université de Bourgogne/CNRS),

 

Site internet Mémoire des Hommes


Archives collectives des Forces françaises de l'intérieur
Seine
Honneur de la police, police et patrie GR 19 P 75/88
97 vues
Voir lettre vue N°73

 


Blog de Jacky Tronel,

Histoire pénitentiaire et Justice militaire 

Des hommes,des prisons et des camps

2 décembre 2012
Le général Héring, un gouverneur militaire obsédé par « l’ennemi intérieur »…

25 avril 2010 |
Ces fusillés de juin 1940 dont on ne parle pas…

22 juin 2010
Les « fusillés et oubliés » de Pessac – Sud-Ouest du 22 juin

16 septembre 2012
Louis Lecoin (1888-1971) pacifiste et antimilitariste

 


Maurice Garçon de l’Académie française, Journal (1939-1945)
2015,Société d’édition Les Belles Lettres/Librairie Arthème Fayard
ISBN :978-2-213-44536-6

 

Cinq oblats de la Brosse
Lucien Wisselmann,O.M.I.
Collection Héritage Oblat 12 Postulation générale des O.M.I. Rome,Italie,1998
https://www.omiworld.org/wp-content/uploads/12-Cinq-Oblats-de-la-Brosse-FRA-1.pdf



Annie Lacroix-Riz
La Non Épuration en France de 1943 aux années 1950
Armand Colin 2019
ISBN 978-2-200-62514-6

 

Bernard Lecornu
Un préfet sous l’occupation Allemande
Chateaubriand,Saint-Nazaire,Tulle
Éditions France-Empire,Paris 1984
ISBN 978-2704 803729



Alphonse Boudard
L’étrange Monsieur Joseph
Robert Laffont,Paris 1998
ISBN 2-221-08489-6

 

André Goldschmidt
L’affaire Joinovici
Collaborateur ,résistant et… bouc émissaire
Éditions Privat ,Toulouse,2002
ISBN 2-7089-5610-8 

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