26 octobre 2024

Un des magistrats de la section spéciale de la Cour d'appel de Paris du 27 aout 1941 était natif de Bedous (Basses-Pyrénées)

21 août 1941_ Assassinat d'un militaire allemand à la station de métro Barbès - Rochechouart.L'arme empruntée par Jacques d'Andurain appartenait à Marga d’Andurain, née Jeanne Amélie Marguerite Clérisse le au 25 de la rue Victor Hugo à Bayonne.

23 août 1941_Parution au journal officiel de la loi ,antidatée au 14 août 1941,instituant les sections spéciales qui peuvent "juger " rétroactivement dans la limite de dix ans.

28 août 1941_Abraham Trzebuscki,Émile Jean Marie Bastard et André Francis Brechet sont guillotinés dans la cour de la prison de la Santé à Paris.Ils ont été condamnés à mort ,la veille par la section spéciale de la Cour d'appel de Paris.Parmi les magistrats qui ont siégé,on trouve Paul Raymond Larricq né le 21 janvier 1877 à Bedous,petite commune de la vallée d'Aspe dans les Basses-Pyrénées.

5-9 juin 1945 les magistrats de la section spéciale comparaissent devant la Cour de justice.

 

GALLICA_L’Aurore ,6 juin 1945

Forfaiture

LA CONDAMNATION D’INNOCENTS est toujours un crime

Les 5 magistrats de la section spéciale devant la Cour de justice

Pour sauver 150 otages désignés à la mort, des magistrats avaient ils le droit de condamner trois communistes à la peine capitale ?

C’est la question à laquelle, tour à tour, chacun des accusés qui comparurent hier devant la Cour de Justice voudront nous persuader qu’il faut répondre par l’affirmative.de condamner 3 communistes à la peine capitale

Mais nous aurons beau à cinq reprises tenter de revivre avec ceux qui nous les racontent ces tragiques journées des 26 et 27 août 1941 pendant lesquelles dira l’ex avocat général Guyonnot « j’étais comme un somnambule à travers un cauchemar » pas un instant nous ne pourrons admettre qu’un français digne de ce nom ait pu s’arroger le droit de choisir entre les proies humaines exigées par le Minotaure Nazi.

De quelle puissance divine faut-il se croire investi pour disposer d’une vie dont on détient la responsabilité sous prétexte qu’elle en sauverait des quantités d’autres ?

Nous serions curieux en cette matière de savoir comment jugera le prêtre qui siège parmi les jurés.

Des circonstances atténuantes, peut-être en trouverons-nous à certains de ces hommes qui n’ont qu’un passé d’honneur et de droiture mais personne humainement ne pourra les absoudre.

Les origines du drame

Tout le monde déjà connaît l’histoire. Le 21 août 1941, un Allemand est tué. L’occupant, pour venger ce meurtre exige le sacrifice de 50 puis de 150 otages ou l’institution d’un nouveau tribunal qui condamnera à mort six communistes.

C’est l’affolement dans le personnel judiciaire, l’appel à tous les magistrats qu’on peut joindre pendant cette période de vacances la rédaction hâtive d’une loi déjà élaborée par Pucheu, et qui dotée de rétroactivité permettra d’appliquer la peine capitale pour des menées communistes, passibles seulement jusque-là de 5 ans de travaux forcés au maximum, enfin la constitution de la Section Spéciale chargée de l’appliquer et les trois condamnations à mort dont voudront bien se contenter les nazis généreux.

Les coupables

Et nous avons vu hier les accusés, la Section Spéciale, composée moins un membre, comme ce jour tragique du 27 août 1941, où unanimement à l'exception de M.Linais  qui bénéficiant d'un non-lieu , ne sera  entendu que comme témoin, elle envoya au peloton d’exécution  trois communistes, que le respect des principes juridiques les plus élémentaire empêchait  en tout état de cause de condamner à d'autres peines que celles prévues au moment des faits qui leur étaient reprochés  c'est-à-dire au maximum cinq ans de prison.

Michel Benon qui présida et Léon Guyonnot qui requéra sont certainement les plus coupables.

C’est au premier que le président Pailhet donnera d'abord la parole.

Juge d’instruction à Paris avant de devenir vice-président, puis, après le 27 août, président de Chambre à la Cour de Paris, Michel Benon s’est laissé pousser une curieuse barbiche qui n’enlève rien à l’aspect faussement débonnaire de sa physionomie.

Par un de ses avocats, Me Salmon il tenta vainement de prétendre que la Cour de justice est incompétente. Une heure sera ainsi perdue avant d’aborder les faits.

_J'ai toujours été esclave de mes fonctions, déclare-t-il, j'ai été désigné d'office pour présider la section, je n'ai fait qu'accomplir mes obligations professionnelles.

Et, comme le président lui reproche de ne pas avoir averti ses assesseurs des circonstances dans lesquelles ils allaient siéger

_Je n'ai connu la loi prétend-il, que le 26 août au soir, et n’ai donc pu prévenir mes collègues que le matin de l'audience

Ce fait évidemment, servira un peu de circonstances atténuantes aux autres inculpés qui l'invoquent les uns après les autres pour expliquer le désarroi dans lequel les mit l’infâme  chantage brusquement dévoilé.

C’est Robert Baffos surtout qui semble le plus excusable, spécialistes de l'enfance coupable, c’est tout à fait par hasard que ce magistrat de passage à Paris, eut la malencontreuse idée d'aller au Palais chercher son courrier le 25 août. On se jeta sur lui pour compléter la « Section Spéciale ».

Il se soumit à un ordre, et ne connut la réalité des faits qu’au cours d'audience.

_Trop tard, dit-il, pour me dégager .

Mais il refusa catégoriquement de siéger à nouveau et prit carrément la fuite.

On se sent une certaine sympathie pour ce vieillard à la figure poupine très rouge sous ses cheveux blancs, qui a maigri de moitié depuis les faits tragiques dont le souvenir le ronge.

Paul Larricq a perdu son fils, tué au cours de cette guerre, il s’indigne très véhémentement d’être inculpé d'intelligence avec l’ennemi.

_Je n’ai jamais pensé à l'occupant, on nous avait caché la vérité ;en l’apprenant nous avons eu l’esprit troublé, mais c'est avec une grande répugnance que nous avons prononcé la peine capitale.

Et il pleure.

Maurice Cottin est plus calme, mais aussi affirmatif. C’est au début de l'audience seulement qu’il eut connaissance de la loi et des motifs qui en avaient appelé la rédaction.

On en arrive enfin à l’avocat général Guyonnot qui lui ne peut nier avoir appris dès le 26 août tous les détails de l'affaire.

Très éloquent, il ne cesse de mettre en avant l'exécution des 150 otages qu'il voulait éviter (75 d'entre eux devaient être pendus place de la Concorde) mais des trois malheureux fusillés, il ne souffle mot.

La Cour, du reste le suit un peu sur ce point. Elle a fait citer des témoins, on a entendu parler ceux  que nous verrons à la  barre cet après-midi, des magistrats ,des avocats mais des parents ou des amis des victimes, il  ne semble pas être question

Francine Bonitzer

 

 

Pour aller plus loin

Journal officiel de l’État Français 23 août 1941

N°3515 Loi du 14 août 1941 réprimant l’activité communiste ou anarchiste

Art.3_Les individus arrêtés en flagrant délit d’infraction pénale résultant d’une activité communiste ou anarchiste sont traduits directement et sans instruction préalable devant la section spéciale.

Aucun délai n’est imposé entre la citation de l’inculpé devant la section spéciale et la réunion de celle-ci.

A défaut d’un défenseur choisi par l’inculpé et présent à l’audience, le président de la section spéciale désigne immédiatement un défenseur d’office.

Art.4_Hors le cas d’arrestation en flagrant délit, la procédure sera instruite dans un délai de huit jours. Aucune voie de recours ne sera admise contre les ordonnances rendues par le juge d’instruction qui renverra directement l’affaire et le prévenu devant la section spéciale. A l’égard des accusés présents, celui-ci statuera dans le délai de deux jours de la réception du dossier par le président.

Art.7_Les jugements rendus par la section spéciale ne sont susceptibles d’aucun recours ou pourvoi en cassation ;ils sont exécutoires immédiatement.

Art.10_L’action publique devant la juridiction saisie se prescrit par dix ans à dater de la perpétration des faits, même si ceux-ci sont antérieurs à la promulgation de la présente loi.

Toutes juridiction d’instruction ou de jugement sont dessaisies de plein droit à l’égard de ces faits au profit de la section spéciale compétente qui connaîtra en outre des oppositions faites aux jugements de défaut et aux arrêts de contumace.

Art.11_Le présent décret sera publié au Journal officiel et exécuté comme loi de l’État.

Fait à Vichy, le 14 août 1941.

Ph Pétain, Joseph Barthélémy, Amiral Darlan, Pierre Pucheu, Général Huntziger, Général Bergeret

 

Sources

 
 
Journal 1939-1945
Maurice Garçon de l'Académie française
2015 Société d'édition Les Belles Lettres/Librairie Arthème Fayard
ISBN:978-2-213-44536-6
Page 289

" (...) Benon,une canaille dijonnaise que j'ai pu apprécier déjà lorsqu'il était juge d'instruction.C'est un imbécile d'abord et avant tout.C'est ensuite un servile valet du gouvernement.(...). Quand vint la mobilisation de 1939,il était lieutenant-colonel de réserve.Il a sévi dans un conseil de guerre de Paris,se conduisant comme une brute butée.Voilà le président du tribunal extraordinaire.Les assesseurs sont Larricq_il est né à Bedous,a été magistrat à Cognac,Ribérac,Albi;il est à Paris depuis 1928_,l'autre est Baffos,intelligent mais dangereux.On y a ajouté comme assesseur Cottin,une brute qui siège à la 11e."


Dalloz Actualité
Procès de la Section spéciale : le plaidoyer de l’avocat Maurice Garçon


Gallica
Une photographie des magistrats dans le box des accusés
France-Soir 6 juin 1945
Cinq magistrats qui,sur ordre,condamnèrent six patriotes répondent de leur forfaiture.



AD 64 _https://earchives.le64.fr
L'acte de naissance en ligne de Paul Raymond Larricq
Bedous collection communale naissances 1871-1882 Acte N°5 Vue 56/116

 

AD 75
Accueil > Offre pédagogique > Ressources pédagogiques > Paris en guerre, Paris occupé, Paris libéré (1939-1945) 

Le métro parisien, expression de l'occupation allemande, de la collaboration et de la Résistance
Compte-rendu de l'attentat à la station Barbès-Rochechouart
Date : 21 août 1941
Thème : Premier attentat de la Résistance à Paris
Fonds : Cabinet de la préfecture
Cote : PEROTIN/1011/44/1 19 

 

Les actes de décès en ligne des 3 guillotinés  le 28 août 1941,cour de la prison de la Santé,Paris 14e

1941 , Décès , 14 14D 429 
Acte N°4958 André Francis Brechet "Mort pour la France"
Acte N°4959 Émile Jean Marie Bastard "Mort pour la France"
Acte N°4960 Abraham Trzebucki.On notera l'absence de la mention "Mort pour la France" .Il ne figure pas dans les bases nominatives du site internet Mémoire des Hommes du Ministère des armées

L'acte de décès de Jean Charles Larricq  fils de Paul Raymond 10 décembre 1944 Paris 13e
Mort pour la France Ministère des Forces Armées Marine Nationale 24 janvier 1948
Source:AD 75 :1944 , Décès , 13 13D 341 Acte N°4661 Vue 19/31


Le Maitron  _Dictionnaire biographique

https://maitron.fr/spip.php?article17833, notice BRÉCHET André, Francis [Pseudonyme dans la Résistance : COURTOIS André] par Claude Pennetier, version mise en ligne le 20 octobre 2008, dernière modification le 7 mars 2022

https://maitron.fr/spip.php?article150667, notice BASTARD Émile, Jean, Marie par Daniel Grason, version mise en ligne le 29 novembre 2013, dernière modification le 23 novembre 2022.

https://maitron.fr/spip.php?article133243, notice TRZEBRUCKI Abraham [alias PIVOLSKI Adolphe] par Daniel Grason, Claude Pennetier, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 12 avril 2022.

 

Musée de la Résistance en ligne
Attentat du métro Barbès

Julie d'Andurain: Le 6,35 de la « comta ». Une arme de femme, symbole de la Résistance 

 

France Archives portail national des archives

 

La répression du communisme par le Gouvernement de Vichy à travers le fonds de la section spéciale de la cour d’appel de Paris 

Violaine Challéat-Fonck et Christophe Bouvier, « La répression du communisme par le Gouvernement de Vichy à travers le fonds de la section spéciale de la cour d’appel de Paris » dans Histoire documentaire du communisme, Jean Vigreux et Romain Ducoulombier [dir.], Territoires contemporains - nouvelle série [en ligne], 3 mars 2017, n° 7, disponible sur : http://tristan.u-bourgogne.fr/CGC/prodscientifique/TC.html.
Auteur : Violaine Challéat-Fonck et Christophe Bouvier.
Droits : http://tristan.u-bourgogne.fr/CGC/prodscientifique/TC/credits_contacts.html
ISSN : 1961-9944  



Section spéciale film de Costa Gravas (1975)
Scénaristes:Costa-Gravas,Jorge Semprún

Distribution:
Claude Piéplu ,incarne Michel Benon, le président de la Section spéciale
Hubert Gignoux, Maurice Cottin, le juge en 'noir'
Jacques Ouvrier, Robert Baffos, le conseiller
Alain Nobis, Paul Larricq, le conseiller
Jean Champion,Léon Guyenot avocat général
Source:Sens Critique