12 avril 2024

Sur Louis Estebeteguy

  Outrages à agents et tapage nocturne

Audience publique de police Correctionnelle du Tribunal de Bayonne séant au Palais de Justice,le 10 juillet mil neuf cent quarante deux

Entre Monsieur le Procureur de la République d’une part :

Et de l’autre :

ESTEBETEGUY  Louis,29 ans,courtier à Bayonne,39 rue Pannecau,né au dit lieu le 9 octobre 1912 de Pierre et de Marie Dourisboure

Détenu,présent,

La cause ayant été appelée.Le Ministère Public a exposé que suivant procès-verbal de police.

En date du 9 juillet 1942,il appert que le sus-nommé avait été arrêté en flagrant délit d’outrages à agents et tapage nocturne ;conduit au Parquet,interrogé et placé sous mandat de Au parquet, interroger, placé sous mandat de dépôt.

Le tribunal après en avoir délibéré a prononcé le jugement suivant :

Attendu que Louis Estebeteguy,est prévenu d’avoir,à Bayonne,le 8 juillet 1942,vers 23 heures :

1° Outragé par paroles les agents de police Nogaro,Lapègue et Carvailho,qui le conduisait au poste de police,en disant à un camarade « s’ils te disent « merde » réponds leur « mange », »s’ils te donnent une gifle tu leur en donne deux,et puis « ils ont reçu l’ordre de ne pas nous arrêter ;

2° Commis la contravention de bruits et tapages nocturnes en troublant la tranquillité des habitants ;

Attendu qu’amené à l’audience de ce jour pour voir statuer sur le mandat  de dépôt décerné contre lui ;Estebeteguy a demandé a être jugé immédiatement,n’entendant pas se prévaloir du délai de trois jours qui lui était accordé pour préparer sa défense ;

Attendu que le Ministère Public ne s’opposant pas à la demande du prévenu,il convient d’y faire droit ;

Attendu en fait qu’à la date précitée du 8 juillet  1942,vers 23 heures,Louis Estebetéguy,en compagnie de plusieurs individus,causant du scandale sur la voie publique, était invité par les agents de police Nogaro,Lapègue et Carvailho à les suivre au poste de police ;qu’en cours de route le prévenu injuria les représentants de l’autorité en prononçant les paroles suivantes,en s’adressant à un de ses camarades ; »S’ils te disent « merde »,réponds »mange »,s’ils te donnent une gifle tu leur en donne deux, »et puis ils ont reçu l’ordre  de ne pas nous arrêter,ils auront des explications à donner d’ici 8 à 10 jours ».

Attendu que tout  en reconnaissant  les faits le prévenu prétend ne point se souvenir des paroles par lui prononcées ;

Attendu qu’il y a lieu de ne faire aucun crédit aux explications d’Estébétéguy,plusieurs fois condamné pour outrages,ivresse,violences à agents et port d’arme prohibée ;qu’il convient d’entrer en condamnation


Source :
Pôle d’archives de Bayonne et du Pays basque,
Annexe des Archives départementales des Pyrénées-Atlantiques
39 Avenue Duvergier de Hauranne,
64100 Bayonne,

1027W Article 250 Tribunal de Grande Instance de Bayonne

 

CERBÈRE DISCRET de Bony-Lafont 

Louis Estebeteguy est condamné à cinq ans de travaux forcés

« La rue Lauriston !Rien que ce nom fait frémir d’horreur «  s’exclame le président Viviers en commençant l’interrogatoire du basque Louis Estebeteguy,dont l’œil droit fermé et le visage ravagé de cicatrices évoquent les supplices raffinés de la Gestapo Française.

Né à Bayonne,Estebeteguy « monta «  à Paris en 1943pour retrouver son frère Adrien.A son arrivée,il apprit qu’Adrien avait quitté la France pour les Etats-Unis,grâce aux bons offices d’un docteur habitant 21 rue Lesueur.Adrien Estebeteguy avait été ,en vérité l’une des victimes du célèbre docteur Petiot.

Un portier borgne et un peu sourd

A Paris,Louis voulu être gérant de bar.Mais il dut se contenter d’un emploi de portier au 93 de la rue Lauriston.Il était borgne et un peu sourd,ce qui facilita singulièrement  son role dans cette demeure des suppliciés.On lui remit un revolver et une carte de la police allemande.Il percevait 10.000 francs par mois.Ses fonctions consistaient principalement à introduire les visiteurs chez « Monsieur Henri » ou à les éconduire s’ils étaient jugés indésirables.C’était la belle vie !

Bien entendu devant la Cour de Justice ,Louis Estebeteguy assure qu’il n’a rien vu ni rien su des opérations et arrestations de la bande Bony-Lafont.C’est un portier discret.Il faut dire que son intelligence ne semble pas exagérément développé.

La déformation de sa lèvre supérieure accuse encore son léger accent basque quand il explique : »J’étais veilleur de nuit et je tirais le cordon (sic). C’est tout.Je croyais être employé dans un bureau d’achat ».

_Alors ,pourquoi étiez-vous armé ?

_Oh !Je n’ai jamais eu mon revolver sur moi.J’avais bien trop peur de m’en servir.

Trois témoins cités par la défense s’efforcent de convaincre la Cour que l’accusé est un brave garçon,très serviable.Mais M.Sudaka,commissaire du Gouvernement,spécialiste des affaires de la Gestapo,malmène passablement l’ancien portier contre qui il requiert les travaux forcés à temps.

Plus heureux que ses maitres Bony et Lafont,condamnés à la peine de mort et exécutés,Louis Estebeteguy se voit frappé ,après plaidoirie de Me François,de cinq ans de travaux forcés,dix ans d’interdiction de séjour et quinze ans de dégradation nationale.

Source :RetroNews

COMBAT 04 octobre 1946

 

Complément du blog:

Louis Estebeteguy est décédé le 27 février 1988 à Cambo-les-Bains Acte n°55.

Source.Décès INSEE.

01 avril 2024

Dénonciation calomnieuse

N°395

Dénonciation calomnieuse

Audience publique de police Correctionnelle du Tribunal de Bayonne séant au Palais de Justice ,le neuf juin mil neuf cent quarante trois

Entre Monsieur le Procureur de la République d’une part et de l’autre :

Xxxx ,56 ans Secrétaire de Mairie à Macaye,né au dit lieu (…)

A l’audience publique du 19 mai 1943

La cause ayant été appelée.

Le Ministère Public a exposé que suivant ordonnance du juge d’instruction du siège,en date 17 avril 1943,le sus-nommé avait été renvoyé devant le tribunal correctionnel de céans,sous la prévention de dénonciation calomnieuse.

Qu’en conséquence,suivant exploit de Fagalde,huissier à Bayonne,en date du 14 mai 1943,enregistré,le prévenu avait été invité à comparaître à l’audience du dit jour,pour répondre du délit qui lui était reproché.

(…)

Et le prévenu a été interrogé

Le Greffier a tenu note des réponses du prévenu

Le Ministère Public a requis l’application de la loi

Me Harriague ,avocat a présenté la défense du prévenu

Et le tribunal a mis l’affaire en délibéré pour le jugement être rendu à l’audience publique du 9 juin 1943

Advenu le dit jour,9 juin  1943

Le Tribunal,après en avoir délibéré a prononcé le jugement suivant :

Attendu qu’Xxxx secrétaire de Mairie à Macaye, prévenu d'avoir. le 29 août 1941, méchamment et de mauvaise foi,dénoncé par écrit,à l'Inspecteur d'académie de Mont de Marsan,des fautes professionnelles dont se serait rendu coupable le sieur Txxxassant. la fausseté de cette dénonciation résultant d’une décision ou même Inspecteur d’Académie ;

Attendu en fait que sous la date,à zzz,du 29 août 1941 une lettre missive était adressée à ce dernier,énonçant une série de griefs graves,au nombre de cinq,formulés à l’encontre du sieur Txxxxx instituteur intérimaire dans la commune.

Attendus que les huit signataires ou prétendus tels de la lettre dont il s’agit demandaient,en leur qualité de parents d’élèves,le déplacement de l’instituteur et ce,motif pris :

1° qu’il n'avait pas lu et commenté, comme il était tenu de le faire, au début de l'année scolaire, les déclarations du Maréchal Pétain, Chef de l'État Français.

2° qu'il n'avait pas hésité à user de sévices  vis-à-vis de certains jeunes garçons fréquentant l'école publique ;

3°que son enseignement laissait nettement à désirer et,fait encore plus grave ,il n’interdisait pas l'emploi de la langue basque durant les récréations ;

4° que son prestige auprès de ses élèves était sérieusement atteint parce qu'il s'adonnait à la boisson ;

5°que l’antipathie générale dont il était l'objet n'était pas la nature.à rehausser le prestige de l'école laïque ;

Attendu incontestablement que, si ces cinq griefs, ou même certains d'entr’ eux seulement ,avaient été reconnus fondés,ils auraient exposé le sieur Txxx, sinon à une  révocation, du moins à un changement de résidence,et en tout cas à  une répression administrative.

Or attendu que par lettre du 2 février  1943, l'Inspecteur d'Académie du département des Landes a fait  connaître au Procureur  de l'État Français à Bayonne,qu’au résultat d’une enquête administrative,dont il communiquait d’ailleurs  la copie des pièces,la plainte portée contre l’instituteur de Macaye  avait été classé sans suite, purement et simplement.

Attendu,il importe de le rappeler, que huit  signatures étaient apposées  au bas de cette plainte datée du 29 août 1941 ;

Attendu cependant que les 7 et 8 novembre de la même année,le sieur Txxxavait obtenu de sept des prétendus signataires,des déclarations écrites attestant qu’il s’agissait d’un faux ;

Attendu qu’interrogé,le secrétaire de mairie Xxxx,huitième signataire,reconnaît avoir rédigé spontanément la lettre missive incriminée,dans l’intention d’obtenir la destitution de l’instituteur ;qu’il ajoute,que non seulement il avait apposé sa propre signature,mais qu’il avait encore imité celles de sept autres habitants de la commune,ainsi que celle du Maire pour visa ;qu’afin il avait également apposé,sur la même lettre,le sceau de la Mairie ;

Attendu qu’il dut convenir,d’autre part qu’il ne possédait aucun papier émanant,soit du Maire,soit des personnes dont il avait imité la signature,l’autorisant à signer en leur lieu et place ;

Mais attendu que,le 27 février 1943,il remettait au Juge d’instruction,datée du 12 juillet 1941,une attestation des sept autres prétendus plaignants,aux termes de laquelle il recevait pleins pouvoirs pour formuler une pétition contre le sieur Txxx ;

Attendu qu’en cet état,le magistrat instructeur procéda à  l'audition des auteurs de l'attestation sus- visée.,lesquels déclarèrent l'avoir signé postérieurement au 29 août 1941,sans en lire son contenu,à la demande d’Xxxx.

(…)

Attendu en vérité que la seule question qui se pose est celle de savoir si les griefs signalés par le prévenu sont ou non fondés ;

Attendu qu’au résultat de l’enquête effectué par l’inspecteur primaire sus-nommé,l’Inspecteur d’Académie,Chef hiérarchique  de l’instituteur intérimaire Txxx,a estimé  devoir classer sans suite  la plainte dont il était saisi,encore que l’Inspecteur Primaire eut,pour sa part,admis

que,parmi les cinq griefs formulés,l’un d’entre eux fut recevable, celui relatif aux corrections que l’instituteur croyait devoir infliger aux enfants ;

Attendu qu'il n'appartient pas au tribunal d'apprécier le mérite du classement sans suite ,mais,qu’n toute hypothèse,il lui est permis de rappeler que l’inspecteur d’académie a témoigné ,en la circonstance ,d’une impartialité  et d’un esprit de bienveillance  auxquels Xxxx devrait être le premier à rendre hommage .

Attendu,par ailleurs ,qu’un doute ne peut subsister quant à la mauvaise foi du dénonciateur qui,vraisemblablement pour donner plus de poids à sa plainte,a apposé au bas de cette plainte plusieurs fausses signatures ;

Attendu ,en définitive,que les faits de la prévention sont nettement établis,mais qu’il convient de les sanctionner avec une indulgence relative,aussi bien dans un but d’apaisement que parce qu’ils constituent la manifestation ,évidement déplacée et quelque peu inconsciente,d’une mentalité de paysan rural,vivant dans la commune du pays basque qui passe,à tort ou à raison,pour la plus particulariste,sinon la plus arriérée de la région ;

Attendu en d’autres termes qu’Xxxx,au surplus père de huit enfants,doit être admis au bénéfice des circonstances atténuantes.Ne peut subsister quant à la mauvaise foi de l'initiateur qui vraisemblablement pour donner plus de poids à sa date.

(...)


Source :
Pôle d’archives de Bayonne et du Pays basque,
Annexe des Archives départementales des Pyrénées-Atlantiques
39 Avenue Duvergier de Hauranne,
64100 Bayonne,

1027 W Article 253 Tribunal de Grande Instance de Bayonne

 

Complément  à propos de l'usage de la langue basque en 1943

"3°que son enseignement laissait nettement à désirer et,fait encore plus grave ,il n’interdisait pas l'emploi de la langue basque durant les récréations "

Jean-Pierre Ibarboure m'a fait part de l'existence dans les archives de la mairie d'Ascain,d'un brouillon d'avis qui était destiné à être lu en français et en basque aux habitants de la commune.(5 septembre 1943).