Commissaire à la brigade régionale
de police de sûreté à Bordeaux ,Pierre Émile Napoléon Poinsot,a été entre 1942
et avril 1944 une figure de la répression en Aquitaine.A Hendaye, Biarritz, Anglet, Bayonne,Boucau,Orthez,Tarnos,des femmes,des hommes, espagnols,français,suspectés de militantisme communiste, ont été arrêtés,dirigés vers Bordeaux,torturés,puis
livrés aux nazis par la brigade Poinsot. En mai 1944 ,il a été été promu sous-directeur des renseignements
généraux, en poste à Vichy (Allier).A la fin août 44,Poinsot s’est enfui en Allemagne
nazie via Nancy puis Belfort.Le 30 avril
1945 ,les autorités Suisse ont remis Poinsot à l’antenne de Saint-Louis
(Haut-Rhin) de la sécurité militaire.Le lendemain,il a été transféré au siège
de ladite direction, 64 boulevard Suchet
à Paris.Le 5 mai,il a été
placé sous mandat de dépôt de la préfecture de police de Paris .Il a été
conduit le 25 mai suivant vers la Maison
d’Arrêt de Cusset dans l’Allier.Le 2 juin,une foule envahit la prison.Les
14,15,16 juin 1945,Pierre Poinsot a comparu devant la Cour de Justice de
l’Allier.Condamné le 16 juin 1945 à la
peine de mort pour intelligence avec l’ennemi,il a été transféré le même jour à
la Maison Centrale de Riom (Puy-de-Dôme).Il a été fusillé la matin du 12 juillet 1945 au champ
de tir de la Varenne à Riom.
Lettre adressée à Jules Pascal
Léoni,cadre policier résistant,
Riom
28 06 1945
Mon cher Léoni
« Les absents ont toujours tort » j’ai pu me
rendre compte de cette évidence que nombre de mes anciens collaborateurs pour
se décharger eux-mêmes n’ont pas reculé à m’accabler et j’imagine que moi
disparu à jamais ceux qui seront appelés à rendre des comptes ne se priveront
pas d’agir de même.
Aucune information n'ayant été faite avant mon procès je
n'ai pu réfuter les charges relevées à tort ou à raison à mon encontre et il m'est infiniment pénible ,ne
serait-ce que pour mon honorabilité et ma famille, de servir encore de bouc
émissaire à certaines crapules lorsqu'elles seront arrêtées.
Le temps passé en Allemagne m’a (illisible) révélé bien des
choses ;j’en ai appris d’autres en prison qui m’ont éclairé sur pas mal de
responsabilités encourues par des individus en instance de procès ou qui demain
seront arrêtés et dont on m’a fait supporter le poids.
Ma condamnation hâtive suivie d’une disparition prématurée
m’apparaissent comme une énormité stupide et constituent à mes yeux un
véritable non-sens.La justice et par incidence le Pays n’ont-ils pas à gagner à
ce que toute la vérité soit établie…Un témoin ne doit jamais être supprimé tant qu’il peut être de quelques utilités.
Peut-être bénéficierai-je d’un recours en grâce,mais dans le
cas contraire ne peux-tu obtenir dans un intérêt de police et de justice que
l’on sursoie à mon exécution pendant 2 ou 3 mois, laps de temps pendant lequel
je serai à même d’apporter mon témoignage chaque fois qu’il sera nécessaire.
Je ne suis ni un tortionnaire ni un voleur,pas plus qu’un
mauvais français.J’ai été entraîné dans certaines erreurs.Je me suis engagé
dans une mauvaise voie, mais tous ceux qui me connaissent savent que j’ai
toujours été un homme de cœur et d’honneur parfois peut-être un peu trop
confiant,mais toujours animé de sentiments absolument nets et loyaux.Je n’ai
pas misé sur deux tableaux ni été un résistant de la dernière de la dernière
heure.Mon caractère s’est toujours refusé aux bas calculs personnels…ce n’est
pas très habile,j’en conviens, mais qui dénote tout de même une honnête morale dont
je n’ai pas à rougir.
J’ai été sali à souhait,surtout dans certains cercles de
Police,quand je pense que l’on ose me comparer à Himmeler_sic_ ;dire que
j’étais tout-puissant dans la police, etc…c’est ahurissant,mais là n’est pas la
question,et je ne veux pas te faire perdre ton temps.
Je fais appel à ton concours mon cher Léoni,dans une
situation pour moi bien cruelle et en grande partie imméritée.Je ne demande pas
d être soustrait au châtiment si je le mérite,mais je voudrais ardemment que
chacun paie suivant sa propre responsabilité et que l’on ne me fasse pas disparaître
alors que je peux servir à établir ou rétablir bien des faits.
Peut-être même pourrais-je être utile dans la recherche de
certains responsables en Allemagne.Berger a les preuves en main que je n’étais
pas à la dévotion des fritz et de tout cœur,loyalement,le cas échéant,je prêterais
dans la mesure de mes moyens,mon plus entier concours.
Peux-tu faire quelque chose auprès de la Commission des grâces,Mr
Patin,m’a-t-on dit auprès du général de Gaulle.
Je te le demande en camarade,qui a conscience de n’avoir
jamais démérité,du moins en esprit,ni envers son Pays,ni envers ses amis.
D’avance je t’en exprime toute ma gratitude et te prie de croire
à ma fidèle amitié.
Cordialement.
Poinsot
Sources:
Archives Nationales site de Pierrefitte-sur-Seine cote 20000356/1
Dossier POINSOT Pierre 688435
Archives départementales de l'Allier
FRAD003 26 J 236 Lynchage miliciens Cusset-Cri du peuple -1945-06-05
FRAD003 26 J 236 Lynchage miliciens Cusset-Le Centre -1945-06-05
A la botte de l'Occupant
Itinéraire de cinq collaborateurs
René Terrisse
Editions Auberon Bordeaux ,1998
ISBN 2-908650-82-7