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31 mai 2014

Prison ne rime pas avec raison par Georges Loustaunau-Lacau

Un article de  Georges Loustanau-Lacau,militaire de carrière,député des Basses-Pyrénées, dans un numéro du  Crapouillot qui a pour thème A bas les prisons!

 

CRAPOUILLOT Numéro 21- Dépôt légal 6-1953


Texte intégral

Il faut que je vous aime ,mon cher Galtier,pour aller jusqu'à écrire sur cette chose immonde:la prison,ou sur ses variantes que j'ai eu l'honneur de connaître:la forteresse,la prison militaire,le centre d'internement,le caveau,le camp de concentration,,les locaux dits de droit commun,bref toute la lyre du système des quatre murs.Je m'y décide ,non sans répugnance,avec l'illusion qu'un ministre courageux tiendra compte de mes conclusions et ainsi j'aurai servi ce que Françoise Giroud dénomme votre passion favorite,la vérité.
Cette expérience assez complète,reprise dans son ensemble,m'autorise déjà à affirmer que la prison ne justifie que la moitié de sa raison d’être.Si elle sépare le détenu de la Société qui,à tort ou justement ,le rejette,elle ne lui inspire que très rarement ,qu'il soit coupable ou innocent,le regret de sa faute ou de ses actes.
 Encore serait-ce là un résultat à demi positif.Pratiquement,par le dégoût qu'elle provoque,elle conduit le coupable à la rébellion totale et à des projets plus perfectionnés,plus criminels que ceux qui l'y ont conduit.Quant à l'interné politique,elle le sublime,elle lui donne des ailes.Pour tous les détenus,quelle que soit la cause de leur détention,la prison fournit l'exemple permanent de la grossièreté,de la brutalité,de la saleté,du vice,de la paresse,de l'onanisme et de la pédérastie.On se penche surtout sur les prisonniers.Les gardiens sont,à mon sens,beaucoup plus à plaindre,car ils restent à la prison lorsque les prisonniers,tour à tour ,la quittent.Il est invraisemblable mais vrai que,chaque année,des pêcheurs corses abandonnent l'aube enchantée de la mer pour ce destin sordide,devant l’appât d'un traitement mensuel et d'une retraite.La bonne solution viendra le jour où le recrutement des gardiens se tarira.Souhaitons que ce dénouement soit proche.
La forteresse,pour peu que l'on s'y trouve à l'état de rebelle,a grand air.Elle est,généralement,plus humide et plus sale que les autres enclos,mais le drapeau flotte au sommet de la tour,et la relève rythmée des sentinelles,tout en donnant l'heure aux prisonniers,crée la majesté dans le silence.C'est plus ou moins la Bastille et,du coup,les siècles de révolte par quoi a surnagé la liberté humaine,curieux paradoxe,fournissent au reclus une réserve de fierté.
La forteresse de Mutzig est un de mes meilleurs souvenirs de l'armée.En me hissant à la fenêtre ,je pouvais,par beau temps,apercevoir la flèche de la cathédrale en grès rose et d'autre part la spirale d'argent que dessine le Rhin dans la plaine d'Alsace.On se sublime aisément en de tels lieux.Lorsque j'en sortis en mai 1940,pourvu d'un non-lieu et d'un commandement par le Conseil de Guerre,je me mis à regretter ce splendide isolement et me sentis assez d’âme pour mille exploits.Les chars de Rommel réduisirent par une bonne rafale cette envolée guerrière,mais les vingt-deux chars que cet excellent général laissa avec leurs équipages sur le terrain d'Heitz-l'Évêque avaient reçu,de plein fouet du Mutzig.




La prison militaire de Clermont-Ferrand,découlant pour moi d'un procès,par où l'Amiral Darlan,faussant les données de l'instruction,et le Colonel de Rosière,dénonciateur,espéraient tuer dans l’œuf le plus ancien réseau de Résistance,l'Alliance (mais ils avaient compté sans mes successeurs),m'a montré pendant quinze mois que,dans la plupart des cas,la réclusion entraînait une véritable dégradation de l'homme.Les demi-crapules y tournaient à la crapule intégrale en se frottant aux vieux clients de la maison,les déserteurs ne rêvaient plus que du Venezuela,les voleurs combinaient des coups fourrés dans l'ombre,les espions des Allemands ne comptaient plus que sur leur arrivée pour se tirer d'affaire,l'abrutissement était général.Au bout de quelques semaines,je ne pouvais même plus supporter la vue du gardien.Mais je dois remercier l'Amiral pour m'avoir procuré l'occasion de me fouiller moi-même après avoir décollé les stalagmites d'une existence déjà fertile en souvenirs.On en jugera par les notes que voici,auxquelles je ne change rien,quoique ,aujourd'hui,elles me paraissent avoir été écrites par un autre.

"Dans la cellule où je suis enfermé,encore que ce lieu réunisse toutes les conditions requises pour que "me soit infligée une impitoyable répétition des choses,je constate une variation.Il est six heures du "soir au soleil,du moins je le suppose, puisqu'ici,par charité ou par calcul,les prisonniers n'ont pas "droit à la mesure du temps.La fenêtre à barreaux s'ouvre sur un paysage urbain confié au mauvais "goût du génie militaire.Tout ce qui peut se faire de froid et de laid en lignes,en plans,en courbes,est "rassemblé à mes pieds sur un kilomètre carré.Paysage immobile,au garde à vous.Cependant,je "note:l'ombre des barreaux qui dévore peu à peu,et de droite à gauche,les mots que j'écris,me "prouvent que,soit le soleil,soit la terre,soit les deux à la fois ,se déplacent.Peu s'en faut que je ne voie "bouger cette ombre,ce qui se produirait si la terre se mouvait encore plus vite,ou si mon oeil était "capable de déceler des vitesses relatives plus lentes.Je remarque que la limite inférieure de la "perception oculaire en matière de vitesse des images est justement assez élevée pour ne pas "découvrir à l'homme son mouvement dans l'espace,ce qui l'obligerait à penser sans cesse à "l'infini...La lumière du soleil dore le coté d'un nuage,mais elle ne le dore déjà plus.Il y a du ciel "bleu,mangé sans arrêt par du ciel noir et,vers Gergovie,du vert tendre qui pâlit.Que de ciels n'a pas "vu Gergovie!L'Est semble se résigner à l'ombre,à part la tache claire que fait un pâturage pointu ,au "loin.Un clairon sonne un appel réglementaire et quelqu'un ,tout près,joue faux de l'accordéon.Je "préfère le cheval qui frappe du pied dans l'écurie voisine.Mais avant que j'aie fini ma phrase,la "lumière a baissé,l'accordéon s'est tu,et un oiseau est passé si vite en travers que je n'ai vu qu'un trait "noir.On manie un fouet,une rumeur s'élève,ma cigarette me brûle les lèvres,je sens avec joie ma "plume glisser sur le papier et me traduire.Le tout certainement n'a pas pris une minute.Encore ai-je "oublié la fumée d'un train entre deux toits et une ombre gigantesque aussitôt effacée,qui s'est dressée "sur le mur de la prison,en face.Pourquoi n'ai-je pas joui ainsi en détail de toutes les minutes de ma "vie.Quel gâchis!"

Ceci relève surtout de l'observation extérieure,du contact avec la variation continue de l'effet de nature,contact que les hommes jouissant d'une pleine liberté se gardent de prendre,le plus souvent.Pour le prisonnier qui a la volonté de supprimer par la pensée le milieu où il se trouve,l'occasion est magnifique d'une profonde introspection.
"3 septembre 1942,huit heures du soir.
"Par la fenêtre de ma cellule,je regarde le soleil se coucher.De toute la force de mon intelligence et de "mes souvenirs,je réfléchis aux propriétés de la lumière et à ses jeux déconcertants.Cette réflexion "dégage en mon esprit la grandeur de l'infini et l'admiration de la nature.
"Un clé grince dans la serrure.C'est le gardien qui apporte le repas du soir.Il dispose le couvert sur la "table de bois sale et boiteuse,tandis que je regarde,sans enthousiasme,l'assiette peu appétissante de "céleri qui sert de plat de résistance.Puis l'homme me tend une lettre.
"La vue de l'écriture sur l'enveloppe me cause une joie profonde,car j'attends cette lettre depuis huit "jours,et ici les heures sont longues.Les premiers mots m'accablent et provoquent en moi,du coté du "cœur une souffrance subite,comme un coup de poignard.J'essaie de relire avec le vague espoir "d'avoir mal lu.Au même instant l'homme referme la porte de la cellule à double tour avec une clé "géante.C'est comme s'il la tournait dans ma poitrine.J'avais bien lu.C'est affreux......
"Je m'abats sur le lit de camp et les larmes jaillissent comme l'eau du barrage qui se rompt.Cela dure "un temps que je ne saurais préciser.
"Puis je me reprends,je fais face,je cherche à fouiller l'espace qui me sépare du lieu du drame,tel que "je le suppose.Je retourne mes souvenirs en tous sens,comme un tiroir de commande.Il y a des trous "que je crains de remplir inconsciemment.
"Je recommence.
"Rigoureusement je délimite la part de deuil et d'espoir,car il y a une part d'espoir.
"La nuit se passe ainsi en agitations diverses,accompagnées en en sourdine par le sentiment d'une "plaie immatérielle d'où coule un sang imaginaire.
"Au dehors,la lumière bleu foncé et douce d'une nuit d'été parfaite,mais je me détourne d'elle.
"L'aube vient,le céleri froid est toujours sur la table .Je me force à le manger.Puis je me mets à écrire "dans l'espoir de garder l'espoir.
"Je sens que jusqu'à ma mort,je me souviendrai de tous les détails de la nuit du 3 septembre en prison."



 

Mais les journées sont longues et on ne peut pas toujours observer,s'observer,inspecter,s'inspecter et s'introspecter.Des moments d'amertume et de découragement surviennent,en fonction du temps qui s'écoule.C'est là que joue principale force du reclus,la volonté de refuser à la notion de temps.Isolé il parvient à trouver cette volonté,en groupe c'est beaucoup plus difficile.Aussi me suis-je toujours refusé aux cellules collectives dans la mesure ou je l'ai pu,afin de garder intacte la force d'éliminer le temps.Je dois à  la vérité de dire que les aveuglements du juge d'instruction,la partialité de l'Amiral,la sottise des sbires de Bousquet et de Boutemy poussant l'aberration et la haine jusqu'à perquisitionner pendant des heures dans une cellule de 3 mètres sur 2 mètres,enfin et surtout le sentiment que la cause de la Résistance était juste et noble,ainsi que la fabrication journalière d'une encre sympathique,m'ont beaucoup aidé.
Que ceci soit une occasion de protester contre l'abus du mot prison.On décore de ce terme aujourd'hui des centres d'internement où la vie était celle des hôtels,d’hôtels dont le parc fût resté fermé.Un certain nombre de personnages importants de la IVe République se réclament ainsi d'une épreuve ,comme s'ils avaient été les hôtes de Fresnes ou du Cherche-Midi.Lorsque je me trouve en présence de ces Tartarinades,je me fais un malin plaisir de demander des détails sur "l'épreuve". Si tout le monde en faisait autant,les choses reprendraient leurs proportions exactes.
Le caveau est abominable parce qu'il est noir.Ne pas voir la lumière,ne fût-ce que celle d'une imposte ou d'une lucarne est infiniment plus pénible à la longue que la faim,même les coups.Du 31 mars au 6 juin 1943,j'ai connu cette infortune dans un des caveaux de la villa de la Gestapo de Vichy,avenue des États-Unis.C'est le sort de la taupe qui me parait le plus inhumain,plus cruel que la vie moribonde du camp de concentration.Le corps ne se fait pas au noir ni à la pénombre épaisse.Il n'est pas possible de tenir longtemps les yeux fermés,il faut donc les ouvrir et devenir aveugle sans l'être en se demandant tout à coup si l'on ne voit pas parce que qu'on a perdu la vue.La notion de temps disparaît avec la lumière.L'oreille devient très sensible ainsi que le toucher ,et rattache au monde extérieur.Mais elle finit également par confondre les sons.Je n'ai tenu que trois ou quatre semaines dans cette nuit,s'il s'agit de la connaissance normale des choses et des faits.Ensuite ,je suis tombé dans une demi-inconscience,non affectives,venant probablement d'une irritation des yeux ouverts et inutiles.Des milliers de puces en amas gluant dont je faisais des boules puantes complétaient le tableau.Écouter battre son cœur dans ce silence noir est encore une aubaine et la seule façon de se distinguer de l'animal qui,lui,ne sait pas (probablement pas) qu'il a un cœur.S'ils m'avaient fusillé au sortir de cette inconscience,je ne m'en serais pas aperçu.
Je ne redirai pas ici les affres ,horreurs et vraiment terribles heures du camp de concentration de Mauthausen.On les connaît.Les allemands se sont surpassés en ce lieu par la méthode,l'organisation,le cynisme ,et ont porté le crime collectif à des hauteurs qu'il n'avait,auparavant,jamais atteintes.Il me parait superflu d'y revenir.
Mais si l'on veut bien imaginer un tel camp d'où l'horreur,la tuerie,la cruauté seraient éliminées par une direction humaine ,juste et ferme,je crois que le camp de travail est la seule solution acceptable du problème de la prison.
La vie collective organisée offre l'espoir de replacer le prisonnier dans une ambiance où il put,certes,subir de mauvaises influences,mais qui l'élève au rang de travailleur et le libère de l'étiquette honteuse.On peut l'obliger à produire lui-même ce qui est nécessaire à son entretien,et le le faire passer successivement à la culture de la terre,à l'artisanat,à l'usine,tout cela à l'intérieur d'un vaste^périmètre,l'intéresser au produit de son travail.Je n'entends pas par là les vanneries,sandaleries,saboteries qui sont actuellement en usage,mais le grand camp de baraques installé d'une façon moderne,géré par les prisonniers eux-mêmes sous la surveillance d'un personnel d'élite.On fait alors d'une pierre deux coups.Tout en sortant le prisonnier du milieu où il n'a pas su se conduire en homme,on le replace dans les conditions de la vie quotidienne,à ceci près qu'il ne peut s'enfuir.La garde d'un camp comme celui de Mauthausen,garni de puissantes barrières électrifiées,se réduisait à deux ou trois mitrailleuses de flanquement destinées à parer au cas de mutinerie.Grosse économie pour l’État.La nourriture des prisonniers ne coûte pas grand-chose,puisqu'ils en produisent l'essentiel,le fruit de leur travail paie le reste et il leur est loisible de constituer un pécule pour la sortie.Si une chance quelconque existe d'améliorer des brutes endurcies,c'est là qu'elle se trouve et non dans les enclos où ils pourrissent les autres.Deux séries de camps peuvent être envisagées.Le camp simple pour les délinquants moyens,le camp sévère pour les criminels.Qu'on n'aille pas prétendre que c'est là de la faiblesse à l'égard des coupables définis comme tels par la justice.Ceux que j'ai connus préféraient vivre dans les prisons actuelles à paresser,à truquer,avec leurs vices et leur saleté,qu'être soumis à la discipline d'un camp de travail.
Mais,mon cher Galtier,je rêve.Rien ne sera fait.L'administration des prisons a ses habitudes et elle n'y renoncera pas.Là,comme ailleurs des années passeront sans que quoi que ce soit change,nos prisons demeurons ce qu'elles sont,un lieu ignoble fait de tristesse humaine et de dégradation.
Bien amicalement.
G.L.-L



Crapouillot numéro 21 dépôt légal 6-1953
On peut trouver auprès des bouquinistes d' anciens numéros du Crapouillot sous la direction de Jean Galtier-Boissière.

Pour en savoir davantage


Georges, Augustin LOUSTAUNAU-LACAU (1894 - 1955) Base de données des députés français depuis 1789 (Cliquez pour le bouton biographie en haut à droite)


Dossier Légion d'Honneur Base Léonore


Loustaunau-Lacau Georges Augustin Anselme Registre de recrutement militaire AD 64-1R870



08 mai 2014

Barreaux et barbelés à Bayonne-1939-1945


"A la déclaration de la guerre,mon fiancé HERZ, a été conduit au camp de concentration à Bayonne,où de là,il a été transféré au camp de concentration de Libourne"
Cambo -les-bains le 31 octobre 1939
Le Commissaire Spécial
à Monsieur le Commissaire Divisionnaire
HENDAYE

Répondant à une demande d'enquête de Monsieur le Préfet des Basses-Pyrénées,en date du 25 octobre 1939,à nous transmis par Monsieur le Commissaire Divisionnaire d'Hendaye,reçue au Commissariat le 30 octobre 1939,N°217,enquête relative aux ressortissants allemands:WENZEL,Marta,WENZEL Margarita HERZ et SCHAWABE,résidant à Souraïde (Basses-Pyrénées),nous avons reçu les déclarations suivantes:
1° -WENZEL,Marta,37 ans,née le 15 aout 1902 à Gustein Anhalt (Saxe-Allemagne) de feu Gustave et de feue Plagge Marie,sans profession,résidant à Souraïde;Maison Olhagaraya,titulaire de la carte d'identité N°36-H-C-21984 délivrée le 17 juillet 1937 par la Préfecture des Basses-Pyrénées,valable jusqu'au 16 juillet 1940,déclare:
"Il y a 6 ans,le 20 mai 1933,que j'ai quitté l'Allemagne,en compagnie de M.HERTZ qui est mon fiancé.
M. HERZ est de religion israélite et moi de religion protestante.Pour fuir les vexations et les persécutions dont nous étions l'objet de la part des Autorités de notre pays nous avons récupéré toutes les ressources dont nous pouvions disposer,et un jour,clandestinement,nous nous sommes enfuis en Hollande,où nous n'avons fait que passer....
Disposant de capitaux (cinq cent mille francs environ ) nous sommes venus en France,et nous nous sommes installés à Lille (Nord),où nous avons loué un immeuble,que nous avons transformé en garage.
En raison de la proximité de la frontière,nous avons reçu l'ordre des Autorités françaises de quitter Lille où nous avons abandonné le garage et l'argent que nous avions dépensé pour sa transformation,pour la simple raison que nous n'avions pas d'acquéreur.
Nous sommes alors venus nous installer à Brunois (S-O) où nous avons monté un commerce de charcuterie.
Nous sommes venus à Souraïde en septembre 1935,où sur les insistances de M.Kaufman, avec qui nous avions été mis en relations,et qui y avait une propriété,nous sommes venus nous installer à Souraïde et avons monté,avec lui,une charcuterie de gros.M.HERZ a fourni l'argent nécessaire pour l'achat de l'outillage,mais s'étant fâché avec Kaufmann,il a été obligé de tout lui abandonner,les affaires commerciales et d'association ,n'ayant pas été faites régulièrement et ne pouvant de ce fait,le faire poursuivre en justice.
A la déclaration de guerre,mon fiancé HERZ a été conduit au camp de concentration de Bayonne,où de là,il a été transféré au camp de concentration de Libourne,où il se trouve actuellement.Étant dans ce camp,mon fiancé,a manifesté l'intention de s'engager dans la Légion Étrangère,mais il a été réformé en raison de ses infirmités et de son age.Il a 48 ans.
En ce moment,nous ne travaillons pas à notre commerce mais nous aidons bénévolement,nos voisins dans leurs travaux de culture,fenaison et amassage de récoltes.
De tout ce que je viens de vous déclarer,il résulte que devant les agissements de nos compatriotes,nous avons été obligés de fuir l'Allemagne,y laissant une belle situation.Nous sommes en France,demandons à y rester,ne faisant  et ne ferons pas quoique ce soit de répréhensible contre elle.
Lecture faite persiste et signe
Signé:Marta WENZEL .                                          Le Commissaire Spécial Signé MOREL

Archives consultables au Pôle de Bayonne et du Pays Basque AD 64
39 avenue Duvergier de Hauranne 64100 Bayonne
sous la cote 1027 W art 7
 





























4 septembre 1941


 "Si leur sort ne leur parait pas agréable,nous pourrions les proposer un de ces jours pour le camp de concentration."

Bayonne le 4 septembre 1941

Le COMMISSAIRE SPECIAL
à Monsieur le COMMISSAIRE SPECIAL à MONT-de-MARSAN (Landes)

Comme suite à votre lettre du 2 septembre courant,relative au nommé COURBIN Paul,ancien conseiller municipal communiste d'ANGLET,actuellement en résidence forcée à ST-MARTIN-de-SEIGNANX,(Landes) qui demande à Monsieur le PREFET des Landes,l'autorisation de se rendre à ANGLET,une fois par semaine,du (Samedi au Lundi matin),j'ai l'honneur de vous de vous faire connaitre qu'à mon avis,il y a lieu de rejeter purement et simplement cette demande.
La demande de COURBIN coïncide avec la même demande émise par PERSE,ancien Maire du Boucau,éloigné également à ST-MARTIN-de-SEIGNANX,(Landes).
COURBIN et PERSE,oublient que nos prisonniers de guerre,n'ont pas une cantine aussi confortable que celle du chantier des Barthes de l'ADOUR.
Si leur sort ne leur parait pas agréable,nous pourrions les proposer un de ces jours pour le camp de concentration.
LE COMMISSAIRE SPECIAL
Copie à Monsieur le PREFET de la zone occupée des Basses-Pyrénées (Cabinet ) à BAYONNE.
En marge
N°7872
Transmis à M.LE PREFET des Landes avec avis conforme.
L'autorisation,si elle était accordée,pourrait favoriser une collusion entre des individus qu'il y a intéret à tenir isolés.
Mont-de-Marsan le 06/09/1941
LE COMMISSAIRE PRINCIPAL ,Chef de Service
Archive consultable :AD 40 - 283W art 80 Préfecture des Landes Cabinet
Maurice Perse à été conduit à la villa Julia,boulevard Jean d'Amou à Bayonne le 12 février 1941
et Paul Courbin le 20 février 1941.

24 mars 1945



























GENDARMERIE NATIONALE
18° Légion                                                                                       Compagnie des Basses-Pyrénées
Section de Bayonne
Ordre d'écrou

Le Capitaine Duran,Commandant la Section de Gendarmerie de Bayonne,Requiert le Gardien-Chef de la prison Militaire,Caserne CHATEAUNEUF,à Bayonne,d'écrouer le déserteur espagnol NICOLAS VICTORES,BARCELINA,arrêté le 24 mars 1945 par la brigade de Béhobie,en attendant son transfèrement au camp de GURS.
Et pour garantie du dit Gardien-Chef,nous apposons notre signature.
Bayonne,le 24 mars 1945.

Archive consultable au Pôle de Bayonne et du Pays Basque AD 64
39 avenue Duvergier de Hauranne 64100 Bayonne
sous la cote 1338 W art 45 Maison d’arrêt de Bayonne
(N°242)


Camps de concentration et camps d'extermination,lire l'article Camp de concentration -Wikipédia

Jacky Tronel qui développe un blog Histoire pénitentiaire et Justice militaire
et Claire Frossard du Collectif Mémoire Camp Beyris ont favorisé les recherches d'archives associées au centre de séjour surveillé,villa Julia et au camp Beyris à Bayonne.Je leur exprime ma reconnaissance.

Quatrième de couverture :
Espagne,janvier 1939.La République vit ses dernières heures et la guerre civile touche à sa fin.Aidées par les armées allemandes et italiennes,les troupes rebelles du général Franco battent définitivement l'armée républicaine espagnole sur le front de l'Est et se dirigent vers Barcelone.Un demi-million de civils et militaires,craignant la répression du futur régime totalitaire,fuient la Catalogne via les Pyrénées pour rejoindre la France.Cet exode,aussi massif qu'inattendu,se révèle être un véritable chemin de croix pour ces milliers de gens.
Parmi eux,un écrivain célèbre, Alvaro de Orriols,tente de sauver sa famille de ce naufrage collectif.Tout au long de son périple l'écrivain nous retrace,avec un talent de conteur et de dessinateur sans précédent,l'histoire de La Retirada,cette faillite d'un pays tout entier,mais aussi celle de son œuvre,perdue à jamais entre Barcelonne et la France.
Cet ouvrage est la première publication du journal de l'artiste en français et la première présentation de l'intégralité de ses dessins.


Editions Privat
ISBN 978-267089-6915-5

 
Didier Damestoy de Orriols petit fils d'Alvaro de Orriols,à la salle du  Carré à Bayonne,mercredi 7 mai 2014 .













Quatrième de couverture :
Entre le décret du 12 novembre 1938,qui permit d'interner les "indésirables étrangers" dans des centres spécialisés,et la libération du dernier interné en 1946,six cent mille hommes,femmes et enfants ont été enfermés dans les camps français.Denis Peschanski fait ici l'histoire d'un phénomène à la fois durable et massif,que de rares ouvrages pionniers n'avaient abordé que partiellement.
Républicains exilés de la guerre d'Espagne,puis "ressortissants des puissances ennemies"-qui,pour la plupart,avaient fui les persécutions antisémites et la répression politique-,enfin quelques centaines de communistes français furent les premiers à subir des mesures d'exception nées de situations d'exception.Avec l'instauration du régime de Vichy et l'occupation ,communistes,Juifs et Tsiganes,ainsi que les droits-communs et les marché-noir devinrent les victimes de la politique d'internement.A partir de l'été 1942,suivant la logique d'extermination de la Solution finale,les camps se transformèrent en antichambres de la mort pour soixante-quinze mille Juifs de France déportés à Auschwitz.Ils furent remplacés,à la Libération,par tous les suspects de la Collaboration.
La France des Camps,à partir d'une cartographie précise,dessine ainsi la géographie inattendue d'un archipel.Deux cents camps,avec leurs bâtiments,leurs aménagements,une administration,des ministères de tutelle aux gardiens,des rapports socio-économiques avec leur région,une société internée,des solidarités,une entraide officielle et non officielle,dont la description concrète est permise par des archives abondantes,auxquelles s'ajoutent les témoignages poignants des internés eux-mêmes.
Un épisode crucial de l'histoire de France est là retracé,face aux simplifications des reconstructions mémorielles,dans sa diversité,sa complexité:son exacte réalité.
Directeur de recherche au C.N.R.S. (Centre d'histoire sociale du XXe siècle,Paris-1),Denis Peschansky a notamment publié Vichy 1940-1944:Contrôle et exclusion (Ed.Complexe,1997). Cet ouvrage est issu de sa thèse de doctorat d’État.
Éditions Gallimard,2002
ISBN 2 07-073138-3

Articles du blog:
Le centre de séjour surveillé de Bayonne "Villa Julia,boulevard Jean d'Amou".
Un plan de 1914 de la villa Julia, boulevard Jean d'Amou à Bayonne
Mamadou Ba,Juliette Lévy veuve Vaez-Olivéra,Farjelh Farhat
Quartier Beyris :pose de la borne des 4 camps

10 juillet 2014

Archives de la Maison d'Arrêt de Bayonne

Les archives de la Maison d’Arrêt de Bayonne , communicables en 2014, sont accessibles
  • Sur internet, pour les documents les plus anciens,
  • Au Pôle de Bayonne et du Pays Basque , pour les archives postérieures à 1940, 1338W
  • A Pau,sur microfilms (1338W)

On lira sur e-Archives les explications associées aux Établissements pénitentiaires -Série Y-Répertoires numériques , en particulier les délais de communicabilité .


  














 Maison d’Arrêt Bayonne  44 rue Charles Floquet, 64100 BAYONNE
Direction interrégionale des services pénitentiaires
de Bordeaux
188 rue de Pessac
CS-21509
33 062 Bordeaux Cedex 
















Archives en ligne de la prison de Bayonne (AD 64)


Administration

Carnets d'ordre de service 
Cote 2Y1/1 ;284 vues1906-1916 

 
Cote 2Y1/2; 220 vues1923-1927

 
Cote 2Y1/3; 140 vues1934-1937

 
Cote  2Y1/4;122 vues1937-1939

Notes de service 2Y1/5;35 vues  1907-1937
Dont
cheveux en gros , postiches en tous genres FRAD064005_2Y1_5_0009.jpg 

liste nominative d'agents de la circonscription pénitentiaire de Bordeaux au 13 octobre 1936
FRAD064005_2Y1_5_0031.jpg

Rapports journaliers du gardien chef au directeur

  • 1er avril-2 juillet 1876
  • 1er janvier-2 avril 1877
  • 2e semestre 1877
  • 2e semestre 1878
  • 1er semestre 1878

Comptabilité

Livre des dépenses
  • 1938-1943
  • 1917-1924
  • 1906-1917
  • 1896-1906
  • 1886-1890
  • 1880-1883
  • 1876-1880
Registres des dépenses de consommation et de la cantine

  • 1892
  • 1893-1894
  • 1928-1930
  • 1931-1933
  • 1938
Registre de main courante octobre 1935-juillet 1940

Livres à souche des recettes
  • 3 juin 1926-6 juillet 1928
  • 30 août 1913-12 juin 1914
Registres du vaguemestre
  • Sommes, valeurs cotées et lettres chargées à retirer des bureaux de poste. 1916-1949
  • Valeurs cotées et lettres chargées à déposer. 1913-1946
Situation des ateliers-cellules

 Population

 Registre d'écrou
11 mai 1806-1er octobre 1810 ;262 vues


Écrou pour les prévenus et accusés attendant leur interrogatoire
11 septembre 1872-3 décembre 1876

 
3 décembre 1876-1er septembre 1887

Écrou des prisonniers pour dettes:7 septembre 1842-1er septembre 1853
Écrou pour la maison de correction

  • 31 décembre 1855-31 janvier 1859
  • 13 mars 1852-26 décembre 1855
  • 28 août 1849-11 mars 1852
  • 7 février 1846-28 août 1849
  • 5 janvier 1843-3 février 1846
  • 22 avril 1839-29 décembre 1842
  • 7 février 1836-7 avril 1839
  • 12 avril 1832-5 février 1836

 

Registres numériques des mouvements journaliers

  • novembre 1936-mars 1939
  • juin 1914-août 1916
  • janvier 1912-avril 1914

 

 Contrôle nominatif

  • Arrêt.1832-1833
  • Correction.1828-1833













































































































































































































 Police intérieure

Services de nuit et rondes

  • 21 avril 1917-8 avril 1921
  • 3 juin 1935-24 avril 1941
  • 31 décembre 1905-20 novembre 1910

 

Catalogue des ouvrages de la bibliothèque jusqu'à la vue 31 .....


16 mars 1932-17 septembre 1940;123 vues

Archives de la Maison d’Arrêt de Bayonne consultables 

au Pôle de Bayonne et du Pays Basque -AD 64

39 avenue Duvergier de Hauranne,Bayonne


Maison d’Arrêt de Bayonne


1338W 1 Notes de service 1941-1946


1338W 3 Minutes de lettres et correspondance relatives aux locaux 1940-1948

1338W 4 Registre des dépenses 1940-1943


1338W 5 Registre des dépenses 1942-1947


1338W 6 Registre des dépenses 1948-1949

1338W 7 Main courante 1943-1945


1338W 8 Main courante 1950-1952

1338W 9 Livre à souche des recettes 1940


1338W 10 Livre à souche des recettes 1940-1941


1338W 11 Livre à souche des recettes 1941-1942


1338W 12 Livre à souche des recettes 1942-1943


1338W 13 Livre à souche des recettes 1946


1338W 14 Livre à souche des recettes 1947-1948


1338W 15 Livre à souche des recettes 1948-1949


1338W 16 Livre à souche des recettes 1950


1338W 17 Livre à souche des recettes 1950-1951

1338W 18 Sommiers de comptabilité (recettes-dépenses) 1940-1941


1338W 19 Sommiers de comptabilité (dépenses) 1942

1338W 20 Comptes ouverts pour les détenus 1941-1942


1338W 21 Comptes ouverts pour les détenus 1943-1945


1338W 22 Comptes ouverts pour les détenus 1947-1949


1338W 23 Comptes ouverts pour les détenus 1949-1952

1338W 24 Fiches de pécule 1945

1338W 25 Livre des dépenses effectuées pour le compte des détenus et de la régie 1940-1941

1338W 27 Enregistrement des cartes d'alimentation des prisonniers 1941-1949


1338W 28 Enregistrement des cartes d'alimentation des prisonniers 1942-1945

1338W 29 Registre du vaguemestre 1947-1948


1338W 30 Pièces comptables (états,factures)1943-1952

1338W 31 Répertoire général 1942-1943


1338W 32 Répertoire général 1945-1949


1338W 33 Répertoire général sans date

1338W 34 Écrou pour la maison d’arrêt 03/05/1940-12/08/1941


1338W 35 Écrou pour la maison d’arrêt 13/08/1941-13/07/1942


1338W 36 Écrou pour la maison d’arrêt 13/07/1942-18/08/1943


1338W 37 Écrou pour la maison d’arrêt 18/08/1943-25/09/1944


1338W 38 Écrou pour la maison d’arrêt 26/09/1944-20/09/1945


1338W 39 Écrou pour la maison d’arrêt 20/09/1945-15/04/1946


1338W 40 Écrou pour la maison d’arrêt 15/04/1946-07/12/1946


1338W 41 Écrou pour la maison d’arrêt 08/12/1946-14/05/1948


1338W 42 Écrou pour la maison d’arrêt 14/05/1948-18/10/1949


1338W 43 Écrou pour la maison d’arrêt 18/101949-14/08/1952

1338W 44 Écrou pour la maison d’arrêt (autorités allemandes) 13/07/1942-10/08/1944

 
1338W 45 Écrou pour la maison d’arrêt- prévenus  (autorités allemandes) 21/04/1943-3/08/1944 Le registre est suivi de l'écrou des passagers pour la période 12 septembre 1944-12 juin 1945

1338W 46 Écrou pour les passagers et autres détenus à titre provisoire 12/12/1942-7/09/1944 


1338W 47 Écrou pour les passagers et autres détenus à titre provisoire 24/09/1942-09/04/1943


1338W 48 Écrou pour les passagers et autres détenus à titre provisoire 10/04/1943-12/09/1944 pour la suite voir 1338W 45


1338W 49 Écrou pour les passagers et autres détenus à titre provisoire 18/06/1945-12/05/1949


1338W 50 Écrou pour les passagers et autres détenus à titre provisoire 16/05/1949-31/12/1955

1338W 51 Écrou des prisonniers pour dettes 08/05/1943-26/02/1953

1338W 52 Écrou pour la maison de correction  01/06/1943-30/04/1955


1338W 53 Écrou pour la maison de correction  13/01/1945-11:11:1945


1338W 54 Écrou pour la maison de correction  (Saint-Esprit) juin-novembre 1945

1338W 57 Contrôle nominatif 1941-1945


1338W 58 Contrôle nominatif 1946-1949


1338W 59 Contrôle nominatif (autorités allemandes) décembre 1941-1944


1338W 60 Registre numérique des mouvements journaliers 1942-1943


1338W 61 Registre numérique des mouvements journaliers 1944-1946


1338W 62 Registre numérique des mouvements journaliers 1946-1948


1338W 63 Registre numérique des mouvements journaliers 1956-1958

1338W 64 Mouvements journaliers (contrôle nominatif) 14/08/1941-01/01/1943


1338W 65 Mouvements journaliers (contrôle nominatif) 01/01/1943-31/12/1943


1338W 66 Mouvements journaliers (contrôle nominatif) 22/09/1942-18/02/1945

1338W 67 Inscription des vêtements des détenus 1946-1948

1338W 68 Inscription des objets précieux et des bijoux 1940-1944 


1338W 69 Inscription des objets précieux et des bijoux 1945-1946

1338W 70 Registre des visites aux détenus 1945-1947


1338W 71 Registre des visites aux détenus 1947-1948


Archives de la Maison d’Arrêt de Bayonne (1338 W) consultables sur microfilm à Pau   

(AD 64 Boulevard Tourasse)

Documents microfilmés pour l'Holocaust Memorial Museum Research Institute


Pour en savoir davantage
Ministère de la Justice /Justice en région 

Extrait de la présentation de Criminocorpus:" une plateforme d’édition scientifique pour l’histoire de la justice, des crimes et des peines. Produit d’une coopération originale entre chercheurs, archivistes, documentalistes et collectionneurs, Criminocorpus met à disposition du public des outils de recherches, des sources, des articles et des expositions virtuelles. "

Histoire pénitentiaire et Justice militaire -Blog de Jacky Tronel
Extrait de la présentation du blog:"Consacré à l’Histoire pénitentiaire et à la Justice militaire, ce blog s’attache principalement à la Prison militaire de Paris et aux trois lieux d’internement associés à son histoire : la prison du Cherche-Midi et son annexe de la Santé, les camps de Mauzac (Dordogne) et de Gurs (Basses-Pyrénées)."

Extrait de la présentation du blog:" Articles à votre disposition concernant l’Histoire de la Police, de la Gendarmerie, des Galères, des Bagnes maritimes et coloniaux, des Prisons, des colonies correctionnelles, des maisons de correction, des Hospices, des Hôpitaux… en passant par de nombreux articles consacrés à l’histoire du vêtement, à l'histoire de la vie quotidienne, des portraits de femmes et d’hommes qui ont traversé « l’Histoire » et « la petite Histoire »…"

05 mai 2017

Discours de José Antonio De Aguirre

 Discours  prononcé par Son Excellence le Président du Gouvernement Basque

 José Antonio De Aguirre aux postes de radio de catalogue

 le 21 décembre 1938

Collection particulière
 

Il y a deux ans… La thèse basque : lumière, doctrine et exemple.

Il y aura déjà deux ans, exactement demain 22 décembre, je prononçais à Bilbao, au micro de Radio Euzkadi, un discours qui fut en substance la présentation du Gouvernement Basque et de son œuvre.
De mon discours, une bonne partie, consacrée à des questions politiques est, à mesure que le temps passe, pleinement confirmée dans toute son extension. Peut-être sont-ce ces paroles qui ont incité le monde à considérer de nouveau le profond problème que constituait la guerre provoquée par les militaires rebelles. La thèse soutenue et la réalité présentée rompaient brutalement avec cette façon simpliste et commode de présenter le problème que l’on interprétait alors comme une lutte entre l’anarchie débordante et l’ordre, entre la civilisation chrétienne occidentale et la barbarie, entre le Christ et Lénine. Assurément, cela ne pouvait venir à l’idée qu’à des esprits légers, pour ne pas les appeler autrement, qui n’avaient pas encore étudié les origines d’une lutte basée sur la rancœur, l'injustice et la superbe.
Il fallait parler clair et ferme. Surgit « le cas basque » comme il fut appelé alors. Grâce à lui se dissipa l’atmosphère chargée et pleine d’ignorance qui régnait alors à ce sujet. Aujourd’hui, on appelle plus « le cas basque » l’épopée que l’Euskadi est en train d’écrire dans cette guerre. On la connaît dans les milieux compétents sous le nom de « thèse basque ». Thèse basque qui renferme une vérité , un enseignement, et qui est  la base ferme d’une position qui, à l’avenir, servira de modèle et de point de départ pour la définition de conduites et d’aptitudes dans le domaine de la philosophie politique.

Avec l’adhésion du peuple et la conscience du devoir.

On a déjà beaucoup écrit sur ce sujet. Il existe des témoignages très abondants. Ce serait un travail certainement inopportun y interminable que de les référer dans ce discours. Il est bien préférable de rappeler et d’approfondir la thèse.
Je veux suivre la ligne de conduite tracée en 1936 en harmonie avec notre histoire qui s’est toujours montrée fidèle à elle-même par la pensée et par la conduite.
Je m’adresse à tous, mais spécialement à mes compatriotes basques, aujourd’hui sous le joug le plus étranger à leur pensée et à leur cœur. Je m’adresse à eux avec l’autorité d’un homme qui peut le faire parce qu’il s’appuie sur l’adhésion enthousiaste de notre peuple, adhésion que ni des barreaux des prisons, ni la persécution acharnée, ni l’exil hors de la Patrie, ni la misère, ni le mépris, ni  l’injustice ne pourront jamais empêcher. Quelle leçon donnerait en ce moment la tyrannie étrangère si on lui  permettait de parler ! Rien que de parler ! Étant en outre ses légitimes représentants d’où que nous nous  adressions à lui, nous savons que nous le faisons en interprétant sa volonté.
Je vous parle donc, comme si je parlais parmi vous, entouré de compatriotes. Ici je les ai devant moi ,vous êtes leur prolongement. Notre communauté spirituelle est parfaite. Même la distance est abolie grâce à l’aide merveilleuse de ces ondes qui nous rapprochent et nous permettent en ce moment d’exprimer nos mutuels désirs et nos espérances prometteuses. Nous allons parler de ce qui nous touche.
Le motif, le même qu’il y a deux ans :les  fête de Noël, avec leur message sublime de paix aux hommes de bonne volonté. L’objet, le même aussi, celui de continuer à rendre compte au peuple, à notre peuple, de toutes nos activités. Ce devoir, bien que nous soyons physiquement séparés, continue à être aussi impérieux qu’il le sera le jour où nous serons de nouveau là-bas. Car ce jour approche, compatriotes. Soyez-en sûrs.

Les conservateurs en armes !Quel mal la République leur avait-elle fait ?

Toute la définition de la lutte, son illégalité initiale, son manque de motifs et son caractère odieux peuvent se concrétiser dans ces paroles que je prononçais il y deux ans et qui paraissent dites pour aujourd’hui et  en particulier pour les jours présents. M’adressant aux classes conservatrices dirigeantes du mouvement  insurrectionnel, je leur avais dit :
« Quel mal vous a fait la République ? Vous avez  conservé vos fortunes, vos affaires. Vous touchiez des honoraires splendides dans vos Conseils d’Administration souvent accaparés par un petit nombre de personnes, et l’on vous a tout  respecté. C’est un catholique qui vous parle, un catholique qui combattit aux Cortès  Constituantes de la République tout ce qui , selon la doctrine chrétienne, était excessif et inacceptable. Ah ! Mais sur les questions sociales, sur les questions économiques, qui sont les seules à vous intéresser, nous donnions notre approbation aux progrès que la justice réclamait. Car nous étions préparés à la générosité et il fallait être préparés à la générosité et il fallait être préparés même au sacrifice. Le bien commun de la doctrine classique doit prévaloir sur le bien privé des individus. Ne vous rappelez pas que tout manquait dans une multitude de foyers ? Aviez-vous le droit de protester ? Avez-vous cru un instant qu’en appelant communisme une juste protestation sociale vous pouviez obtenir un autre résultat que celui d’exaspérer le peuple avide d’un régime social plus humain et plus équitable ?
« Vous viviez bien ; ce n’est que maintenant, en présence du désastre, avec une économie ruinée, une richesse absorbée par les dépenses de la guerre, que vous comprenez combien fut insensée votre conduite ; et malgré cette situation privilégiée, vous vous êtes soulevés, les uns en prenant les armes, les autres en finançant le mouvement, en secondant la rébellion de ceux qui, manquant à la parole donnée, servent un régime caduc, guidés seulement par le désir de commandement, d’oppression et d’orgueil. Et impuissants à réduire le peuple en esclavage, lancés dans une course sans frein ,voyant que les forces que vous aviez soulevées  n’étaient pas capables de vous mener à  la réalisation de vos désirs insensés, vous avez applaudi tragiquement à l’arrivée des  troupes mercenaires africaines, renforcées plus tard de contingents étrangers allemands et italiens, sans qu’il vous importât que votre dignité  traîne dans le ruisseau pourvu que n’importe qui, noir ou blanc, de quelque couleur, de quelque race que ce soit, sauve  votre situation économique, vos privilèges perdus  parce que Dieu a voulu que vous fussiez aveuglés  pour toujours  par votre ambition et votre orgueil ; ces troupes noires infidèles amenées par ces insensés qui ont fait du nom du  Christ un cri de guerre, de ce Christ dont  l’humanité croyante célèbre en ces jours l’avènement  par ce salut   admirable  : « Gloire à Dieu au plus haut  du ciel et paix sur  la terre aux hommes de bonne volonté » Contradiction monstrueuse avec une conduite qui a fait verser tant de sang et causé tant de douleur dans des milliers de familles »
Nous disions ceci il y a deux ans. Avec combien plus de raison nous pouvons le dire aujourd’hui et avec quelle foi nous ratifions ces paroles ! En elles, notre pensée est condensée

Aux compatriotes qui souffrent :notre conduite a triomphé.

C’est à vous que je m’adresse, compatriote qui souffrez. Où que vous vous trouviez, derrière les barreaux des prisons, dans les camps de concentration, épuisés par l’exploitation éhontée que vous subissez dans les usines et dans les mines, à vous qui écoutez ma voix et, aussi, à ceux qui ne l’écoutent pas. Tous vous êtes présents à mon esprit.
« La thèse basque » comme on  appelle aujourd’hui dans le monde entier notre attitude , a acquis la sympathie générale. Ici, et hors d’ici .Notre esprit pratique a répandu son efficacité et son influence. Je peux vous dire aujourd’hui que la politique qu’avait suivie le Gouvernement d’Euzkadi est  suivie ici par le gouvernement de la République. C’est le triomphe d’une conduite.
Tous nos compatriotes travaillent avec foi et enthousiasme dans les postes où leur devoir les conduit, que nous, leurs chefs, nous leur assignons. Tous travaillent pour le  bien de l’Euzkadi et pour la Cause de la République. Et ce travail intelligent en toute sorte des postes reçoit, ici comme à l’étranger, des éloges constants qui arrivent jusqu’à moi sous toutes les formes et même de façon officielle. Les basques ont sû faire honneur à leur réputation de courage, d’amour du travail, de fidélité. Partagez avec moi cette immense satisfaction.

L’Euzkadi dans le monde. On nous aime, on nous admire.

Nous avons quitté l’Euskadi et Santander pour accomplir un douloureux pèlerinage, et les services du Gouvernement Basque ont dirigé l’organisation de notre peuple partout où celui-ci se trouvait, au milieu des naturelles difficultés et de grands sacrifices, que vous comprendrez. Aujourd’hui, les choses ont bien changé. Je sais que de là-bas où vous êtes on s’étonne de la façon dont peuvent vivre tant de milliers d’exilés. Ils vivent bien et ils vivront. Dans notre malheur, que nous supportons avec une bonne humeur et un courage exemplaires, nous avons de grandes consolations. Notre conduite a partout fait respecter notre peuple et l’a fait aimer. On nous a ouvert les portes. On nous aime, compatriotes, on nous aime. ! Nos institutions d’Assistance Sociale sur le sol de de France, en Belgique et en Angleterre, nos magnifiques institutions médico- chirurgicales de La Roseraie où sont soignés les mutilés de guerre, ou nos malades sont soulagé, nos colonies scolaires, nos services sanitaires, et surtout, entendez-moi bien, notre confraternité de race, tout cela aussi nous a valu d’attirer l’attention, tout cela a reçu des éloges, parfois même trop d’éloges, de la grande presse d’Europe et d’Amérique. Et tandis que nous organisons l’exil de notre peuple en adoucissant sa douleur, nos journaux et nos publications de propagande détruisent, à Paris, à Londres et en Amérique, la fable de Franco. Notre art national parait sur les scènes des principales capitales d’Europe et l’Amérique le réclame avec insistance : voilà la preuve donnée au monde que la culture c’est nous qui la représentons, tandis qu’en face il n’y a qu’une barbarie et qu’une rancœur qui ne respecte même pas la vie des peuples.Et si dans les champs de batailles l’Euzkadi continue, aujourd’hui encore, à défendre son renom de loyauté qu’il a scellé de son sang, hors d’ici, hérauts de la justice et du droit, nous dissipons l’hostilité et groupons autour de nous des sympathies innombrables. Les témoignages des ambassadeurs de la République dans les pays étrangers l’ont établi et des personnalités les plus distinguées des milieux politiques républicains l’ont compris. La calomnie et les féroces attaques de l’adversaire nous indiquent que nous avons visé juste. Cette satisfaction aussi, compatriotes, partagez-la avec moi.
Et ici, en Catalogne, dans ce pays noble et cher où nous avons trouvé tant de chaude affection, de même que le reste du territoire de la République qui a généreusement reçu notre peuple, le Gouvernement d’Euzkadi a organisé l’émigration d’une façon qui peut nous remplir d’un légitime orgueil. Refuges, hôpitaux, colonies etc. etc., soit au total presque 200 institutions, recueillent les Basques qui ont tout perdu pour une loyauté qu’ils avaient promise et qu’ils ont prouvée.

La vitalité d’Euskadi : une valeur permanente, un témoignage prodigieux.

L’Euzkadi à une vitalité qui rayonne au dehors. Il est comme notre langue, dans laquelle je vous parlerai tout à l’heure, une valeur permanente et le témoin prodigieux de l’évolution et même la chute de toutes les civilisations de l’Occident. Il dure en se rénovant chaque jour. Et nous, nous sommes comme lui et, plus encore, cette faculté de durée suscite avec une vigueur inattendue les sentiments que l’on croyait endormis, de ces milliers de nos compatriotes qui, au-delà des mers, dans cette Amérique qui les a accueillis, ont aujourd’hui relevé la tête pour regarder vers nous, pour recevoir avec enthousiasme nos représentants. Généreux, ils nous tendent la main et nous donnent notre pain quotidien, qui, dans son sens matériel, ne vaut rien à côté de cette magnifique résurrection de la fraternité de la race basque, qui, née dans un petit territoire, dans un petit peuple, a assez de force pour rayonner au-delà des frontières de notre pays, pour survivre à l’infortune, pour rester éternellement maîtresse de sa maison.

L’exemple basque recueilli par le Gouvernement de la République.

Nous allons parler, maintenant, de quelques choses qui vous intéressent. Cet esprit qui est le nôtre et dans lequel nos sentiments religieux occupent une si grande place, été accueilli, ici, dans le territoire de la République, par le respect et l’affection tous.
Les efforts de notre Manuel de Irujo en faveur de la normalisation de vie religieuse dans le territoire de la République ont   reçu du Président Negrin l’accueil le plus compréhensif. Et dans ce pays où, au début de cette lutte, de condamnables excès ont été commis contre les personnes et les édifices de l’Eglise, aujourd’hui règnent la tolérance et le respect des croyances, appuyés par les autorités et profondément professés par le peuple. Vous savez bien que je vous ai toujours parlé clairement. Je ne rejetterai jamais sur le peuple la faute de tant  d’atrocités qui nous ont fait tant de mal dans la première période révolutionnaire de cette guerre. Peut-être devra-t-on chercher une origine plus reculée à ces faits déplorables. En particulier, cette origine, peut-être la trouverait-on dans les manifestations publiques de ceux-là qui, oubliant la soif de justice sociale  du peuple, donnaient  libre cours à des déclarations d’un sectarisme désuet
Aujourd’hui, le peuple a conquis cela. Il vaut mieux bien imposer les rentes ou destiner les choses de bien commun que de s’amuser à brûler des églises. La première chose est juste, la seconde discrédite sans aucun profit.

Hommage au Saint-Père, défenseur de la dignité humaine

L’église, pas plus que la Foi, n’est coupable des erreurs commises par ceux qui se sont permis de compromettre le Christ contre sa volonté ou de définir avec leur autorité spirituelle des questions que Dieu a laissées à la libre discussion des hommes. Pauvre religion, mise en discussion devant les multitudes ! Pauvre Église, violemment persécutée en Allemagne et à la veille de jours tragiques en Italie. ! Comme on vous cache ces  choses ! Permettez-moi, de cette tribune, à Barcelone, comme Président du Gouvernement Basque, en tant que catholique, remerciant Dieu, aujourd’hui encore, de la Foi qu’il a bien voulu me concéder et dans laquelle je veux mourir, permettez-moi d’adresser à l’Auguste Vieillard du Vatican un salut ému et respectueux pour la défense de la dignité humaine  que par ses paroles et sa conduite il réalise contre les courants  antichrétiens, antihumains et tyranniques  du paganisme fasciste. Ce salut, je sais que tous les hommes de bonne volonté l’adresseront avec moi. D’ici, nous pouvons, nous Basques, parler avec cette clarté et dans la sincérité de notre cœur. C’est aussi en votre nom que j’adresse ce salut, en notre nom à vous, mes compatriotes opprimés ,qui, sans pouvoir exprimer de là où vous êtes ce sentiment, vous associez à mes paroles.

L’échange des prisonniers :la responsabilité de Burgos.

Une autre affaire qui vous intéresse grandement est celle de l’échange des prisonniers. Eh bien, j’ai le devoir de vous dire  que l’attitude du Gouvernement de la République à ce sujet est digne de tout éloge. Accueillant les suggestions de représentants étrangers, il a poussé son esprit d’humanité jusqu’à des limites qui auraient pu difficilement être dépassées par quiconque. Observant fidèlement la parole donnée, il a facilité sans cesse tous les échanges. Ici, il y a une autorité ;tous savent à qui s’adresser , la parole donnée est tenue. Si l’on avait répondu comme elle le méritait à cette conduite, des milliers d’hommes souffre innocemment auraient été libérés. Plus encore : beaucoup d’hommes aurait pu être sauvé des pelotons  d’exécution.
Toute la responsabilité retombe sur Franco.
 Je vous rapporterai seulement une impression que j’ai reçue il a peu de jours de hautes  personnalités qui, parlant de cette question, me dirent :
 « Dans le territoire de Franco on ne sait à qui s’adresser. Il n’y a ni autorité, ni organisation en cette matière. Et c’est ainsi que répond de tous ces actes l’administration de Burgos , qui paraît absolument ne pas exister. »
Tout ceci est rigoureusement exact. Naturellement, la conséquence internationale de ces différentes conduites, c’est que chacun reçoit son dû .

Le Gouvernement Basque prend soin de ce qui appartient aux Basques.

Passant brusquement de ces questions à d’autres ,plus matériels et plus prosaïques, je veux aussi vous apprendre autre chose.
Même les personnes qui là-bas, ont passé leur temps à diffamer et à insulter le Gouvernement Basque ,peuvent avoir la  satisfaction de savoir que les valeurs et les  objets des Basques et des Sociétés  de toutes sortes que le Gouvernement d’Euzkadi a évacués, sont déposés sous bonne garde, rigoureusement classés avec le nom de leurs propriétaires respectifs est administrés par le Gouvernement Basque conformément à l’accord qui fut conclu par lui  avec le Gouvernement de la République. Tel est l’esprit de compréhension qui règne  ici. C’est un détail que nous avons une grande satisfaction à vous faire faire connaître, en attendant le jour où nous pourrons démontrer  notre bonne administration en rendant les titre à leurs légitimes propriétaires, une fois accomplies, naturellement, les décisions que prendra la justice pour chaque cas particulier. En attendant, soyez tranquilles, le Gouvernement Basque veille sur ce qui intéresse les Basques. Il sera donc prudent de ne pas s’aventurer en des opérations risquées et bien moins encore avec des étrangers. Avertissez-en ceux qui ne l’auront  pas entendu et que cela pourrait intéresser.

Ni démagogie ni dictature une démocratie ferme.

Notre indépendance d’esprit et notre position sont si fermes que personne peut-être ne pourra  parler si nettement et avec autant d’autorité que nous.
Nous restons ce que nous avons toujours été. Et c’est grâce à l’esprit qui nous  anime, et avec lui, que nous avons lutté et  que nous continuerons à lutter. Nous, les Basques , nous avons une tradition, la tradition séculaire de la liberté ,et une éducation politique originale qui ne date pas d’aujourd’hui. Notre tradition nous servira de base pour notre marche vers l’avenir. Nous n’avons pas besoin de prendre quoi que ce soit à l’étranger. Nous avons tout chez nous et  depuis des siècles : démocratie sans démagogie _rappelez-vous nos Juntes Générales ;un pouvoir fort, sans les errements des dictatures_ rappelez-vous notre Gouvernement de la Seigneurie_ ; une justice sociale subordonnée au principe du bien commun _rappelez-vous nos lois du Fuero_ ;une égalités des citoyens ,considérés tous comme des aristocrates. Nous voulons l’égalité dans le bien-être, nous ne la voulons pas dans la misère.
Tout ce passé historique, toute cette énergie humaine qui a servi d’exemple et de modèle aux plus grandes démocraties, tout cela me vient à l’esprit pour me rappeler une date historique :le 25 octobre 1839.

Les successeurs des traîtres de 1839.

Dans quelques jours nous entrerons  dans l’année 1939, qui marquera le centenaire de cette date, funeste pour tous les Basques. Une date qui rappellera la trahison de la monarchie espagnole tristement appelée libérale ,qui rappellera la félonie d’Espartero, l’hypocrisie avec laquelle il promit de dégainer  son épée dans le cas où les «Fueros »  ne seraient pas respectées, promesse qui, elle non plus ne fut pas tenue, lorsque nos pères eurent jetés leur épée  sur le sol. Tristes leçons de notre histoire qui ne se produiront plus. Je vous le jure.
Que sont-ils d’autre que les successeurs d’Espartero, ceux qui, là-bas vous oppriment ? Ils brisèrent la paix de nos ancêtres et ont brisé à nouveau notre paix d’aujourd’hui. Contre ceux-là, traîtres d’alors et traîtres d’aujourd’hui, nous devons nous unir, nous les Basques de tous les partis, contre les Espartero et les Maroto. Et par ces Basques de tous les partis j’entends, non seulement nous qui luttons ici pour la défense de la liberté de notre peuple, à laquelle les lois de la République ont ouvert un chemin, mais vous aussi, Basques qui aspirez à recouvrer nos libertés historiques et pour cette raison, vous êtes groupés sous le drapeau trompeur de la rébellion. À vous surtout, Basques de Navarre et d’Alava, c’est à vous que je m’adresse, et à vous qui, en Biscaye et en Guipuzcoa, révérez le drapeau d’une tradition dont on vous cache le véritable caractère, mais qui réclame, elle aussi la restauration de liberté qui nous a été arrachée en 1839.
Tout cela, tout se passé de grandeur, qui est ce qui nous tient le plus à l’âme, toutes ses aspirations, qu’ont-elles de commun avec ce national-syndicalisme improvisé, étrangers, importé et artificiel ? Quelle liberté et quels « Fueros » Basques peuvent comprendre ni octroyer ces hommes qui commencent par vouloir détruire notre âme et finissent par se livrer à l’étranger jusqu’à juste que dans leurs gestes et dans leurs cris ? Ils ne pourront jamais nous comprendre. Ils ne pourront comprendre ni notre âme, ni notre tradition. Vous, vous me comprenez mieux qu’eux, ce qui est notre, c’est ce qui court dans nos veines, ce sont des siècles de notre histoire  de peuple libre, ce sont des institutions qui sont nées pour la défense de nos foyers. Ce qui est leur est froid, est né d’aujourd’hui, est venu de règlements approuvé à Rome ou à Berlin, qui  n’ont rien de commun avec nous. Levez le drapeau de nos libertés, réclamez l’abolition de la loi de 1839,levez  ce drapeau en  union avec tous les cœurs basques, dans cette année décisive !
Buste de José Antonio De Aguirre à Saint-Jean-de-Luz.

Le gouvernement d’Euzkadi saura  accomplir son devoir.

L’âme de notre vieux peuple vibrera comme jamais cette année mémorable, et unira ses fils dans un même cri de triomphe. Je vous le promets. Vous surtout, Basques de Navarre et d’Alava, hommes généreux, qui avez souffert et restez pénétrés de votre idéal. La race vous appelle en cette année 1939 où les pierres mêmes de notre sol se lèveront pour demander  que  soit rétablie la justice, violée il y a cent ans et proclamer l’union de tous les Basques de bonne volonté.
Ce qui est arrivé à nos pères, il y a un  siècle, cela n’arrivera  plus ,cela ne peut plus arriver. Aujourd’hui, il y a un Gouvernement d'Euzkadi, qui  a la pleine conscience de son devoir. Ce devoir il saura l’accomplir, je vous l’assure. Il y a une certaine différence entre les hommes qui oppriment et les hommes de la République. Lorsque nous triompherons, vous pourrez tous parler. Les valeurs spirituelles de notre peuple sont garanties par une conduite, la nôtre, et sont scellées de notre sang. Si vos ennemis, qui sont les nôtres, triomphaient, Il ne serait permis à personne de parler. Quelle différence ! Ici non seulement l’amnistie a été décidée pour ce jour-là , mais  encore les portes sont ouvertes à l’expression la plus large de la volonté populaire. Ceci a été convenu par des personnalités responsables qui représentent des parties et des peuples.

Les intérêts des démocraties européennes.

Que peuvent-ils promettre là-bas ? Pardonnez que je vous aie posé cette question pour la forme, car il est déjà trop tard. Il existe une Armée qui est née du peuple même, de ce peuple qui brisera tous les plans et toutes les illusions que forgeront ces hommes. Il est trop tard, mais de plus, savez-vous où il vous mènent ? Le savez-vous, par hasard ?
Nous allons brièvement examiner la politique internationale.
Les intérêts impériaux de la France et de l’Angleterre opposition avec ceux de vos alliés. Et par conséquent avec les vôtres. Ils coïncident par contre  avec nos intérêts  pour des raisons de régime, d’opportunités et aussi dans ce cas, de justice. Vous avez choisi_je m’adresse ici à vos  oppresseurs, vous le comprendrez_vous avez choisi des amis éphémères comme tous ceux qui basent leur puissance sur la force.
Vous avez changé le cours de la politique internationale de l’Espagne, peut-être sans grande conviction, mais parce que vous y étiez obligés en échange des avions et des canons, nécessaires à la prolongation de ce massacre dont vous êtes coupables. Ce faisant, vous vous êtes livrés à l’étranger. Et plus grande sera l’arrogance Italo-allemande, plus grande sera l’aversion que le monde ressentira pour vous. C’est ce qui arrive déjà, et augmente avec le temps, non seulement en Europe, mais encore dans le monde entier.
Moi, j’ai toujours cru que cette situation devait se produire. Tous ceux qui m’ont écouté le savent bien.
À l’étranger on entend dire partout : « Franco est complètement tombé ,par contre la République se relève. »
C’est naturel. Les intérêts de la République Espagnole coïncident avec ceux de Paris et de Londres et de cette identité naît  nécessairement une politique. Les choses tardent à se produire, mais elles se produisent. Les démocraties de ces peuples , avec une vigilance infatigable et  avec une patience peut-être exagérée, même si elle est compréhensible, ont fait tout ce qui leur a été possible : elles ont attendu et cédé, bravant ainsi l’impopularité et n’ayant en vue  que le bien inestimable de la paix.
Cette politique touche à sa fin et, avec elle, l’arrogance Italo-allemande et celle de son petit serviteur, Franco.
Ne comprenez-vous pas que ces pays savent parfaitement que l’Italie se sert de l’Espagne comme d’une base coloniale future opérations ?
Ne comprenez-vous pas qu’il pense à la possibilité de transporter des troupes au Maroc Espagnol menacé le Maroc Français ?
Ne comprenez-vous pas que le détroit de Gibraltar les intéresse ?
Ne comprenez-vous pas que ces pays ne peuvent rester impassibles devant l’occupation de Majorque ?
Ne comprenez-vous pas que la garantie des Pyrénées et pour la France et l’Angleterre du plus haut  intérêts ?
Croyez-vous peut-être seul instant qu’ils vont  perdre allègrement leurs positions en Méditerranée ?
Et vous, quelles garanties offrez-vous si l’étranger, leur futur adversaire, vous domine, et si votre vie dépend de lui ?
Beaucoup de partisans de Franco le comprennent déjà, et leurs démarches tant soit peu nerveuses auprès des chancelleries ne sont pas sans être connues et commentées.

La belligérance et les dettes de Franco.

Il devait en être ainsi. L’Italie et l’Allemagne le savent bien .C’est pour cela qu’elles demandent le droit de belligérance pour Franco.
Je ne sais si, dans le territoire rebelle, on a parfaitement compris ce que signifierait le droit de belligérance ainsi demandé. Pourquoi le voulez-vous ? Pour bloquer les cotes républicaines ? Mais avec quelle escadre ?Avec la vôtre ?Vous comprendrez que cela n’est pas sérieux. Ah ! Avec celles de l’Italie et de l’Allemagne ?Et  vous, pensez gouverner un peuple que vous livrez à l'étranger ? Permettez-moi de vous le dire clairement : vous arrivez trop tard. Vous arrivez trop tard ; cela ne sera pas permis d’abord par les armes qui dans ce territoire défendent la  justice et la liberté et, en second lieu, parce que l’Europe nous connaît tous et sait  bien ce que chacun de nous représente ; elle comprend bien quelles seraient les conséquences de votre esclavage.
Écoutez-moi bien. Ce droit de belligérance qui à lui tout seul sera jamais suffisant  pour ce blocus si  désiré ne servira qu’à la reconnaissance juridique de vos dettes, à la régularisation de vos emprunts. C’est une des clauses de la reconnaissance. Vous comprendrez que nos envahisseurs, les vôtres, sont pressés de régler les comptes non payés.
Si la guerre finissait aujourd’hui _et ils doivent avoir des raisons de le craindre-quel serait juridiquement le sort de ces dettes, quels titres pourraient présenter vos créanciers, à qui pourraient-ils les présenter, que deviendraient ces dettes contractées par vous dans  cette terrible et  sanglante aventure ?Vous demandez le droit de belligérance et, ce faisant, vous ne faites que vous livrer pieds et poings liés à l’étranger qui veut vous faire signer la reconnaissance de vos dette envers lui, en  vous donnant pour cela une personnalité juridique suffisante. Combien d’attitudes en Europe sont aujourd’hui provoquées par ces considérations matérialistes !.

Il est encore temps de rectifier vos erreurs.

Vous avez violé la justice et le droit, vous avez attaqué le peuple, vous avez fait appel à des mercenaires pour lutter contre vos frères, vous vous êtes livrés à l’Allemagne et à l’Italie, vous avez détruit la paix de milliers de familles, et vous voulez encore signer de votre main l’acte qui consacrerait définitivement votre esclavage, qui, de plus, nous obligerait tous ? Le droit de belligérance que vous sollicitez, c’est cela. Vous êtes en mauvaise posture, pensez le bien. Il est encore temps de réparer vos erreurs  si vous avez  tant soit peu de conscience de votre devoir.
La conscience internationale vous est hostile parce que vous avez mal agi. Votre prestige extérieur diminue chaque jour, de même que la valeur de votre monnaie. Vous vous êtes placés aux cotés de ceux qui menacent tous les jours de déchaîner la guerre. Et celle-ci peut arriver. Que  Dieu ne la veuille  pas !Mais  si elle arrivait, que deviendrez-vous ? Je sais que vous y avez pensé. Je me souviens des derniers jours de Septembre. Vous vouliez alors  vous déclarer neutres. Faites-moi l’honneur de croire que personne n’a pris vos promesses au sérieux.
Mais supposez que les mêmes circonstances se présentent à nouveau et, avec elles, que vous répétiez vos déclarations de Septembre. Qui vous livrera l’armement qui vous serait nécessaire, quand ce ne serait que vous maintenir dans votre position actuelle ? Et si vous entrez dans le conflit général _ou pour mieux dire on vous y fera  entrer-ne comprenez-vous pas que le blocus le plus rigoureux serait la seule conséquence qu’entraînerait votre attitude déraisonnable ?
Ce n’est pas pour rien que les mêmes rares journaux amis qui vous restent en France et en Angleterre, ceux qui pensent comme vous, demandent une médiation. N’avez-vous pas peut-être travaillé vous-même à cette médiation, tout en le cachant au peuple qui verse des torrents de sang ? Pensez-y bien, et vous éviterez que plus de sang encore soit versé.

Pas de vengeance ! Justice et reconstruction .Discipline et foi.

Je reviens à vous, mes chers compatriotes, mais avant de parler dans notre langue nationale, je veux vous dire quelque chose qui soit compris ici et là-bas.
Ils nous ont insultés, ils nous ont calomniés, ils ont dévasté nos foyers, ils ont détruit  Guernica et ils nous ont ensuite calomniés, ils ont tué des milliers de femmes et d’enfants. Ils n’ont pas d’autre argument ni d’autre réponse à notre conduite et à notre œuvre. Eh bien ! Malgré tout cela, je vous dis : Maudit soit celui qui a dans son cœur un désir de vengeance ! Devant Dieu je peux vous affirmer que moi, je ne l’ai pas ; et je veux que, vous, vous ayez ce même sentiment.
Nous devons reconstituer notre peuple, nous tous, avec l’effort de tous. Nous ne le ferons jamais, si notre cœur est encore agité de sursauts de haine. Laissez la justice faire son œuvre.
Entendez notre voix comme vous l’entendiez avant .Vous nous avez  donné trop de preuves que vous avez scellées de vos souffrances et votre sang. Gardez une discipline de fer. Faites-vous un cœur impavide, espérez, gardez votre calme, ne vous impatientez pas : les jours s’approchent où, les foyers reconstitués, les  frères réconciliés, nous entrerons dans la voie de notre grandeur, nous verrons un avenir que nous bâtirons sur l’œuvre éternelle de nos ancêtres. Écoutez-moi bien. Discipline et Foi ! Vous me comprenez.



Buste de José Antonio De Aguirre à Saint-Jean-de-Luz.


Plaque sous le buste  de José Antonio De Aguirre à Saint-Jean-de-Luz.