10 octobre 2017

Rapport sur les vaccinations de 1852 dans le département des Basses-Pyrénées


CONSEIL D 'HYGIÈNE PUBLIQUE ET DE SALUBRITÉ

Séance du 30 mai 1853

l'orthographe de l'époque a été respectée

Présents:
MM.le Baron d'Etigny, Secrétaire-général,remplissant par délégation les fonctions de Préfet;
Castetnau,Vice-Président;
Daran,Secrétaire;
Terrier,Puyoo,Mousis,Latapie et Azero

Rapport

Sur les Vaccinations des Basses-Pyrénées.

Messieurs,
Le service de la vaccine a  fonctionné, dans son ensemble, avec sa régularité accoutumée, durant l’année 1852, qui, du reste, n’a présenté qu’un chiffre restreint de petites-véroles. Les vaccinations pratiquées dans le département se sont élevées à 8836, tandis qu’en 1851 les états de MM. les Commissaires-Vaccinateurs n’en portaient que 7432. Il convient néanmoins d’expliquer que le premier relevé comprend un certain nombre d’opérations vaccinales faites en 1853, et qui seraient facilement compensées par le travail relatif à trois cantons non inscrits à la récapitulation générale, elles ont été produites par quelques Commissaires Vaccinateurs, jaloux de prouver que leur nomination de fraîche date, était déjà fructueuse. Pour obvier désormais à cette espèce d’empiètement d’un exercice sur l’autre, qui nuirait plutôt à la rigueur apparente des statistiques qu’au maintien bien plus intéressant de la santé publique, il conviendrait peut-être de convoquer les Conseils d’Hygiène, vers les premiers jours de janvier. MM. les Commissaires-Vaccinateurs ne pourraient alors présenter que les vaccinations afférentes à l’année qu’elles devraient réellement concerner. Quoiqu’il en soit, tout travail de leur parent qui se rapporterait par anticipation à l’exercice courant ,ne serait à l’avenir admis que pour mémoire.
A voir le chiffre habituel de nos opérations vaccinales, on serait, jusqu’à un certain point, disposé à croire qu’elles ont atteint les limites du possible ; mais, nous sommes encore loin de là.Il existe effectivement, soit dans nos villes, soit dans nos campagnes, de nombreuses lacunes que la pratique de la vaccine n’a pas comblées et par lesquelles le fléau de la variole pourrait, sans cesse, faire irruption.
Je saisirai, à ce sujet, l’occasion d’exprimer combien il importerait qu’on adoptât en France une mesure législative, qui rendit la vaccine obligatoire, comme un bill récent du Parlement l’a établi en Angleterre. Après tout, qui veut la fin, veut les moyens. En plaçant l’institution sanitaire qui nous occupe, sous la sanction d’une pénalité ou d’une action coercitive quelconque : 1° nul ne saurait plus se soustraire aux opérations vaccinales annuellement ordonnées ; 2° on soumettrait ces opérations au rassurant contrôle d’une rigoureuse révision, par laquelle on préviendrait la propagation si fréquente de la fausse vaccine ; 3° enfin, des vaccinations supplémentaires seraient pratiquées, si pourtant les faits acquis permettaient, un jour, d’assigner une date fondée à l’échéance prétendue de l’immunité garantie par une première inoculation. Mais on dissertera long-temps encore sur l’opportunité d’une seconde opération. L’idée d’une préservation temporaire que l'on admet plus volontiers en théorie qu’en pratique, se trouve réfutée par une simple observation que chacun de nous ne peut s’empêcher de faire et qui vaut les calculs  statistiques les plus exacts. Ne savons-nous pas à quel point sont rares les petites - vérole chez les individus qui n’ont été vaccinés qu’une fois ? Donc, les bénéfices d’une vaccine unique, qui constitue une espèce de substitution de cette éruption artificielle à la variole elle-même, suffisent à la généralité des sujets. À l’égard de ce qui ne seraient pas préservés, ne faut-il pas tenir compte des vaccine illégitimes et des idiosyncrasies  fortuitement réfractaires à toute modification normale de l’économie ? Voilà pourquoi, ne possédant aucun critérium positif, même dans l’aspect des cicatrices, de l’efficacité d’une opération vaccinale, il est prudent de la renouveler, surtout à l’approche d’une épidémie varioleuse et d’imiter en quelque sorte la nature qui condamne quelquefois l’espèce humaine à la récidive de la petite-vérole. La réussite des revaccinations n’atteste nullement une réceptivité variolique proportionnelle, puisqu’elles produisent, d’ordinaire, un chiffre bien plus grand que les atteintes de petite- vérole, sur les individus qui ont été vaccinés et même chez ceux qui n’ont jamais été opérés. L’aptitude de notre organisation à s’imprégner du virus vaccin est, comme je l’avançais en 1847, pour ainsi dire, indéfinie ; et il en est pareillement, sans doute, des divers germes contagieux. Qu’on ne s’étonne pas, alors, que des inoculations successives de la Syphilis ne soient pas mutuellement contrariées ou neutralisées et qu’elles n’aient pas fourni les résultats prônés d’avance ! On conçoit qu’au milieu des tergiversations des praticiens les plus habiles, à l’endroit des revaccinations, les gouvernements des différents pays, où la vaccine est le plus cultivé, se bornent à n’imposer qu’une opération. C’est là évidemment un motif de plus pour qu’on s’évertue à assurer aux populations la vraie vaccine, la seule qui conjure la petite-vérole d’une manière absolue, (suivant mes convictions du moins) sans limite de temps, comme aussi sans degrés palliatifs de préservation ; d’où je conclus que la varioloïde est antérieure à ce siècle.
Par l’intervention de la loi, dans la pratique des vaccinations, on atteindra définitivement le but désiré. Puissions-nous donc ne pas tarder à suivre le salutaire exemple que le gouvernement Anglais vient de donner et que nous avons déjà reçu en vain de divers États de l’Allemagne !
Le vœu que nous formulons aujourd’hui ne saurait être le moins du monde affaibli par les accusations d’un nouveau genre qui sont opiniâtrement dirigées contre l’immortelle découverte de Jenner. D’après ces accusations, les bienfaits de cette dernière se réduiraient à une cruelle et déplorable compensation, puisque les fièvres typhoïdes se substitueraient fatalement aux affections varioleuses. Je l’ai précédemment rappelé : M. Charles Dupin a victorieusement combattu les idées systématiques de M. H Carnot, avec les armes mêmes de la statistique, et M. Bousquet digne interprète de la science médicale, en ces circonstances, à opposé à l’étrange hypothèse en question, des argumens qui ont entraîné tous les esprits. Le paradoxe énoncé plus haut et conséquemment condamné en dernier ressort. Aussi n’avons-nous pas à nous en inquiéter, ni à chercher à convertir ceux qui, par hasard, regretteraient la petite- vérole. Notre attention est plutôt acquise au service public auquel nous sommes, si je ne puis parler ainsi, associés, et dont l’importance ne saurait se réduire à la place étroite qui lui est réservée d’habitude dans les colonnes du Budget départemental.
Parmi nos 41 Commissaires-Vaccinateurs 38 ans ont  fait preuve d’exactitude à remplir leurs devoirs. Une irrégularité concernant l’oubli de la signature des Maires du canton de Laruns, privera, cette année, M. le docteur Bayle de l’indemnité que, sans cela, il aurait obtenue. Je dois noter occasionnellement qu’aucune communication ne nous a été adressée par M.Darrecagaix, ni par M.Trongé. Il y aurait lieu de pourvoir à Bayonne au remplacement du premier ; quant au second qui a été nommé depuis peu à Lagor  il serait à propos de l’inviter à ne pas négliger de remettre en temps utile les états relatifs à l’exercice 1853.
Faut-il que je répète, chaque fois, au moment d’examiner les états de MM les Commissaires-Vaccinateurs, que des nombres identiques ne traduisent pas des difficultés semblables à surmonter, afin de les réaliser ? Comment ne pas concevoir, d’autre part, que la négligence des familles à répondre à l’appel officiel, qui leur est  adressé, ne saurait rendre moins méritoire la ponctualité avec laquelle MM. les Commissaires Vaccinateurs s’acquittent de leur tâche ? La plupart d’entr' eux ont évidemment droit aux mêmes éloges et il serait, en conséquence, convenable de leur accorder une indemnité conforme à l’égalité de leurs fonctions, au lieu de tarifier cette indemnité, en raison du nombre accidentel des vaccinations. On remarquera, avec regret, l’absence des délibérations qui regardent les Conseils d’hygiène d’Orthez et d’Oloron ; ils n’auront pas été sans doute mis en demeure de remplir la mission que des instructions ministérielles leur ont assignée et qui était confié aux anciens comités de vaccine.
Les conseils de Mauléon et de Bayonne ont été convoqués, suivant l’usage ; le premier à réclamer d’après un procès-verbal du 30 mars 1853 : « une rémunération proportionnée aux services rendus par MM les Commissaires-Vaccinateurs. »
De son côté, le Conseil d’hygiène de Bayonne a demandé, le 23 avril dernier, conformément à l’opinion émise par M. le Docteur Clérisse : « Que le cinquième des quatre mille francs. votés par le Conseil général soit partagé entre les Commissaires de l’arrondissement de Bayonne et que la somme allouée à chaque Commissaire-Vaccinateur soit relative au nombre des vaccinations qu’il aura faites. »
Les vœux ou réclamations qui précèdent ont déjà été appréciées par le conseil central d’hygiène. En ce qui a trait à la décision du Conseil de Bayonne, il semble qu’il suffirait d’objecter qu’une juste répartition de l’indemnité fixée par le Conseil général ne doit pas s’appliquer aux arrondissements, mais bien aux cantons ou section cantonales.
Je terminerai. point sans mentionner l’utile concours que les autorités civiles ecclésiastiques ne cessent de prêter au service, dans l’intérêt duquel nous sommes aujourd’hui réunis.



































Observations
(1) Il est urgent de nommer un Commissaire-Vaccinateur  à Garlin,, à la place de M. le Dr Boulin, qui est décédé, et qu’animait  un amour laborieux et désintéressé de sa profession. On ne saurait lui trouver un plus digne successeur que M. le Docteur Bacarisse.

(2) M. Cazaux, qui a mérité d’être cité dans un des derniers Rapports de l’Académie Impériale de médecine indique un nombre indéterminé de varioloïdes ; ces affections s’étaient déclarées à la commune de Ger. « En face de cette invasion j’ai, dit-il, revacciné  plus de 250 sujets. Les vaccinations ont dû avoir lieu à domicile. J’ai été ainsi forcé d’aller à la recherche des enfants est presque de violenter les parents. Deux varioleurs ont succombé. »
(3) M. Noguès qui a reçu en 1850 le flatteur encouragement d’une médaille d’argent, appartient à cette utile institution des officiers de santé que les populations rurales, principalement ,savent apprécier , malgré l’oiseau projet de loi qui avait été proposé dans le but de les supprimer.
(4)Le chiffre produit par M.Poeymiroo  serait bien plus satisfaisant s’il n’était en partie le résultat d'omissions relatives aux années précédentes.

 Observations
(1) 4 individus atteints de la petite vérole._2morts
(2) 8 petites-véroles._1 mort


Observations.
(1) 9 petits-véroles ou varioloïdes, ont été constatées dans le canton de Baygorry. Les vaccination étaient négligées depuis longtemps dans ce canton, par suite de l’âge avancé de l’ancien commissaire vaccinateur. Dans certaines communes, entr' autres Ossès et Bidarray on  voit figurer sur les tableaux de vaccinations des individus de 6,8 14, et même 16 ans.M.Dihursubéhère, commissaire vaccinateur  actuel est réellement digne de la mention que M. le Docteur Candellé  à faite de son zèle, devant le conseil d’hygiène de Mauléon.
(2) On pourra juger de la manière dont M. Etcheverry sait  comprendre ses devoirs, par l’extrait suivant : « J'avais signalé, l’an dernier, écrit-il, un père récalcitrant qui avait opiniâtrement refusé pour ses enfants le bienfait de la vaccine. Dans le but de vaincre sa répugnance, d’accord avec que l’intelligent instituteur, de la commune, j’ai fait mettre ceux-ci hors de l’école au moment de mes opérations vaccinales. Alors le pauvre père qui voulait que ses enfants fussent instruits avant tout est venu très humblement me demander de les vacciner. L’expédient auquel j'ai eu  recours et  que j’ai au reste trouvé dans les règlements des écoles primaires m'a également servi dans des circonstances analogues. »
M. Cazenave, n’ayant pas été encore reconnu en qualité de commissaire vaccinateur , ne peut être porté sur ce tableau que comme adjoint de M. Alcat, seul titulaire. L'administration  préoccupée de favoriser la propagation de la vaccine ne saurait nommer avec trop de réserve de nouveaux commissaires vaccinateurs en présence de l’indemnité déjà insuffisante, qui est destinée au service dont il s’agit.



 




























Source:
Empire Français
Département des Basses-Pyrénées
Recueil des actes administratifs
Année 1853
Pages 245 à 254
Collection personnelle