03 février 2023

Vêtements provenant des personnes mortes du choléra-morbus

Pau,le 29 aout 1831

LE CONSEILLER -D’ÉTAT, PRÉFET

DES BASSES- PYRÉNÉES

A MM.LES SOUS-PRÉFETS, MAIRES ET COMMISSAIRES DE POLICE DU DÉPARTEMENT

 L’orthographe de l’époque a été respectée.

Messieurs,

Dans un avis délibéré par le conseil supérieur de santé, il a été établi que des vêtemens et effets  provenant des personnes mortes du choléra-morbus sont entrées dans le commerce de la friperie, et que la difficulté de vendre ces effets sur les lieux où leur origine est connue, a pu contribuer à les faire transporter jusque dans les pays les plus éloignés. D’après cet avis ,S.E..le Ministre du commerce et des travaux publics a proposé au Roi d'interdire l'entrée dans le royaume de tous les effets d'habillement qui constituent le commerce de friperie ;et cette interdiction a été prononcée par l'art.1er de l'ordonnance royale, du  10 de ce mois, ainsi conçu

« L'entrée du royaume par les frontières de terre et de mer, est interdite à tous les effets d'habillement vieux ou même simplement supportés, constituant le commerce de friperie, ainsi qu'aux garnitures de lits et aux fournitures des hôpitaux, casernes, camps et lazarets._ Sont exceptés de cette prohibition absolue, les hardes, vetemens et effets appartenant aux voyageurs, donc ils devront suivre le sort, pour être admis comme eux à libre pratique, ou soumis aux purifications prescrites par les règlements de quarantaine. »

Par effets d'habillement supportés, dit Son  Excellence, on entend, dans le langage des douanes, ceux qui ont été portés qui ne sont pas tout à fait vieux ; l'interdiction s'applique au linge de corps supporté, tels que chemises, caleçons, mouchoirs, cravates, bas et chaussettes ; au linge usé pouvant servir aux pansemens ou à la fabrication du papier, et connu dans le commerce sous le nom de drilles ; aux chiffons et vêtemens supportés en laine, soie ou fil ; aux fourrures pouvant avoir servi, telles que palatines, pelisses, manchons, chancelières, bottes  fourrées, etc. ; et elle est ,de plus, comme on vient de le voir, expressément étendue par l'ordonnance, aux garnitures de lit et aux fournitures des hôpitaux, casernes, camps ou lazarets.  Le danger que présentent ces objets a été reconnu par plusieurs Gouvernements, qui en ont défendu l'importation dans leurs États, sous les peines les plus sévères. Il importe d'autant plus de leur fermer également l'entrée du royaume que leur commerce de friperie est d'une très faible importance.

Quant à l'exception en faveur des hardes et vêtements appartenant aux voyageurs, les règles du régime sanitaire déterminent, dans chaque cas, le traitement que doivent subir ces objets.

D’une autre part, le choléra-morbus ayant éclaté en divers lieux à la suite de ballots de chanvre et de lin provenant de pays infectés par cette maladie, on a pensé qu'on ne devait permettre l'importation de cette marchandise qu'avec certaines précautions ; elles imposeront au commerce un retard de quelques jours ; mais cet inconvénient ne serait être mis en balance avec les conséquences funestes que pourraient entraîner l'absence de ces précautions. Ces considérations ont motivé l'article de l'ordonnance dans le texte suit :

« Les chanvres  et lins provenant des pays du Nord, ne seront admis dans nos ports qu'après que les ballots auront été débarqués dans les lazarets établis, ou dans les lieux consacrés provisoirement à cet usage, qu’ils y auront été ouverts, et que leur contenu aura été soumis à la ventilation pendant le nombre de jours déterminé par l'intendance ou la commission sanitaire. Les personnes employées au transport desdits ballots, et celles qui auront été chargées de leurs purifications, ne seront admises, à libre pratique, qu'après avoir été séquestrées pendant le même espace de temps. »

Quoique l'exécution de l'article 1.er concerne particulièrement les préposés des douanes, je m'empresse, suivant les intentions du ministre, de recommander à tous les fonctionnaires et agens de l'administration, placés sous mon autorité,d’y concourir par tous les moyens d'action qui sont en leur pouvoir ; et je dois d'autant plus compter à cet égard sur le zèle et la vigilance de chacun de vous, Messieurs, et surtout des Sous-préfets, Maires et Commissaires de police des arrondissemens et communes situés sur la frontière de terre et sur le littoral, que la moindre infraction à la mesure salutaire prescrite par l'ordonnance, exposerait le pays à l'invasion du terrible fléau quelle a pour objet de repousser.

Je réclame au besoin le même concours pour l'exécution de l'article 2, spécialement confiée aux administrations et agens sanitaires.

Recevez, Monsieur, l'assurance de ma considération distinguée.

Vicomte DE BEAUMONT

 

Source :
Pôle d’archives de Bayonne et du Pays basque,
Annexe des Archives départementales des Pyrénées-Atlantiques
39 Avenue Duvergier de Hauranne,
64100 Bayonne,
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BIB BAB 1.article 1831
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