Une lettre du maire d'Ascain à un juge du tribunal de Bayonne
Ascain,29 décembre 1939
Monsieur le juge
(…)
Il s’agit d’un cas d’état-civil :
Le 1 novembre décédait à Ascain M.Bassement Daniel qui habitait la commune depuis quelques mois avec une infirmière qui, aux yeux de tous, passait pour son épouse. La chose était d’autant plus vraisemblable que les parents du malade sont venus assister aux derniers jours de la maladie, au décès, aux obsèques célébrées à Ascain à l’église paroissial. Le corps a été ensuite ramené à Lille dans un fourgon des pompes funèbres où avaient pris place la mère et l’épouse présumée.
Après le décès, nous avons demandé le livret de famille pour la rédaction de l'acte d'état civil .Il nous a été répondu que le livret avait été égaré et on nous a remis seulement un livret militaire. Pour le surplus de détails ?Mme Bassement mère m’a donné les renseignements nécessaires, entr’ autres que le décédé était marié à une demoiselle Marie Bxxx dont elle a précisé l'âge et le lieu de naissance. Par ailleurs les mêmes renseignements inexacts ont été donnés à la gendarmerie de Bayonne pour l'établissement des saufs conduits nécessaires pour pénétrer à Lille, zone des armées.
L'état civil mentionne donc que le défunt était marié à Bxxx Marie, suivant ces renseignements verbaux qui me paraissaient indiscutables, étant donnés par la mère.
Voici maintenant les complications qui surgissent :il y a quelques semaines un pharmacien de Lille, écrivait à mon secrétaire pour avoir une expédition sur papier libre de l'acte de décès de M.Bassement .Cette pièce a été aussitôt envoyée.
Hier matin ,28, mon secrétaire recevait une lettre de la véritable épouse de M.Bassement, manifestant, à juste titre son étonnement d'avoir lu la mention d'une autre épouse qu'elle-même : elle joignait à cette lettre une copie de son acte de mariage : aucune mention marginale n’y figurait, j'en ai conclu que le mariage n'avait pas été dissous par le divorce, et que, par conséquent, elle était toujours l'épouse légitime (…).
J’ai convoqué immédiatement la fausse veuve, qui m'a avoué qu'elle n'était pas mariée et que l'action en divorce avait été éteinte par le décès de M.Bassement , alors qu'elle était sur le point d'aboutir.
La veuve demande une rectification et l'envoi d'une copie de l'acte ainsi rectifié. Que dois-je faire ?Ma bonne foi est certaine et nul ne peut me faire un grief d'avoir été induit en erreur. Ce qui m’ennuie c'est que la copie de l'acte inexact est entre les mains de la véritable Mme Bassement qui pourrait peut-être en faire un mauvais usage…
Jje vous prie de donner votre avis à mon secrétaire. Veuillez excuser cette trop longue lettre : mais j'ai tenu à vous exposer les faits de la façon la plus claire .
Recevez, mes meilleures salutations.
Pierre Pinatel
Maire d’Ascain.
Source:
Pôle d'archives de Bayonne et du Pays basque (AD 64)
39 avenue Duvergier de Hauranne
64100 Bayonne
3U 1 Article 316 Tribunal de Première Instance de Bayonne