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19 octobre 2022

Lettre de Bayonne du 12 septembre 1916 rapportant l’explosion de la poudrerie de Blancpignon

Parmi  de vieux papiers d'une famille de Ciboure, une lettre dans laquelle, l'auteur rend compte de ce qu'il a vu et entendu à Bayonne à propos de l'explosion de la poudrerie de Blancpignon à Anglet.

Bayonne , le 12 septembre 1916

Bien chers parents,

Vous n'attendez probablement pas ma lettre pour apprendre qu'un accident s'est produit ce matin à la poudrerie de Blancpignon : entre 6 et 7h le feu s'est déclaré dans l'un des édifices, provoquant 2 ou 3 explosions locales, assez légères, bien qu’on en ait perçu le bruit à Bayonne. C'est alors que la direction de l'usine a jeté le « sauve qui peut », les ouvriers se sont enfuis dans toutes les directions et ils se trouvaient déjà dehors, quand le dépôt de _ illisible_ a sauté : il était exactement 7h10 : l'explosion a produit une secousse très forte, que vous avez peut-être même perçue à Ciboure. A proximité de la poudrerie, une vieille maison a été renversée, aux Allées-Marines des toitures et des cloisons ont été endommagées à Bayonne ( 3 km) des glaces et des carreaux de vitres ont été hachés :au Printemps, aux Dames de France, à la maison Thierry, à la pâtisserie Faradesch, dans une foule d'autres magasins et d'habitations particulières, les devantures et les vitres se sont brisées.

Pour ma part, je me trouvais à l'église Saint-André ,où nous avons entendu une forte détonation, ressenti une secousse, qui a cassé quelques carreaux de vitre .Je me suis empressé d'aller aux renseignements mais je n'ai pas dû aller bien loin, car déjà une colonne de fumée noirâtre, avec une frange jaune rouge montait dans le ciel ,venant de Blancpignon .Immédiatement un barrage de soldats a été établi  à l'entrée des Allées-Marines ; j'ai vu partir une compagnie du 49e ,les voitures ambulances des hôpitaux ,l'auto du commandant d'armes etc ;pendant ce temps, la foule se rassemblait par groupe, affolée. Déjà les ouvriers partis les premiers de Blancpignon arrivaient sur la place d'Armes : ils répandaient des bruits alarmants, bien que dans leur précipitation à fuir ils n’aient eu le temps de rien voir : ils étaient là en manches de chemise, sans béret, quelques-uns en chaussettes, sans souliers : quoique ne sachant rien, ils prétendaient que l'explosion de 7h10 n'était qu'un prélude et qu’un instant après, un immense dépôt de poudre allait sauter. Le bruit s'est répandu qu'il y avait danger à rester dans les maisons, quelques-uns disaient que les édifices de Bayonne allaient s'écrouler par suite de l'explosion, que l’ordre était donné d’évacuer la ville. Tout le monde a quitté les halles et une foule énorme de gens est partie dans la direction de Ustaritz, de Saint-Pierre-d’Irube de Biarritz etc. Les plus audacieux n’ont osé ouvrir leurs magasins que vers 10h,je vous avoue  que la vue de Blancpignon n'avait d'ailleurs rien de rassurant : les flammes montaient à plusieurs mètres de haut et nous entendions un sourd grondement de temps en temps. L’incendie n'est pas encore arrêté mais il y a aucun danger ; le vent pousse les flammes vers l'Adour, je pense que ce soir tout sera éteint. Les dégâts matériels sont importants mais heureusement que la plupart des ouvriers ont pu s'enfuir à temps : beaucoup d'entre eux ont été blessés (la plupart légèrement) par des débris que l'explosion a fait voler ; il y a hélas quelques morts, on n’en  connais pas le nombre. L’accident a été provoqué parait-il par une machine qui a trop chauffé : la température est montée à 192 degrés alors qu'elle ne devait pas dépasser 80 degrés.

(…)

Augustin