Mesure prise par l'autorité militaire contre un débit de boissons de Lescar au printemps 1915
Pau le 17 février 1915
Ministère de l'IntérieurDirection de la Sûreté Générale
Commissariat Spécial des Chemins de fer de Pau
Le Commissaire spécial de Pau à Monsieur le Préfet des Basses-Pyrénées
A l'occasion de la récente évasion de trois prisonniers allemands du camp du Pont Long ,j'ai l'honneur de vous faire connaître qu'il existe sur la route de Lescar à Artiguelouve,près du pont sur le Gave,un débit de boissons,désigné sous le nom de"Au Copain" que je crois devoir vous signaler d'une façon toute spéciale.
Cet établissement est tenu par un nommé Espagnac Jules,dont la femme née Gangloff Marie-Eve âgée de 53 ans est d'origine alsacienne ou allemande et parle l'allemand.
D'autre part le nommé Espagnac était il y a une vingtaine d'années un anarchiste considérée comme dangereux.Il habitait Paris et était un des orateurs les plus violents parmi ceux qui prenaient la parole dans les meetings anarchistes de la salle Charras.
Bien que le sieur Espagnac paraisse avoir renoncé à ses idées subversives (il est rayé depuis longtemps de la liste des anarchistes) et que les renseignements recueillis sur l'attitude de sa femme au point de vue national ne lui soient pas défavorable depuis qu'elle habite Lescar,la réputation de l'établissement "Au copain" au point de vue de la moralité n'est pas des meilleures.C'est en effet un lieu de rendez-vous bien connu dans la région,et la fille Espagnac y vit en concubinage avec un nommé d'Ax originaire du Tarn,réformé.
Or depuis l'ouverture des travaux d'assainissement du Centre d'aviation militaire situé sur le territoire de Lescar,de nombreuses équipes de prisonniers allemands sont transportés chaque jour par des camions automobiles du Pont-Long,sur les bords du Gave où elles vont chercher le sable et les cailloux nécessaires aux travaux du camp.
Ces automobiles s’arrêtent à l'aller et au retour non loin de l'établissement "Au copain" et les prisonniers allemands,surveillés il est vrai par des sentinelles,peuvent aller consommer et acheter du vin et des légumes dans ce débit.
Étant donné la nature de cet établissement sa fréquentation par les prisonniers n'est pas sans présenter de graves inconvénients puisque d'un coté la conversation des allemands avec la patronne échappe à tout contrôle des hommes de garde et que les antécédents des tenanciers font craindre de leur part des complaisances vis à vis des prisonniers qui pourraient aller jusqu'à faciliter des évasions.
Le Commissaire spécial.
E.Conte
Pau,le 30 mars 1915
18me corps d'Armée36e Division
72me Brigade
Place de Pau
N°1460
Objet: l'Auberge "Le copain"
Le Commandant Brun
Major de la Garnison
A Monsieur le Préfet des Basses-Pyrénées à Pau
Monsieur le Préfet
Monsieur le général commandant les 7e et 8e subdivisions me charge de l'honneur de vous prier de bien vouloir faire notifier par Mr le Commissaire spécial la décision ci-jointe concernant le tenancier de l'auberge dite "Le Copain" sise sur la route de Lescar à Laroin,à droite et à proximité du pont sur le gave.
Procès-Verbal
L'an mil neuf cent quinze le vingt deux avril
Ministère de l'IntérieurDirection de la Sûreté Générale
Commissariat Spécial des Chemins de fer de Pau
N°34
Notification à M.Espagnacq Jules propriétaire et tenancier de l'établissement "Au copain" à Lescar,d'un arrêté de M.le Général Commandant d'Armes à Pau
Nous Conte Ernest Commissaire Spécial adjoint de la police des Chemins de fer à Pau,Officier de police judiciaire,auxiliaire de Monsieur le Procureur de la République
Agissant en vertu des instructions de M.le Préfet des Basses-Pyrénées nous sommes rendu à l'établissement appelé "Au copain" sur la route de Lescar à Laroin près du pont sur le gave de Pau rt avons notifié à M.Espagnacq Jules,propriétaire et tenancier de ce débit de boissons ,un arrêté de M.le Général Auger ,Commandant les 7e et 8e subdivisions à Pau,en date du 16 avril courant,contenant les dispositions suivantes:
1° La consigne de l'établissement Espagnacq reste absolue pour les allemands.
2° En dehors des heures de travail des allemands et des Français,les Français sont autorisés à y entrer.
3° Il est interdit au tenancier de vendre du vin à emporter aux militaires.
4° Le tenancier préviendra les civils qui achèteraient du vin ou des liqueurs à emporter et les remettraient ensuite à des militaires,servant ainsi d'intermédiaire,que leur manœuvre aura pour résultat la fermeture de l'établissement et que des poursuites seront exercées contre eux pour complicité d'infraction au présent arrêté.
Et afin que M.Espagnacq,es qualité,n'en n'ignore ,nous lui avons laissé copie du présent procès-verbal,dont l'original qu'il a signé avec nous,sera transmis à Monsieur le Préfet des Basses-Pyrénées.
De tout quoi nous avons rédigé le présent procès-verbal que nous transmettons à Monsieur le Préfet des Basses-Pyrénées à telles fins qu'il appartiendra.
Fait et clos à Lescar,les jour,mois et an que d'autre part.
Le Commissaire Spécial
Reçu notification à Lescar
le vingt deux avril 1915
J.Espagnacq
Source:
Archives départementales des Pyrénées-Atlantiques
Site de Pau,boulevard Tourasse
1M Art.115 Administration Générale du département
Pour aller plus loin
Dictionnaire des militants anarchistesESPAGNAC Léopold, Jules ESPAGNAC ?
http://earchives.le64.fr
L'acte de mariage en ligne ESPAGNACQ Jules -Gangloff Marie-Eve
22 aout 1885 à Lescar
Lescar collection communale mariages 1883-1890_ FRAD064012_5MI335-6_0871.jpg_Vue 21/53
http://archives.bas-rhin.fr
L'acte de naissance en ligne de Gangloff Marie-Eve
Vendenheim - État civil - Registre de naissances 1861
9 12 1861 Acte N°27 Vue 8/13