Pau,le 12 avril 1879
A MM.LES SOUS-PRÉFETS ET MAIRES DU DÉPARTEMENT
Messieurs,
Au moment où s'organise dans divers départements un
pétitionnement demandant aux Chambres de rejeter les projets de loi sur
l'enseignement présentés au nom du Gouvernement par M. le Ministre de l'Instruction
publique,je crois nécessaire de vous rappeler les règles qui doivent présider à
l'exercice du droit de pétition et en même temps de vous indiquer de la façon
la plus explicite quels sont en ces matières, les devoirs des agents du Gouvernement.
Le droit de pétition est reconnu par la Constitution, et le Gouvernement
de la République entend le respecter scrupuleusement toutes les fois qu'il se
maintiendra dans les limites légales ; aussi est-il essentiel de bien
préciser ces limites : le pétitionnement est légal tant qu'il se renferme
dans le domicile privé des citoyens ou dans des réunions privées assimilées à
ce domicile ;hors de là, il ne serait être considéré comme légal ; par
conséquent, les pétitions ne doivent point être colportés sur la voie publique.
Elles ne doivent pas être annoncées par un affiche, elles ne doivent être
colportées dans aucun lieu public, cafés, cabarets, débits de boisson, débits
de tabacs,ou cercles,elles doivent encore moins circuler dans les écoles ;les
prescriptions du gouvernement à cet égard sont formelles, et j'ai cru devoir
les rappeler spécialement dans une lettre à M.l’Inspecteur d'Académie,mais de
votre côté, vous aurez à veiller à leur ponctuelle exécution, et, en cas
d'infraction à ces règles, vous devriez m'en référer immédiatement.
D'autre part, Messieurs, vous savez qu'il résulte d'une
jurisprudence établie par l'Assemblée nationale et maintenue depuis lors par
les deux chambres que toute pétition, pour être prise en considération, doit
être légalisée par le maire de la commune où résident les signataires. Vous ne
sauriez donc,sans porter entrave au droit de pétition, refuser de légaliser les
signatures apposées au bas de ces écrits, mais vous n'oublierez pas qu'en le
faisant vous n'en approuvez en aucune
façon le contenu que vous n'avez pas à apprécier,ni même à connaître,vous vous bornez à garantir l'authenticité des signatures. Dès lors, vous
avez un double devoir à remplir, non moins rigoureux l'un que l'autre :devoir
de légaliser les signatures,devoir de vous assurer au préalable de leur
sincérité. À cet effet, vous devrez non point exiger rigoureusement, comme le
voulait le ministre de 1824, l’apposition de chaque signature en votre
présence, ce qui, dans la pratique, entraînerait de sérieuses difficultés, mais
tout au moins exiger que l'authenticité de chacune desdites signatures vous
soit attestée par deux témoins, personnellement connus de vous et présentant à
vos yeux des garanties d'honorabilité et de sécurité.
Enfin, Messieurs, il me reste à vous tracer vos devoirs
personnels en tant que fonctionnaires, représentants et agents du pouvoir
central. A ce titre, vous devez incontestablement vous abstenir rigoureusement
de prendre part à l'organisation ou à la propagande du pétitionnement ;
comme aussi de signer les pétitions en y mentionnant votre qualité officielle.
Vous devez exiger la même réserve des agents divers placés sous vos ordres. En
agissant autrement, vous engageriez gravement votre responsabilité et vous me
mettriez dans la nécessité de prendre ou de provoquer des mesures rigoureuses à
l'égard des contrevenants. Je suis d'ailleurs persuadé qu'il me suffira de vous
rappeler. Quelles sont à cet égard, les intentions du Gouvernement et quels
sont vos droits pour que vous sachiez loyalement vous y conformer .
Agréez, Messieurs, l'assurance de mes sentiments. Les plus
distingués .
Le Préfet des Basses-Pyrénées.
O.D’ORMESSON
Source:
Pôle
d’archives de Bayonne et du Pays basque,
Annexe des Archives départementales des Pyrénées-Atlantiques
39 Avenue Duvergier de Hauranne,
64100 Bayonne,
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BIB BAB 1 Article .1879
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