Entre le procureur de la République et
le Parti Populaire Français à Bayonne
AD 47 -1738 W 81- Dossier N°837
Contenu N°1
Pour les personnes qui se consacrent sérieusement à des recherches sur des aspects de Bayonne sous Vichy et l’occupation,Agen n’est pas le chemin le plus direct qui s’impose spontanément.Pourquoi ce détour par Agen ? Émile Roubertie , qui a exercé à Bayonne depuis 1941 les fonctions de procureur de la République a été arrêté quelques heures après le départ des Allemands.Accusé de trahison,il est en détention préventive,au camp du Polo Beyris,puis à la maison d’arrêt de Bayonne.Un arrêt de la Cour de cassation du 22 février 1945,a ordonné la désignation d’une Cour de Justice autre que celle des Basses-Pyrénées.Il était également difficile de juger sereinement l’ancien magistrat à Bordeaux où, pendant l’occupation, il rendait compte à sa hiérarchie.La frontière que constituait la ligne de démarcation,coupait en deux le département des Basses-Pyrénées.Cela ,avait entraîné une modification des champs de compétence des tribunaux.Pau se trouvant en zone non occupée,le tribunal de Bayonne avait été alors rattaché à la cour d’appel de Bordeaux.La délocalisation vers la Cour de Justice de Lot-et-Garonne s’explique ainsi.
Le dossier d’instruction,conservé aux Archives départementales à Agen, améliore les connaissances découlant du fonds de la Cour de Justice des Basses-Pyrénées consultable à Pau.Les dépositions favorables ou non au prévenu,les événements et les documents saisis versés,représentent un large éventail.Les principaux éléments contenus dans ce dossier de la Cour de Justice de Lot et Garonne feront l’objet d’une publication dans ce blog , par thème et au fil de l’eau.
Ce premier billet s’intéresse aux relations entre l’ancien procureur de la République de Bayonne et des militants du Parti Populaire Français. Selon le réquisitoire définitif, « Le sieur Roubertie a d’autre part ,depuis 1942,entretenu avec le P.P.F. et la Milice des relations si étroites qu'il a été considéré par beaucoup comme membre sinon comme chef de ces partis.Il est représenté notamment dans un rapport de police figurant au dossier comme ayant constitué avec le P.P.F une police dont il était le chef et qui recherchait surtout les membres de la Résistance.Il n'est pas inutile de noter que suivant une expression de Roubertie lui-même ,le P.P.F. était devenu à Bayonne en 1944 une sorte de police auxiliaire allemande.
Roubertie recevait journellement, à son bureau les Chefs du P.P.F. .Il se rendait parfois au siège de ce parti, ou au bar tenu par l'un d'entre eux (Chxxxx) recevait parfois les membres de ce parti à son domicile particulier, s'exerçait au tir au revolver au stand du P.P.F,achetait des grenades allemandes aux membres du P.P.F. qui en détenaient.Il était si intimement mêlé à l’action et aux responsabilités des chefs du P.P.F. que lorsque ceux-ci le 20 août 1944, décidèrent de gagner l'Espagne à la suite de l'assassinat d'un d'entre eux(1),ils firent prévenir Roubertie pour que celui-ci se joigne à eux.Après avoir réfléchi une nuit,Roubertie refusa,mais parut le regretter huit jours plus tard,au moment de son arrestation. »
(1) Gaston Pialloux abattu par des inconnus le 18 août 1944.
La défense de Roubertie
A un peu moins de la moitié de la durée de la détention préventive de Roubertie ,son avocat s’est adressé au juge d’instruction. « Monsieur Roubertie qui est accusé d’avoir eu des relations avec le P.P.F. a intérêt à prouver qu’il a toujours poursuivi les membres de cette organisation,lorsqu’ils avaient commis des infractions.
C’est ainsi 1°/Que le sieur DESVEAUX,secrétaire du P.P.F. personnage important poursuivi ,malgré les interventions P.P.F. et allemandes pour abus de confiance fin de l’année 1943 ou début 1944 et condamné à deux ans de prison.
2°/ « le sieur Pxxx,commerçant à Urt près de Bayonne poursuivi pour recel et placé sous mandat par le juge d’instruction a fait intervenir auprès de Monsieur Roubertie le Maire de Urt,docteur en médecine.Celui-ci était accompagné de monsieur Pialloux.Leur insistance fut telle que Monsieur Roubertie fut obligé de les congédier.Le Maire d’Urt écrivit le lendemain une lettre d’excuse pour sa démarche »
J’ai l’honneur de vous demander de faire entendre Monsieur Axxxx,actuellement substitut à BayonneQui est au courant des poursuites qui furent intentées contre Desveaux et des démarches de Pialloux et du Maire d’Urt dans l’affaire Pxxxx.
Au surplus l’on doit retrouver la lettre du maire dans le dossier Pxxxx.
Veuillez agréer… »
Affaire Desveaux ou Despaux ?
Aucune trace écrite relative à un dénommé Desveaux n' a été retrouvée.En revanche,les
archives du Tribunal d’instance de Bayonne renvoient à deux délits d’abus de
confiance à l’encontre de Georges Maximilien Despaux.Lequel, sera condamné par
défaut à 2 ans de prison par la Cour d’appel de Bordeaux.(AD 64 Bayonne 1027 W Art 256 _93 et 94).Enfin Despaux,a été une plume dans un hebdomadaire du Parti Populaire Français .(AD 64 Pau 30 W Art 42)
Desveaux et Despaux sont deux patronymes quasiment homophones .A
quel moment et pour quelles raisons, le P.P.F et les Allemands auraient marqué
une opposition dans le cadre des poursuites engagées contre Despaux ?Les
présences de Lesgourgues chef du Service d’Ordre du P.P.F à Bayonne et de deux
agents de la Gestapo à l’audience publique du tribunal (27 janvier 1944) soulèvent des questions.
(Déposition de Georges Despaux 02 juin 1945_AD 64 Pau 30 W Art 42). Que venaient-ils faire? Curiosité? Ou prélude à l'arrestation qui sera opérée par les allemands le 1 er février 1944?.Les
jugements seront rendus
par le tribunal de Bayonne le 3 février 1944.Les raisons de l’arrestation et de la
déportation à caractère politique sont encore obscures à ce jour.
On peut supposer que le cas Despaux a fait l’objet de discussions informelles entre Roubertie,le P.P.F. et les Allemands.Ces parties étrangères à la procédure ,auraient-elles eu connaissance à l’avance des peines qui seront prononcées par le tribunal de Bayonne ?Le dossier de la Cour de Justice de Lot et Garonne n'apporte pas de réponse à ce sujet.
Le docteur Caplong,maire d’Urt - Gaston Pialloux
« C'est moi, qui, peu de temps avant la libération ai assisté à la visite qui fut faites par le docteur CAPLONG ancien Délégué régional P.P.F. accompagné de PIALLOUX ,Chef du Groupe d'Action P.P.F. qui fut abattu peu de jours après ;à M.ROUBERTIE.Plus exactement je les ai vu entrer dans le Cabinet de M.ROUBERTIE.
Comme à cette époque je me renseignais le plus possible sur les allées et venues constantes des membres du P.P.F. et des organes collaborateurs au Tribunal,où ils venaient rendre de longues visites à M.ROUBERTIE, je me suis arrangé pour savoir le motif de la visite du Dr CAPLONG et de PIALLOUX.
M.ROUBERTIE n'a fait aucune difficulté pour me l'indiquer et au contraire il a tenu à me faire connaître publiquement les raisons de cette visite .
Le Docteur CAPLONG et PIALLOUX étaient venus intercéder auprès de lui en faveur d'un commerçant d’Urt nommé Pxxx, inculpé de recel qui avait fait intervenir à l'époque le P.P.F. et qui,après la libération fit intervenir dans la même affaire le Comité de Libération Nationale ,le parti socialiste, etc. M.ROUBERTIE manifesta hautement qu'il ne donnerait pas suite à cette intervention bien qu'elle émanat du P.P.F. Son attitude était d'ailleurs conforme à l'intérêt de la Bonne administration de la Justice, je peux le dire d'autant mieux que j'instruisis l'affaire Pxxx.
Certains de mes collègues et d'autres personnes présentes ont simplement observé qu'il était regrettable que M.ROUBERTIE n'ait pas toujours eu la même attitude d'indépendance et je crois me souvenir qu'un des assistant remarqua ensuite : « On voit bien que le vent tourne »
Il est d'ailleurs équitable de reconnaître que si M.ROUBERTIE a eu avec les autorités allemandes et les organes collaborateurs des relations profondément regrettables qui paraissent avoir souvent tourné à la collusion, il a eu parfois dans certaines affaires et dès son arrivée une attitude plus indépendante .
En raison de son caractère personnel et impulsif il était toujours difficile de prévoir quelles seraient ses réactions
Je ne sais rien de l'affaire DESVEAUX.Lecture faite persiste et signe
23 octobre 1945 déposition de Ralph Lepointe Vice-Président du Tribunal de Bayonne
Déposition du 24 juillet 1945 de Pxxxx Jean négociant _AD 64 Pau 30 W Article 35 dossier Caplong
L'année dernière j'avais été inculpé le 26 juillet dans une affaire de vol et de recel de sacs des salines. Comme je craignais d'être arrêté j'avais essayé d'obtenir un sursis de cette arrestation parce que c'était le ramassage du blé et que j'étais collecteur.
J'ai demandé au Docteur CAPLONG d'aller trouver le Procureur de la République
pour essayer d'obtenir un sursis.A ma connaissance le Docteur CAPLONG n'avait
pas de relations particulières avec M.ROUBERTIE et je me suis adressé à lui en
tant que maire pour faire une démarche officielle.Par ailleurs comme mon père
connaissait Mme PIALLOUX,je suis allé la trouver pour lui demander de faire
intervenir son mari auprès de M.ROUBERTIE.Je n'ai pas demandé au Docteur CAPLONG
de
s'adresser à M.PIALLOUX.
Lecture faite persiste et signe
Déposition du 17 juillet 1945 de Caplong Bernard
DEMANDE
Est-il exact que vous soyez intervenu ou que vous auriez fait intervenir le nommé PIALLOUX auprès du Procureur ROUBERTIE à l'occasion des poursuites correctionnelles dont le nommé Jean Pxxx a été l'objet.?
RÉPONSE
Jean Pxxx devant être incarcéré pour l'affaire des sacs des salines vint me chercher le jour même à URT pour me prier d'obtenir du Procureur une mise en liberté sous caution.Cette liberté me paraissait nécessaire parce que Monsieur Pxxx était collecteur pour 14 communes et qu'il était seul à connaître la comptabilité de la collecte.Comme je ne connaissais pas Monsieur ROUBERTIE Monsieur Pxxx m'a offert de me faire présenter par Mr PIALLOUX qui était marié avec une Urtoise .L'entretien fut à ce point cordial que non seulement il me refusa ce que je lui demandais et me traita de saboteur, je lui répondis qu'il ne se permettrait pas de me traiter ainsi si nous étions dans la rue et je partis sans le saluer en le laissant dans son cabinet avec M.PIALOUX
Lecture faite persiste et signe
Complément du Blog
Le registre d'écrou de la maison d’arrêt de Bayonne associe Pxxx J demeurant à Urt arrêté le 26 juillet 1944 N° d’écrou
N°479 mis en liberté provisoire le 24 aout 1944? à trois autres prévenus
Mxxx J demeurant à Urcuit arrêté le 10 juillet 1944 N° d’écrou 436 mis en liberté provisoire le 24 aout 1944
Lxxx L demeurant à Urt arrêté le 10 juillet 1944 N° d’écrou 437 mis en liberté provisoire le 24 aout 1944
Axxx M demeurant à Urt arrêté le 26 juillet 1944 N° d’écrou 476 mis en liberté provisoire le 24 aout 1944
En guise de conclusion provisoire
Sources
Articles du blog
Remerciements
A l'équipe du Centre des Archives contemporaines des AD 47.
Aux personnes avec qui j'ai été en contact,et qui cherchent des éclaircissements sur un parcours de vie.
Autres extraits du dossier de la Cour de justice de Lot-et-Garonne
AD 47 -1738 W 81- Dossier N°837
publiés dans le blog Retours vers les Basses-Pyrénées
Bayonne:Mgr Vansteenberghe entre le 14 mars et 10 décembre 1943
Contenu N°3
Contenu N°6
Dessins de presse jugés obscènes par Marcel Ribeton,refus des autorités allemandes de censurer,
Bayonne 19 mai 1944 - 06 juin 1944