Pau,le 29 aout 1831
LE CONSEILLER -D’ÉTAT, PRÉFET
DES BASSES- PYRÉNÉES
A MM.LES SOUS-PRÉFETS, MAIRES ET COMMISSAIRES DE POLICE
DU DÉPARTEMENT
L’orthographe de l’époque a été respectée.
Messieurs,
Dans un avis délibéré par le conseil
supérieur de santé, il a été établi que des vêtemens et effets provenant des personnes mortes du choléra-morbus
sont entrées dans le commerce de la friperie, et que la difficulté de vendre ces
effets sur les lieux où leur origine est connue, a pu contribuer à les faire
transporter jusque dans les pays les plus éloignés. D’après cet avis ,S.E..le Ministre
du commerce et des travaux publics a proposé au Roi d'interdire l'entrée dans
le royaume de tous les effets d'habillement qui constituent le commerce de
friperie ;et cette interdiction a été prononcée par l'art.1er de
l'ordonnance royale, du 10 de ce mois,
ainsi conçu
« L'entrée du royaume par les
frontières de terre et de mer, est interdite à tous les effets d'habillement
vieux ou même simplement supportés, constituant le commerce de friperie,
ainsi qu'aux garnitures de lits et aux fournitures des hôpitaux, casernes,
camps et lazarets._ Sont exceptés de cette prohibition absolue, les hardes,
vetemens et effets appartenant aux voyageurs, donc ils devront suivre le sort,
pour être admis comme eux à libre pratique, ou soumis aux purifications
prescrites par les règlements de quarantaine. »
Par effets d'habillement supportés,
dit Son Excellence, on entend, dans le
langage des douanes, ceux qui ont été portés qui ne sont pas tout à fait vieux ;
l'interdiction s'applique au linge de corps supporté, tels que chemises,
caleçons, mouchoirs, cravates, bas et chaussettes ; au linge usé pouvant
servir aux pansemens ou à la fabrication du papier, et connu dans le commerce
sous le nom de drilles ; aux chiffons et vêtemens supportés en laine,
soie ou fil ; aux fourrures pouvant avoir servi, telles que palatines,
pelisses, manchons, chancelières, bottes fourrées, etc. ; et elle est ,de plus,
comme on vient de le voir, expressément étendue par l'ordonnance, aux
garnitures de lit et aux fournitures des hôpitaux, casernes, camps ou lazarets.
Le danger que présentent ces objets a
été reconnu par plusieurs Gouvernements, qui en ont défendu l'importation dans
leurs États, sous les peines les plus sévères. Il importe d'autant plus de leur
fermer également l'entrée du royaume que leur commerce de friperie est d'une
très faible importance.
Quant à l'exception en faveur des
hardes et vêtements appartenant aux voyageurs, les règles du régime sanitaire
déterminent, dans chaque cas, le traitement que doivent subir ces objets.
D’une autre part, le choléra-morbus
ayant éclaté en divers lieux à la suite de ballots de chanvre et de lin
provenant de pays infectés par cette maladie, on a pensé qu'on ne devait
permettre l'importation de cette marchandise qu'avec certaines précautions ;
elles imposeront au commerce un retard de quelques jours ; mais cet
inconvénient ne serait être mis en balance avec les conséquences funestes que
pourraient entraîner l'absence de ces précautions. Ces considérations ont
motivé l'article de l'ordonnance dans le texte suit :
« Les chanvres et lins provenant des pays du Nord, ne seront
admis dans nos ports qu'après que les ballots auront été débarqués dans les
lazarets établis, ou dans les lieux consacrés provisoirement à cet usage, qu’ils
y auront été ouverts, et que leur contenu aura été soumis à la ventilation
pendant le nombre de jours déterminé par l'intendance ou la commission
sanitaire. Les personnes employées au transport desdits ballots, et celles qui
auront été chargées de leurs purifications, ne seront admises, à libre pratique,
qu'après avoir été séquestrées pendant le même espace de temps. »
Quoique l'exécution de l'article 1.er
concerne particulièrement les préposés des douanes, je m'empresse, suivant les
intentions du ministre, de recommander à tous les fonctionnaires et agens de
l'administration, placés sous mon autorité,d’y concourir par tous les moyens
d'action qui sont en leur pouvoir ; et je dois d'autant plus compter à cet
égard sur le zèle et la vigilance de chacun de vous, Messieurs, et surtout des Sous-préfets,
Maires et Commissaires de police des arrondissemens et communes situés sur la
frontière de terre et sur le littoral, que la moindre infraction à la mesure
salutaire prescrite par l'ordonnance, exposerait le pays à l'invasion du
terrible fléau quelle a pour objet de repousser.
Je réclame au besoin le même
concours pour l'exécution de l'article 2, spécialement confiée aux
administrations et agens sanitaires.
Recevez, Monsieur, l'assurance de ma
considération distinguée.
Vicomte DE BEAUMONT
Source :
Pôle d’archives de Bayonne et du Pays basque,
Annexe des Archives départementales des Pyrénées-Atlantiques
39 Avenue Duvergier de Hauranne,
64100 Bayonne,
Bibliothèque (consultation sur place uniquement)
BIB BAB 1.article 1831
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