Bayonne:Mgr Vansteenberghe entre le
14 mars et 10 décembre 1943
AD 47 -1738 W 81- Dossier N°837
Contenu N°2
Dimanche 14 mars 1943,en la cathédrale Sainte-Marie de Bayonne ,Mgr Vansteenberghe a prononcé un sermon évoquant la
fleur de la jeunesse ,qui ne demandait qu'à travailler pacifiquement
sur son sol,(...) est arrachée pour être à son tour déportée en pays
lointain".
La parole discordante de l’évêque a porté au delà de la cathédrale.
Le dossier de l'ancien procureur de la République de Bayonne,devant la Cour de justice de Lot et Garonne, aborde cette affaire.
L’évêque décèdera subitement le 10 décembre 1943.Des militants bayonnais du Parti Populaire Français lui garderont du ressentiment ,comme en témoigne cet extrait d'un article de Ralph Soupault dans le journal Le cri du peuple de Paris N°1.183 Jeudi 13
juillet 1944_Vendredi 14 juillet 1944.
La France de Doriot
Avec les militants de Bayonne-Biarritz
« Têtes froides et cœurs chauds »
« J'apprends à connaître l'humour très particulier de nos amis qui n'hésitèrent un jour à inscrire sur les murs de la cathédrale, dont l'évêque s'était trop distingué par un zèle un peu stalinien « Camarades et sympathisants communistes, venez tous dimanche au sermon du camarade évêque qui vous donnera les dernières directives de Moscou . »
Déposition faîte par le Père Fxxx,demeurant à Bayonne,Couvent des Capucins,recueillie le 4 octobre 1944
« Au mois de mars dernier Monseigneur l’Évêque de
Bayonne fit un sermon contre la déportation en Allemagne.Le lendemain,je
rencontrai M.ROUBERTIE,qui vint à moi pour me dire combien il était écœuré
,indigné et que tout Bayonne était
scandalisé du sermon de la veille.Lorsqu’il eut bien parlé,je pris la
défense de Monseigneur et de la doctrine qu’il avait adoptée.Je sus que
M.ROUBERTIE avait interprété ma défense de l’Évêque comme un acte de
gaullisme.A Lourdes,Monseigneur CHOQUET évêque de cette ville ,m’apprit que
M.ROUBERTIE avait voulu faire arrêter l’évêque de Bayonne à
cause de ce sermon contre la déportation.(…) ».
Explications données par Roubertie 15 novembre 1944
« Les déclarations du père Fxxx sont inexactes et tendancieuses.Voici un résumé de ces faits.J’ignorais le discours qu’avait pu prononcer l’évêque de Bayonne en mars 1943.Le lendemain matin,je fus mis au courant par les journalistes,notamment M.Jxxx de la Gazette et plusieurs autres personnes,de l’attitude prise par l’évêque contre les mesures édictées par le Gouvernement Français pour la relève.L’évêque de Bayonne avait ému les familles en disant notamment qu’en Allemagne on endoctrinait les jeunes gens et qu’ils n’auraient pas la faculté de pratiquer leur culte.Ce sont là des contres vérités absolues,la liberté de culte étant entière et les associations pieuses étant tolérées.Les déclarations de l’évêque de Bordeaux sont absolument contraires à celles de l’évêque de Bayonne.Devant un incident qui avait soulevé une telle émotion ,il était de l’exercice de mes fonctions de faire une enquête et d’en transmettre les résultats à mes chefs de Cour.Je charge donc,non pas le Commissaire de Police mais le Commissaire aux renseignements généraux (ce qui indique bien qu’il s’agissait uniquement d’avoir des renseignements) de me donner tous renseignements sur cette affaire.Je reçu peu après un rapport accompagné d’un résumé du discours donné par le secrétariat de l’évêché.J’ai fait un rapport à ce sujet au Parquet Général de Bordeaux.Il existe à ce sujet un dossier à mon Parquet où se trouvent toutes les pièces car il eu,du temps de l’ancien évêque trois affaires le concernant.Je serai désireux que ce dossier soit versé intégralement dans le mien ;on y verra que,non seulement ,je n’ai jamais eu dans l’esprit l’idée absurde de faire arrêter l’évêque ,mais qu’alors les services de PAU (information) demandaient des poursuites pour une affaire de presse,j’ai insisté pour un classement,idée à laquelle on a fini par se rallier.J’ai estimé qu’un évêque était un citoyen comme un autre,n’ayant pas le droit de combattre en chaire ,des mesures gouvernementales.Je n’ai fait que suivre en cela ,les doctrines de séparation des pouvoirs qui sont l’essence même des principes républicains.Les Allemands avaient pris l’incident au tragique ;je m’en suis entretenu avec M.de WALLWITZ,de la Kommandantur,capitaine attaché au Général et je lui ai facilement démontré qu’une action contre l’évêque serait impolitique,particulièrement en pays basque.J’ai su par M.BONNELLI,attaché consulaire d’Italie,que l’incident avait été porté au Vatican.
J’ai toujours considéré que le père Fxxx m’était très hostile parce que je ne fréquente pas l’église et parce que ;le supérieur des capucins de Bayonne,muté depuis,ayant eu son frère poursuivi pour vol d’un portefeuille à Cambo,j’avais refusé de classer l’affaire,malgré les démarches du dit supérieur.
Déposition 17 mai 1945 Moreau Franck,avocat au barreau de Bayonne,Président du Comité de Libération à Bayonne.
J’avais appris de façon certaine que M.ROUBERTIE,alors procureur de la République,avait établi un rapport contre Mgr VANSTERBERGHE,évêque de Bayonne,à la suite du courageux discours que ce prélat avait prononcé à la Cathédrale au cours duquel il avait protesté contre les déportations.
Il m’avait été indiqué que M.ROUBERTIE voulait faire arrêter Monseigneur VANSTERBERHE.J’étais immédiatement allé voir l’Évêque de Bayonne auquel j’avais fait part de mes renseignements.Je dois dire que Monsieur VANSTERBERGHE n’en avait été nullement troublé,avait gardé toute sa sérénité et était prêt à supporter les conséquences des paroles par lui prononcées.
Il était de notoriété publique que M.ROUBERTIE faisait preuve de la plus grande animosité contre M.VANSTERBERGHE par suite de l’attitude nettement française de cet évêque.
Déposition du 26 mai 1945 de Georges Choquet,évêque de Tarbes et Lourdes
J'ignore complétement si le Procureur de la République de Bayonne a eu l'intention de faire arrêter Mgr Vansteenberghe.J'ignore tout de cette affaire.
Tout ce que je puis dire c'est que j'ai fait l'oraison funèbre de mon confrère et que j'ai fait allusion à certaines difficultés qu'il aurait eues avec l'armée d'occupation .
Mgr ne m'a fait aucune confidence au sujet des difficultés qu'il a pu avoir avec M. le Procureur de la République, difficultés dont j'ai vaguement entendu parlées par la rumeur publique.
lecture faite persiste et signe avec nous et le greffier
Déposition 5 juillet 1945 Dxxxx Suzanne sténo au Parquet-Palais de Justice.
« M.ROUBERTIE a été procureur à Bayonne d’août 1941 à aout 1944-pendant toute cette période où il a dirigé le Parquet de Bayonne il n’a cessé de croire et de souhaiter la victoire allemande et de manifester des sentiments favorables à la collaboration.
Il manifestait ses sentiments soit à l’occasion des articles de presse,soit à l’occasion des affaires locales.Il se réjouissait publiquement des victoire allemandes.J’ai l’impression d’ailleurs que M.ROUBERTIE considérait les Allemands comme seuls capables d’arrêter le communisme et que c’est pour cette raison qu’il souhaitait leur victoire.C’est ainsi qu’il a déclaré un jour au secrétariat que si la route de Berlin était coupée,malgré son age,il s’engagerait pour la défendre.Il était très partisan de la relève et aurait voulu que les français partent en masse pour activer le retour des prisonniers.
Mgr l’Évêque de Bayonne ayant prononcé un sermon à l’occasion du départ en Allemagne de la classe 42 dans lequel il s’élevait clairement contre ce départ et contre toute idée de collaboration avec les allemands,M.ROUBERTIE fit tout son possible pour sinon le faire arrêter du moins le faire déplacer.Les Allemands avaient d’ailleurs refusé de l’arrêter pour ne pas en faire un martyr aux yeux de la population.Lorsque Monseigneur mourut subitement quelque temps après,M.ROUBERTIE en nous apprenant la nouvelle au Secrétariat déclara « le camarade Évêque (1) est mort les communistes de la ville sont en deuil. » (…) »
(1) L’expression « camarade
évêque » a été utilisée dans l'article Ralph Soupault (Le cri du peuple de Paris N°1.183 Jeudi 13
juillet 1944_Vendredi 14 juillet 1944.)
Déposition du 06/07/1945 de Ralph Lepointe Vice- Président du Tribunal
(…) Tour à tour ,j'ai personnellement_terme manquant_ celui-ci déclaré que le plus beau jour de sa vie serait celui de la défaite complète des anglo-américains ; qu’en cas de débarquement il prendrait un fusil pour s'opposer ;et qu'il fallait fusiller l'évêque lequel ,avait dans un prône ,parlé des travailleurs et employé le mot « déportés » que les révolutionnaires espagnols avaient bien fait de brûler leurs religieuses,etc,etc …On n’en finirait pas de reproduire des propos de pareilles espèces qui ont été quotidiennement tenu au Parquet(...)
Pour en savoir davantage
Le site internet Les Basses-Pyrénées dans la Seconde Guerre mondiale a mis en ligne le texte du sermon prononcé le 14 mars 1943 par l’évêque de Bayonne rs partant en Allemagne.La fiche matricule militaire d'Emile Roubertie ,accessible sur le site internet des Archives départementales de la Haute Vienne ,nous apprend deux choses:
Avant de bifurquer vers le droit,il a été étudiant ecclésiastique.
Il a été prisonnier de guerre du 29/8/1914 au 22/7/1917.